Algérie

Mobilisation minimale, maturité maximale



La manifestation du samedi 12 février n'est que le «commencement», prévient Me Ali Yahia Abdennour. «La révolution des jeunes pour le changement démocratique et la justice sociale est bel et bien en marche et qu'importe à  ce propos que le régime et sa presse décrètent ou non l'échec de la mobilisation, elle est en marche», assène le patriarche révolutionnaire. En dépit de la «faible» mobilisation, la manifestation du 12 février dernier n'a pas été, comme annoncé, un lâcher de mutins écervelés. Diversité, mixité, pacifisme, maturité politique… la manifestation du 12 février offrait plus que des motifs de consolation, une matière à  satisfaction. Des raisons d'espérer.
Journaliste, animateur du Collectif SOS Libertés, Arezki Aït Larbi est persuadé que la «manif du 12» a inauguré une nouvelle étape dans les luttes pour le changement démocratique. «C'est incontestablement le déclic. Au-delà des chiffres avancés, le fait que la manifestation ait rassemblé 2000 ou 3000 manifestants est en soi un miracle. C'est énorme eu égard au déploiement impressionnant de policiers dans et autour d'Alger. Ce que j'ai personnellement retenu de cette manifestation, c'est sa diversité. On y trouvait de tous les courants politiques, de toutes les tranches d'âge, de toutes les conditions sociales, dans une ambiance presque festive, n'étaient les quelques provocations et insultes qui ont émaillé la manifestation.» Blogueur, animateur au sein des collectifs Algérie Pacifique et Mouvement des jeunes indépendants, Salah est une de ces figures montantes du mouvement de contestation. Arrêté en début de manifestation, il passera la journée au commissariat de Cavaignac. «Nous suivions au téléphone le déroulement de la manifestation. Dans le sous-sol du commissariat, nous étions quelque 70 manifestants à  àªtre séquestrés. Ce qui m'a le plus donné satisfaction, c'était cet élan exceptionnel de solidarité entre manifestants. Nous avions abattu ensemble le mur de la peur. Ce n'est qu'une première étincelle, maintenant il faudrait donner un prolongement, du contenu, une organisation solide à  ce mouvement», dit celui qui se définit comme un «militant à  temps plein».
Pour Samir Larabi, porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs, la mobilisation de samedi prouve une fois encore qu'«une bonne partie des Algériens aspire au changement démocratique et à  la justice sociale». Certes, la manifestation n'a pas drainé la foule des grands jours, mais elle a su attirer vers elles de nombreux jeunes chômeurs, les «exclus», les travailleurs, les universitaires, etc. «Presque toutes les catégories sociales étaient représentées.» «L'impératif aujourd'hui, ajoute-t-il, est de maintenir la mobilisation, élargir la base de la contestation sociale, construire au niveau local le mouvement (…) et ne pas se contenter de coups médiatiques sans lendemain.» Député du RCD, Lila Hadj Arab a été, comme beaucoup de manifestants, violemment prise à  partie par les policiers. La participation importante de femmes lui donne des ailes : «Les femmes étaient vraiment au top. Tout le monde l'a remarqué. Quand les femmes sont mises en confiance, elles prouvent ce dont elles sont vraiment capables. Je garde cette image mémorable de ces femmes combatives qui tenaient tête aux hordes de voyous engagés par le pouvoir pour casser la marche. J'espère qu'elles ne vont pas lâcher», dit-elle. Farid Cherbal, enseignant chercheur à  l'université de Bab Ezzouar, est convaincu que la manifestation de samedi dernier a sonné la fin de l'émeute comme mode exclusif d'expression politique. C'en est fini, d'après lui, de cette «fatalité de l'émeute : moyen d'expression politique». «Ce samedi, nous avons été les témoins, souligne-t-il, d'un passage très symbolique du flambeau entre la génération de vieux militants des droits démocratiques et activistes des droits de l'homme, Me Ali Yahia Abdennour, Arezki Aït Larbi et autres, à  cette nouvelle génération de jeunes Algériens qui s'est nourrie à  la révolution numérique et qui, contrairement à  ce qui se dit, a su capitaliser l'expérience du mouvement national, profiter de la transmission des valeurs, de la mémoires des luttes du peuple algérien.» Pour le syndicaliste CNES, le mouvement de contestation populaire est entré dans une «nouvelle perspective historique».            
 


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