Algérie

Mohamed et Tenaci, historien des Beni Ziane



Mohamed et Tenaci, historien des Beni Ziane
Mohammed ben Abd Allah ben Abd El Djelil El Kasri est né à Ténès et fut un docteur du plus grand mérite. Il connaissait le Coran par c?ur et s'était perfectionné dans tous les genres de la littérature musulmane. C'est de lui que veut parler Ahmed ben Daoud l'Espagnol (El Andaleuci) dans le passage où il dit : «Notre savant professeur, le docte et honorable imam, était doué d'une mémoire qui tient du prodige et dont les travaux littéraires ont fait école.»Abou AbdAllah ben el Abbâs le désigne par les épithètes d'illustre et savant maître. Il écrit même quelque part : «J'ai eu le bonheur d'assister, vers les dernières années de sa vie, à ses leçons d'arabe, de droit, de hadis (traditions) et d'exégèse coranique.» Es Senouci ne le cite qu'avec les expressions suivantes. «L'imam de Ténès (Et Tenaci) est le type de l'érudition musulmane, le modèle de la science, qui retenait si fidèlement dans sa mémoire le livre de la révélation et savait répandre les lumières de la vérité sur les questions les plus obscures.» Ibn Daoud nous apprend aussi qu'ayant été interrogé par quel qu'un sur le mérite particulier des docteurs de Tlemcen, il avait répondu : «La science est l'apanage d'Et Tenaci, la piété caractérise Es Senouci, et c'est à Ibn Zekri qu'appartient l'excellence du professorat.» Mohammed Et Tenaci avait fait ses études sous les professeurs les plus renommés tels que Ibn Merzouk, Kâcem et Akhâni Ibn el Imam, Ibn en Nedjar, Ibrahim et Tâzi et Ibn el Abbâs de Tlemcen. Son ouvrage le plus important est connu sous le titre de Nadhm eddoror ou'l eu'kiane fi daulet âl ziane (Le collier de perles et d'or vierge ou Histoire de la famille des Beni Ziane). Nous avons encore de lui un volume auquel il a donné le nom de Ed doboth ou Rah el arouah (L'orthographe arabe ou la récréation des esprits). Mais le traité dans lequel il a déployé une grande érudition est sa longue réponse à la question des juifs de Touat «Djouab motawel a'nmes'alet ïehoud Touat». Voici en quels termes l'imam Es Senouci s'exprimait sur le mérite de cette thèse : «N'est-on pas frappé de la justesse d'esprit, de la finesse de pénétration et de la foi sincère avec laquelle le cheikh et Tenaci a trouvé le joint de la question '» Au nombre de ses disciples les plus célèbres doivent être comptés Ibn Saâd, El Khatib Ibn Merzouk, Es Sebth, Ibn el Abbâs Es Seghir, Belkacem Ez Zouaoui et Abd Allah ben Djellal. Ce fut au mois de djoumad et tsanni de l'an 899 (mars 1494) que mourut cet historien éminent. La Bibliothèque impériale possède, sous le n° 703, ancien fonds, un exemplaire du Collier de perles et d'or vierge ou Histoire des Beni Ziane, mais ce manuscrit est incomplet et en mauvais état. Je crois faire un travail utile en donnant la notice d'après la copie qui ligure dans ma collection et sur la quelle on lit : copié dans le Maghreb en 1167 (1753 de J.-C.), par Abou Abbas ben Mohammed Es Sinï, de la tribu des Beni Senouss. Au folio 1, recto, l'auteur écrit en prose élégante et rimée l'éloge du prince régnant, Abou Abd Allah ben Abou Tachefin ben Abou Hammou, descendant des princes orthodoxes. Il laisse entrevoir le but de son livre dans un distique terminé par les mots : la noblesse de son sang vient d'Ali et de Fatma. Plus loin, il se prononce plus nettement en disant : «Je me propose de composer en son honneur un ouvrage digne des rois et essentiellement littéraire où seront démontrées sa généalogie et l'antiquité de sa race, un ouvrage qui illustrera sa noblesse et celle de ses aïeux.» Au verso, ligne 3, il établit la division des matières. «J'ai partagé, dit-il, mon travail en cinq livres : le premier livre en