T O M E I
CONTES MERVEILLEUX - CONTES PLAISANTS
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE MAISONNEUVE FRÈRES
3, RUE DU SABOT, 3.
1924
LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE
MAISONNEUVE Frères - 3, rue du Sabot, PARIS VIe
EN PRÉPARATION :
DU MÚME AUTEUR :
MILLE ET UN CONTES, RÉCITS ET LÉGENDES ARABES
TOME II. — Contes sur l'amour et les femmes. Contes divers. — Un beau volume de 450 pages environ, grand in-8 raisin broché, tiré sur papier alfa. Prix ; 50 fr.
TOME III. — Les Légendes religieuses. — Formera un volume de 550 pages environ. Prix : 55 fr.
UN VOLUME PA.RArrRA ENSUITE
ET COMPLÉTERA CETTE COLLECTION
AVEC LES CONTES D'ANIMAUX
MILLE ET UN CONTES RÉCITS
ET
LÉGENDES ARABES
MILLE ET UN
CONTES, RÉCITS & LÉGENDES
ARABES
PAR
'RENÉ BASSET
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES D'ALGER, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT,
MEMBRE HONORAIRE DE LA ROYAL ASIATIC SOCIETY,
ASSOCIÉ CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DEI LINCEI, DE LA REAL ACADEMIA DE HISTORIA DE MADRID,
DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE LISBONNE,
ETC...
TOME I
CONTES MERVEILLEUX - CONTES PLAISANTS
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE MAISONNEUVE FRÈRES
3, RUE DU SABOT, 3.
1924
PRÉFACE
La publication, en 1704 et dans les années suivantes, de la traduction des Mille et une nuits par Galland, produisit un effet considérable ; Pétis de la Croix, avant que l'œuvre de Galland fût terminée, s'attaqua à un autre cycle oriental, le Livre de Sindibâd, puis, avec le concours de Lesage, donna les Mille et Un jours, puisés, avec de fortes altérations, à des sources orientales. On eut ensuite les Mille et un quarts d'heure et les Sultanes de Guzerate de Gueulette, les Aventures d'A bdalla et tant d'autres.
Si l'on peut soupçonner une origine orientale dans les Nouveaux Contes Orientaux de Caylus et dans l'Histoire des trois Princes de Serendib, d'ailleurs traduite de l'italien, d'autres ouvrages, par exemple les Mélanges de littérature orientale et les Nouveaux Mélanges de Cardonne, tout comme les Bons Mois et Anecdotes des Orientaux de Galland, étaient de simples traductions de textes arabes, persans et turks. Cet exemple fut suivi au xixe siècle par Scott, de Hammer, Asselan Riche, Wolff, Garcin de Tassy, FI. Pharaon, Pihan, Clouston, etc..., qu'on trouvera cités dans la bibliographie.
Il est à observer qu'aucun de ces contes (sauf pour ce qui concerne Clouston) n'est accompagné de comparaisons et de rapprochements puisés dans les diverses littératures ; la science du Folk-Lore comparé ne date que du xixe siècle. Aussi, en choisissant dans le vaste domaine de la littérature arabe les Mille et un récits qui suivent, j'ai cru utile de leur joindre des notes qui, pour incomplètes
qu'elles soient, pourront aider à l'étude des différents thèmes et à la reconstitution de leur histoire et de leurs transformations.
J'ai volontairement éliminé les grands recueils, comme les Mille et une Nuits, le Livre de Sindibâd, le Barlaam el Joasaf, le Bakhtyar Nâmeh, les Cent Nuits, le Kalilah et Dimnah, etc., les réservant pour une étude spéciale ; toutefois lorsqu'un de ces récits, provenant d'une autre source, se trouve dans un de ces recueils, je lui ai donné place. J'ai également puisé, mais avec discrétion, dans la masse des contes populaires qui ont été recueillis ; en principe, ces récits ont été tirés des auteurs de tout genre dont la littérature arabe est si riche : moralistes, historiens, hagiographes, voyageurs, commentateurs, polygraphes, etc. Je les ai traduits sur les originaux, sauf dans deux cas : lorsque la traduction du texte a seule été publiée, comme par exemple l' Abrégé des Merveilles, ou lorsqu'il m'a paru inutile de refaire une traduction qui avait été bien faite auparavant, comme pour les Prairies d'Or, l'Histoire des Rois des Perse, le Livre de la Création et d'autres ; mais c'est la moindre partie.
On trouvera une lacune : les contes d'animaux et les fables ne sont pas représentés, mais j'espère pouvoir leur consacrer un volume spécial qui formera le complément de ceux-ci.
Et maintenant, il ne me reste qu'un souhait à exprimer ; c'est que le lecteur trouve autant d'agrément à lire ces contes que j'en ai eu à les réunir et à les traduire.
RENÉ BASSET
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D
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MAQRIZI, Kitâb el Khifat, Boulaq, 1270 hMILLE ET UN CONTES, RÉCITS & LÉGENDES ARABES PAR RENÉ BASSET
Posté Le : 09/10/2022
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : T O M E I CONTES MERVEILLEUX - CONTES PLAISANTS PARIS LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE MAISONNEUVE FRÈRES 3, RUE DU SABOT, 3. 1924 LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE MAISONNEUVE Frères - 3, rue du Sabot, PARIS VIe EN PRÉPARATION : DU MÚME AUTEUR : MILLE ET UN CONTES, RÉCITS ET LÉGENDES ARABES TOME II. — Contes sur l'amour et les femmes. Contes divers. — Un beau volume de 450 pages environ, grand in-8 raisin broché, tiré sur papier alfa. Prix ; 50 fr. TOME III. — Les Légendes religieuses. — Formera un volume de 550 pages environ. Prix : 55 fr. UN VOLUME PA.RArrRA ENSUITE ET COMPLÉTERA CETTE COLLECTION AVEC LES CONTES D'ANIMAUX MILLE ET UN CONTES RÉCITS ET LÉGENDES ARABES MILLE ET UN CONTES, RÉCITS & LÉGENDES ARABES PAR 'RENÉ BASSET DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES D'ALGER, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT, MEMBRE HONORAIRE DE LA ROYAL ASIATIC SOCIETY, ASSOCIÉ CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DEI LINCEI, DE LA REAL ACADEMIA DE HISTORIA DE MADRID, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE LISBONNE, ETC... TOME I CONTES MERVEILLEUX - CONTES PLAISANTS PARIS LIBRAIRIE ORIENTALE ET AMÉRICAINE MAISONNEUVE FRÈRES 3, RUE DU SABOT, 3. 1924 PRÉFACE La publication, en 1704 et dans les années suivantes, de la traduction des Mille et une nuits par Galland, produisit un effet considérable ; Pétis de la Croix, avant que l'œuvre de Galland fût terminée, s'attaqua à un autre cycle oriental, le Livre de Sindibâd, puis, avec le concours de Lesage, donna les Mille et Un jours, puisés, avec de fortes altérations, à des sources orientales. On eut ensuite les Mille et un quarts d'heure et les Sultanes de Guzerate de Gueulette, les Aventures d'A bdalla et tant d'autres. Si l'on peut soupçonner une origine orientale dans les Nouveaux Contes Orientaux de Caylus et dans l'Histoire des trois Princes de Serendib, d'ailleurs traduite de l'italien, d'autres ouvrages, par exemple les Mélanges de littérature orientale et les Nouveaux Mélanges de Cardonne, tout comme les Bons Mois et Anecdotes des Orientaux de Galland, étaient de simples traductions de textes arabes, persans et turks. Cet exemple fut suivi au xixe siècle par Scott, de Hammer, Asselan Riche, Wolff, Garcin de Tassy, FI. Pharaon, Pihan, Clouston, etc..., qu'on trouvera cités dans la bibliographie. Il est à observer qu'aucun de ces contes (sauf pour ce qui concerne Clouston) n'est accompagné de comparaisons et de rapprochements puisés dans les diverses littératures ; la science du Folk-Lore comparé ne date que du xixe siècle. Aussi, en choisissant dans le vaste domaine de la littérature arabe les Mille et un récits qui suivent, j'ai cru utile de leur joindre des notes qui, pour incomplètes qu'elles soient, pourront aider à l'étude des différents thèmes et à la reconstitution de leur histoire et de leurs transformations. J'ai volontairement éliminé les grands recueils, comme les Mille et une Nuits, le Livre de Sindibâd, le Barlaam el Joasaf, le Bakhtyar Nâmeh, les Cent Nuits, le Kalilah et Dimnah, etc., les réservant pour une étude spéciale ; toutefois lorsqu'un de ces récits, provenant d'une autre source, se trouve dans un de ces recueils, je lui ai donné place. J'ai également puisé, mais avec discrétion, dans la masse des contes populaires qui ont été recueillis ; en principe, ces récits ont été tirés des auteurs de tout genre dont la littérature arabe est si riche : moralistes, historiens, hagiographes, voyageurs, commentateurs, polygraphes, etc. Je les ai traduits sur les originaux, sauf dans deux cas : lorsque la traduction du texte a seule été publiée, comme par exemple l' Abrégé des Merveilles, ou lorsqu'il m'a paru inutile de refaire une traduction qui avait été bien faite auparavant, comme pour les Prairies d'Or, l'Histoire des Rois des Perse, le Livre de la Création et d'autres ; mais c'est la moindre partie. On trouvera une lacune : les contes d'animaux et les fables ne sont pas représentés, mais j'espère pouvoir leur consacrer un volume spécial qui formera le complément de ceux-ci. Et maintenant, il ne me reste qu'un souhait à exprimer ; c'est que le lecteur trouve autant d'agrément à lire ces contes que j'en ai eu à les réunir et à les traduire. RENÉ BASSET BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES CITÉS A EL 'ABBÂSI Ma'âhid et tansis, Boulaq, 1274 hégire, in-4°. 'ABD ALLAH EL YÂFI'I, Raoudh er ritih'în. Le Qaire, 1302 hégire, in-4°. 'ABD EL l'fO'TI ES SAMLAOUI ECH CHÂFI'I, Raoudih' el 'Aouâtir, en marge de l'histoire d'El H'asan es Sdigh. Le Qaire, 1302 hégire, in-8°. 'ABD EL QÂDER EL BAGHDÂDI, Khizânat el Adab, Boulaq, 1299 hégire, 4 vol. in-4°. 'ABID BEN EL ABRAS Diwân, éd. Lyall, Leiden, 1913, in-4o. ABKARIOUS ISKENDER AGHA, Raoudhat el Adab, Beyrout, 1856, in-12. id. Tazyîn Nihayat el 'Arab, Beyrout, 1867, in-8°. ABOU'L'AL EL MA'ARRI, Rasâil, éd. Margoliouth, Oxford, 1898, in-4° . ABOU 'ALI EL QILI, Kitâb el Amâli, Boulaq, 1324 hégire, 3 vol. in-8°. ABOU BEKR ET TORTOUCHI, Sirâdj el Molouk, Boulaq, 1289 hég. in-4°. 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Il y avait là une source coulant à l'intérieur d'une grotte et tombant au milieu de roseaux, de tamarins et d'halfa. « Si nous mettions le feu à ces broussailles, dit H'arb, et si nous régularisions les courants d'eau de ce côté, car je vois qu'elle s'écarte de la route, nous aurions un verger et des cultures. » Kolaïb répondit : « Je crains que cet endroit ne soit hanté. — Nous le ferons pourtant», dirent H'arb et Mirdâs. Kolaïb reprit : « Je vous prends à témoins que je ne m'associe pas à vous.» Ils mirent le feu et brûlèrent le tiers de la jongle. Des gens des Benou Solaïm prétendent qu'ils virent des serpents pareils à des bracelets d'ivoire qu'on porte aux poignets¨, éd. et trad. Gantin, T. I, Paris, 1903, in-8°. EL HAMADZÂNI, Kitâb el bighyah fi naouâizh el barryah, (en marge de la Tohfat el Ikhouân), Le Qaire, 1303, in-8°. DE HAMMER, Rosenœl, T. II, Stuttgart, 1813, in-12. id. Les Origines Russes, St-Pétersbourg, 1852, in-8°. id. 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Malheur à¯Âmir (Mirdâs), cavalier, quand on coiffe les bonnets pointus 1 Nous trouvons, pour sa mort, des chefs terribles. Les trois cavaliers passèrent la nuit à cet endroit. Mais pendant la nuit, Mirdâs eut la tête écrasée et H'arb fut atteint du mal qui le fit périr (2). » (1) Cf. Moh'ammed ben 'Abd Allah ech Chibli, Akâm el MardjÔn, p. 3-30 ; Qazouîni, 'A.djaib el MaklzLouqât, p. 368 ; Ed Damîri, H'aiat el II' aïaou(in, T. I, p. 242 ; El Ibchîhi, Mostatref, T. II, p. 159-162 ; Ewald, Einleitung in das Studium der arabischen Sprache, p. 164-168 ; Goldziher, Abhandlungen zur arabischen Philologie, T. I, p. 1-14, 106-107 ; Wellhausen, Reste arabisrhen Heidentums, p. 148-149 ; et surtout le mémoire de Van Vloten, Diimonen, Geister und Zauber bei den alten Arabern, p. 169-188. (2) Yaqout, Mo'djem el boldân, éd. Wiistenfeld, T. III, p. 85. Cf. aussi El Bekri, Mo'djem, éd. Wustenfeld, p. 735 ; Cheikho, Commentaires du diwân d'El Khansâ, d'après une glose d'un manuscrit du Qaire, p. 196-197 ; El 'Abbâsl, Ma'âhid et tançiç, p. 16 ; Abou'l Faradj el Isbahâni, Kitâb el Aghâni, T. XX, p. 135-136. D'après Mas'oudi, Prairies d'or, III, 326, H'arb aurait été tué dans un combat contre les Djinns et ceux-ci auraient composé sur le lieu de sa sépulture un vers qu'on ne pouvait prononcer sans que la langue ne fourchât : Le tombeau de H'arb est dans un endroit désert; il n'y a pas de tombeau près de celui de H'arb. Cf. aussi Moh'ammed ech Chibli, Akâm el Mard/tin, p. 137. 2 L'ORIGINE DES DÉMONS « On raconte que Dieu a créé les démons du semoum (vent brûlant) ; que du démon, il a créé sa femme, comme il a créé Eve d'Adam ; que le démon ayant eu commerce avec sa femme, celle-ci devint enceinte de lui et pondit trente œufs. Un de ces œufs en se brisant, donna naissance à la qotrobaht qui fut, pour ainsi dire, la mère de tous les qotrobs, démons qui ont la forme d'une chatte. D'un autre œuf sortirent les iblîs, au nombre desquels il faut compter El H'arith Abou Morrah et qui font leur séjour dans les murs. Un autre œuf vit éclore les marâdah qui habitent les à®les. Un autre produisit les ghoûl qui choisissent pour retraites les ruines et les déserts ; un autre, les si'lah qui se retirent sur les montagnes ; les autres, les ouahaouis qui, habitant les airs sous la forme de serpents pourvus d'ailes, volent dans les espaces. D'un autre œuf sortirent les daouâsik ; d'un autre encore les hamâsik ; d'un autre encore les h'amâmis et ainsi de suite (1). » (1) Mas'oudi, Prairies d'or, éd. et trad. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, T. III, p. 320-321. 3 LA BELLE FILLE ET LE POISSON NOIR Une légende arabe de la Tripolitaine raconte qu'un jour on vit apparaître près de la côte une belle fille parée de bijoux, à cheval sur un grand poisson noir. Le fils du sultan descendit du Ghâryan pour la voir ; elle lui apprit qu'elle venait d'une à®le nommée Malta et, sur la promesse que sa liberté serait respectée, elle s'avança avec son poisson dans un des ruisseaux. Mais on jeta un filet pour lui couper la retraite ; elle remonta le fleuve, poursuivie par la foule et le fils du sultan, et, arrivée au pied de la montagne près de la source, elle invoqua Dieu : un gouffre s'entr'ouvrit où elle s'abîma avec le fleuve et le poisson, et, depuis, les sources d'eaux vives disparurent. Le pays se déssécha et les gens de Tarhouna partis à Malte pour obtenir la fin de cette désolation ne revinrent plus (1). (1) Krafft, Promenades dans la Tripolitaine (Tour du monde.) 4 GUÉRISON D'UNE POSSÉDÉE Un étudiant sortit un jour de son pays et rencontra en route un individu. Quand ils furent près de la ville où ils se rendaient, l'inconnu dit à son compagnon : « J'ai quelque droit sur toi ; je suis un djinn et j'ai un service à te demander. — Quel est-il ? — Quand tu seras arrivé à tel endroit, tu trouveras des poules et parmi elles un coq. Demande-le à son propriétaire, achète-le et égorge-le. C'est tout ce que je désire de toi. — Frère, dit l'étudiant, j'ai aussi quelque chose à te demander. — Qu'est-ce ? — Lorsqu'un démon est rebelle, que les conjurations ne font rien contre lui et qu'il s'est emparé d'un àªtre humain, comment peut-on s'en débarrasser ? — Il faut prendre dans la peau d'un onagre une lanière d'un empan, nouer solidement avec elle les pouces du possédé, puis on fait couler quatre gouttes de suc de rue dans son oreille droite et trois dans celle de gauche ; le démon possesseur meurt et il n'en vient plus d'autre (1). » L'étudiant continue son récit : cc En entrant dans la ville, je me dirigeai vers l'endroit indiqué ; je trouvai le coq qui appartenait à une vieille femme ; je lui demandai de me le vendre ; elle refusa ; enfin je l'achetai pour le double du prix. Alors l'inconnu m'apparut de loin et me fit signe d'égorger l'oiseau : j'obéis. Là-dessus des gens, hommes et femmes, se jetèrent sur moi et se mirent à me frapper en m'appelant sorcier. « Je ne suis pas sorcier, leur dis-je.—Depuis que tu as égorgé le coq, une jeune fille est possédée par un démon et l'on ne peut plus le chasser. » Alors je leur demandai une lanière de peau d'onagre et du suc de rue sauvage. On m'apporta tout cela. J'attachai solidement les pouces des mains de la jeune fille. Alors le démon se mit à crier : « C'est moi qui t'ai appris cela à mes dépens » ; puis je versai quatre gouttes de suc de rue dans son oreille droite et trois dans son oreille gauche, le démon tomba mort sur le champ. Dieu délivra la jeune fille et aucun génie ne vint désormais habiter en elle (2). » (1) Cf. des exemples de l'emploi de la rue contre les maléfices, dans Gubernatis' La mythologie des plantes, p. 326-328. (2) Ibn el Djaouzi, Kitâb el 'Arâis, cité par Ed Damîri, H'aïat el H'araoudn, T. II, p. 446-447 ; El Itlidi, l'iâm en Nâs, p. 186; El Ibchîhi, Kitâb el Moslalrel, T. II, p. 154, reproduit par Belkassem Ben Sedira, Cours de littérature arabe, no LVII; Rat, Al Mostalral, T. II, p. 311-312; Daoud el Antâki, Tazyîn el Asouâq, T. II, p. 31-32; Ibn Hidjdjah el H'amaoui, deuxième supplément au Thamarât et Aourdq, p. 244. 