Cinquante ans. C'est une période charnière. C'est le moment où on peut se dire «vieux parmi les jeunes et jeune parmi les vieux». C'est le moment où on se retourne sur son passé pour mieux comprendre le présent et préparer l'avenir. Si c'est valable pour l'individu, ça l'est beaucoup plus pour une société, un peuple, un pays. Aussi, le cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie doit-il être cette station à marquer, par la fête, certes, mais aussi par l'examen et l'analyse de ce que nous avons fait de ce passé qui a produit notre présent, et la réflexion sur les perspectives qu'on pourrait ou devrait ouvrir. Cette convocation et mise en lumière de la mémoire sont d'autant plus fondamentales et importantes pour visualiser le chemin parcouru, qu'aujourd'hui, selon les chiffres officiels, près de 70% de la population algérienne ont moins de 50 ans, autrement dit, la majorité écrasante des Algériens ne connaît des crimes coloniaux et de la guerre d'indépendance que ce qu'en disent les historiens et les témoins. Et comme ces deux sources s'expriment souvent via les publications, qui sont un vecteur passif, on ne peut garantir l'éveil de l'intérêt et, par conséquent, la socialisation des études historiques. Preuve en est le statut de l'histoire qui est considérée par les élèves comme une matière barbante. Les manuels scolaires et les livres sont des supports figés qui exposent des faits et imposent d'apprendre par c'ur des dates et des noms, mais ne content pas l'histoire, n'ouvrent pas de débats susceptibles d'enrichir et/ou de corriger un fait ou la lecture faite d'un événement. Les jeunes d'Algérie ne savent donc pas l'ampleur et la sauvagerie du colonialisme qui a déstructuré la société et «déculturalisé» le peuple pour le sous-humaniser et mieux le dominer, en prétendant lui apporter la civilisation. Aussi, leur est-il difficile d'apprécier à leur juste valeur les sacrifices consentis pour libérer le pays ainsi que les avancées et réalisations accomplies en 50 ans. L'histoire triturée et les erreurs de parcours agissent comme un miroir déformant que les générations postcoloniales refusent de regarder, n'ayant d'yeux que pour leur présent pas toujours rieur et l'avenir souvent incertain, à cause justement des dévoiements dont se sont rendus coupables ceux qui se sont succédé au pouvoir. Aujourd'hui, après un demi-siècle d'indépendance, il est nécessaire de souligner l'exemplarité de la lutte du peuple algérien pour sa liberté, mais il est tout aussi important de reconnaître les dérives, les couacs et les ratages qu'on a fait subir au pays. Il nous faut faire notre autocritique et corriger nos erreurs si on veut regarder et avancer tous dans la même direction. Autrement, le fossé entre la majorité du peuple et la petite minorité qui tient les commandes ne fera que se creuser davantage. Il s'agrandira et s'approfondira, matérialisant de plus en plus cette image de deux Algérie, celle des gouvernants où il fait bon y vivre et celle des gouvernés qu'on est prêt à quitter, même sur de frêles esquifs.
H. G.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 10/07/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hassan Gherab
Source : www.latribune-online.com