Algérie

MOHAMED KHEMISTI , ALLAH YARAHMOU



MOHAMED KHEMISTI , ALLAH YARAHMOU
Mohamed Khemisti est né le 11 août 1930 à Maghnia, dans la wilaya de Tlemcen, au sein d’une famille de classe moyenne. Après avoir terminé sa scolarité primaire dans sa ville natale, le jeune Mohamed obtient son certificat d’études en 1946. Il poursuivra ses études secondaires dans la ville de Tlemcen. C’est à ce moment-là que Mohamed Khemisti décide de se rendre en France où il retrouve son frère Abdeldjebbar qui lui trouve du travail dans un bureau d’études à Toulon. Quelques mois plus tard, il retourne en Algérie et s’inscrit au lycée Pasteur d’Oran. Après avoir décroché le baccalauréat en mathématiques, il se retrouve quelque temps au chômage puis effectue de petits boulots sur des chantiers de construction afin de pouvoir se payer des études universitaires en France. Ce qu’il fait. Il choisit de s’inscrire à la faculté de médecine de Montpellier (France) durant la période universitaire 1952-1953 avant d’opter pour la faculté de droit, à la demande du FLN. Suivant les pas de son père, qui militait à Saïda au sein des Amis du manifeste algérien créé par Ferhat Abbas, il adhère au mouvement national révolutionnaire en compagnie d’un certain Ahmed Medeghri. Lors du déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954, Mohamed Khemisti milite à l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) dont il préside le congrès qui a lieu du 24 au 30 mars 1956 à Paris.
Après le mot d’ordre de grève générale lancé par le FLN le 19 mai 1956, il est arrêté le 12 novembre 1957 à Montpellier et transféré à la prison Barberousse d’Alger (Serkadji) où est déjà incarcéré son frère Mekki. En prison, il écrit un livre sur sa vie et les conditions de son incarcération. Le manuscrit lui sera confisqué puis détruit. Il est libéré en 1960 et se rend en Suisse déguisé en prêtre. Sur place, il est chargé par Abderrahmane Fares de l’organisation des réseaux de collecte de fonds en Europe au profit du FLN et joue un grand rôle dans la création de l’équipe combattante de football du FLN composée de joueurs évoluant dans le championnat de France.
C’est au printemps 1955 que la Fédération de France du FLN commence à structurer ses bases en France en commençant par l’organisation du mouvement estudiantin dans le cadre de l’UGEMA. Après avoir mis en place la Fédération en juillet 1955, lui et ses compagnons s’empressent de créer une section au sein de leur université dont il devient le président. Après quoi, la section participe aux grèves du 20 janvier 1956 contre les cours et de la faim en protestation contre les campagnes d’oppression du colonialisme et en organisant des débats autour la cause algérienne à Montpellier. Khemisti préside le deuxième congrès de l’UGEMA du 24 au 30 mars 1956 où il est élu secrétaire général aux côtés du nouveau président, en l’occurrence Mouloud Belahouane. Le président du congrès affirme que la priorité revient à la question politique en déclarant : «Les étudiants musulmans algériens déracinés de leur souche après avoir été atteints dans leur personnalité et privés de leur langue et de leur passé demandent en premier lieu le droit à leur identité, d’avoir droit à l’enseignement de leur langue et le retour à leurs origines culturelles. Avant tout, notre cause est une affaire de liberté et de souveraineté qui prime sur tout.»
Après la tenue du congrès, Mohamed Khemisti est emprisonné par les autorités françaises à la prison de la Santé à Paris puis transféré vers l’Algérie où il est maintenu à la prison d’El Harrach. Il y rencontre des responsables du FLN, notamment Rabah Bitat, alors premier responsable de la Wilaya IV. Lorsque celui-ci est transféré en France en 1958, c’est Mohamed Khemisti qui le remplace. Ce qui pousse les autorités françaises à l’incarcérer à la prison des Beaumettes (Marseille) où il bénéficie, quelques jours plus tard, d’une mise en liberté provisoire. Après sa libération, il quitte la France pour la Suisse (Lausanne) où il poursuit des études en économie politique. Le 19 mars 1962, Mohamed Khemisti entre dans le monde politique en intégrant le comité exécutif provisoire, plus connu sous le nom de gouvernement de Rocher-Noir (Boumerdès), dans le groupe de Belaid Abdesselam, à l’époque responsable des affaires économiques, puis en tant que directeur de cabinet du président du Gouvernement provisoire, Abderrahmane Fares.
Le 20 septembre 1962, il est élu député à l’Assemblée nationale constituante en tant que représentant de la ville de Tlemcen puis le 27 septembre 1962, il est désigné ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement algérien. Il assiste en 1963 à une rencontre des ministres des Affaires étrangères du Maghreb tenue à Rabat puis accompagne le président Ahmed Ben Bella à New York à l’occasion de la tenue d’une session de l’ONU au cours de laquelle devait être présentée la candidature de l’Algérie en tant que membre à part entière des Nation unies. A la fin du mois de mars 1963, il accompagne Houari Boumediene, à l’époque vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, dans une tournée en Egypte et au Moyen-Orient. Revenu exténué de sa mission, Khemisti projetait de prendre quelques jours de congé pour se reposer en compagnie de sa famille. Le jeudi 11 avril 1963, à l’issue d’une réunion au siège de l’Assemblée nationale regroupant les membres du gouvernement et les députés, Mohamed Khemisti est assassiné sur le perron de l’édifice du Palais Zighoud-Youcef, au moment où il allait rejoindre son épouse, Fatima Mechiche, députée, veuve du colonel Lotfi, qui l’attendait dans la voiture. Il est alors hospitalisé dans un état critique et décède le 4 mai 1963. Les obsèques se déroulent en la présence de nombreuses délégations étrangères, dont le président égyptien Djamel Abdenasser. Dans le discours prononcé le 20 avril 1963 au siège de la Wilaya d’Oran, le président Ahmed Ben Bella déclare : «Je peux vous dire que l’enquête a démontré qu’il n’y a rien derrière cet acte, et que la révolution continuera même si Khemisti venait à mourir.»
Certes, on appréhende le criminel présumé qui est présenté devant la justice avant qu’il ne soit examiné par M. Belmiloud, docteur psychologue qui finit par conclure que l’assassin, le dénommé Zenati, est une personne maniaque et que le mobile n’était pas politique mais de droit commun.
A l’occasion du 50e anniversaire de la mort du colonel Lotfi, sa veuve, Mme Fatima Méchiche, est revenue sur cet assassinat non encore élucidé de l’histoire de l’Algérie indépendante. Pour Mme Méchiche, la plaie est encore ouverte et le souvenir toujours vivace de ce douloureux événement. Pour elle, ni le temps ni le poids de l’âge, encore moins les deux épreuves qu’elle a subies (la mort de Lotfi puis la disparition du brillant diplomate) n’ont pu cicatriser sa souffrance et altérer sa volonté de connaître la vérité. La voix entrecoupée de sanglots, elle continue à dénoncer ce qu’elle appelle la version officielle des faits présentée par l’ancien régime qui s’obstine à accréditer, dit-elle, la thèse «de l’assassinat du ministre des Affaires étrangères pour un mobile de droit commun».
Au jour d’aujourd’hui, cet horrible crime reste inexpliqué et le mystère reste entier sur les mobiles de cet acte, le premier contre une personnalité politique algérienne postindépendance.


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