5 LE MAGICIEN JUIF 'Atyah ben Qaïs el Kilâbi raconte ce qui suit : « J'avais pour compagnon de voyage un Juif qui allait du H'idjâz par Jérusalem à Damas. Nous nous arrêtâmes à Baïsan et il me dit : « Je vais te faire voir quelque chose de beau. Il descendit vers le fleuve, prit une grenouille, lui mit au cou un crin de la queue de son cheval et, en moins d'un instant, elle était devenue un porc ayant au cou une corde de fibres de palmier. Le Juif l'emmena à Baïsan et le vendit à quelques Nabatéens, pour cinq dirhems, puis nous nous mîmes en route. Nous n'étions pas très éloignés lorsque les Nabatéens s'empressèrent de courir sur nos traces. Je lui dis : « Voilà des gens qui arrivent. » L'un d'eux, homme puissant et fort, leva la main et lui porta à la racine de la barbe un coup de poing qui le renversa de sa monture, et tout-à-coup, sa tête apparut comme suspendue à un morceau de peau de son cou et le sang jaillissait de ses veines. « Ennemis de Dieu ! m'écriai-je, vous avez tué un homme. Les gens s'enfuirent. La tête me dit : « Regarde s'ils sont passés. — Oui, répondis-je. — Regarde », reprit-elle. Je me tournai et voici que le Juif était assis sur sa monture comme auparavant. » On demanda son nom à¯A^yah ben Qaïs ; il répondit : « C'est Zera'ah ben Ibrâhîm, le sorcier juif (1). » (1) Ech Chirouâni, H'adiqatel Alrah', p. 207-208. Un trait analogue est attribué au philosophe Es Sohraouerditâb el A 'lâq en Nallsah, éd. de Goeje, Leiden, 1892, in-8°. IBN SA'AD, Biographia, Leiden, 1904-1908, 8 vol. in-4°. IBN TALH'AH, El 'Iqd el farîd lil Malik es Sa'ld, Le Qaire, 1283 hégire, in-8°. 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MAQRIZI, Kitâb el Khifat, Boulaq, 1270 hi el Maqtôul, savant en magie. Dans une dispute qu'il avait au sujet d'une tête de mouton avec un Turkomân, celui-ci lui saisit le bras gauche qui se détacha et lui resta dans la main. A cette vue, le Turkomân effrayé s'enfuit, et le cheikh revint trouver ses compagnons qui lui virent dans la main une serviette et pas autre chose (Ibn Khallikân, Ouataydt el A'ydn, T. II, p. 346 ; Ibn Abi Hadjalah, Sokkardân es Soltdn, p. 38-39). 6 LE SECRET DE LA PYRAMIDE « Une autre histoire porte qu'apres que la Pyramide fut ouuerte, le monde la vint voir par curiosité pendant quelques années, plusieurs entrant dedans et les uns en reuenant sans incommodité, les autres y périssant. Un jour il se rencontra qu'une troupe de ieunes hommes au nombre de plus de vingt iurerent d'y entrer, pourueu que rien ne les en empeschast, et de pousser tant qu'ils fussent arriuez iusques au bout. Ils prindrent donc auec eux à boire et à manger pour deux mois. Ils prindrent aussi des plaques de fer et des barres, des chandelles de cire et des lanternes, de la mesche et de l'huile, des haches, des serpes et d'autres tranchans, et entrerent dans la Pyramide. La plupart d'entre eux descendirent de la premiere glissade et de la seconde, et passerent sur la terre de la Pyramide où ils virent des chauues souris grandes comme des aigles noires, qui commencèrent à leur frapper le visage auec beaucoup de violence. Mais ils souffrirent constamment cette incommodité, et ne cesserent d'auancer iusques à ce qu'ils paruindrent à un lieu estroit, d'où il sortoit un vent impetueux et froid extraordinoi- rement, sans qu'ils peussent reconnoistre d'où il venoit ny où il alloit. Ils s'auancerent pour entrer dans ce destroit, et alors leurs chandelles commencerent à s'esteindre, ce qui les obligea de les enfermer dans leurs lanternes ; puis ils entrerent, mais le destroit se trouua presque entierement joint et clos devant eux. Sur quoy l'un d'eux dist aux autres : Liez-moi auec une corde par le milieu du corps et ie me hazarderai de passer outre, à la charge que s'il m'arriue quelque accident, vous me retirerez aussi-tost à vous. Il y auoit à l'entrée du destroit de grands vaisseaux vuides faits de pierre en forme de bieres, auec leurs couuercles a costé, ce qui leur fist connoistre que ceux qui les auoient mis là, les auoient preparez pour leurs morts, et que pour paruenir iusques à leurs thre- sors, et à leurs richesses, il falloit passer par ce destroit. Il lierent donc leur compagnon auec des cordes, afin qu'il se hazardast de franchir ce passage. Mais incontinent le destroit se ferma sur luy, et ils entendirent le bruyt du fracassement de ses os. Ils tirerent les cordes à eux, mais ils ne le peurent retirer. Puis il leur vint une voix espouuantable du creux de cette cauerne, qui les troubla et les aueugla si bien qu'ils tomberent immobiles et insensibles. Ils reuin- drent à eux quelque temps apres, et cherchèrent à sortir, estant bien empeschez de leurs affaires. Enfin ils reuindrent apres beaucoup de peine, hormis quelques uns d'entre eux qui tomberent sous la glissade. Estant sortis dans la plaine, ils s'assirent ensemble tout estonnez de ce qu'ils auoient veu, et faisans reflexion sur ce qui leur estoit arriué, et alors voicy que tout d'un coup la terre se fendit deuant eux et leur jetta leur compagnon mort, qui demeura d'abord immobile, puis deux heures apres commença à remuer et leur parla en une langue qu'ils n'entendoient point ; car ce n'estoit pas de l'Arabe ; mais quelque temps apres quelqu'un des habitans de la haute Egypte le leur interpréta, et leur dit qu'il vouloit dire cecy : C'est icy la recompense de ceux qui taschent de s'emparer de ce qui ne leur appartient pas. Apres ces mots leur compagnon leur parut mort comme auparauant, c'est pourquoy ils l'enterrerent en la mesme place. Quelques-uns d'entre eux moururent aussi dans la Pyramide. Depuis cela celuy qui commandoit en ces lieux-là, ayant oüy parler de leur auanture, on les luy amena, et ils luy racontèrent tout cecy qui luy sembla merueilleux (1). » (1) Pierre Vattier, L'Egypte de Murtadi fils du Gaphiphe (L'Egypte d'El Mortadha fils d'El 'Aflf), p. 52-55. 7 LES DEUX PRÉTENDANTS Il y avait dans les contrées occidentales de l'Espagne, un roi grec dans une à®le appelée Gadis ; il avait une fille d'une extrême beauté. Les rois d'Espagne en entendirent parler ; à ce moment, ce pays renfermait beaucoup de princes ; il y avait un roi pour chaque province ou pour deux provinces. Ils la demandèrent en mariage. Son père craignit, s'il la mariait à l'un, de mécontenter les autres. Il était embarrassé et fit venir sa fille : « Mon enfant, lui dit-il, je suis dans l'embarras à cause de toi parce que les rois t'ont demandée en mariage ; je ne puis t'accorder à l'un sans mécontenter les autres. — Laisse-moi faire, dit-elle ; tu seras tiré d'embarras. — Qu'est-ce que tu désires ? — Que ce soit un roi sage. — Comme tu as bien choisi ! » dit le père. Alors il écrivit dans sa réponse aux prétendants royaux que c'était elle qui choisirait. Parmi les prétendants se trouvaient deux hommes habiles. Chacun d'eux écrivit : « C'est moi qui suis le roi sage. » Quand le père prit connaissance de leurs deux lettres, il dit : « Ma fille, l'affaire reste avec toutes ses difficultés : ceux-ci sont deux rois sages : lequel prendrai-je sans mécontenter l'autre ? — Je demanderai à chacun d'eux une chose qu'il m'apportera ; celui qui réussira à terminer le plus vite ce que j'aurai demandé, je l'épouserai. — Quelle tâche leur imposeras-tu ? — Nous habitons cette à®le et nous avons besoin d'un moulin qui y tourne. Je demanderai à l'un de le faire tourner avec l'eau douce qu'il y amènera de cette terre, et à l'autre de me faire un talisman par lequel il fortifiera l'île contre les Berbères. » Son père approuva la chose et écrivit aux deux rois ce que sa fille lui avait dit. Ils répondirent pour accepter et s'engagèrent auprès de lui. Chacun d'eux s'occupa de l'entreprise sur laquelle il comptait. Pour l'homme au moulin, il fit des degrés de pierre, les mit en ordre les uns sur les autres dans la mer salée qui est entre la presqu'île de l'Espagne et le grand continent, à l'endroit qu'on appelle le détroit de Ceuta. Il boucha les intervalles qui existaient entre les pierres par les moyens que lui enseignait sa science. Il fit arriver ces pierres depuis le continent jusqu'à l'île et les traces subsistent encore aujourd'hui dans la partie du détroit qui est entre Ceuta et l'île Verte (Algésiras)... Quand la pose des pierres fut terminée par le roi sage, il amena l'eau douce d'une montagne de la Grande Terre ; il s'en rendit maître par un canal solide et bâtit dans la presqu'île de l'Espagne un moulin sur ce canal. Quant à l homme du talisman, il tarda à se mettre à l'œuvre parce qu'il attendait une conjoncture favorable à sa construction, ce qui l'empêcha d'exécuter son plan et le retarda. Mais il bâtit une construction carrée en pierre blanche, sur le rivage de la mer, sur un monceau de sable ; il en creusa les fondements jusqu'à ce qu'il l'eût établie sous terre à la même distance qu'elle était au dessus, pour l'affermir. Quand la construction carrée fut arrivée où il voulait, il fabriqua avec du cuivre rouge et du fer pur mélangés selon les règles, l'image d'un Berbère ayant de la barbe et, sur la tête, une touffe de cheveux crépus redressés naturellement. Il était drapé dans l'image d'un manteau dont il réunissait les deux extrémités au dessus de sa main gauche, le mieux représenté du monde ; à ses pieds étaient des sandales. Il était debout au sommet de la construction, sur un piédestal de la largeur de ses deux pieds. Il se dressait en l'air ; sa hauteur était d'un peu plus de soixante à soixante-dix coudées ; il était isolé et sa largeur arrivait à une coudée ; il étendait sa main droite tenant une clef, faisant signe vers la mer cégire, 2 vol. in-4°. id. 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Le bruit s'en répandit et la nouvelle arriva à l'auteur du talisman. Il était alors au sommet de la construction, occupé à polir la figure de la statue, car le talisman était doré. Quand il fut certain qu'il était devancé, il eut une faiblesse et tomba mort du haut de sa construction. L'autre obtint la femme, le moulin et lé talisman (1). (1) El Maqqari, Analectes sur l'histoire d'Espagne, T. I, p. 152-154 ; Yâqout, Mo'djem el Boldân.T. IV, p. 6 ; P. de Gayangos, The history of the Muhammedan dynasties in Spain, T. I, p. 259-261 ; El Qazouîni, 'Adjâib el Makhlouqât, p. 369- 370. Une légende semblable, relative à l'aqueduc de Cherchel, existe encore chez les Beni Menacer, cf. mes Contes populaires berbères, n', XXII, p. 45 ; Fabre, L'Algérie, p. 41-42. 8 LA VILLE PÉTRIFIÉE Une caravane s'étant détournée du chemin ordinaire pour éviter les courses des Arabes, vint en un lieu désert dont les vents avaient enlevé tous les sables. On y trouva les ruines d'une ville qui avait été détruite, et dans laquelle les hommes, les femmes, les enfants, les bêtes de somme, les oiseaux et les chiens avaient été pétrifiés. On y vit entre autres une femme qui tirait du pain d'un four, et la femme, le pain et le four avaient été changés en pierre (1). (1) Chihâb eddîn Ah'med el Moqri el Fâsi, Kitâb el Djomdn, p. 150-151. Au XVIIe siècle, le bruit se répandit qu'en Afrique une « maligne vapeur a avait pétrifié toute une ville. Le gazetier Loret raconte que le grand-duc de Florence envoya un de ses gentilshommes au pacha de Tripoli pour vérifier l'exactitude de ce récit : il en rapporta Des fleurs, des raisins, des châtaignes, Qui prouvent, en perfection, Cette pétrification, En atendant d'autres figures, Mesmes, d'humaines créatures, Dont un navire a le dépôt Qu'à Livourne on atend bientôt. (Loret, La Muze historique, T. II, liv. VII, lettre 48, vers 195-201, p. 271-272.) 9 LES DEUX FÉES DES SONGES 'Omar ben El H 'abib raconte qu'il y avait à Basrah un homme avec une femme et deux enfants. Il mourut leur laissant une brebis. La femme crut entendre en songe un de ses fils lui dire : « Ma mère, ne vois-tu pas comme ce chevreau épuise à nos dépens le lait de la brebis ? Il faut absolument que j'aille le tuer. — Ne le fais pas, mon fils. — Il le faut absolument», reprit-il. Il se leva, l'égorgea, l'échauda, le fit rôtir, le tira du four et s assit avec son frère pour en manger. Celui-ci lui dit quelques mots ; l'aîné prit son couteau et lui fendit le ventre. La mère s'éveilla effarée, et voici qu'elle entendit son fils lui dire : « Ma mère, ne vois-tu pas comme ce chevreau épuise à nos dépens le lait de la brebis ? je veux aller le tuer. — Ne le fais pas, mon fils », et elle fut stupéfaite de la réalisation de son rêve. Elle prit la main de l'autre frère, le fit entrer dans une chambre dont elle ferma la porte en dedans. Tandis qu'elle était préoccupée et anxieuse, elle s'endormit et vit dans son sommeil le Prophôte qui lui demanda : « Qu'as-tu ? » Elle lui raconta l'aventure. Aussitôt, il cria «Rouya (songe). » La muraille se fendit ; il en sortit une femme d'une beauté accomplie.—« Que voulais-tu à cette pauvre femme ? » demanda Moh'ammed. — « Par celui qui t'a envoyé porter la vérité, je ne suis pas allée la trouver dans son sommeil. » Alors il cria : « Adghâth Ah'lâm (chimère). » — Une femme bien moins belle que la précédente apparut et le Prophôte lui demanda: « Que voulais-tu à cette malheureuse ? — Je les ai vus vivre en paix, je les ai enviés et j'ai voulu les contrister. — Tu n'as rien à craindre», dit le Prophôte à la femme qui s'éveilla ; elle mangea avec ses fils et ils ne cessèrent d'être avec le bien (1). (1) Ah'med ech Chirouâni, Nefh'atel Yemen, p. 39 ; Rescher, Dze Geschichten und Anekdoten aus Qaljûbt's Nawâdir und Schirwâni 's Nafhat el Yemen, p. 72-73. 10 LE DRAGON GARDIEN DU TRÉSOR On raconte que 'Abd Allah benDjad'ân était d'abord un méchant vagabond, auteur de nombreux méfaits, si bien que son père et sa tribu le prirent en haine et le chassèrent en disant qu'ils ne le recevraient plus. Il s'en alla dans les chemins montagneux de la Mekke, hors de lui, plein de chagrin, désirant mourir. Il ne cessa de marcher jusqu'à ce qu'il vit une fente dans la montagne ; il y pénétra dans l'espoir de rencontrer un serpent ou quelque animal qui le tuerait, de façon à le débarrasser de la vie. Il y vit un dragon énorme qui avait des yeux brillants comme des lampes. Le dragon s'avança sur lui ; il recula en fuyant, puis le dragon se glissa à reculons ; alors 'Abd Allah s'avança. Le monstre le regarda et vit qu'il ne fuyait pas : le jeune homme s'approcha et le frappa. Le dragon était d'argent et ses yeux de rubis. 'Abd Allah le brisa et prit ses yeux ; or, par derrière, il y avait un endroit pareil à une chambre. Il y entra et trouva de grands ossements : auprès des têtes étaient des tablettes d'argent avec les dates : c'étaient les gens des Djor- hom (1) et leurs rois. Il alla plus loin et vit au milieu un énorme tas de rubis, d'émeraudes et d'o~. Il en prit tant qu'il put, ferma la porte et y mit une marque. Il en envoya une partie à son père pour l'apaiser; toute sa tribu arriva et le prit pour chef. Il se mit à nourrir des gens et à répandre des bienfaits à l'aide de ce trésor, si bien que le Prophôte dit : « Je me suis abrité contre la chaleur de midi avec le plat de 'Abd Allah ben Djad'ân. 'Aïcha lui demanda : « Est-ce que ces générosités lui servent ? — Non, car il n'a jamais dit : « Mon Dieu, pardonne-moi mes fautes au jour de la rétribution (2) ! » (1) Les Djorhom sont une population légendaire qui aurait précédé à la Mekke les Arabes actuels. (2) Ah'med el Qalyoubi, Naouddir, p. 41 ; Rescher, Die Geschichten und Anek- doten aus Qaljûbt's Nawâdir, p. 81-82; Ah'med el Ibchthi, Mostatref, T. II, p. 128-129 ; Rat, Al Mostatraf, T. II, p. 246. Le récit est plus développé dans Ed Damîri, H'aïat el H'aïaoudn, T. I, p. 194-195. 11 LES FRIANDISES DES DÉMONS Un homme qui voyageait pendant la nuit vit une noce. Les gens l'invitèrent. Quand il s'approcha, il lui donnèrent des sucreries. Il en mangea un peu, mit le reste dans sa poche et continua sa route. Le lendemain matin, il appela ses petits enfants pour leur donner les sucreries. Mais lorsqu'il mit la main dans sa poche, qu'il en prit une poignée et qu'il dit à l'un : « Prends-en un peu, » à l'autre : « Prends-en un peu », les enfants regardèrent ces sucreries et trouvèrent que c'étaient des crottes de chèvres. L'homme comprit alors que les gens de la noce étaient des démons (1). (1) TaIlqvist, Arabische SprichwlJrter und Spiele, p. 77. 