L'expert financier
Mohamed Gharnaout a fait passer la parité du dinar au
détecteur «de tendance». Pour lui ? il y a bien eu
dévaluation à la fin de l'année dernière car le dinar a évolué à la baisse face
à la fois à l'euro et au dollar. Mais sur l'année ? il
n'aura fait que revenir au taux de change effectif ciblé. Dans les faits, il
pointe un ascendant de l'exécutif sur les décisions de la Banque d'Algérie, et une
complication due à l'inflation importée. Entretien.
Des importateurs
se sont plaints de la perte de valeur du dinar au début de l'année 2012 et le
président du FCE, Réda Hamiani,
a même parlé de dévaluation ce que dément le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui évoque une dépréciation. Comment a évolué la
parité du dinar vis-à-vis de l'euro et du dollar ces dernières semaines ?
Les importateurs
se sont plaints, à juste titre, de la perte de valeur du dinar car ils sont les
premiers à le sentir au moment du règlement de leurs importations. Officiellement,
le dinar est pondéré par rapport à un panier monnaies étrangères où l'euro et
le dollar représentent l'essentiel. Quand le dinar fluctue dans un sens par
rapport à une de ces deux monnaies, il fluctue dans le sens inverse dans
l'autre monnaie. En d'autres termes, quand le dinar s'apprécie par rapport au
dollar il se déprécie, automatiquement, par rapport à l'euro. C'est ce qu'on
appelle la fluctuation naturelle. Par contre, si le dinar s'apprécie ou se
déprécie par rapport aux deux monnaies en même temps, cela s'appelle une
réévaluation dans le premier cas ou une dévaluation dans le second. Or le dinar
a subi en décembre 2011 une dépréciation par rapport aux deux monnaies. Le taux
de change de fin de mois du dinar par rapport au dollar américain est passé de 74
à 76 dinars le dollar entre novembre et décembre et il est passé de 98 à 106
dinars l'euro sur la même période. Nous sommes bien face à une petite
dévaluation et M Hamiani a raison de l'évoquer. Ce
qu'il faut cependant préciser, c'est que le taux de change effectif réel, c'est-à-dire
la valeur du dinar qui intègre d'autres paramètres, notamment le différentiel
d'inflation avec la zone Euro et la zone dollar, lui est resté stable. Il
correspond au taux de change cible que la Banque d'Algérie a voulu rétablir en fin d'année.
Y a-t-il du point
de vue des forces de marché une raison pour que la valeur du dinar baisse vis-à-vis
de l'euro dans cette proportion ?
Une dévaluation, puisque
nous sommes dans ce cas, par essence ne résulte pas d'une force de marché mais
d'une décision de politique économique de la part des pouvoirs publics. Dans le
cas de notre pays, l'objectif des autorités monétaires reste la stabilité du
taux de change effectif réel, le plus souvent arrêté en accord avec le FMI. Pour
atteindre cette cible, il fallait donc mettre le taux de change du dinar au
niveau de son évolution réelle sur le marché domestique en 2011. Cette
évolution annonce donc une dépréciation par le fait des augmentations
extraordinaires des salaires intervenues durant l'année et le surcroît d'inflation
qu'elles ont provoqué. La dévaluation du dinar par la Banque d'Algérie se
justifie également par le fait que le dinar a connu une réévaluation durant le
premier trimestre de 2011.
Des commentateurs
affirment que le gouvernement fait pression sur la Banque d'Algérie pour
déprécier le dinar et rendre les importations plus chères, qu'en pensez-vous ?
Si on prend en
considération le fait que ces ajustements, à la hausse comme à la baisse, du
dinar se sont faits d'une manière sporadique, on peut déduire, effectivement, qu'il
s'agit de pressions extérieures à la
Banque d'Algérie. Ce qui conforte cette suggestion ce sont
les autres décisions de cette institution, en dehors de la gestion du taux de
change. Elle a délaissé quelque peu son objectif primordial de stabilité des
prix au profit de la relance économique par le biais de la promotion de
l'investissement puisqu'elle devait augmenter les taux d'intérêt débiteurs pour
prendre en considération l'inflation mais elle ne l'a pas fait. Si on ajoute à
cela le retour au financement monétaire du secteur public et le faible impact
de cette politique sur l'emploi, je dirais que la Banque d'Algérie est en
train de faire ce qu'on lui dit de faire. Cette illusion monétaire ne peut pas
durer indéfiniment. La récente dévaluation du dinar, en renchérissant de fait
les importations, va accélérer un peu plus l'inflation
Le renchérissement
des importations à cause de la dévaluation gêne la production et
l'investissement en Algérie. Êtes-vous pour un taux de change différencié selon
la nature de l'importation ?
Je ne suis pas
favorable à un taux de change différencié selon la nature de l'importation, c'est-à-dire
une sorte de taux de change multiple. Cela a été envisagé au temps du
gouvernement de Belaid Abdeslam,
mais jamais mis en Å“uvre. L'Iran l'a pratiqué un temps. Le FMI le déconseille. Cela
engendre des distorsions énormes qui seraient difficiles à gérer à long terme
et notamment en cas de choc économique comme ceux que le pays a connus en 2006
et 2008.
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Posté Le : 24/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane
Source : www.lequotidien-oran.com