sept chapitres, le second livre en trois chapitres, le troisième livre en seize chapitres, le quatrième livre en huit chapitres et le cinquième livre en quatre chapitres.» - 1er livre : tableau de la généalogie du sultan Abou Abd Allah Mohammed et de l'antiquité de sa race, sa noblesse et celle de ses ancêtres, jusqu'au folio 63. - 2e livre : des qualités qui doivent caractériser un roi ; conduite qui convient à un souverain ; la justice est l'âme des vertus royales jusqu'au folio 124. - 3e livre : recueil d'anecdotes piquantes et de traits d'esprit empruntés à différentes nations jusqu'au folio 215. - 4e livre : exposé des beautés du langage arabe en vers et en prose jusqu'au folio 262. - 5e livre : traité de morale et de philosophie pratique jusqu'au folio 282. Le volume est terminé par un précis historique de l'origine du peuple arabe et par sept poèmes (kacidate) du sultan Abou Hammou, qui régnait à Tlemcen en 707 (1307-1308 ap. J.-C.). Il serait sans profit pour un orientaliste de chercher des renseignements nouveaux dans les six premiers chapitres du livre premier, car nous possédons aujourd'hui une histoire des Arabes complète, d'une coordination claire et parfaite et empreinte d'une judicieuse critique. Caussin de Perceval, à l'aide de matériaux épars et informes, est parvenu à reconstruire un monument antique et, pour parler sans métaphore, il a reconstitué avec autant de sagesse que d'érudition le vieux monde arabe. Mais le passage d'Et Tenaci qui mérite de fixer l'attention des savants et dans lequel j'ai puisé un grand nombre de détails historiques, c'est le septième chapitre du livre premier, ayant pour titre Beiiane Charf Beni Ziane et comprenant l'histoire de la dynastie des Beni Ziane depuis l'année 637 (1240 ap. J.-C.) jusqu'en 866 (1461 ap. J.-C.). L'abbé Bargès en a publié une excellente traduction. Si le second livre ne devait pas être plutôt considéré comme un essai de littérature, j'admirerais la simplicité d'un auteur qui, vivant sous un régime despotique, prodigue les trésors de son érudition pour rédiger une morale en action à l'usage des monarques musulmans. Quoi qu'il en soit, j'y ai lu une foule de citations fort instructives, tirées des bons auteurs. C'est un compendium des éléments de la vie politique chez les Arabes. Dans le troisième livre, le style d'Et Tenaci revêt une forme moins sévère, mais aussi plus attrayante. Son idée dominante, c'est de démontrer par des exemples la supériorité du génie arabe, supériorité incontestable aux yeux des nations musulmanes, attendu que leurs écrivains ne parlent jamais des autres peuples de la terre. Depuis l'essai de Canin de Tassy, sur la rhétorique des nations musulmanes, je n'ai point encore vu un aussi bon traité des tropes que celui contenu dans le quatrième livre. L'imam de Ténès y a classé et expliqué toutes les figures qui relèvent la pensée ou l'expression ; il a composé, suivant son langage, un Collier de perles d'éloquence et n'a rien négligé pour faire ressortir l'excellence de la poésie, qui est la vraie musique des Arabes. Le cinquième livre, placé là comme un témoignage et une garantie de la piété de l'auteur, développe sur une étendue de vingt feuillets, les préceptes de la sunna au point de vue des vertus, morales et des devoirs religieux. Seulement, toutes les questions y sont ramenées systématiquement au service de Dieu et de son envoyé. De tels ouvrages ont une destinée à part. Le XIXe siècle, qui est le siècle de la critique, loin d'accepter les yeux fermés les élucubrations des Arabes, examine et choisit. Il lui est réservé de chercher et de cueillir avec discernement les plantes utiles dans ces steppes sans horizon.


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