12 L'HOSPITALITÉ FANTASTIQUE Le faqih Abou 'Abd Allah ibn 'Omar ibn Khamis logeait dans une hôtellerie où il occupait une petite chambre ; il couchait là par terre sur des peaux de mouton. Or, il arriva un jour qu'un étranger avec lequel il étain-8°. id. Beitrœge zur Geschichte des Alexanderromans, Vienne, 1890, in-4°. id. Ali Baba und die vierzig Riiuber, Zeitschrilt fur Assy- riologie, T. XXVIII, 1913. NONNOS;'-Dionysiaques, éd. et trad. Marcellus, Paris, 1856, in-8°. Nozhat el Absâr, Le Qaire, s. d. petit in-8°. Nozhat el Diallds fi Akhbâr Abi Noouâs, Beyrout, s. d. in-8°. 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Dès ce moment, il s'empara de la personne de son ami, l'accompagnant partout jusqu'au moment où, la nuit étant survenue, il leur fallut se rendre au gîte avec les autres voyageurs qui avaient été étonnés de lui voir faire une pareille invitation. « Lorsque nous fûmes entrés dans l'hôtellerie, dit l'étranger, je me trouvai devant une porte que je n avais d'abord pas aperçue. Ibn Khamis se mit à l'ouvrir et nous voilà, à notre grande surprise, dans le vestibule d'un grand hôtel, où nous trouvâmes une jeune esclave qui tenait dans sa main une bougie allumée. Marchant devant nous et nous précédant de quelques pas, elle nous conduisit dans l'intérieur de l'hôtel qui était très vaste et renfermait de splendides appartements. Après avoir tra-"versé plusieurs pièces magnifiques, nous fûmes introduits dans une salle ornée de tapis commodes et somptueux. Tout le monde s'y étant installé, Ibn Khamis commanda que l'on apportât les mets destinés à notre repas, et l'on y servit tout ce qu'une âme peut convoiter, tout ce qui est capable de faire les délices des yeux. Nous en mangeâmes à notre gré et autant que nous voulûmes. Notre appétit pleinement satisfait, nous sentîmes le besoin de nous reposer et nous nous jetâmes bientôt dans les bras du sommeil. Le lendemain matin, mon ami Ibn Khamis s'étant levé de bonne heure, sortit de l'hôtel en compagnie des autres hôtes et me laissa endormi. Je me réveillai enfin, le jour étant déjà avancé, mais, chose étrange, je me trouvai couché sur une méchante peau de mouton et dans la misérable chambre que je savais àªtre occupée ordinairement par le cheikh (1). » (1) Yah'ya ibn Khaldoun, Bighyat er Rouâd, éd. Bel, T. I, p. 39-40 du texte ; 50-51 de la traduction ; Bargès, Complément de l'histoire des Beni Zeiyan, p. 23-24. 13 L'OISEAU MONSTRE Un menteur rapporte : « Une fois, nous voyagions sur mer lorsqu'au dessus de nous apparut un oiseau gigantesque ayant un éléphant dans son bec, un autre sur son épaule, un autre sous son aisselle, et dans ses serres un grand ours ; il les portait dans son nid pour nourrir ses petits (1). » (1) Nozhat el Odabâ, f. 82 ; Es Samlâoui, Raouâih' el Aoudtir, p. 55-56. 14 L'ÉTANG MAGIQUE Un jour, un roi des Berbères qui avait rassemblé une foule considérable et des fantômes effrayants, marcha contre Qarmidah. Les habitants s'enfermèrent dans leur forteresse et eurent recours à leurs idoles. Le prêtre alla vers un grand étang très profond où l'on s'abreuvait. Il s'assit sur le bord, plaça tout autour les chefs des prêtres, puis commença à murmurer des prières au dessus de l'eau jusqu'à ce qu'elle bouillonnât. Du centre de l'étang sortit un feu au milieu duquel était un visage pareil au disque du soleil et tout lumineux. La foule se prosterna pour l'adorer. Cette image grandit jusqu'à ce qu'elle s'élevât au dessus de la coupole et on l'entendit dire : « Vous àªtes à l'abri de la méchanceté de vos ennemis. » On se leva et voici que les Berbères avaient péri avec tout ce qui était avec eux. Et cela parce que l'image du soleil qui était sortie de l'eau avait passé sur eux et avait poussé un cri qui les fit périr (1). (1) Maqrîzi, Kitâb el Khifat, T. I, p. 36 ; id. éd. Wiet, T. I, p. 158 ; id. trad. Bou- riant, T. I, p. 101 ; ce récit est un peu plus développé dans L'abrégé des Merveilles, trad. Carra de Vaux, p. 311-312. 15 LA CONQUÚTE'DU DIAMANT On raconte que le premier qui tira des diamants de leur mine, fut Iskender (Alexandre) lorsqu'il passa en Orient. Il s'arrêta dans la vallée de 'Aïn ech Chems (la source du Soleil), où il y avait des serpents et des scorpions, entre autres un serpent gigantesque dont l'aspect terrifiait l'armée d' Iskeqder. Celui-ci fit faire un miroir pareil à un bouclier, le mit au haut d'une lance et le dressa en face du serpent qui s'y vit et mourut à sa place (1). (1) El Khaouârlzmi, Mofid el 'Oloum, p. 72. Cf. un épisode semblable dont Alexandre est encore le héros, dans l'article de Gaudefroy-Demombynes Un épisode de la Ville d'airain, Revue des Traditions populaires, T. XXII, p. 194 et une note de Wiet dans son édition de Maqrtzi, T. I, p. 151. 16 H'ADIDOUÂN ET L'OGRESSE Un homme avait trois fils et trois chèvres. « Mes enfants, leur dit-il, il faut que vous travailliez pour vous-mêmes; je vous donnerai à chacun une chèvre ; je vous bâtirai un gourbi à chacun ; demeurez- y et travaillez pour vivre. » L'aîné lui dit : « Mon père, bâtis-moi une maison de pierre avec une porte de pierre. » L'ogresse vint, détruisit cette maison et le dévora ainsi que la chèvre. Le second dit : « Mon père, bâtis-moi une maison de planches avec une porte de planches et laisse-moi. » L'ogresse vint, détruisit cette maison et le dévora. Le troisième, H'adidouân, vint dire à son père : ((Bâtis- moi une maison de fer (1) avec une porte de fer et laisse-moi. » L'ogresse vint, chercha comment le manger, mais ne trouva pas. Elle enleva un morceau d'étoffe, s'en fit une tente en face de la maison du jeune homme et s'assit, guettant quand il sortirait, pour le manger. Cette ogresse avait une fille petite et louche et un ânon. Quand l'ogresse allait arroser, H'adidouân sortait, donnait des coups de fouet à la fille et jouait avec l'ânon ; puis il revenait à la maison et disait : « J'ai trouvé l'ânon dans la prairie ; je suis monté dessus comme j'ai voulu. » — L'ogresse, à son retour, cherchait un moyen de s'emparer de cet homme et ne le trouvait pas. Un jour elle rencontra un homme grisonnant et lui dit : « Maître, vois ce que me fait H'adidouân ; il maltraite ma fille et mon ânon. » Le vieillard répondit : « Ogresse, donne-moi ta parole de ne pas me maltraiter : je t'indiquerai un moyen. — Je t'assure, par Dieu, que je ne te trahirai pas, » dit-elle. — « Prends de la cervelle d'un vieillard et mélange-la avec de la résine de pin. » L'ogresse reprit : « Je me donnerais du mal sans trouver un vieillard comme toi. » Alors elle le saisit, lui fendit la tête jusqu'à ce qu'elle fit éclater le crâne et s'en alla à sa maison. Elle dit à sa fille : « J'ai trouvé un moyen pour prendre ce mécréant, fils de mécréant, il ne nous faut plus maintenant que de la résine de pin. — Demain, nous en chercherons, » dit la fille. Elles partirent à la recherche de H'adidouân jusqu'à ce qu'elles trouvèrent une noce dans un douar. L'ogresse dit au jeune homme : « Allons à la tribu ? — Je n'irai pas, » dit-il, et quand il la vit négligente, il l'abandonna et alla à la fête. Elle vint l'appeler et trouva qu'il était parti. « Chien, fils de chien ! dit-elle ; il est allé à la fête ; il m'a attrapée. » Elle changea sa forme, devint une levrette et partit pour la fête. H'adidouân la regarda et la reconnut. Quand il la vit en compagnie des gens, il leur dit : « Frappez cette levrette infecte qui ne vaut rien. » Ils se mirent à la frapper avec des bâtons; elle passa près de H'adidouân et lui dit : «Demain, sur la route, je te mangerai, mécréant, fils de mécréant ! » Le maître de la fête dit au jeune homme : « Mon frère, va aujourd'hui à ta maison et non demain. — Je n'irai que dans sept jours. » L'ogresse l'entendit et attendit jusqu'à ce que les sept jours fussent écoulés. H'adidouân pensa la surprendre; il partit ce jour-là, prit de la nourriture et aussi de la viande ; il se mit en route, s'arrêta pour se soulager, y mit un peu de nourriture et y ajouta un peu de viande. L'ogresse suivit ses traces, prit la nourriture qu'elle tres publiés en l'honneur du XIVe Congrès des Orientalistes, par les Professeurs de l'École des Lettres et des Médersa, Alger, 1905, in-8°. REGNARD, Théâtre, suivi de poésies diverses, Paris, s. d., in-18 jésus. 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STUMME, Tunisische Mârchen und Gedichteouva en route, jusqu'à ce qu'elle l'eût rassemblée tout entière. Elle arriva près de sa fille qui lui dit : «Ma mère, H'adidouân est arrivé. — Il m'a jouée, dit-elle ; mais je lui revaudrai ce tour. » Elle alla trouver le jeune homme et lui dit : « H'adidouân, allons arroser. — L'outre est déchirée. » L'ogresse s'en alla et pendant la nuit, il arrosa. Le lendemain, il laissa son outre dehors ; l'ogresse la trouva ; elle prit l'outre déchirée et s'assit pour la raccommoder. Quand elle l'eut réparée complètement, elle la donna à H'adidouân et lui dit : « Allons arroser. — J'ai arrosé, » répondit-il. Un jour, il sortit de sa maison et il alla cueillir des figues dans son verger. Il monta sur le figuier. Elle le vit et alla à lui. Il prit un lambeau d'étoffe brune et la mit sur sa tête. L'ogresse se trompa, le prenant pour un corbeau et s'en alla en disant : « Corbeau, mange les fruits cueillis et non cueillis et frappe-moi à l'œil borgne. » Quand elle ne fit plus attention, H'adidouân alla à sa maison. L'ogresse alla lui dire : « J'ai trouvé un verger où il y a beaucoup de figues et je ne prends pas la peine de les cueillir : un corbeau me les mesure. » Il répondit : « Laisse donc tout cela : voici ce que tu lui disais : Corbeau, mange les fruits cueillis et non cueillis. C'était moi et je te frappais à l'œil borgne. — Tu m'as attrapée », dit-elle. Un jour, elle alla chercher de la résine de pin ; elle l'apporta, la mélangea avec la cervelle du vieillard et en enduisit le dos de l'ânon. H'adidouân arriva, sauta sur l'animal et y fut collé. L'ogresse arriva en courant, le saisit et partit pour le manger, mais il s'était lié d'amitié avec la gerboise et celle-ci entra dans sa poche. Il dit à l'ogresse : « Tu veux me manger et je suis maigre. — Montre ton doigt », dit-elle. Il lui montra la queue de la gerboise. L'ogresse ajouta : « Je ne te mangerai pas jusqu'à ce que je t'aie engraissé. » Alors elle le mit chez elle dans un silo, lui apporta vingt-cinq pains de figues sèches, vingt-cinq paniers de raisins frais, vingt-cinq paniers de tranches de viande séchée et vingt-cinq paniers de fruits secs. Ils se mirent à manger, la gerboise et lui. Tous les dix jours, l'ogresse l'examinait et lui disait : « Hé ! H'adidouân, montre ton doigt. » Il lui montrait la queue de la gerboise. Un jour, il ne restait qu'un grain de raisin; la gerboise dit : « Je le mangerai. — Non, dit le jeune homme, c'est moi qui le mangerai. » Il l'enleva et le mangea. La gerboise s'irrita, se sauva et entra dans un trou en face en disant :« H'adidouân, je ne te prêterai plus ma queue. » L'ogresse vint et lui dit : « Montre-moi ton doigt. » Il le lui montra réellement. « Tu as engraissé », dit-elle. Elle !c fit sortir et voulut l'égorger et le manger. La fille était en train de moudre du blé. H'adidouân sortit en face d'elle, fredonnant et chantant. Elle lui dit : « Tu sais chanter ? » Il lui répondit : « Si tu veux me laisser moudre avec toi, tu verras que je t'apprendrai à chanter. — Viens. » Elle dit à l'ogresse : « Va inviter mes tantes. » L'ogresse partit et le jeune homme resta avec la fille, occupée à aiguiser une lame de sabre ; puis, profitant de son inattention, il l'égorgea. Il revêtit ses vêtements, lui enleva le visage qu'il plaça sur le sien, coupa sa chair, la mit dans la marmite et s'occupa de la faire cuire. L'ogresse revint avec ses sœurs. H'adidouân sortit pour les saluer, et à chacune qui le saluait, il coupait les lèvres. Elles dirent à l'ogresse : « Ma sœur, qu'est-ce qu'a ta fille ? — Qu'a-t- elle ? — Elle nous a saluées et nous a coupé les lèvres. — Pardonnez-lui sa sauvagerie ; elle désirait vivement vous voir. » Elles arrivèrent à la tente. « Ma mère, dit H'adidouân, voici, j'ai tué pour toi ce mécréant, fils de mécréant, j'ai coupé sa chair et elle cuit. — Très bien, ma fille, tu es précieuse. » — Il ajouta : « Donnez-moi la clef de ce mécréant, fils de mécréant, j'irai jouer dans sa maison avec mon frère. » L'ogresse lui donna la clef et lui dit : « Va. » H'adidouân partit, entra dans la maison, ferma la porte, monta sur la terrasse en face de l'ogresse ; puis il prit l'enfant qu'il avait avec lui, le heurta contre terre, fit voler sa cervelle, et se mit à interpeller ses ennemies en disant : « Mangez la chair de votre fille ; la tête de la borgne est dans le sac et la maison reste sans rien. » Elles cherchèrent. L'ogresse trouva la tête de sa fille et dit : « Il me l 'a fait avant que je ne le lui fasse ! » H'adidouân ajouta : « Vous vouliez me manger 1 » et il se remit à leur donner des indications : « Apportez cent charges de bois et de troncs d'arbre et entassez-les en face de la maison. Quand le feu sera chaud, écartez-vous là-bas, arrivez en courant, donnez des coups de tête et vous ferez tomber le fer. » Elles allèrent arracher des racines, couper du bois, tandis qu'il transportait de l'eau, la versait au milieu de la maison jusqu'à ce qu'il l'eût remplie. Puis il prit de la neige et la mit au milieu de cette eau de façon à la refroidir. « Allumez, maintenant », leur dit-il. Elles allumèrent. Le mur devint rouge. Il ajouta : « Venez en courant et frappez le mur avec vos têtes ; détruisez-le. a Elles vinrent en courant. La première fois, elles frappèrent avec leurs têtes et ne s'y attachèrent pas ; la seconde fois, elles frappèrent encore sans s'y attacher. La troisième fois, elles frappèrent et y demeurèrent collées. H'adi- douân descendit avec une épée, leur trancha la tête et se sauva (2). (1) Le nom de H'adidouân est formé du mot h'adid, fer. (2) Delphin, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 137. Une autre version arabe avec quelques variantes a été recueillie au Maroc : cf. Socin et Stumme, Der arabische Dialekt der Hoouara, conte X, p. 50-53 ; 112-115. On trouve plusieurs traits de ce conte en berbère. Cf. Stumme, Miirchen der Schluh von Tazerwalt, conte XXIII, Une histoire véritable, p. 58, 177-178 ; Mou- liéras, Légendes et contes merveilleux de la grande Kabylie, T. I, conte XII, Mekid'ech et l'ogresse aveugle, p. 173-196; Biarnay, Etude sur les dialectes berbères du Rit, Histoire de H'addidzouân, p. 312-318 ; Destaing, Etude sur le dialecte berbère des Beni Snous, T. II, p. 75-84, Histoire de H'adidouân et de l'ogresse. Ce cycle de contes a été étudié par E. Cosquin, Le conte de la chaudière bouillante et de la feinte maladresse. 17 LES MERVEILLES DE BABYLONE On raconte qu'il y avait à Babylone (Bâbel) sept villes, chacune d'elles renfermant des merveilles. Dans la première était l'image de la terre. Quand les gens de son royaume étaient séditieux envers le souverain et refusaient d'acquitter l'impôt, il rompait sur l'image les cours d'eau et les gens de cette contrée ne pouvaient arrêter l'eau jusqu'à ce qu'ils se fussent acquittés; tant qu'on n'avait pas arrêté l'eau sur l'image, on ne pouvait le faire dans le pays. Dans la seconde ville, il y avait une citerne. Quand le roi voulait réunir les habitants pour un festin, chacun d'eux apportait la boisson qu'il voulait et la versait dans cette citerne, et quiconque y puisait ne trouvait que celle qu'il avait apportée. Dans la troisième était un tambour qu'on frappait quand on voulait savoir comment se trouvait quelqu'un absent de sa famille ; s'il était vivant, on entendait du bruit ; s'il était mort, on n'entendait rien. La quatrième contenait un miroir ; quand on voulait connaître l'état d'un absent, on y regardait et l'on voyait, comme si on l'avait sous les yeux, comment il se trouvait. Dans la cinquième, il y avait une oie en cuivre ; si un étranger entrait, elle poussait un cri que tous les habitants de la ville entendaient. Dans la sixième il y avait deux juges assis sur l'eau ; quand deux adversaires venaient les trouver, celui qui avait raison marchai, Leipzig, 1893, 2 vol. in-4°. id. Mürchen der Schluh von Tazerwalt, Leipzig, 1895, in-8°. Suka Saptati, textus simplicior tr. Schmidt, Kiel, 1894, in-8°. — Textus ornatior, tr. Schmidt, Stuttgart, 1898, in-8°. SUBRAMIAH PANTULU, Folklore of the Telugus, Madras, s. d. in-12. SWYNNERTON, Indian Nights Entertainments, Londres, 1892, in-8°. 