Algérie

Mohamed-Khaled Belabbas: du bleu français au vert algérien Ancien champion de France sur 3000 mètres steeple, Mohamed-Khaled Belabbas n’a jamais réussi à se faire une place dans la sélection tricolore. Pour s’assurer de participer aux JO de Londres, cet athlète franco-algérien a décidé de courir pour le pays de ses parents.



Mohamed-Khaled Belabbas: du bleu français au vert algérien Ancien champion de France sur 3000 mètres steeple, Mohamed-Khaled Belabbas n’a jamais réussi à se faire une place dans la sélection tricolore. Pour s’assurer de participer aux JO de Londres, cet athlète franco-algérien a décidé de courir pour le pays de ses parents.
Mohamed-Khaled Belabbas à Villejuif ©Stéphanie Trouillard

Une violente averse vient de s’abattre sur le stade Louis Dolly de Villejuif. Quelques courageux trempés jusqu’aux os courent sur la piste synthétique. Casquette sur la tête et K-way sur le dos, Mohamed-Khaled Belabbas s’est équipé, mais il préfère finalement renoncer à son footing du soir.

Aucune éclaircie n’est visible à l’horizon et il a déjà bien transpiré le matin. Sans entraîneur à ses côtés, l’athlète décide en solo de son programme. À quelques semaines des Jeux Olympiques de Londres, il se prépare dans son coin.

«C’est un peu solitaire l’athlétisme, surtout quand on fait du haut niveau», explique le sportif âgé de 30 ans. Mohamed a l’habitude de vivre sa passion à l’écart. Depuis des années, il se sent un peu seul contre tous. A l’abri dans un petit local du club d’athlétisme de Villejuif, entre deux rangées de haies et quelques vieux trophées oubliés, il raconte son histoire. Celle d’un coureur qui a toujours rêvé de faire les Jeux Olympiques, mais qui a dû changer de maillot pour y arriver.

Le rêve brisé de Pékin

Champion de France sur 3000 mètres steeple en 2007, le sportif pensait avoir toutes ses chances d’aller à Pékin l’année suivante. En juillet 2008, quelques semaines avant les Jeux, il réalise les minima olympiques de cette course d’obstacles au meeting d’Athènes. Mais sa qualification n’est pas encore assurée. Dans l’équipe de France, les places sont chères. Meilleur performeur national et européen, Bouabdellah « Bob » Tahri est déjà préselectionné. Il reste deux places et trois concurrents s’opposent: Mahiedi Mekhissi-Benabbad, Vincent Zouaoui-Dandrieux et Mohamed. Pour les départager, la fédération décide de se baser sur les résultats des championnats de France.

Une compétition qui restera gravé longtemps dans la mémoire du coureur de fond:

« Quand on est arrivé sur place, ils ont commencé à changer les règles, comme quoi il ne restait plus qu’une place et que cela se jouait entre Mekhissi et moi. Ils avaient présélectionné Vincent Zouaoui alors qu’il n’avait pas de statut ».

Il ne reste plus qu’un ticket pour la Chine. En finale Mekhissi l'emporte devant Belabbas. Le représentant de Villejuif ne verra pas le Nid d’Oiseau de Pékin. Quatre ans après, il est toujours très amer:

«Je le prends comme un vol, on m’a volé ! J’ai tout fait pour me qualifier, mais je n’ai pas pu m’exprimer comme je voulais, ils ont tourné leur sauce à leur envie.»

"Ils", ce sont les entraîneurs de la direction technique nationale. Sans mâcher ses mots, Mohamed les accuse d’avoir des préférences :

«Ils détestent voir les athlètes qui ne sont pas du milieu national réussir. Pour eux, ce sont toujours le fruit du dopage. En 2008, ils ont sali la médaille de Mekhissi (NDLR : vice-champion olympique) vu qu’ils ne s’entraînent pas avec eux. C’est mal vu d’être libre.»


Courir pour l’Algérie

Blessé dans son orgueil, le spécialiste du 3000 mètres steeple décide pourtant de ne pas baisser les bras. Depuis longtemps, une option lui trotte dans la tête. Né à L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, de parents algériens, il possède la double nationalité. À l’approche des Jeux de Londres, il n’a pas voulu revivre la même épreuve:

«J’ai 30 ans aujourd’hui, je ne vais pas encore me faire avoir. Je ne suis pas à l’abri de remplir les critères de sélections et qu’on me raconte encore une bêtise. J’ai préféré trouver un échappatoire et cela a été l’Algérie».

En août 2011, après avoir réussi les minimas olympiques, il annonce qu’il portera désormais les couleurs du pays de ses ancêtres. La fédération algérienne a accepté sa demande et son homologue française lui a accordé une lettre de sortie. « C’était un soulagement, j’ai l’impression pour eux comme pour moi », estime l’ancien bleu devenu vert.



Vidéo au meeting Areva 2011 au Stade de France

Au sein de l’équipe maghrébine, Mohamed n’a pas vraiment de concurrence. Il n’a pas besoin de lutter pour sa place en sélection, il sera bien du voyage à Londres. L’athlétisme algérien n’a pas encore trouvé de successeur à Laïd Bessou qui s’était qualifié pour les Jeux de Sydney. Son deuxième pays place donc de grands espoirs en lui.

«Quand je suis arrivé en Algérie cet hiver, j’avais l’impression que j’étais leur enfant. Le Directeur technique national est venu me chercher à l’aéroport. L’accueil est différent », raconte-t-il avec émotion. Le franco-algérien est aussi agréablement surpris par les conditions de préparation : «Je n’ai jamais autant été aidé au plan sportif. On a des bourses. On n’est pas à plaindre. On a le droit a quatre stages dans la saison et en France avec le niveau que j’avais, je n’en avais aucun».

En changeant de maillot, le natif de la région parisienne a aussi découvert une nouvelle équipe et une nouvelle ambiance.

«Quand on est à table des fois, ils m’appellent l’immigré. En France, on m’appelle aussi l’immigré. Des fois, on ne sait plus où on est. Mais c’est de la rigolade, ils me respectent ! », plaisante l’athlète. Mohamed n’est pas complètement dépaysé. Il connait bien le pays pour y avoir passé tous ses étés d’enfance dans sa famille à Mostaganem près d’Oran.

«Ma mère nous emmenait trois mois dans l’année, c’était quelque chose. L’école finissait fin juin et on ne rentrait pas avant fin septembre», se souvient-il. Des parents qui sont aujourd’hui très heureux de le voir courir pour leur pays d’origine :

«C’est un truc de fierté, malgré le fait qu’on a grandi en France. Ils sont aussi au courant de ce qui m’est arrivé en 2008.»

À Londres, l’ancien tricolore espère enfin tourner la page de Pékin. Dans sa tête, il est déjà plus libre :

«Avant cela dépendait de moi et de la fédération, cela faisait un double stress. Aujourd’hui, je respire quand je vais aux sports. Même si cela ne va pas à l’entraînement, je ne me pose plus de questions. Je vis autrement l’athlétisme».




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