Algérie

Mohamed Ameziane Tadjer, écrivain, à L'Expression «Nous étions pauvres, mais dignes»



Publié le 22.11.2023 dans le Quotidien l’Expression

Auteur de cinq livres édités, parmi lesquels : « Les rêves perdus », « Désillusions », « Espoir et amertume »… Son sixième recueil de nouvelles est en cours d’impression et il vient de mettre un point final à un récit autobiographique.

L'Expression: Vous venez de terminer la rédaction de votre récit autobiographique. Comment est né ce projet?

Mohamed Ameziane Tadjer: Comme vous l'avez bien souligné, je viens de terminer mon récit autobiographique d'environ 200 pages ou un peu plus. Je tiens à vous préciser que je suis, en ce moment, en train d'apporter des retouches que j'estime nécessaires tout comme j'ai décidé d'inclure certains évènements survenus après avoir terminé sa rédaction. Des évènements que je juge indispensables et qui méritent amplement une place, un chapitre dans le livre et que le lecteur découvrira avec enthousiasme et parfois avec amertume. La naissance de ce projet n'est pas fortuite. Elle est motivée par plusieurs raisons. D'abord, avec la rédaction et l'édition de mes cinq recueils de nouvelles authentiques (le sixième est en attente d'être édité). Ensuite, je me suis dit: pourquoi pas une autobiographie, un récit retraçant toute ma vie: de la naissance à ce jour. C'est le rêve de tout auteur. Ce projet me taraudait l'esprit depuis de très longues années, d'autant plus que l'écriture m'est familière avec comme première profession dans l'Éducation nationale: instituteur au primaire, professeur au moyen, surveillant général, directeur de CEM et en parallèle: le journalisme devenu ma seconde passion. Enfin, je juge non seulement utile mais aussi nécessaire et indispensable de laisser derrière soi quelque chose de positif: une trace, des souvenirs, des témoignages vécus, des évènements subis une fois qu'on n'est plus de ce monde, à défaut d'une fortune d'argent. Cela pourrait constituer pour les enfants, les générations futures des sources, des repères et parfois s'identifier.

Est-ce que votre mémoire ne vous a pas trahi par moments, surtout quand vous racontez les évènements qui se sont déroulés il y a très longtemps?
La rédaction s'est faite avec soin et une réflexion soutenue car remonter dans toutes les premières années de l'enfance n'est pas chose aisée, cela demande de longs moments d'évasion et de recul car il ne faut pas déformer les faits et la mémoire se remet en marche arrière sans failles, et le plus souvent, au fur et à mesure de la rédaction, des images défilent devant mes yeux parfois imbibés de larmes. Au cas où la mémoire patine, je n'hésitais pas à consulter un(e) parent(e) témoin des faits pour me recadrer dans la véritable situation véridique de la file des évènements.

Avez-vous censuré certaines étapes de votre vie pour une raison ou pour une autre?
La censure ou plutôt l'autocensure est parfois salutaire pour tout auteur et journaliste pour éviter toute incompréhension ou déformation des faits qui fâchent tel ou tel personnage et ici, en ce qui nous concerne, un(e) parent(e) qu'il ne fallait pas, en aucune manière, frustrer; alors, j'ai estimé utile, de ne pas aller en profondeur de certains faits, de quelques évènements minimes, pour des raisons que je viens de citer plus haut.

Votre livre est-il à 100% le déroulement de votre vie ou bien l'aviez-vous édulcoré d'un peu de fiction?
La fiction n'est pas mon genre et à plus forte raison dans mon autobiographie. Je ne l'ai pas adoucie, dans ce cas de figure, c'est-à-dire, relater les évènements cruciaux de sa vie. Tout au long de la lecture, le lecteur constatera de lui-même, qu'il n'y a aucune trace de fiction, ce qui revient à dire que l'autobiographie est fidèlement respectée.

Ce récit a-t-il été une sorte de thérapie pour vous?
Qui ne se sent pas allégé une fois que le sac est vidé d'une façon ou d'une autre? Certains le font par la confrontation directe par un discours politique virulent, d'autres, au cours d'une conférence culturelle, un message bien reçu de l'assistance, d'autres par l'écriture, ce qui est le cas, pour les auteurs qui se sentent satisfaits du travail suite à une très longue réflexion.