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C'est pour les avoir offensés que périt d'un mal mystérieux le second mari de la poétesse arabe El Khansa, Mirdâs ibn Abou 'Âmir. L'aventure est ainsi racontée par Yâqout : « On rapporte que H'arb ben Omayyah, Kolaïb b. El H'arth et Mirdâs ben Abou 'Âmir s'arrêtèrent un jour à la montagne d'El Qorayat, sur le territoire des Benou Solaïm. Il y avait là une source coulant à l'intérieur d'une grotte et tombant au milieu de roseaux, de tamarins et d'halfa. « Si nous mettions le feu à ces broussailles, dit H'arb, et si nous régularisions les courants d'eau de ce côté, car je vois qu'elle s'écarte de la route, nous aurions un verger et des cultures. » Kolaïb répondit : « Je crains que cet endroit ne soit hanté. — Nous le ferons pourtant», dirent H'arb et Mirdâs. Kolaïb reprit : « Je vous prends à témoins que je ne m'associe pas à vous.» Ils mirent le feu et brûlèrent le tiers de la jongle. Des gens des Benou Solaïm prétendent qu'ils virent des serpents pareils à des bracelets d'ivoire qu'on porte aux poignetst sur l'eau et venait s'asseoir avec eux ; celui qui avait tort tombait dans l'eau. La septième renfermait un arbre énorme qui n'abritait que son tronc. Quand on s'asseyait à son ombre, il pouvait couvrir mille personnes ; si ce nombre était dépassé d'une unité, tous étaient au soleil (1). (1) Ah'med el Ibchihl, Kitâb el Mostatref, T. II, p. 159 ; Rat, Al Mostatral, T. II, p. 322-323 ; Qazouini, Athâr el bilâd, p. 202-203. Le même récit est donné d'après le Rabi' el Abrar de Zamakhchari par Ibn Abi H'adjalah, Sokkardân es Soltân, p. 158-159. Il se trouve aussi plus développé dans Ed Dimichqi, Cosmographie, p. 37-38, qui l'emprunte à l'auteur de la Toh'lat el Gharâïb : ces merveilles seraient dues au roi Ouchenk. 18 LA MONTAGNE AUX OISEAUX Sur la route de Beni Sourif, en Egypte, « nous nous trouvâmes à neuf heures du matin sous Gebel Teïr, ou la montagne aux oyseaux ainsi appellée à cause qu'un certain jour de l 'année, tous les oyseaux des environs s'y assemblent, en un endroit où il y a un Talisman, qui les attire par un charme de tous costés et les y fait rester pendant un jour ; et après avoir resté là jusqu'au soir, ils s'en vont tous à la réserve d'un seul qui y demeure, le bec fiché dans le roc jusqu'au mesme jour de l'année suivante qu'il tombe et qu'un autre s 'y fiche à sa place (1). » (1) Vansleb, Nouvelle relation d'un voyage lait en Egypte, p. 402. Maqrîzi mentionne le défilé des oiseaux Bouqir dans le voisinage d'Achmoun dans le Sa'id : c'est une crevasse de la montagne dans laquelle se trouve une fissure dans laquelle, à certains jours de l'année, viennent les Bouqir (sorte de héron). Ils s'approchent de la fente ; chacun d'eux y met son bec, puis s 'en va jusqu 'à ce que la fissure se referme sur le bec de l'un d'eux et le retienne prisonnier. Tous se sauvent et il reste suspendu jusqu'à ce qu'il finisse par tomber (Maqrîzi, Kitâb el Khitat, T. I, p. 31 ; El Maoua'iz' wa'l l'tibar, éd. Wiet, T. I, p. 136 et note 3 ; Description historique et topographique de l'Egypte, trad. Bouriant, T. I, p. 87). Cette légende se trouve aussi dans Es Soyouti, H'osn el Moh'âdharah, T. I, p. 32, d'après Ibn Abi H'adjlah, Sokkardân es Soltân, p. 21-22, et dans Ibn Iyâs, Badâ'i' ez Zohour, p. 21. Un conte analogue est donné aussi par Ech Cherichi, d'après El Qazouîni, pour un oiseau du Tabaristân, pareil à la buse. Il apparaît au printemps et pousse un cri : alors tous les moineaux et les petits oiseaux se rassemblent et lui donnent la becquée. Le soir venu, il saisit l'un des plus rapprochés et le dévore. Il continue ainsi jusqu'à ce que la saison du printemps soit passée. Alors les mêmes oiseaux se réunissent et le harcèlent à coups de bec jusqu 'à ce qu'ils le mettent en fuite et on n'en entend plus parler jusqu'à l'année suivante (Commentaire des Séances de Hariri, T. II, p. 406). 19 LE COQ MERVEILLEUX « Parmi les créatures de Dieu est un coq dont les ergots sont sous la septième terre et dont la crête est repliée sous le Trône : ses deux ailes embrassent les deux horizons. Lorsqu'il ne reste plus de la nuit que le dernier tiers, il bat des ailes et s'écrie : Gloire à notre Seigneur, le roi saint ! Ceux qui sont entre l'Orient et l'Occident l'entendent ; or, vous voyez que les coqs, quand ils entendent cela, se mettent à chanter (1). » (1) El Motahher el Maqdisi, Le livre de la Création et de l'histoire, éd. et trad. CI. Huart, T. II, p. 11 du texte, 11 de la traduction. 20 LA CAPTIVE DÉLIVRÉE Un homme de Belh'arith raconte ce qui suit : Je partis avec neuf compagnons, me dirigeant vers la Syrie et je restai en arrière si bien que les ténèbres m'entourèrent ; je vis s'élever un feu et je me dirigeai vers lui. Je trouvai une tente devant laquelle était une belle jeune fille. « Que fais-tu en cet endroit ? lui demandai-je. — Je suis une des Fezârah, j'ai été enlevée par un démon qui s'absente loin de moi pendant la nuit et vient me trouver le jour. — Viens avec moi, repris-je. — Je crains de périr. » J'insistai, je la fis monter sur ma chamelle et je me mis en marche. Nous cheminâmes jusqu'à ce que la lune se levât. En me retournant, j'aperçus une énorme autruche montée par un cavalier. « Le voilà, dit la jeune fille ; il nous a rejoints ; qu'allons-nous faire ? — Je fis agenouiller ma monture, je fis descendre la femme, je traçai une ligne autour d'elle, je récitai des versets du Qorân et je me recommandai à Dieu. Le démon s'avança et récita ces vers : 0 toi que le destin appelle sur le champ, Renonce volontairement à cette belle jeune fille, puis va-t-en. Je suis un àªtre puissant, maître du temps, sois patient. Je lui répondis ainsi : 0 toi que la sottise appelle sur le champ, Renonce volontairement à cette belle jeune fille, puis va-t-en. Tu n'es pas le premier des djinns qui ait été amoureux. Alors il s'avança contre moi sous la forme d'un lion ; nous luttâmes, et aucun de nous ne put vaincre son adversaire. Il me dit : « Accepterais-tu une de ces trois choses ? — Laquelle ? —Tu couperas ma touffe de cheveux et tu renonceras à la jeune fille. — Ta touffe de cheveux est pour moi la chose la plus facile du monde à prendre. — Tu recevras tout ce que tu voudras en fait de chameaux. — Je ne vends pas ma religion pour les biens de ce monde. — Je te servirai tous les jours de ta vie. — Je n'ai pas besoin de tes services. » Alors il récita : Mon corps dépérit et la nouveauté de l'amour passe, mais ma passion ne me quitte pas quand mon corps dépérit. Sur toi soit le salut de Dieu, ô Dad, tant que la bise soufflera dans le Ghour et le Nedjd. J'emmenai la femme chez les siens ; ils me la donnèrent en mariage et j'eus des enfants d'elle (1). (1) El Qazoufni, 'Adjâïb el Makhlouqât, p. 373-374; Ansbacher, Die Abschnitte aber die Geister und wundcrbaren Geschôpfe, p. 25-27 ; Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatref, T. II, p. 161 ; Rat, Al Mostatraf, T. II, p. 330-331. 21 EL HADHID ET LA FÉE Un jour, El Hadhâd, roi du Yémen, partit à la chasse. Il rencontra un loup qui poursuivait une gazelle et l'avait poussée vers un défilé d'où il lui était impossible de s'échapper. El Hadhâd attaqua le loup, le chassa et sauva la gazelle dont il suivit les traces. Il s'éloignait ainsi de plus en plus de sa suite lorsque tout à coup il vit devant lui une ville magnifique avec des constructions grandioses, de nombreux troupeaux de chameaux et de chevaux, d'épaisses forêts de palmiers et des champs riants. Un homme se présenta à lui et lui dit que cette ville s'appelait Ma'rib, qu'elle était sa résidence, que le peuple qui l'habitait se nommait Arim et était de la race des djinns, que lui-même était leur roi et se nommait Talab ben Sa'ad. Tandis qu'ils parlaient ainsi, une jeune fille d'une beauté admirable se présenta devant eux et El Hadhâd ne pouvait détacher ses yeux d'elle. Le roi des djinns lui dit : « C'est ma fille ; si tu veux, je te la donne en mariage ; tu lui as sauvé la vie, car c'était la gazelle que tu as délivrée du loup ; pendant toute son existence, elle ne peut àªtre assez reconnaissante envers toi. Trouve-toi dans trente jours à l'endroit des noces avec tes parents et les princes de ton peuple. » El Hadhâd s'en retourna, et bientôt la ville des esprits disparut à ses yeux. Mais, au bout de trente jours, il revint avec sa suite pour le mariage. Pendant ce temps, les djinns avaient construit un palais garni de jets d'eau et de jardins. Le roi Talab les reçut et pendant trois jours et trois nuits leur donna une magnifique hospitalité jusqu'à ce que H'arouâ, la jeune fille, fut conduite dans l'appartement d'El Hadhâd. Le palais devint sa résidence et s'envoler de cet endroit. Suivant Ez Zobeïr ben Abou Bekr, on entendit une voix mystérieuse réciter ces vers : Malheur à H'arb, cavalier hardi et fort ! Malheur à¯Âmir (Mirdâs), cavalier, quand on coiffe les bonnets pointus 1 Nous trouvons, pour sa mort, des chefs terribles. Les trois cavaliers passèrent la nuit à cet endroit. Mais pendant la nuit, Mirdâs eut la tête écrasée et H'arb fut atteint du mal qui le fit périr (2). » (1) Cf. Moh'ammed ben 'Abd Allah ech Chibli, Akâm el MardjÔn, p. 3-30 ; Qazouîni, 'A.djaib el MaklzLouqât, p. 368 ; Ed Damîri, H'aiat el II' aïaou(in, T. I, p. 242 ; El Ibchîhi, Mostatref, T. II, p. 159-162 ; Ewald, Einleitung in das Studium der arabischen Sprache, p. 164-168 ; Goldziher, Abhandlungen zur arabischen Philologie, T. I, p. 1-14, 106-107 ; Wellhausen, Reste arabisrhen Heidentums, p. 148-149 ; et surtout le mémoire de Van Vloten, Diimonen, Geister und Zauber bei den alten Arabern, p. 169-188. (2) Yaqout, Mo'djem el boldân, éd. Wiistenfeld, T. III, p. 85. Cf. aussi El Bekri, Mo'djem, éd. Wustenfeld, p. 735 ; Cheikho, Commentaires du diwân d'El Khansâ, d'après une glose d'un manuscrit du Qaire, p. 196-197 ; El 'Abbâsl, Ma'âhid et tançiç, p. 16 ; Abou'l Faradj el Isbahâni, Kitâb el Aghâni, T. XX, p. 135-136. D'après Mas'oudi, Prairies d'or, III, 326, H'arb aurait été tué dans un combat contre les Djinns et ceux-ci auraient composé sur le lieu de sa sépulture un vers qu'on ne pouvait prononcer sans que la langue ne fourchât : Le tombeau de H'arb est dans un endroit désert; il n'y a pas de tombeau près de celui de H'arb. Cf. aussi Moh'ammed ech Chibli, Akâm el Mard/tin, p. 137. 2 L'ORIGINE DES DÉMONS « On raconte que Dieu a créé les démons du semoum (vent brûlant) ; que du démon, il a créé sa femme, comme il a créé Eve d'Adam ; que le démon ayant eu commerce avec sa femme, celle-ci devint enceinte de lui et pondit trente œufs. Un de ces œufs en se brisant, donna naissance à la qotrobaht qui fut, pour ainsi dire, la mère de tous les qotrobs, démons qui ont la forme d'une chatte. D'un autre œuf sortirent les iblîs, au nombre desquels il faut compter El H'arith Abou Morrah et qui font leur séjour dans les murs. Un autre œuf vit éclore les marâdah qui habitent les à®les. Un autre produisit les ghoûl qui choisissent pour retraites les ruines et les déserts ; un autre, les si'lah qui se retirent sur les montagnes ; les autres, les ouahaouis qui, habitant les airs sous la forme de serpents pourvus d'ailes, volent dans les espaces. D'un autre œuf sortirent les daouâsik ; d'un autre encore les hamâsik ; d'un autre encore les h'amâmis et ainsi de suite (1). » (1) Mas'oudi, Prairies d'or, éd. et trad. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, T. III, p. 320-321. 3 LA BELLE FILLE ET LE POISSON NOIR Une légende arabe de la Tripolitaine raconte qu'un jour on vit apparaître près de la côte une belle fille parée de bijoux, à cheval sur un grand poisson noir. Le fils du sultan descendit du Ghâryan pour la voir ; elle lui apprit qu'elle venait d'une à®le nommée Malta et, sur la promesse que sa liberté serait respectée, elle s'avança avec son poisson dans un des ruisseaux. Mais on jeta un filet pour lui couper la retraite ; elle remonta le fleuve, poursuivie par la foule et le fils du sultan, et, arrivée au pied de la montagne près de la source, elle invoqua Dieu : un gouffre s'entr'ouvrit où elle s'abîma avec le fleuve et le poisson, et, depuis, les sources d'eaux vives disparurent. Le pays se déssécha et les gens de Tarhouna partis à Malte pour obtenir la fin de cette désolation ne revinrent plus (1). (1) Krafft, Promenades dans la Tripolitaine (Tour du monde.) 4 GUÉRISON D'UNE POSSÉDÉE Un étudiant sortit un jour de son pays et rencontra en route un individu. Quand ils furent près de la ville où ils se rendaient, l'inconnu dit à son compagnon : « J'ai quelque droit sur toi ; je suis un djinn et j'ai un service à te demander. — Quel est-il ? — Quand tu seras arrivé à tel endroit, tu trouveras des poules et parmi elles un coq. Demande-le à son propriétaire, achète-le et égorge-le. C'est tout ce que je désire de toi. — Frère, dit l'étudiant, j'ai aussi quelque chose à te demander. — Qu'est-ce ? — Lorsqu'un démon est rebelle, que les conjurations ne font rien contre lui et qu'il s'est emparé d'un àªtre humain, comment peut-on s'en débarrasser ? — Il faut prendre dans la peau d'un onagre une lanière d'un empan, nouer solidement avec elle les pouces du possédé, puis on fait couler quatre gouttes de suc de rue dans son oreille droite et trois dans celle de gauche ; le démon possesseur meurt et il n'en vient plus d'autre (1). » L'étudiant continue son récit : cc En entrant dans la ville, je me dirigeai vers l'endroit indiqué ; je trouvai le coq qui appartenait à une vieille femme ; je lui demandai de me le vendre ; elle refusa ; enfin je l'achetai pour le double du prix. Alors l'inconnu m'apparut de loin et me fit signe d'égorger l'oiseau : j'obéis. Là-dessus des gens, hommes et femmes, se jetèrent sur moi et se mirent à me frapper en m'appelant sorcier. « Je ne suis pas sorcier, leur dis-je.—Depuis que tu as égorgé le coq, une jeune fille est possédée par un démon et l'on ne peut plus le chasser. » Alors je leur demandai une lanière de peau d'onagre et du suc de rue sauvage. On m'apporta tout cela. J'attachai solidement les pouces des mains de la jeune fille. Alors le démon se mit à crier : « C'est moi qui t'ai appris cela à mes dépens » ; puis je versai quatre gouttes de suc de rue dans son oreille droite et trois dans son oreille gauche, le démon tomba mort sur le champ. Dieu délivra la jeune fille et aucun génie ne vint désormais habiter en elle (2). » (1) Cf. des exemples de l'emploi de la rue contre les maléfices, dans Gubernatis' La mythologie des plantes, p. 326-328. (2) Ibn el Djaouzi, Kitâb el 'Arâis, cité par Ed Damîri, H'aïat el H'araoudn, T. II, p. 446-447 ; El Itlidi, l'iâm en Nâs, p. 186; El Ibchîhi, Kitâb el Moslalrel, T. II, p. 154, reproduit par Belkassem Ben Sedira, Cours de littérature arabe, no LVII; Rat, Al Mostalral, T. II, p. 311-312; Daoud el Antâki, Tazyîn el Asouâq, T. II, p. 31-32; Ibn Hidjdjah el H'amaoui, deuxième supplément au Thamarât et Aourdq, p. 244. 