Algérie

Miracle dans les plaines de Aïn Yagout



Miracle dans les plaines de Aïn Yagout
La révolution oléicole viendra-t-elle de Batna ' Des signes forts, en effet, pour un avenir radieux de cet arbre immortalisé par Saint-Augustin, comme symbole du lien entre le peuple amazigh et sa terre, hélas, réduit à  une passable existence par les échecs successifs des politiques agraires.
Sur des terres réduites en jachère et menacées par la salinisation dans la plaine de Aïn Yagout, un projet ambitieux vient de voir le jour et promet à  lui seul de satisfaire les desseins ambitieux et limite présomptueux du ministère de l'Agriculture. Passion, patience, intelligence et savoir-faire, tant de qualités réunies en une seule personne se cristallisent dans une aventure vouée à  un succès inédit. Ali Zerad, un ancien boxeur âgé aujourd'hui de 46 ans, est l'homme par qui le miracle risque d'arriver. Depuis 2002, sa société, les Nouvelles forêts du Maghreb (NFM), fournit aux agriculteurs algériens l'essentiel des plants d'arbres fruitiers, avec en prime une qualité inégalée.  Mais, la pépinière de Ali Zerad s'offre le nec plus ultra en s'aventurant dans la production de plants d'oliviers. Au lendemain de l'annonce faite en 2006 par le ministère de l'Agriculture pour la plantation stratégique d'un million d'hectares d'oliviers en cinq ans (2010-2014), le destin de NFM bascule. Le projet du ministère traîne et s'avère un peu plus difficile à  atteindre, notamment en ce qui concerne la fourniture des agriculteurs en plants. Ali Zerad, patron des NFM, vole au secours de ce projet et propose de fournir 1200 plants/ha. Le complexe qu'il vient d'installer, près de l'aéroport Mustapha Ben Boulaïd de Batna, sur une superficie de 43 ha, promet de transformer la filière oléicole algérienne et vise même le rôle de leader en allant concurrencer nos voisins tunisiens et marocains ainsi que les Espagnols, leaders du marché mondial.
Des andalous en terre chaouie
A. Zerad semble disposer de plusieurs tours dans son chapeau de magicien. L'un des atouts majeurs de sa stratégie et le fait d'avoir délocalisé à  Batna une entreprise espagnole spécialisée dans la production des plants d'oliviers. Les patrons espagnols et tout le personnel de l'entreprise viennent de s'installer dans la capitale des Aurès, pour veiller à  la mise sur rails du projet et le transfert de technologie nécessaire pour l'avenir de cette ferme pilote. Un accord de trois ans a été signé entre les deux parties et le partenaire ibérique devra fournir une production de 1 200 000 plants d'ici décembre 2012. En fait, la machine est déjà en marche. Des ingénieurs agronomes espagnols, menés par Juan Antonio Lorenzo, séjournent à  Batna depuis 2 ans. Ce sont eux qui accompagnent l'installation du complexe et du process. Une main-d'œuvre en majorité féminine recrutée dans le village voisin, Seriana, fait l'apprentissage des techniques nécessaires pour assumer la chaîne de production, sous contrôle d'agronomes formés par l'université de Batna. Les 42 employés (un chiffre appelé à  se multiplier) s'activent déjà et donnent l'air d'une ruche à  la nouvelle pépinière. De son sac de magicien, Zerad n'en finit pas de tirer les bonnes choses. Sur les 6 variétés d'oliviers que produira la ferme, 4 sont d'origine espagnole, notamment les fameuses Arbequina et Pecual, à  l'origine de la meilleure huile au monde, vendue en Europe au prix de 54 euros le litre. Ces variétés classées patrimoine national, Ali est allé les chercher à  la mairie de Séville et a réussi à  obtenir la licence. Sous les serres sophistiquées, véritables laboratoires phytosanitaires, sommeillent des milliers de pieds-mères de noble descendance, considérés comme le pedigree de l'espèce. L'agrément du ministère de l'Agriculture en poche, la pépinière NFM commencera bientôt à  planter intensivement avec, en outre, un procédé moderne et complètement automatisé.
Rendre sa noblesse à  la Sigoise
Ali, l'unique à  produire ces variétés en Algérie, propose un arbre bien plus petit que l'olivier algérien, mais doublement productif, plus résistant et beaucoup plus facile à  cultiver.
Pour la plantation du plant comme pour la cueillette du fruit, le procédé mécanisé permet de gagner du temps et aussi d'avoir des résultats bien meilleurs. La cueillette à  l'aide de la machine évite en effet de blesser le fruit, première source de l'acidité de l'huile algérienne, nous confie Juan, le chef de projet. «Avec une bouture, je peux avoir un plant d'origine certifié en l'espace de 6 mois, alors que d'habitude, l'agriculteur achôte un plant non racé et doit patienter 4 à  5 ans avant de voir grandir son arbre», explique de son côté le patron des lieux. Dans moins d'une année, NFM produira des plants d'oliviers de race  espagnole,  de quoi satisfaire la demande des agriculteurs algériens et relancer la filière nationale confinée jusque-là dans une position médiocre sur le marché international. Le complexe, construit dans les normes européennes, promet aussi de produire des plants d'oliviers de race algérienne assainie et débarrassée des impuretés accumulées durant de très longues saisons de mauvaises pratiques agricoles. Une manière de rendre sa noblesse à  l'olivier local. Serait-ce l'objectif final ' Non, réplique Ali, qui prévoit d'ores et déjà de réinvestir les bénéfices dans la plantation de 300 ha d'oliviers de très bonne qualité et l'installation d'une huilerie ultra moderne, importée d'Espagne, pour produire de l'huile de qualité supérieure.
La ferme, de plus en plus visible, fait déjà de l'émulation, puisque d'autres investisseurs s'installent dans cette plaine. D'ailleurs, le prix de ces terres abandonnées il y a tout juste quelques années s'est multiplié par 20 ! La réussite de ce projet aura sans doute des retombées sur la vie économique locale et entraînera surtout la filière oléicole nationale sur une rampe de lancement. C'est en tout cas le rêve du patron de NFM.
Ali Zerad, du ring aux vergers
L'histoire d'Ali Zerad est une véritable success story. Parti en France suivre une carrière de boxeur, cet ancien poulain du célèbre entraîneur Jean Molinot, finit par se convertir dans le business qui lui réussit bien. Il s'établit en Espagne et, au bout de quelques années, décide de s'offrir un lopin de terre dans sa région natale «pour prendre du plaisir et me reposer», dit-il. Contre «une bouchée de pain», il s'approprie d'abord 13 hectares dévalorisés par l'abandon. Deux années plus tard, en 1999, son père, un ancien garde-forestier, lui propose d'investir dans une pépinière d'arbres forestiers. En définitive, le choix se fixe sur les arbres fruitiers. Ali, de plus en plus investi dans sa nouvelle vocation, s'offre des stages en Espagne et se spécialise dans l'olivier. Doté d'un flair de businessman et d'un sens aigu de l'entreprise, il profite aussi pour faire le tour des potagers européens et se paye les variétés d'arbres fruitiers les plus célèbres, ainsi que les secrets les mieux gardés en matière de traitement de ces trésors. Cette première partie de l'aventure lui offre aujourd'hui des résultats qui contrastent fortement avec les pratiques agricoles nationales. Le plus étonnant dans la démarche d'Ali est que tout est investi sur fonds propres. Le moindre bénéfice obtenu ailleurs est reversé dans le projet de Batna qui devient la priorité des priorités.


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