Quel est ou quels sont les messages principaux que vous voudriez transmettre à vos lecteurs à travers cette autobiographie?
Chaque orateur, chaque auteur ou tout personnage public ont des messages à transmettre à travers leurs discours. Le cas de l'écriture est beaucoup plus éducatif. Le jeune lecteur pourra s'identifier à tel ou tel personnage, à se donner du courage, à reprendre confiance en lui-même et se dire qu'il n'est pas le seul à se confronter à une telle situation, à subir les affres de la vie qu'il faut affronter avec prudence, avec sérénité et objectivité.

Vous êtes originaire d'Ath Yanni (wilaya de Tizi Ouzou) et vous avez beaucoup vécu à l'Ouest du pays. Pourriez-vous nous en parler?
Cette question trouvera sa réponse dans l'un des chapitres du livre. Cependant, pour rappel: j'ai quitté le village natal Taourirt El Hadjadj, tout enfant, sept / huit ans, une année après ma scolarité à l'école du village, en 1952/53, en compagnie d'un parent pour rejoindre mon père, commerçant à l'ex-Perrégaux(actuel Mohammedia). Scolarisé dans une école primaire de la ville, je n'avais pas de difficultés à m'initier à parler l'arabe populaire, ce qui n'est pas le cas pour mes camarades de classe ou de l'école entière, à parler ma langue : le kabyle. Pourtant, la ville regorgeait de kabyles commerçants depuis de longues années sans pour autant, ni les parents, ni leurs enfants ne prononçaient le moindre mot dans notre langue. Et le problème dure depuis des siècles!

Malgré votre enfance d'orphelin tourmenté et pauvre, vous avez réussi à devenir enseignant puis cadre de l'éducation et enfin journaliste. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
Paradoxe oui! Effectivement! Orphelin de mère, une année après ma naissance, j'étais recueilli, élevé et éduqué par mes grands-parents maternels. Heureusement pour moi! Qu'ils trouvent ici, toute ma gratitude, mes sincères remerciements, mes plus grandes excuses. Qu'ils reposent en Paix dans le Vaste Paradis où ils se prélassent, sans aucun doute! Une famille pauvre mais qui vivait dans la dignité et le respect. Je m'identifiais à l'un de mes oncles maternels que je respectais énormément pour son franc-parler, mais aussi pour son courage et sa persévérance pour atteindre son objectif quelles que soient les difficultés. Cela m'a permis d'apprendre beaucoup de lui. Cette éducation ancrée dans ma vie, ces conseils suivis sans trop de dégâts m'ont permis de ne pas abandonner et lâcher prise face à un problème quelconque et c'est ainsi que j'affronte toujours la vie en dépit de ses aléas. La preuve est visible et les résultats sont probants. J'ai pu concrétiser deux de mes passions préférées: l'éducation avec mes quarante et une années de loyaux services dans l'intérêt de la Nation. Cet enseignement m'a permis d'embrasser une autre passion: le journalisme puis une autre: l'écriture littéraire.

S'il y a une seule personne à laquelle vous dédierez cette autobiographie, laquelle serait- elle?
Dédier cette autobiographie à une seule personne, serait malhonnête de ma part, une faute impardonnable pour tout le restant de ma vie. Je ne peux rester indifférent envers tous-toutes (ceux-celles) qui ont contribué par devoir pour tout autre sentiment, de bon coeur, à mon éducation, et m'avaient apporté tout leur soutien indéfectible pour sortir de l'ornière et desserrer l'étau qui allait m'étouffer. Cependant, je rends hommage à mes deux grands-parents maternels. Qu'ils reposent en Paix dans le Vaste Paradis! Tous les mots de remerciements ne suffiront jamais et la dette ne sera toujours pas impayée.

Vous allez boucler bientôt vos 80 ans et vous êtes toujours actif. Vous nous en confiez la recette?
Si Dieu voudrait me prêter vie, je soufflerai, dans moins de deux ans, mes quatre-vingt ans. Je pourrai dire; Dieu merci! Il n'y a pas de recette miracle. Je surveille mon alimentation, ne perds pas mon temps à croiser les bras. Mon sport favori est incontestablement la MARCHE. J'avale plusieurs kilomètres par jour.

Aomar MOHELLEBI

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