5 LE MAGICIEN JUIF 'Atyah ben Qaïs el Kilâbi raconte ce qui suit : « J'avais pour compagnon de voyage un Juif qui allait du H'idjâz par Jérusalem à Damas. Nous nous arrêtâmes à Baïsan et il me dit : « Je vais te faire voir quelque chose de beau. Il descendit vers le fleuve, prit une grenouille, lui mit au cou un crin de la queue de son cheval et, en moins d'un instant, elle était devenue un porc ayant au cou une corde de fibres de palmier. Le Juif l'emmena à Baïsan et le vendit à quelques Nabatéens, pour cinq dirhems, puis nous nous mîmes en route. Nous n'étions pas très éloignés lorsque les Nabatéens s'empressèrent de courir sur nos traces. Je lui dis : « Voilà des gens qui arrivent. » L'un d'eux, homme puissant et fort, leva la main et lui porta à la racine de la barbe un coup de poing qui le renversa de sa monture, et tout-à-coup, sa tête apparut comme suspendue à un morceau de peau de son cou et le sang jaillissait de ses veines. « Ennemis de Dieu ! m'écriai-je, vous avez tué un homme. Les gens s'enfuirent. La tête me dit : « Regarde s'ils sont passés. — Oui, répondis-je. — Regarde », reprit-elle. Je me tournai et voici que le Juif était assis sur sa monture comme auparavant. » On demanda son nom à¯A^yah ben Qaïs ; il répondit : « C'est Zera'ah ben Ibrâhîm, le sorcier juif (1). » (1) Ech Chirouâni, H'adiqatel Alrah', p. 207-208. Un trait analogue est attribué au philosophe Es Sohraouerd H'arouâ fut mère de Bilqis, la reine de Sabâ, qui alla trouver Salomon (1). ' (1) Commentaire de la Qaçidah h'imyarite de Nachouân ben Sa'id, ap. von Kremer, Ober die Südarabische Sage, p. 65-66. Une version un peu différente — 11 s'agit de deux serpents luttant ensemble et non d'une gazelle poursuivie par un loup : un des serpents est le roi des génies — est donnée par Perron, Femmes arabes avant et après l'islamisme, p. 17-18. On reconnaît les éléments d'un épisode du conte des Mille et Une Nuits, Histoire du portefaix de Baghdad, des trois dames et des trois calenders, récit de la première dame (éd. de Beyrout, T. I, p. 107-108). Dans Eth Tha'âlibi (Qiças el Anbyâ, p. 273) le roi du Yémen qui épouse une fée se nomme El Hadzhâdz et sa femme Rih'ânah, fille d'Ech Chakar. D ans une autre tradition, c'est le vizir du roi de Sabâ qui épouse une fille du roi des génies, nommée 'Omaïrah ; celle-ci lui est apparue sous la forme d'une gazelle : il habite avec elle une à®le de l'Océan où naît Bilqis, puis il revient à la cour de son maître (Weil, Biblische Legenden der Musulmânner, p. 253-255). 22 LE TALISMAN DES POISSONS Daoud ben Rizq Allah ben 'Abd Allah, qui avait parcouru l'Egypte et en connaissait les àªtres, raconte ce qui suit : Un jour, il passa dans une caverne qu'on appelle la grotte de Chaqalqil, du côté du Sud. Il y trouva un bloc énorme de sandaraque qu'il déplaça pour avancer. Alors il vit une grande quantité de poissons tous enveloppés dans des vêtements comme s'ils avaient été ensevelis après leur mort. Il en prit un, l'examina et trouva dans sa bouche un dinâr avec une inscription qu'il ne put pas bien lire. Il prit les poissons les uns après les autres, retira fin dinâr de la bouche de chacun jusqu'à ce qu'il en eût réuni un grand nombre. Puis il ramassa ces dinârs et s'en retourna pour partir. Quand il arriva au bloc de sandaraque, il trouva qu'il avait grossi de façon à lui fermer le passage. Il revint vers les poissons, remit les dinârs en place et sortit : le bloc était comme auparavant et ne fermait plus l'entrée. Il retourna prendre les dinârs et voulut les emporter. Mais la sandaraque avait grossi et bouchait l'entrée. Il remit les dinârs à leur place et s'en retourna : le bloc était comme auparavant. Il recommença plus d'une fois à prendre et à remettre les dinârs et tout se passa de même, si bien qu'il craignit de périr ; il abandonna l'argent et sortit (1). Quelque temps après, il habita dans cet endroit ; il vit dans le mur une pierre creusée sur laquelle une autre était placée. Il fit tourner celle-ci jusqu'à ce qu'il l'enlevât, et il y avait au-dessous six dinârs, des mêmes qu'il avait trouvés dans la bouche des poissons. Il en prit un et laissa les autres à leur place, puis il remit la pierre sur l'autre. Plus tard, par la volonté de Dieu, il s'embarqua sur le Nil pour le traverser de la rive orientale à la rive occidentale. (c Nous étions arrivés au milieu du fleuve, dit-il, lorsque les poissons s'élancèrent de l'eau et se jetèrent sur la barque en si grand nombre que nous faillîmes couler. Les passagers poussaient des cris par crainte de la mort. Je me rappelai le dinâr que j'avais avec moi et je me dis que c'était peut-être la cause de tout cela. Je le tirai de ma poche et le jetai dans l'eau. Les poissons s'élancèrent du bateau et se précipitèrent dans le fleuve au point qu'il n'en resta pas un seul (2) ». (1) L'Egypte de Murtadi (trad. P. Vattier, p. 56-57) rapporte un trait analogue à propos de trouvailles faites par des chercheurs de trésors : « Ils trouuèrent vne place faite comme vne citerne, pleine d'or monnoyé en forme de gasteaux des plus grands qui se fassent, car chaque piece estoit du poids de mille gros. Ils en prindrent quelques vnes mais ils ne peurent partir de la place iusques à ce qu'ils les eussent remises où ils les auoient prises. » (2) Maqrîzi, Khifat, T. I, p. 37-38; Kitâb el Maouâ';z' wa 'l l'tibâr, éd. Wiet, T. I, p. 163-164 ; Description topographique et historique de l' E gypte, trad. Boudant, T. I, p. 104-105. 23 LA BAGUE MAGIQUE On raconte qu'autrefois, il y avait sur terre un roi qui en possédait toute l'étendue. Ce roi était vertueux, jugeait avec justice et montrait de l'équité dans ses jugements. Une nuit qu'il était endormi, un àªtre mystérieux lui dit dans son sommeil : « Lève-toi, ô roi, monte tel étalon ; va à telles montagnes, pousse entre elles ta monture vers tel endroit. Là où s'enfonceront les pieds de ton cheval, creuse et tu trouveras une trappe ; ouvre-la ; tu verras dessous des marches au nombre de trois cents ; tu les descendras jusqu 'en bas en te gardant bien de parler. Quand tu auras fini de les descendre, tu trouveras une porte avec sa clef : prends-la en silence et ouvre la porte : tu verras un trésor considérable où il y a une statue d'airain qui criera contre toi. Ne crains pas, ne t'effraie pas, ne te trouble pas, avance vers elle, tu trouveras à sa main un anneau. Prends-le, et quand tu l'auras pris, la statue n'aura pas de pouvoir sur toi. Cet anneau a trois propriétés : si tu le mets dans ta bouche, tu deviendras invisible ; si tu le poses sur la terre, son serviteur viendra à toi et exécutera tout ce que tu lui demanderas ; et s'il est à ton doigt, personne ne pourra te nuire. » Le roi s'éveilla et dit : « Je cherche auprès de Dieu une protection contre Satan le lapidé. Qui sait si ce songe vient de Satan ou du Miséricordieux ? » Il se leva, fit ses ablutions et une prière de deux inclinaisons, se recommanda à Dieu contre Satan le lapidé et se rendormit. Pendant son sommeil, l'être mystérieux recommença à lui dire : « Lève-toi, monte tel étalon ; va à tel endroit, pousse ton cheval et là où ses pieds s'arrêteront, creuse et tu trouveras une trappe : soulève-la et fais telle et telle chose », comme il lui avait dit la première fois. Le roi s'éveilla troublé; il fit ses ablutions et une prière de deux inclinaisons, loua la volonté de Dieu et se rendormit. Il vit encore dans son sommeil cet àªtre mystérieux qui lui disait les mêmes choses que la première et la seconde fois. Il s'éveilla et dit : « Ce songe vient du Miséricordieux et non de Satan. » Il se leva, fit ses ablutions et pria jusqu'au lever du jour. Alors il commanda son escorte et le cheval que la voix mystérieuse lui avait indiqué pendant son sommeil. On le lui amena. Le roi monta à cheval avec les trois fils de qui Dieu l'avait gratifié et ils partirent dans la campagne. Il se dirigea vers l'endroit mentionné par la voix mystérieuse et lorsqu'il arriva aux montagnes, il poussa son étalon vers l'endroit indiqué. Les pieds de sa monture s 'enfoncèrent, le roi sauta à terre ; ses soldats arrivèrent, dégagèrent le cheval, et quand on l 'eut tiré de là, le prince ordonna de creuser à l endroit où étaient les pieds de son étalon. Ils obéirent, enlevèrent la terre et trouvèrent une trappe. « Roi de l'époque, dirent-ils, il y a là une trappe. » Il leur commanda de dresser les tentes à cet endroit. Ils obéirent. Puis il leur fit ouvrir la trappe ; ils le firent et virent des marches. Le roi voulut descendre. Les soldats et le vizir vinrent lui dire : « 0 roi de l 'époque, ne descends pas : c'est nous qui descendrons. Personne ne descendra que moi », répondit-il. Ses fils aînés s'avancèrent : « Père, dirent-ils, c'est nous qui descendrons à ta place. » Mais il répéta : « Personne ne descendra que moi. » Alors son plus jeune fils, qui se nommait 'Ali tchélébi (1), vinj: 'L j4ii et lui dit : « Mon père, laisse-moi descendre à ta placyl^^néî^Je t'aurai 7 servi de rançon et si je reviens sain et sauf, je te raconterai ce que j'aurai vu. » Mais le roi répondit : « Mon fils, assieds-toi à ta place ; peri el Maqtôul, savant en magie. Dans une dispute qu'il avait au sujet d'une tête de mouton avec un Turkomân, celui-ci lui saisit le bras gauche qui se détacha et lui resta dans la main. A cette vue, le Turkomân effrayé s'enfuit, et le cheikh revint trouver ses compagnons qui lui virent dans la main une serviette et pas autre chose (Ibn Khallikân, Ouataydt el A'ydn, T. II, p. 346 ; Ibn Abi Hadjalah, Sokkardân es Soltdn, p. 38-39). 6 LE SECRET DE LA PYRAMIDE « Une autre histoire porte qu'apres que la Pyramide fut ouuerte, le monde la vint voir par curiosité pendant quelques années, plusieurs entrant dedans et les uns en reuenant sans incommodité, les autres y périssant. Un jour il se rencontra qu'une troupe de ieunes hommes au nombre de plus de vingt iurerent d'y entrer, pourueu que rien ne les en empeschast, et de pousser tant qu'ils fussent arriuez iusques au bout. Ils prindrent donc auec eux à boire et à manger pour deux mois. Ils prindrent aussi des plaques de fer et des barres, des chandelles de cire et des lanternes, de la mesche et de l'huile, des haches, des serpes et d'autres tranchans, et entrerent dans la Pyramide. La plupart d'entre eux descendirent de la premiere glissade et de la seconde, et passerent sur la terre de la Pyramide où ils virent des chauues souris grandes comme des aigles noires, qui commencèrent à leur frapper le visage auec beaucoup de violence. Mais ils souffrirent constamment cette incommodité, et ne cesserent d'auancer iusques à ce qu'ils paruindrent à un lieu estroit, d'où il sortoit un vent impetueux et froid extraordinoi- rement, sans qu'ils peussent reconnoistre d'où il venoit ny où il alloit. Ils s'auancerent pour entrer dans ce destroit, et alors leurs chandelles commencerent à s'esteindre, ce qui les obligea de les enfermer dans leurs lanternes ; puis ils entrerent, mais le destroit se trouua presque entierement joint et clos devant eux. Sur quoy l'un d'eux dist aux autres : Liez-moi auec une corde par le milieu du corps et ie me hazarderai de passer outre, à la charge que s'il m'arriue quelque accident, vous me retirerez aussi-tost à vous. Il y auoit à l'entrée du destroit de grands vaisseaux vuides faits de pierre en forme de bieres, auec leurs couuercles a costé, ce qui leur fist connoistre que ceux qui les auoient mis là, les auoient preparez pour leurs morts, et que pour paruenir iusques à leurs thre- sors, et à leurs richesses, il falloit passer par ce destroit. Il lierent donc leur compagnon auec des cordes, afin qu'il se hazardast de franchir ce passage. Mais incontinent le destroit se ferma sur luy, et ils entendirent le bruyt du fracassement de ses os. Ils tirerent les cordes à eux, mais ils ne le peurent retirer. Puis il leur vint une voix espouuantable du creux de cette cauerne, qui les troubla et les aueugla si bien qu'ils tomberent immobiles et insensibles. Ils reuin- drent à eux quelque temps apres, et cherchèrent à sortir, estant bien empeschez de leurs affaires. Enfin ils reuindrent apres beaucoup de peine, hormis quelques uns d'entre eux qui tomberent sous la glissade. Estant sortis dans la plaine, ils s'assirent ensemble tout estonnez de ce qu'ils auoient veu, et faisans reflexion sur ce qui leur estoit arriué, et alors voicy que tout d'un coup la terre se fendit deuant eux et leur jetta leur compagnon mort, qui demeura d'abord immobile, puis deux heures apres commença à remuer et leur parla en une langue qu'ils n'entendoient point ; car ce n'estoit pas de l'Arabe ; mais quelque temps apres quelqu'un des habitans de la haute Egypte le leur interpréta, et leur dit qu'il vouloit dire cecy : C'est icy la recompense de ceux qui taschent de s'emparer de ce qui ne leur appartient pas. Apres ces mots leur compagnon leur parut mort comme auparauant, c'est pourquoy ils l'enterrerent en la mesme place. Quelques-uns d'entre eux moururent aussi dans la Pyramide. Depuis cela celuy qui commandoit en ces lieux-là, ayant oüy parler de leur auanture, on les luy amena, et ils luy racontèrent tout cecy qui luy sembla merueilleux (1). » (1) Pierre Vattier, L'Egypte de Murtadi fils du Gaphiphe (L'Egypte d'El Mortadha fils d'El 'Aflf), p. 52-55. 7 LES DEUX PRÉTENDANTS Il y avait dans les contrées occidentales de l'Espagne, un roi grec dans une à®le appelée Gadis ; il avait une fille d'une extrême beauté. Les rois d'Espagne en entendirent parler ; à ce moment, ce pays renfermait beaucoup de princes ; il y avait un roi pour chaque province ou pour deux provinces. Ils la demandèrent en mariage. Son père craignit, s'il la mariait à l'un, de mécontenter les autres. Il était embarrassé et fit venir sa fille : « Mon enfant, lui dit-il, je suis dans l'embarras à cause de toi parce que les rois t'ont demandée en mariage ; je ne puis t'accorder à l'un sans mécontenter les autres. — Laisse-moi faire, dit-elle ; tu seras tiré d'embarras. — Qu'est-ce que tu désires ? — Que ce soit un roi sage. — Comme tu as bien choisi ! » dit le père. Alors il écrivit dans sa réponse aux prétendants royaux que c'était elle qui choisirait. Parmi les prétendants se trouvaient deux hommes habiles. Chacun d'eux écrivit : « C'est moi qui suis le roi sage. » Quand le père prit connaissance de leurs deux lettres, il dit : « Ma fille, l'affaire reste avec toutes ses difficultés : ceux-ci sont deux rois sages : lequel prendrai-je sans mécontenter l'autre ? — Je demanderai à chacun d'eux une chose qu'il m'apportera ; celui qui réussira à terminer le plus vite ce que j'aurai demandé, je l'épouserai. — Quelle tâche leur imposeras-tu ? — Nous habitons cette à®le et nous avons besoin d'un moulin qui y tourne. Je demanderai à l'un de le faire tourner avec l'eau douce qu'il y amènera de cette terre, et à l'autre de me faire un talisman par lequel il fortifiera l'île contre les Berbères. » Son père approuva la chose et écrivit aux deux rois ce que sa fille lui avait dit. Ils répondirent pour accepter et s'engagèrent auprès de lui. Chacun d'eux s'occupa de l'entreprise sur laquelle il comptait. Pour l'homme au moulin, il fit des degrés de pierre, les mit en ordre les uns sur les autres dans la mer salée qui est entre la presqu'île de l'Espagne et le grand continent, à l'endroit qu'on appelle le détroit de Ceuta. Il boucha les intervalles qui existaient entre les pierres par les moyens que lui enseignait sa science. Il fit arriver ces pierres depuis le continent jusqu'à l'île et les traces subsistent encore aujourd'hui dans la partie du détroit qui est entre Ceuta et l'île Verte (Algésiras)... Quand la pose des pierres fut terminée par le roi sage, il amena l'eau douce d'une montagne de la Grande Terre ; il s'en rendit maître par un canal solide et bâtit dans la presqu'île de l'Espagne un moulin sur ce canal. Quant à l homme du talisman, il tarda à se mettre à l'œuvre parce qu'il attendait une conjoncture favorable à sa construction, ce qui l'empêcha d'exécuter son plan et le retarda. Mais il bâtit une construction carrée en pierre blanche, sur le rivage de la mer, sur un monceau de sable ; il en creusa les fondements jusqu'à ce qu'il l'eût établie sous terre à la même distance qu'elle était au dessus, pour l'affermir. Quand la construction carrée fut arrivée où il voulait, il fabriqua avec du cuivre rouge et du fer pur mélangés selon les règles, l'image d'un Berbère ayant de la barbe et, sur la tête, une touffe de cheveux crépus redressés naturellement. Il était drapé dans l'image d'un manteau dont il réunissait les deux extrémités au dessus de sa main gauche, le mieux représenté du monde ; à ses pieds étaient des sandales. Il était debout au sommet de la construction, sur un piédestal de la largeur de ses deux pieds. Il se dressait en l'air ; sa hauteur était d'un peu plus de soixante à soixante-dix coudées ; il était isolé et sa largeur arrivait à une coudée ; il étendait sa main droite tenant une clef, faisant signe vers la mer csonne ne descendra pour moi ; j'irai seul. » Cela fut pénible à¯Ali tchélébi ; il alla s'asseoir en pleurant. Le roi descendit et continua jusqu'à ce qu'il fut au bout des trois cents marches. Il vit une porte immense avec une grande serrure à laquelle la clef était accrochée. Il la prit, prononça le nom de Dieu très haut et se recommanda à lui. Puis il ouvrit la porte, entra et trouva un trésor considérable renfermant de grandes richesses, des pierreries et d'autres