Algérie

Mohamed Bouchakour. Economiste : Lettre ouverte au peuple algérien



Mes cher(e)s concitoyen(ne)s,
Peuple algérien,
Après la décennie islamo-sanglante des années 1990 et deux décennies de régime quasi monarchiste, fait d'incompétence et de rapine, tu as repris tes esprits. Et tu as crié à la face du monde et du clan politico-mafieux qui a fait main basse sur ton pays, que tu es à présent déterminé à arracher enfin ta souveraineté depuis toujours confisquée.
Il t'a suffi de sortir en masse, avec pacifisme et dans la bonne humeur, pour casser les desseins de ce clan agrippé au projet fou d'un 5e mandat présidentiel pour son parrain grabataire. Tu as fait voler en éclats son sens de la solidarité et de fidélité clanique ainsi que sa règle sacrée de l'omerta.
Ses composantes se sont retournées les unes contre les autres, les unes fuyant le navire en naufrage, les autres cherchant à survivre en se livrant à de sordides règlements de comptes en public. Chaque jour, de nouvelles affaires, plus nauséabondes les unes que les autres sont étalées sur la place publique. Horrifié, tu ne cesses de prendre la mesure des trahisons et des dépeçages du pays, commis par cette meute de chacals qui s'est imposée et incrustée aux commandes de la nation, par tous les moyens sans exception, constitutionnels, extra voire anticonstitutionnels.
Après 14 vendredis, tes acquis sont remarquables : en quelques semaines, de l'annulation du 5e mandat, tu en es venu à exiger l'avènement d'une Algérie nouvelle, totalement républicaine, seulement républicaine. Mais ne soit pas naïf. Une revendication d'une telle hauteur ne peut pas être obtenue par de simples marches populaires fussent-elles massives et percutantes.
Tu disposes certes de précieux points forts : le caractère massif de tes marches, ton attachement à leur mode «silmiya», ta détermination à aller jusqu'au bout de tes aspirations et ta vigilance de tous les instants pour ne pas tomber dans les pièges tendus par le clan diabolique.
Ces pièges sont maintenant pour toi cousus de fil blanc : la récupération, la provocation, la division, la manipulation, la diversion, le chantage, la promesse, la menace, l'intox.
Mais tes 4 atouts sont loin de suffire pour te garantir le succès. Les enjeux sont énormes et l'adversaire coriace. Tu n'ignores pas que ce qui se déroule aujourd'hui dans ton pays dépasse le seul cadre national. C'est pourquoi tu dois passer à une autre étape de ton combat libérateur et te remettre maintenant en cause sur deux points : le refus de t'organiser et le refus de te donner des dirigeants. Jusque-là, tu as eu le bon réflexe de ne pas te précipiter et de prioriser ta montée en puissance comme acteur de ton propre destin. A juste titre, tu n'as pas voulu prendre le risque d'être embrigadé et trahi avant même de te redresser de tant d'années d'humiliation.
A partir de maintenant, le pays bascule dans la certitude qu'il n'y aura pas d'élection présidentielle le 4 juillet et qu'on entrera dans une période de transition sous l'empire d'un vide constitutionnel. Les résidus du clan auront alors les mains libres de toute contrainte formellement légale et ne manquera pas d'avoir le dernier mot pour imposer la reconduction de son régime, moyennant quelques aménagements de circonstances et liftings utiles, en concertation avec une opposition politique laminée qui aura en fait à choisir entre la dénonciation plus ou moins virulente et le ralliement clientéliste plus ou moins négocié.
En rechignant plus longtemps à te donner une organisation et des dirigeants, tu renonces à t'accorder les mêmes armes que ce que tu appelles la 3issaba. Et finalement, tu auras choisi toi-même de mener un combat inégal d'où tu sortiras inévitablement défait. Tout sera perdu, sauf l'honneur. Il est encore temps pour toi de t'organiser afin de pouvoir t'imposer comme la première force structurée du pays, et de te donner des leaders capables d'encadrer ton travail d'organisation, de canaliser tes luttes à venir et de porter haut et fort ta voix.
A défaut, tu resteras une masse de marcheurs livrée à elle-même face à une «3issaba» qui a toujours disposé, elle, de son organisation et de ses leaders et même de ses officines spécialistes, notamment dans la gestion psychologique des? foules.
La brèche ouverte par tes luttes du premier semestre 2019 se sera alors refermée pendant le second semestre de la même année. Et nous nous donnerons rendez-vous pour un prochain «hirak» dans 10 ans peut-être.
Dans le choix de tes dirigeants, tourne le dos à ceux que l'on essayera de t'imposer, mais aussi à ceux qui brandissent en direction du pouvoir les meilleures feuilles de route de sortie de crise. Ne soutiens aucune force de proposition allant dans le sens d'une solution à une crise qui est celle du régime, du système que toi-même tu dénonces et rejettes. Occupe-toi de la crise qui est la tienne. Tu as d'ailleurs commencé à en sortir le jour où tu es descendu dans la rue.
Vas vers les femmes et les hommes qui te proposeront de travailler sur ta propre feuille de route, celle qui te permettra de t'imposer dans les futurs rapports de forces et d'instaurer ta nouvelle Algérie. C'est par là, et par là seulement, que passera la transition vers l'Algérie que tu veux pour tes enfants.


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