Algérie

Mohamed Abbou. Avocat dissident libéré en juillet après deux ans de prison


« Un peuple sous l?emprise de la peur » L?avocat dissident et écrivain tunisien, Mohamed Abbou, a été libéré le 24 juillet dernier de la prison du Kef, en Tunisie, où il était détenu depuis son arrestation en mars 2005. Abbou avait été condamné à trois ans et demi de prison ferme pour avoir dénoncé sur Internet la pratique de la torture en Tunisie. Il a accepté de témoigner pour El Watan. Comme il est affligeant de vivre dans une société dirigée par un Etat qui ne garantit ni les droits de la personne, ni sa dignité, ni sa liberté ; et qui mobilise ses institutions pour réprimer les citoyens, sans rendre compte de ses actes à personne. Et comme il est pénible pour un intellectuel de constater que la majorité des enfants de son pays sont sous l?emprise de la peur, préoccupés à assurer la subsistance de leur famille, en quête de sécurité personnelle et de salut individuel. Un Etat de non-droit, un peuple sous l?emprise de la peur, une opposition faible ; voilà la moisson de 20 ans de mandat du deuxième Président de la « République ». Un État qui viole le droit En Tunisie, nous faisons face à des institutions qui fonctionnent plus ou moins normalement. Nous faisons face à un appareil sécuritaire qui poursuit, par moments, les criminels et les sanctionne ; et par moments, agit comme un gang qui menace, frappe et torture, sans aucun respect des lois qu?il est censé appliquer. Cet appareil sécuritaire place au-dessus des lois, les puissants qui n?ont de compte à rendre à personne. Ceux-là, il n?est pas permis de les critiquer, ni de les dénoncer, ni d?évoquer leur corruption, sous peine d?être jeté en prison. Aucune attention n?est prêtée aux cris de secours venant de l?intérieur, ni aux déclarations de nos partenaires en Occident qui sont parfois contradictoires avec leurs positions secrètes. Ces mêmes institutions sont parfois utilisées pour persécuter les adversaires du pouvoir en place et qui osent le critiquer. Leurs ressources sont coupées, ils sont affamés et ils sont humiliés de façon qu?ils n?oublieront jamais ; ils sont agressés dans la rue et leurs enfants sont soumis à des harcèlements ; tout cela, afin de garantir la pérennité du régime et que le pouvoir établisse son pouvoir absolu. Un pouvoir qui appuie sa légitimité sur des élections qui se déroulent dans un climat de peur ; une minorité d?électeurs est contrainte de voter en sa faveur en mettant dans l?urne le bulletin rouge de façon ostentatoire, pendant que les chefs de bureau de vote se chargent de voter pour les absents, et que certains partenaires occidentaux se chargent eux de faire reluire l?image de la Tunisie à l?étranger. Lorsque j?ai osé dénoncer la réalité de la situation qui prévaut en Tunisie, j?ai transgressé l?interdit en dénonçant les scandales et en évoquant le sujet de la corruption. C?est alors que le régime a décidé de frapper les intérêts de ma famille et de la persécuter ; puis il m?a jeté en prison en cherchant à m?humilier. Et malgré les nombreuses pressions qu?il a subies, il a prolongé ma détention au maximum. Non parce que je dirigeais une association qui constituerait une menace pour le régime, ni même parce que je disputais au potentat son trône, couvert de sang et de larmes, mais seulement parce que je représentais désormais à ses yeux un modèle de contestation qui risquait de contaminer d?autres franges de la société. La sanction ne se fait plus seulement par la voie de l?emprisonnement ou de la torture, mais elle englobe également les représailles collectives en affamant les familles. De façon à ce que celui qui éprouve une disposition à sacrifier sa liberté, sa santé et sa vie pour une cause, comprenne bien qu?il expose également sa famille et ses enfants à la faim, à la terreur et à la désolation. Une opposition faible L?opposition tunisienne n?arrive pas encore à trouver la voie pour devenir une vraie force politique. Oscillant entre la peur de la répression et ses divisions idéologiques ? parfois entretenues par le pouvoir ?, elle a échoué jusqu?à présent à attirer vers elle un nombre significatif de citoyens en les libérant de la peur. Mais la conscience du caractère critique de la situation et les rapprochements qui commencent à se faire jour entre les différents courants politiques, d?une part, et certains indices allant dans le sens du rejet de ce régime, d?autre part, font que nous ne renoncerons pas à notre rêve, quand bien même la répression se resserre et les voix qui sèment le doute et répandent l?abattement se font pressantes. Notre détermination et notre discernement nous conduiront vers la voie de la victoire, et si nous n?y parvenions pas, notre confiance en nos enfants est entière. Octobre 2007, Tunis
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