choses. Il vit une énorme statue d'airain. Quand il se dirigea vers elle comme la voix mystérieuse le lui avait ordonné, la statue poussa un cri violent qui fit retentir les montagnes, mais le roi marcha vers elle et enleva l'anneau de son doigt. Quand il l'eut pris, le pouvoir de la statue cessa ; elle tomba sur le sol, inanimée. Le prince contempla ce que le trésor contenait en fait de pierreries, de richesses, de métaux précieux et d'autres choses. « Il faut que je voie la vertu de cet anneau », se dit-il en lui-même, et il le plaça sur le sol. Immédiatement, dès qu'il l'eut posé, quelqu'un se trouva devant lui et lui dit : « A ton service, roi de l'époque ! Tu es lent à te servir de ce qui t'a été donné. — Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Que fais-tu ? » lui demanda le roi. — « Je suis le serviteur de cet anneau ; mon nom est Maïmoun et j'ai sous mes ordres soixante-dix tribus de génies ; tout ce que tu m'ordonneras, je le ferai. » Le prince demanda : « Est-ce que cet anneau a une autre vertu que celle-ci ? — Oui, si tu le mets dans ta bouche, tu deviendras invisible ; si tu l'as dans ta main, personne ne pourra te regarder avec haine ni te faire de mal. » Alors le roi ressentit une grande joie. Il prit l'anneau dans sa main et sortit du trésor. Il ferma la porte, monta les marches et, quand il fut arrivé à la trappe, il mit l'anneau dans sa bouche et sortit par l'ouverture. Il vit son plus jeune fils 'Ali assis en pleurant à la porte ; ses soldats le repoussaient, il voulait descendre, mais ils le bousculaient chaque fois. Le roi s'en retourna de façon à leur àªtre caché ; il tira l'anneau de sa bouche et remonta. A sa vue, son fils se précipita vers lui et embrassa ses mains et ses pieds en pleurant. Les soldats arrivèrent, le saluèrent et le félicitèrent d'être revenu sain et sauf. Il leur ordonna de fermer la trappe. « Roi de l'époque, lui demandèrent-ils, as-tu vu quelque chose ? — Non, c'est un long souterrain qui n'a pas de limite. » Puis le roi partit avec son armée et ils s'en retournèrent dans leurs demeures. La nuit venue, il se leva, entra dans un cabinet, et plaça l'anneau sur le sol. Maïmoun arriva et lui dit : « A ton service, roi de l'époque ! » Il lui ordonna de transporter tout ce qui était dans le trésor dans une chambre qu'il avait vidée dans son palais. « La soumission et l'obéissance sont dues à Dieu et ensuite à toi », dit Maïmoun, puis il partit et le roi alla dormir dans son lit jusqu'au lendemain. Lorsque le matin parut, il se leva, examina la chambre et y trouva toutes les richesses, les pierreries et le reste. Il en ressentit une grande joie et fut content de cette fortune. Ensuite, il tomba malade et reconnut que la mort était proche. Il convoqua ses deux fils aînés et ceux qui étaient sous ses ordres, mais non son plus jeune fils. Il partagea entre eux sa fortune, affranchit des esclaves, fit des dons et des recommandations, mais ne donna rien à son jeune fils. Les autres ressentirent une grande joie et dirent : « Notre frère est devenu pauvre parmi nous. » Quand 'Ali tchélébi entendit leurs paroles, il éprouva un vif chagrin. Il entra chez son père et lui dit : « Je ne suis pas ton fils. — Tu es mon fils et le charme de mes yeux. — Pourquoi as-tu partagé ta fortune entre mes frères et ne m'as-tu rien donné ? Tu m'as rendu pauvre au milieu d'eux. — Mon fils, lui répondit son père, je t'ai réservé un trésor qui pour moi a plus de valeur que la richesse et tout le reste : ce que tu voudras, tu l'obtiendras. — Montre-le moi, mon père, pour calmer mon cœur et mon esprit. » Le roi l'emmena avec lui dans la chambre, tira l'anneau et le mit dans sa bouche.'Ali tchélébi se tourna vers lui et ne le vit plus. Il se repentit de ce qu'il avait dit. Alors le roi retira l'anneau de sa bouche. Son fils lui demanda : « Mon père, où étais-tu ? — J'étais assis avec toi. Le secret de cet anneau consiste en ceci : si tu le mets dans ta bouche, tu deviens invisible. » Puis il le plaça sur le sol et Maïmoun le serviteur de la bague apparut. « A ton service, roi de l'époque ! dit-il ; que me demandes-tu ? — Je demande que tu sois le serviteur de mon fils que voici et que tu sois pour lui un père à ma place. » Maïmoun répondit : «Avec soumission et obéissance. » Le roi prit l'anneau et le donna à son fils 'Ali tchélébi en lui disant : « Garde toi bien que tes frères en aient connaissance, sinon ils te tueraient à cause de lui et le prendraient. » Le jeune homme se leva, embrassa la tête et les mains de son père et ressentit une grande joie. Le prince vécut encore un petit nombre de jours, puis il mourut dans la miséricorde de Dieu. Quand les fils eurent rendu les derniers devoirs à leur père, ils allèrent trouver leur frère aîné et le proclamèrent roi à sa place. Les soldats vinrent le féliciter de son élévation au trône ; il distribua des vêtements d'honneur aux grands fonctionnaires, prononça des destitutions et des nominations et fit des dons et des présents ; pendant plusieurs jours, il exerça son autorité sur l'armée, les provinces et le peuple. Un jour, il donna un banquet et invita ses frères; ils s'assirent, mangèrent, burent, se divertirent et louèrent Dieu de la faveur qu'il leur avait accordée. Quand ils eurent fini de manger et de boire, l'aîné appuya son dos sur un coussin et dit : « Hélas ! » Le second fit de même. 'Ali tchélébi leur demanda : « Qu'avez-vous ? Notre père a partagé sa fortune en deux parties ; l'un de vous est sur le trône, l'autre siège à côté de lui en qualité de vizir, pourquoi dites-vous : Hélas ? » L'aîné répondit : « Par Dieu, mon frère, tel roi chrétien, ayant appris la mort de notre père, marche contre nous ; nous ne sommes pas en état de lui faire la guerre ; j'ai appris que depuis trois mois il prépare son armée : voilà pourquoi j'ai dit : Hélas. — C'est mon affaire, dit 'Ali tchélébi ; et toi, pourquoi dis-tu : Hélas ? — Mon frère, dit le second, j'ai vu chez un tel un étalon; je lui ai offert mille dinârs,il n'a pas voulu me le donner : voilà pourquoi j'ai dit : Hélas. » Alors 'Ali tchélébi les quitta, entra dans la chambre et, après une absence, revint tenant par la main le roi chrétien enchaîné par des liens d'argent et ayant au cou un collier d'argent et une chaîne ; 'Ali tchélébi l'accompagnait. Il entra chez ses frères et dit : « Roi, prends ce prince qui était parti contre toi. » En le voyant, son frère dit au prisonnier : « C'est toi qui as marché contre moi pour me faire la guerre ? Ne savais-tu pas que je te prendrais, ô toi qui es plus vil qu'un chien ! — Roi de l'époque, dit le chrétien, je ne savais pas que les génies te servaient. » Le roi reprit : « Assieds- toi. » Il s'assit et on lui apporta à manger et à boire. 'Ali tchélébi dit à son second frère : « L'étalon est dans ton écurie. » L'autre se leva sur le champ, descendit, l'y vit et ressentit une grande joie. Il revint content et s'assit avec ses frères, le chrétien entre eux. Le roi voulut enlever à celui-ci ses fers et la chaîne de son cou, mais cela lui fut impossible. Le prisonnier lui dit : « Personne ne peut les enlever que celui qui m'a amené. — 'Ali tchélébi, dirent-ils, délivre-le. » Il s'avança et mit la main sur les fers qui s'ouvrirent, et sur la chaîne qui fut enlevée de son cou. Ils s'assirent pour causer. «0 roi, dit le chrétienomme s'il voulait dire : « On ne passe pas ». Comme effet de ce talisman sur la mer qui s'étendait devant lui, il arriva qu'on ne la vit jamais calme et que jamais un vaisseau berbère n'y navigua jusqu'à ce que la clef tomba de sa main. Les deux rois cherchèrent à se devancer jusqu'à la fin de leur travail, puisque la priorité donnait droit à la main de la princesse. L'auteur du moulin avait fini le premier, mais il le cacha à l'auteur du talisman, de peur que ce dernier ne fût annulé par son maître informé et pour que la princesse eût à la fois l'un et l'autre. Quand il sut le jour où l'auteur du talisman devait le parachever, il fit couler depuis le point de départ l'eau vers l'île et fit tourner le moulin. Le bruit s'en répandit et la nouvelle arriva à l'auteur du talisman. Il était alors au sommet de la construction, occupé à polir la figure de la statue, car le talisman était doré. Quand il fut certain qu'il était devancé, il eut une faiblesse et tomba mort du haut de sa construction. L'autre obtint la femme, le moulin et lé talisman (1). (1) El Maqqari, Analectes sur l'histoire d'Espagne, T. I, p. 152-154 ; Yâqout, Mo'djem el Boldân.T. IV, p. 6 ; P. de Gayangos, The history of the Muhammedan dynasties in Spain, T. I, p. 259-261 ; El Qazouîni, 'Adjâib el Makhlouqât, p. 369- 370. Une légende semblable, relative à l'aqueduc de Cherchel, existe encore chez les Beni Menacer, cf. mes Contes populaires berbères, n', XXII, p. 45 ; Fabre, L'Algérie, p. 41-42. 8 LA VILLE PÉTRIFIÉE Une caravane s'étant détournée du chemin ordinaire pour éviter les courses des Arabes, vint en un lieu désert dont les vents avaient enlevé tous les sables. On y trouva les ruines d'une ville qui avait été détruite, et dans laquelle les hommes, les femmes, les enfants, les bêtes de somme, les oiseaux et les chiens avaient été pétrifiés. On y vit entre autres une femme qui tirait du pain d'un four, et la femme, le pain et le four avaient été changés en pierre (1). (1) Chihâb eddîn Ah'med el Moqri el Fâsi, Kitâb el Djomdn, p. 150-151. Au XVIIe siècle, le bruit se répandit qu'en Afrique une « maligne vapeur a avait pétrifié toute une ville. Le gazetier Loret raconte que le grand-duc de Florence envoya un de ses gentilshommes au pacha de Tripoli pour vérifier l'exactitude de ce récit : il en rapporta Des fleurs, des raisins, des châtaignes, Qui prouvent, en perfection, Cette pétrification, En atendant d'autres figures, Mesmes, d'humaines créatures, Dont un navire a le dépôt Qu'à Livourne on atend bientôt. (Loret, La Muze historique, T. II, liv. VII, lettre 48, vers 195-201, p. 271-272.) 9 LES DEUX FÉES DES SONGES 'Omar ben El H 'abib raconte qu'il y avait à Basrah un homme avec une femme et deux enfants. Il mourut leur laissant une brebis. La femme crut entendre en songe un de ses fils lui dire : « Ma mère, ne vois-tu pas comme ce chevreau épuise à nos dépens le lait de la brebis ? Il faut absolument que j'aille le tuer. — Ne le fais pas, mon fils. — Il le faut absolument», reprit-il. Il se leva, l'égorgea, l'échauda, le fit rôtir, le tira du four et s assit avec son frère pour en manger. Celui-ci lui dit quelques mots ; l'aîné prit son couteau et lui fendit le ventre. La mère s'éveilla effarée, et voici qu'elle entendit son fils lui dire : « Ma mère, ne vois-tu pas comme ce chevreau épuise à nos dépens le lait de la brebis ? je veux aller le tuer. — Ne le fais pas, mon fils », et elle fut stupéfaite de la réalisation de son rêve. Elle prit la main de l'autre frère, le fit entrer dans une chambre dont elle ferma la porte en dedans. Tandis qu'elle était préoccupée et anxieuse, elle s'endormit et vit dans son sommeil le Prophôte qui lui demanda : « Qu'as-tu ? » Elle lui raconta l'aventure. Aussitôt, il cria «Rouya (songe). » La muraille se fendit ; il en sortit une femme d'une beauté accomplie.—« Que voulais-tu à cette pauvre femme ? » demanda Moh'ammed. — « Par celui qui t'a envoyé porter la vérité, je ne suis pas allée la trouver dans son sommeil. » Alors il cria : « Adghâth Ah'lâm (chimère). » — Une femme bien moins belle que la précédente apparut et le Prophôte lui demanda: « Que voulais-tu à cette malheureuse ? — Je les ai vus vivre en paix, je les ai enviés et j'ai voulu les contrister. — Tu n'as rien à craindre», dit le Prophôte à la femme qui s'éveilla ; elle mangea avec ses fils et ils ne cessèrent d'être avec le bien (1). (1) Ah'med ech Chirouâni, Nefh'atel Yemen, p. 39 ; Rescher, Dze Geschichten und Anekdoten aus Qaljûbt's Nawâdir und Schirwâni 's Nafhat el Yemen, p. 72-73. 10 LE DRAGON GARDIEN DU TRÉSOR On raconte que 'Abd Allah benDjad'ân était d'abord un méchant vagabond, auteur de nombreux méfaits, si bien que son père et sa tribu le prirent en haine et le chassèrent en disant qu'ils ne le recevraient plus. Il s'en alla dans les chemins montagneux de la Mekke, hors de lui, plein de chagrin, désirant mourir. Il ne cessa de marcher jusqu'à ce qu'il vit une fente dans la montagne ; il y pénétra dans l'espoir de rencontrer un serpent ou quelque animal qui le tuerait, de façon à le débarrasser de la vie. Il y vit un dragon énorme qui avait des yeux brillants comme des lampes. Le dragon s'avança sur lui ; il recula en fuyant, puis le dragon se glissa à reculons ; alors 'Abd Allah s'avança. Le monstre le regarda et vit qu'il ne fuyait pas : le jeune homme s'approcha et le frappa. Le dragon était d'argent et ses yeux de rubis. 'Abd Allah le brisa et prit ses yeux ; or, par derrière, il y avait un endroit pareil à une chambre. Il y entra et trouva de grands ossements : auprès des têtes étaient des tablettes d'argent avec les dates : c'étaient les gens des Djor- hom (1) et leurs rois. Il alla plus loin et vit au milieu un énorme tas de rubis, d'émeraudes et d'o~. Il en prit tant qu'il put, ferma la porte et y mit une marque. Il en envoya une partie à son père pour l'apaiser; toute sa tribu arriva et le prit pour chef. Il se mit à nourrir des gens et à répandre des bienfaits à l'aide de ce trésor, si bien que le Prophôte dit : « Je me suis abrité contre la chaleur de midi avec le plat de 'Abd Allah ben Djad'ân. 'Aïcha lui demanda : « Est-ce que ces générosités lui servent ? — Non, car il n'a jamais dit : « Mon Dieu, pardonne-moi mes fautes au jour de la rétribution (2) ! » (1) Les Djorhom sont une population légendaire qui aurait précédé à la Mekke les Arabes actuels. (2) Ah'med el Qalyoubi, Naouddir, p. 41 ; Rescher, Die Geschichten und Anek- doten aus Qaljûbt's Nawâdir, p. 81-82; Ah'med el Ibchthi, Mostatref, T. II, p. 128-129 ; Rat, Al Mostatraf, T. II, p. 246. Le récit est plus développé dans Ed Damîri, H'aïat el H'aïaoudn, T. I, p. 194-195. 11 LES FRIANDISES DES DÉMONS Un homme qui voyageait pendant la nuit vit une noce. Les gens l'invitèrent. Quand il s'approcha, il lui donnèrent des sucreries. Il en mangea un peu, mit le reste dans sa poche et continua sa route. Le lendemain matin, il appela ses petits enfants pour leur donner les sucreries. Mais lorsqu'il mit la main dans sa poche, qu'il en prit une poignée et qu'il dit à l'un : « Prends-en un peu, » à l'autre : « Prends-en un peu », les enfants regardèrent ces sucreries et trouvèrent que c'étaient des crottes de chèvres. L'homme comprit alors que les gens de la noce étaient des démons (1). (1) TaIlqvist, Arabische SprichwlJrter und Spiele, p. 77. 12 L'HOSPITALITÉ FANTASTIQUE Le faqih Abou 'Abd Allah ibn 'Omar ibn Khamis logeait dans une hôtellerie où il occupait une petite chambre ; il couchait là par terre sur des peaux de mouton. Or, il arriva un jour qu'un étranger avec lequel il éta, mon intention est de partir.— Je te donnerai des compagnons de voyage qui te ramèneront dans ton pays. — Roi de l'époque, reprit le chrétien, il y a entre mon pays et moi trois mois de marche : si je reste seulement absent trois jours, on ne m'accueillera pas, on me pillera et on ruinera mon palais. — Comment sortir de là ? » demanda le roi. Le chrétien reprit : « C'est l'affaire de celui qui m'a amené ; il me ramènera, car je suis sous la garantie de l'honneur du roi. » Celui-ci reçut de lui un serment et dit à¯Ali tchélébi : « Ramène-le. » Le jeune homme le prit et le remit à Maïmoun, qui le rapporta dans son pays. Les deux frères s'assirent pour causer ensemble. « Celui qui a pu amener le roi chrétien d'une distance de trois mois et le ramener, disaient-ils, peut nous transporter dans tout endroit. Comment faire ? — Donne un banquet, dit le roi, nous l'inviterons et nous demanderons un limon de Cha'ir (2) pendant que nous mangerons. S'il veut se lever, nous lui imposerons comme condition et nous le conjurerons de ne pas partir, nous verrons comment il fera.» Le second frère donna un banquet ; il invita le plus jeune, qui se présenta chez eux. Quand ils eurent commencé le repas, ils demandèrent un limon, car il n'y en avait pas dans leur pays. « Tout de suite », dit le prince'Ali, et il se leva pour leur apporter ce qu'ils avaient demandé. Ils le conjurèrent de ne pas bouger. Alors il mit l'anneau sur le sol et Maïmoun apparut. Il lui ordonna de lui présenter un plateau de limons de Cha'ir. Le génie disparut et revint leur offrir un plateau contenant cent limons, puis il partit. Ils reconnurent la vertu qui était dans l'anneau, se turent sans rien manifester, mangèrent, burent et se divertirent. Le roi dit à son frère : « Je t'en conjure, fais apparaître dix des génies qui te servent ; ils viendront nous servir sous leur forme. — Très volontiers », dit 'Ali tchélébi ; il posa l'anneau. Maïmoun arriva, et il lui fit connaître ce qu'on lui demandait. « Seigneur, dit-il, ils sont devant toi, dans la cour. » Le roi et ses frères se retournèrent et virent que chacun d'eux était pareil à un palmier, avec une bouche comme une caverne, des yeux comme deux torches de feu et les narines comme les ouvertures d'une outre. A cette vue, les deux frères se levèrent pour fuir et dirent à¯Ali tchélébi : « Ordonne- leur de se présenter sous une forme agréable. » Sur son ordre, ils prirent celle d'esclaves tels qu'on n'en avait jamais vu de plus beaux. « Voilà une forme agréable » dirent les deux frères. Les esclaves se mirent à les servir jusqu'à ce que le festin fût fini. Alors 'Ali tchélébi partit avec eux. Après son départ, ses frères s'assirent et se dirent : « Il faut absolument le mettre à mort ; tuons-le et prenons l'anneau, car il a toute puissance sur nous. Notre père ne lui a pas donné d'argent, mais il lui a donné cette bague. S'il veut prendre nos richesses, il les prendra sans que nous le sachions et nous enlèvera la royauté. » Ils convinrent de le tuer. Il y avait alors une des esclaves debout à la porte ; elle avait été la nourrice du prince 'Ali. Quand elle entendit ces paroles, elle partit en courant auprès de 'Ali, entra chez lui et lui révéla tout ce que ses frères avaient dit et leur complot de le tuer. Quand 'Ali tchélébi entendit les paroles de sa nourrice, il lui donna des vêtements d'honneur et de grandes louanges : « Que Dieu te récompense bien ! » dit-il et il se rappela les recommandations de son père. Quand elle fut partie, il fit venir ses servantes, leur ordonna de lui préparer de la nourriture, de la mettre dans un plat de porcelaine, de le couvrir et de le placer à l'écart ; puis il les affranchit, leur distribua l'argent qu'il avait chez lui et leur recommanda de donner à l'esclave qui viendrait à elles et qu'il enverrait chaque fois qu'il en aurait besoin, tout ce qu'il leur demanderait. Cette affaire réglée, il plaça l'anneau sur le sol. Maïmoun apparut ; il lui demanda quel était le pays le plus beau. « L'île d'El Kâfour (du Camphre), répondit Maïmoun (3). — Porte-moi là, dit 'Ali tchélébi, et chaque jour, mon déjeuner, mon dîner et mon souper que te donneront mes servantes. — Avec soumission et obéissance, » dit Maïmoun. Il lui présenta son épaule ; le prince 'Ali y monta et Maïmoun s'empressa jusqu'à ce qu'il le déposât dans l'île d'El Kâfour. Il demeura là jusqu'à ce que le jour se levât. Alois il fit la prière du matin, invoquant Dieu, et partit en se promenant jusqu'à ce qu'il entrât dans la ville. Quand les gens le virent, ils reconnurent que c'était un étranger, mais d'une belle forme, fort, vêtu comme les fils de roi. Tous ceux qui le voyaient l'aimaient et le chérissaient. Il se promena dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'il arrivât au marché des parfumeurs. Il rencontra un vieillard avancé en âge et lui dit : « Mon père, as-tu une maison vide à louer ? — Pourquoi cela, mon fils? — Vieillard, c'est pour y demeurer. — Mon fils, j'ai une maison meublée et tapissée où il n'y a personne et qui ne peut convenir qu'à toi.—Montre-la moi, » dit 'Ali tchélébi. Le vieillard se dirigea avec lui vers cette maison et l'ouvrit. Le prince y entra et vit qu'elle était grande, bien appropriée, convenable, tapissée de grands tapis. « Combien me la loueras-tu ? demanda-t-il. — Mon fils, c'est un cadeau que je te fais. — Que Dieu te récompense bien », dit le prince. Ils s'assirent à causer et, au même instant, Maïmoun apporta le déjeuner. Il déposa le plat de porcelaine sans que le vieillard l'aperçût. « Apporte ce plat, que nous mangions », dit'Ali à ce dernier. Il se leva, présenta un siège, apporta le plat : tous deux mangèrent ensemble et se mirent à l'aise. Le vieillard ne quitta plus le service du prince. Un jour, ce dernier alla au marché. Il trouva une boutique de parfumeur et s'y assit pour causer avec le patron. Au même moment, une vieille femme vint à passer, ayant derrière elle des servantes. Quand elle vit 'Ali, elle se précipita dans la boutique et tomba évanouie. On versa sur elle de l'eau jusqu'à ce qu'elle reprît ses sens. « Parfumeur, demanda-t-elle, quel est ce jeune homme ? — C'est un étranger. — Mon enfant, j'avais un fils à qui tu ressembles plus que personne, il est mort l'an dernier; tu le remplaceras, et tout ce que je possède en fait de richesses, d'esclaves et de biens t'appartiendra. — Puisses-tu profiter de ce qui t'est donné ! » dit le parfumeur au prince. — « Mon fils, reprit la vieille, je t'impose comme condition que tu ne sortiras pas de la maison. Le vendredi, on ne prie qu'à la mosquée ; je te laisserai aller à la prière le vendredi. » — 'Ali et les assistants furent satisfaits. « Reste à ta place », dit la vieille, « je vais partir et j'enverrai quelqu'un qui t'amènera. » — Elle s'en alla dans sa demeure avec ses suivantes et lui envoya deux grandes mules avec deux esclaves. Elle orna sa maison et lui prépara à la place d'honneur un siège d'or pour s'asseoir. Aussitôt après, les mules avec les deux esclaves arrivèrent à la boutique. 'Ali prit congé du vieillard et du parfumeur, monta sur la mule et partit. Quand il arriva à la maison de la vieille femme, celle-ci alla à sa rencontre, le fit asseoir sur le siège et dit : « Jeunes filles, faites chauffer un bain. » Elles obéirent. Elle leur adjoignit six esclaves blanches et dit au prince : « Mon fils, celle que tu distingueras t'appartiendra ; c'est un cadeau que je te fais, je ne possède rien près de toi. » Elle leur ordonna de le faire entrer au bain ; elles obéirent et le baignèrent. La vieille femme lui remit un vêtement màgnifique et l'en revêtit. Il resta chez elle pendant quelque temps, ne sortant que pour la prière du vendredi. Un vendredi qu'il était sorti et se promenait dans les rues, son chemin le conduiit lié d'amitié vint à Tlemcen. Ibn Khamis n'eut rien de plus pressé que de lui offrir l'hospitalité, et cela en présence de ceux qui connaissaient son misérable état, la pauvreté de sa couche et de son logis, ce qui n'excita pas peu leur étonnement. Dès ce moment, il s'empara de la personne de son ami, l'accompagnant partout jusqu'au moment où, la nuit étant survenue, il leur fallut se rendre au gîte avec les autres voyageurs qui avaient été étonnés de lui voir faire une pareille invitation. « Lorsque nous fûmes entrés dans l'hôtellerie, dit l'étranger, je me trouvai devant une porte que je n avais d'abord pas aperçue. Ibn Khamis se mit à l'ouvrir et nous voilà, à notre grande surprise, dans le vestibule d'un grand hôtel, où nous trouvâmes une jeune esclave qui tenait dans sa main une bougie allumée. Marchant devant nous et nous précédant de quelques pas, elle nous conduisit dans l'intérieur de l'hôtel qui était très vaste et renfermait de splendides appartements. Après avoir tra-"versé plusieurs pièces magnifiques, nous fûmes introduits dans une salle ornée de tapis commodes et somptueux. Tout le monde s'y étant installé, Ibn Khamis commanda que l'on apportât les mets destinés à notre repas, et l'on y servit tout ce qu'une âme peut convoiter, tout ce qui est capable de faire les délices des yeux. Nous en mangeâmes à notre gré et autant que nous voulûmes. Notre appétit pleinement satisfait, nous sentîmes le besoin de nous reposer et nous nous jetâmes bientôt dans les bras du sommeil. Le lendemain matin, mon ami Ibn Khamis s'étant levé de bonne heure, sortit de l'hôtel en compagnie des autres hôtes et me laissa endormi. Je me réveillai enfin, le jour étant déjà avancé, mais, chose étrange, je me trouvai couché sur une méchante peau de mouton et dans la misérable chambre que je savais àªtre occupée ordinairement par le cheikh (1). » (1) Yah'ya ibn Khaldoun, Bighyat er Rouâd, éd. Bel, T. I, p. 39-40 du texte ; 50-51 de la traduction ; Bargès, Complément de l'histoire des Beni Zeiyan, p. 23-24. 13 L'OISEAU MONSTRE Un menteur rapporte : « Une fois, nous voyagions sur mer lorsqu'au dessus de nous apparut un oiseau gigantesque ayant un éléphant dans son bec, un autre sur son épaule, un autre sous son aisselle, et dans ses serres un grand ours ; il les portait dans son nid pour nourrir ses petits (1). » (1) Nozhat el Odabâ, f. 82 ; Es Samlâoui, Raouâih' el Aoudtir, p. 55-56. 14 L'ÉTANG MAGIQUE Un jour, un roi des Berbères qui avait rassemblé une foule considérable et des fantômes effrayants, marcha contre Qarmidah. Les habitants s'enfermèrent dans leur forteresse et eurent recours à leurs idoles. Le prêtre alla vers un grand étang très profond où l'on s'abreuvait. Il s'assit sur le bord, plaça tout autour les chefs des prêtres, puis commença à murmurer des prières au dessus de l'eau jusqu'à ce qu'elle bouillonnât. Du centre de l'étang sortit un feu au milieu duquel était un visage pareil au disque du soleil et tout lumineux. La foule se prosterna pour l'adorer. Cette image grandit jusqu'à ce qu'elle s'élevât au dessus de la coupole et on l'entendit dire : « Vous àªtes à l'abri de la méchanceté de vos ennemis. » On se leva et voici que les Berbères avaient péri avec tout ce qui était avec eux. Et cela parce que l'image du soleil qui était sortie de l'eau avait passé sur eux et avait poussé un cri qui les fit périr (1). (1) Maqrîzi, Kitâb el Khifat, T. I, p. 36 ; id. éd. Wiet, T. I, p. 158 ; id. trad. Bou- riant, T. I, p. 101 ; ce récit est un peu plus développé dans L'abrégé des Merveilles, trad. Carra de Vaux, p. 311-312. 15 LA CONQUÚTE'DU DIAMANT On raconte que le premier qui tira des diamants de leur mine, fut Iskender (Alexandre) lorsqu'il passa en Orient. Il s'arrêta dans la vallée de 'Aïn ech Chems (la source du Soleil), où il y avait des serpents et des scorpions, entre autres un serpent gigantesque dont l'aspect terrifiait l'armée d' Iskeqder. Celui-ci fit faire un miroir pareil à un bouclier, le mit au haut d'une lance et le dressa en face du serpent qui s'y vit et mourut à sa place (1). (1) El Khaouârlzmi, Mofid el 'Oloum, p. 72. Cf. un épisode semblable dont Alexandre est encore le héros, dans l'article de Gaudefroy-Demombynes Un épisode de la Ville d'airain, Revue des Traditions populaires, T. XXII, p. 194 et une note de Wiet dans son édition de Maqrtzi, T. I, p. 151. 16 H'ADIDOUÂN ET L'OGRESSE Un homme avait trois fils et trois chèvres. « Mes enfants, leur dit-il, il faut que vous travailliez pour vous-mêmes; je vous donnerai à chacun une chèvre ; je vous bâtirai un gourbi à chacun ; demeurez- y et travaillez pour vivre. » L'aîné lui dit : « Mon père, bâtis-moi une maison de pierre avec une porte de pierre. » L'ogresse vint, détruisit cette maison et le dévora ainsi que la chèvre. Le second dit : « Mon père, bâtis-moi une maison de planches avec une porte de planches et laisse-moi. » L'ogresse vint, détruisit cette maison et le dévora. Le troisième, H'adidouân, vint dire à son père : ((Bâtis- moi une maison de fer (1) avec une porte de fer et laisse-moi. » L'ogresse vint, chercha comment le manger, mais ne trouva pas. Elle enleva un morceau d'étoffe, s'en fit une tente en face de la maison du jeune homme et s'assit, guettant quand il sortirait, pour le manger. Cette ogresse avait une fille petite et louche et un ânon. Quand l'ogresse allait arroser, H'adidouân sortait, donnait des coups de fouet à la fille et jouait avec l'ânon ; puis il revenait à la maison et disait : « J'ai trouvé l'ânon dans la prairie ; je suis monté dessus comme j'ai voulu. » — L'ogresse, à son retour, cherchait un moyen de s'emparer de cet homme et ne le trouvait pas. Un jour elle rencontra un homme grisonnant et lui dit : « Maître, vois ce que me fait H'adidouân ; il maltraite ma fille et mon ânon. » Le vieillard répondit : « Ogresse, donne-moi ta parole de ne pas me maltraiter : je t'indiquerai un moyen. — Je t'assure, par Dieu, que je ne te trahirai pas, » dit-elle. — « Prends de la cervelle d'un vieillard et mélange-la avec de la résine de pin. » L'ogresse reprit : « Je me donnerais du mal sans trouver un vieillard comme toi. » Alors elle le saisit, lui fendit la tête jusqu'à ce qu'elle fit éclater le crâne et s'en alla à sa maison. Elle dit à sa fille : « J'ai trouvé un moyen pour prendre ce mécréant, fils de mécréant, il ne nous faut plus maintenant que de la résine de pin. — Demain, nous en chercherons, » dit la fille. Elles partirent à la recherche de H'adidouân jusqu'à ce qu'elles trouvèrent une noce dans un douar. L'ogresse dit au jeune homme : « Allons à la tribu ? — Je n'irai pas, » dit-il, et quand il la vit négligente, il l'abandonna et alla à la fête. Elle vint l'appeler et trouva qu'il était parti. « Chien, fils de chien ! dit-elle ; il est allé à la fête ; il m'a attrapée. » Elle changea sa forme, devint une levrette et partit pour la fête. H'adidouân la regarda et la reconnut. Quand il la vit en compagnie des gens, il leur dit : « Frappez cette levrette infecte qui ne vaut rien. » Ils se mirent à la frapper avec des bâtons; elle passa près de H'adidouân et lui dit : «Demain, sur la route, je te mangerai, mécréant, fils de mécréant ! » Le maître de la fête dit au jeune homme : « Mon frère, va aujourd'hui à ta maison et non demain. — Je n'irai que dans sept jours. » L'ogresse l'entendit et attendit jusqu'à ce que les sept jours fussent écoulés. H'adidouân pensa la surprendre; il partit ce jour-là, prit de la nourriture et aussi de la viande ; il se mit en route, s'arrêta pour se soulager, y mit un peu de nourriture et y ajouta un peu de viande. L'ogresse suivit ses traces, prit la nourriture qu'elle trsit au jardin royal. Il eut le désir d'y entrer. Il y pénétra et vit des têtes suspendues aux arbres. Un homme passait ; il lui demanda : « Qu'est-ce que cela ? — Seigneur, je ne sais pas. » Puis il craignit pour lui et ajouta : « Seigneur, la fille du roi s'est juré de n'épouser que celui qui la vaincrait dans la lice : tous ceux qui sont venus la demander en mariage, elle les a combattus, les a vaincus et leur a coupé la tête qu'elle a suspendue ainsi. Voilà l'affaire, et salut ! » Le prince sortit du verger, très soucieux, et se dit : « Il faut absolument que je la voie ». Il s'informa de la demeure du roi jusqu'à ce qu'il en fût près. Alors il mit l'anneau dans sa bouche et entra. Il vit le roi assis, écarta le rideau qui était derrière lui, pénétra et aperçut sa fille assise ; elle était pareille à la lune dans son plein. Il s'en revint en toute hâte, frappé de sa beauté et rentra chez sa mère adoptive. Il resta jusqu'à la nuit, puis fit venir Maïmoun, et lui dit : « J'exige dix esclaves en costumes précieux et un cheval magnifique pour demander la main de la fille du roi. — L'obéissance et la soumission sont dues à Dieu, puis à toi, répondit Maïmoun ; ils sont là, dans la campagne. — Prends-moi », dit le prince. Il le prit et le transporta dans la campagne. 'Ali fit la prière de l'ouverture, revêtit le costume et monta sur l'étalon, ayant Maïmoun à sa droite, Chem'oun à sa gauche, et les dix esclaves devant lui. Il arriva ainsi dans la ville. Tous ceux qui le voyaient priaient sur le Prophôte et faisaient des vœux pour le prince. Quand il entra dans le palais, les soldats firent aussi des vœux pour lui et dirent : « Seigneur, il y a danger de mort. » En les entendant, il ne répondit pas, mais il ne cessa de marcher jusqu'à ce qu'il fût arrivé à l'escalier du siège du roi. En le voyant, celui-ci salua, lui souhaita la vie, le fit asseoir à côté de lui et lui demanda : « Que désires-tu, mon fils ? — Que tu me fasses épouser ta fille. — Tu es en danger. — Pourquoi ? — Elle a imposé des conditions. — Lesquelles ? — Elle n'épousera que celui qui l'aura vaincue dans la lice ; elle a tué beaucoup de personnes Acceptes-tu cela ? — Oui. » — Le père rapporta cette demande à sa fille. Elle lui demanda : « Lui as-tu imposé mes conditions ? — Oui. » — Alors elle accepta, et il revint informer le prince que la rencontre aurait lieu dans trois jours. 'Ali accepta, sortit, distribua des richesses comme une mer agitée et tous les soldats firent des vœux pour lui. Le troisième jour, il se présenta avec sa troupe de 70.000 génies ; la princesse arriva avec son armée. Les deux partis s'alignèrent et elle décocha une flèche : Maïmoun la frappa et la fit partir en l'air. Elle en tira une seconde, mais Chem'oun la heurta et l'envoya à terre. La princesse tira jusqu'à ce que ses flèches fussent épuisées. Alors elle lui porta un coup de lance et découvrit son visage. Le prince lui porta aussi un coup de lance et quand il arriva sur elle, Maïmoun la poussa, et elle tomba sur le sol. Elle se releva aussitôt, remonta à cheval en versant des larmes et revint vers ses soldats : « A vous ce scélérat, leur dit-elle : celui qui m'apportera un morceau de sa chair, je lui donnerai son poids en or ». Pendant le combat, son père regardait. Ses soldats chargèrent tous contre le prince 'Ali. A cette vue, Maïmoun ordonna à ses compagnons de s'élancer ; ils découvrirent leurs visages, jetèrent des flammes et poussèrent des cris contre les gens qu'ils faillirent faire périr. Ensuite, Maïmoun enleva la princesse et l'emporta en volant jusqu'auprès de son père. Les gens regardaient et disaient : « Grâce 1 Grâce ! » Puis l'émir 'Ali arriva au moment où la princesse était devant Maïmoun, et dit : « Comment veux-tu que je te traite, toi et ton père ? » Le roi répliqua : « Je te donne ma fille en mariage et je te livre tous mes biens ». 'Ali l'embrassa sur la tête ; le prince lui donna sa fille et la lui amena. Il trouva en elle une vierge intacte et s'assit sur le trône du Khalifat. La princesse Yâqoutah ne pouvait le voir et désirait le faire périr parce qu'il l'avait humiliée devant les gens de la ville : elle ne pouvait le souffrir. Trois mois se passèrent. Elle avait une servante qui avait été élevée avec elle depuis son enfance et qui se nommait Mardjânah ; elle était la plus belle de son temps et haïssait le prince parce que celui-ci avait éloigné d'elle sa maîtresse. Un jour, elle dit à Yâqoutah : « Tu m'as oubliée et tu ne te soucies plus de moi à cause de 'Ali ? — Non, par Dieu ! je ne puis pas le voir ni le regarder : tu connais mon excuse ; je n'ose parler, car il iègne sur les djinns. — Par Dieu, répliqua Mardjânah, il n'est pas le souverain des génies, mais il a une chose qui les oblige à le servir. Va cette nuit près de lui et demande-lui quelque chose qui n'existe pas dans notre ville ; vois ce qu'il fera et apprends-le moi, car tout peut àªtre surpris par la vue ; surprends-le et avertis-moi pour que je trouve le moyen de le perdre. — Tu m'apprends une chose à laquelle je ne faisais pas attention », dit la reine. Quand elle entra chez lui, elle alla à lui et l'embrassa. Le prince, lui voyant tenir une conduite différente d'auparavant, lui dit : « Reine, as-tu quelque désir ? — Puisses-tu vivre ! » répondit- elle ; puis elle fit apporter de la nourriture. Ils mangèrent et burent, puis il lui demanda : « Désir de mon cœur, souhaite ce que tu voudras. — Je désire une poire, répondit-elle, car il n'y en a pas une seule dans notre ville ; c'est ce que je souhaite. — Très volontiers », répondit-il ; ensuite il ôta l'anneau de sa main et Maïmoun apparut. « Je veux que tu apportes un plat de poires. » — En moins d'un instant, il était présent avec le plat de poires. « Madame, dit le prince, voilà ce que tu as demandé. » Elle en prit, en donna à son père et alla apprendre l'affaire à Mardjânah. « Il a, dit-elle, un anneau qui le fait servir par les djinns. » — L'autre dit : « Maitresse, nous prendrons de la jusquiame et nous lui en ferons boire dans une coupe ; quand il l'aura bue, il sera engourdi. » Elle fit comme elle avait dit. Après l'avoir bue, il frappa de la tête contre le sol. Alors elle lui prit l'anneau. Puis elle dit : « Mardjânah, je veux le tuer et àªtre délivrée de lui, car je ne puis le voir. — Madame, le mieux est que tu ordonnes aux djinns, qui sont les serviteurs de l'anneau, de l'emporter dans son pays : tu en seras délivrée. » Alors elle posa l'anneau sur le sol en disant : « 0 djinn à qui est confié le soin de cet anneau, apparais 1 » Maïmoun se présenta, la salua et dit : « Puisse Dieu te faire profiter de ce qu'il t'a donné ! dis-moi tes ordres. — Prends ce scélérat et porte-le dans son pays. » — Maïmoun l'enleva et le transporta en volant jusqu'à ce qu'il le jetât près de la porte de la ville. Quand arriva le matin, on ouvrit la porte et les gens le virent, pareil à la lune dans son plein. Ils se réunirent auprès du roi et lui dirent : « Le prince 'Ali, ton frère, est étendu à la porte de la ville. » Il monta à cheval, s'avança vers lui et ordonna de le transporter au palais. Il fit venir les médecins ; ils le palpèrent et ne trouvèrent en lui aucun mal. (c Fais nous apporter du vinaigre piquant », dirent- ils. Il en fit apporter ; ils le versèrent sur sa tête ; il éternua, rendit la jusquiame et dit : « Mardjânah ! » Le roi se mit à rire. « Mon frère, dit-il, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Qu'as-tu éprouvé ? Le prince se réveilla, l'embrassa et pleura beaucoup. « Mon frère, dit-il, par ruse et par perfidie, on m'a enlevé l'anneau. — Comment cela s'est-il passé ? » demandèrent ses frères. Il se mit à leur raconter tout ce qui lui était arrivé. — « Et que comptes-tu faire ? — J'irai chercher ce qui m'appartient, ou la mort mouva en route, jusqu'à ce qu'elle l'eût rassemblée tout entière. Elle arriva près de sa fille qui lui dit : «Ma mère, H'adidouân est arrivé. — Il m'a jouée, dit-elle ; mais je lui revaudrai ce tour. » Elle alla trouver le jeune homme et lui dit : « H'adidouân, allons arroser. — L'outre est déchirée. » L'ogresse s'en alla et pendant la nuit, il arrosa. Le lendemain, il laissa son outre dehors ; l'ogresse la trouva ; elle prit l'outre déchirée et s'assit pour la raccommoder. Quand elle l'eut réparée complètement, elle la donna à H'adidouân et lui dit : « Allons arroser. — J'ai arrosé, » répondit-il. Un jour, il sortit de sa maison et il alla cueillir des figues dans son verger. Il monta sur le figuier. Elle le vit et alla à lui. Il prit un lambeau d'étoffe brune et la mit sur sa tête. L'ogresse se trompa, le prenant pour un corbeau et s'en alla en disant : « Corbeau, mange les fruits cueillis et non cueillis et frappe-moi à l'œil borgne. » Quand elle ne fit plus attention, H'adidouân alla à sa maison. L'ogresse alla lui dire : « J'ai trouvé un verger où il y a beaucoup de figues et je ne prends pas la peine de les cueillir : un corbeau me les mesure. » Il répondit : « Laisse donc tout cela : voici ce que tu lui disais : Corbeau, mange les fruits cueillis et non cueillis. C'était moi et je te frappais à l'œil borgne. — Tu m'as attrapée », dit-elle. Un jour, elle alla chercher de la résine de pin ; elle l'apporta, la mélangea avec la cervelle du vieillard et en enduisit le dos de l'ânon. H'adidouân arriva, sauta sur l'animal et y fut collé. L'ogresse arriva en courant, le saisit et partit pour le manger, mais il s'était lié d'amitié avec la gerboise et celle-ci entra dans sa poche. Il dit à l'ogresse : « Tu veux me manger et je suis maigre. — Montre ton doigt », dit-elle. Il lui montra la queue de la gerboise. L'ogresse ajouta : « Je ne te mangerai pas jusqu'à ce que je t'aie engraissé. » Alors elle le mit chez elle dans un silo, lui apporta vingt-cinq pains de figues sèches, vingt-cinq paniers de raisins frais, vingt-cinq paniers de tranches de viande séchée et vingt-cinq paniers de fruits secs. Ils se mirent à manger, la gerboise et lui. Tous les dix jours, l'ogresse l'examinait et lui disait : « Hé ! H'adidouân, montre ton doigt. » Il lui montrait la queue de la gerboise. Un jour, il ne restait qu'un grain de raisin; la gerboise dit : « Je le mangerai. — Non, dit le jeune homme, c'est moi qui le mangerai. » Il l'enleva et le mangea. La gerboise s'irrita, se sauva et entra dans un trou en face en disant :« H'adidouân, je ne te prêterai plus ma queue. » L'ogresse vint et lui dit : « Montre-moi ton doigt. » Il le lui montra réellement. « Tu as engraissé », dit-elle. Elle !c fit sortir et voulut l'égorger et le manger. La fille était en train de moudre du blé. H'adidouân sortit en face d'elle, fredonnant et chantant. Elle lui dit : « Tu sais chanter ? » Il lui répondit : « Si tu veux me laisser moudre avec toi, tu verras que je t'apprendrai à chanter. — Viens. » Elle dit à l'ogresse : « Va inviter mes tantes. » L'ogresse partit et le jeune homme resta avec la fille, occupée à aiguiser une lame de sabre ; puis, profitant de son inattention, il l'égorgea. Il revêtit ses vêtements, lui enleva le visage qu'il plaça sur le sien, coupa sa chair, la mit dans la marmite et s'occupa de la faire cuire. L'ogresse revint avec ses sœurs. H'adidouân sortit pour les saluer, et à chacune qui le saluait, il coupait les lèvres. Elles dirent à l'ogresse : « Ma sœur, qu'est-ce qu'a ta fille ? — Qu'a-t- elle ? — Elle nous a saluées et nous a coupé les lèvres. — Pardonnez-lui sa sauvagerie ; elle désirait vivement vous voir. » Elles arrivèrent à la tente. « Ma mère, dit H'adidouân, voici, j'ai tué pour toi ce mécréant, fils de mécréant, j'ai coupé sa chair et elle cuit. — Très bien, ma fille, tu es précieuse. » — Il ajouta : « Donnez-moi la clef de ce mécréant, fils de mécréant, j'irai jouer dans sa maison avec mon frère. » L'ogresse lui donna la clef et lui dit : « Va. » H'adidouân partit, entra dans la maison, ferma la porte, monta sur la terrasse en face de l'ogresse ; puis il prit l'enfant qu'il avait avec lui, le heurta contre terre, fit voler sa cervelle, et se mit à interpeller ses ennemies en disant : « Mangez la chair de votre fille ; la tête de la borgne est dans le sac et la maison reste sans rien. » Elles cherchèrent. L'ogresse trouva la tête de sa fille et dit : « Il me l 'a fait avant que je ne le lui fasse ! » H'adidouân ajouta : « Vous vouliez me manger 1 » et il se remit à leur donner des indications : « Apportez cent charges de bois et de troncs d'arbre et entassez-les en face de la maison. Quand le feu sera chaud, écartez-vous là-bas, arrivez en courant, donnez des coups de tête et vous ferez tomber le fer. » Elles allèrent arracher des racines, couper du bois, tandis qu'il transportait de l'eau, la versait au milieu de la maison jusqu'à ce qu'il l'eût remplie. Puis il prit de la neige et la mit au milieu de cette eau de façon à la refroidir. « Allumez, maintenant », leur dit-il. Elles allumèrent. Le mur devint rouge. Il ajouta : « Venez en courant et frappez le mur avec vos têtes ; détruisez-le. a Elles vinrent en courant. La première fois, elles frappèrent avec leurs têtes et ne s'y attachèrent pas ; la seconde fois, elles frappèrent encore sans s'y attacher. La troisième fois, elles frappèrent et y demeurèrent collées. H'adi- douân descendit avec une épée, leur trancha la tête et se sauva (2). (1) Le nom de H'adidouân est formé du mot h'adid, fer. (2) Delphin, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 137. Une autre version arabe avec quelques variantes a été recueillie au Maroc : cf. Socin et Stumme, Der arabische Dialekt der Hoouara, conte X, p. 50-53 ; 112-115. On trouve plusieurs traits de ce conte en berbère. Cf. Stumme, Miirchen der Schluh von Tazerwalt, conte XXIII, Une histoire véritable, p. 58, 177-178 ; Mou- liéras, Légendes et contes merveilleux de la grande Kabylie, T. I, conte XII, Mekid'ech et l'ogresse aveugle, p. 173-196; Biarnay, Etude sur les dialectes berbères du Rit, Histoire de H'addidzouân, p. 312-318 ; Destaing, Etude sur le dialecte berbère des Beni Snous, T. II, p. 75-84, Histoire de H'adidouân et de l'ogresse. Ce cycle de contes a été étudié par E. Cosquin, Le conte de la chaudière bouillante et de la feinte maladresse. 17 LES MERVEILLES DE BABYLONE On raconte qu'il y avait à Babylone (Bâbel) sept villes, chacune d'elles renfermant des merveilles. Dans la première était l'image de la terre. Quand les gens de son royaume étaient séditieux envers le souverain et refusaient d'acquitter l'impôt, il rompait sur l'image les cours d'eau et les gens de cette contrée ne pouvaient arrêter l'eau jusqu'à ce qu'ils se fussent acquittés; tant qu'on n'avait pas arrêté l'eau sur l'image, on ne pouvait le faire dans le pays. Dans la seconde ville, il y avait une citerne. Quand le roi voulait réunir les habitants pour un festin, chacun d'eux apportait la boisson qu'il voulait et la versait dans cette citerne, et quiconque y puisait ne trouvait que celle qu'il avait apportée. Dans la troisième était un tambour qu'on frappait quand on voulait savoir comment se trouvait quelqu'un absent de sa famille ; s'il était vivant, on entendait du bruit ; s'il était mort, on n'entendait rien. La quatrième contenait un miroir ; quand on voulait connaître l'état d'un absent, on y regardait et l'on voyait, comme si on l'avait sous les yeux, comment il se trouvait. Dans la cinquième, il y avait une oie en cuivre ; si un étranger entrait, elle poussait un cri que tous les habitants de la ville entendaient. Dans la sixième il y avait deux juges assis sur l'eau ; quand deux adversaires venaient les trouver, celui qui avait raison marchai'arrêtera. — Ne le fais pas, tu trouveras en nous un remède. — Hélas ! il le faut absolument. » Puis il alla dans son palais. Quand ses servantes le virent, elles se réjouirent et le félicitèrent de son salut. Il les affranchit ainsi que les esclaves noirs, et leur donna de l'argent. Puis il prit sur sa fortune cinquante mille dinârs, monta sur son coursier, prit congé de ses frères et gagna l'Irâq. Il arriva à Baghdâd, descendit jusqu'à Ba§rah, vendit son cheval et arriva jusqu'à la mer pour gagner l'île d'El Kâfour. Il trouva un vaisseau en partance, acheta ce dont il avait besoin et s'embarqua. Un vent favorable souffla, tandis qu'il mangeait et buvait avec les gens du vaisseau, s'entretenait et se familiarisait avec eux. Ils étaient dans la joie lorsqu'ils arrivèrent à l'île d'El 'Anbâr qui était à moitié chemin. Tandis qu'ils étaient là, vingt hommes montèrent à bord ; le capitaine du bateau s'avança vers eux et leur demanda : « Informez-nous de ce qui se passe. » L'un d'eux lui dit : « Sache, vieillard, que la reine Yâqoutah, reine de l'île d'El Kâfour a écrit au roi de cette à®le-ci pour lui dire : « Quiconque viendra de l'Irâq dans notre à®le, ne le laissez pas passer jusqu'à ce que vous l'ayez examiné. Si vous voyez un navigateur répondant au signalement suivant : jeune, sans duvet sur les joues, blanc, beau de visage, aux cheveux longs, ayant sur la joue droite un grain de beauté et, sur l'épaule droite, un autre de la largeur d'un dirhem, livrez-le nous pour que nous le fassions périr. — Nous n'avons personne qui réponde à ce signalement », dit le capitaine. — Le roi donna l'ordre de faire approcher du rivage le vaisseau et de lui présenter tous ceux qui s'y trouvaient, un à un. « Si cet homme n'est pas avec vous, dit-il, partez sous la sauvegarde de Dieu très haut. » Le capitaine revint vers les marchands et leur dit : « Sachez que ce jeune homme qui est avec nous est celui qu'on recherche. Qu'êtes- vous d'avis de faire ?» — Un vieillard qui était intelligent et sage lui dit : « Par Dieu, capitaine, l'affaire se présente de deux façons : l'une avantageuse, l'autre dangereuse, car s'ils le trouvent avec nous, ils nous feront périr. » Il y avait dans ce bateau une vieille femme accompagnée de sa fille. « Levez-vous, dit-elle, venez ; je combinerai une ruse qui nous sera utile ainsi qu'à lui. » Le capitaine se leva et fit sortir les hommes que le roi examina un à un. Quant à la vieille femme, elle prit un coffre où étaient des objets de toilette ; elle mit du koh'eul au prince 'Ali, lui traça des raies, l'ajusta convenablement, lui fit deux boucles et l'habilla en femme. Puis elle lui mit un voile et le fit asseoir à côté d'elle. Quand le chef eut examiné tous les hommes, il dit : « Il ne reste plus que trois femmes. » Alors il monta dans le vaisseau et le fouilla. En le voyant, le prince 'Ali fut troublé et détourna son visage ; l'autre débarqua du vaisseau, les marchands revinrent et félicitèrent la vieille de ce qu'elle avait fait. Puis ils voyagèrent pendant plusieurs jours et arrivèrent à l'île d'El Hind. « Marchands, dit le capitaine, je vous félicite de votre salut. Après celle-ci, nous trouverons l'île d'El Kâfour. » Il y avait sur le rivage une foule considérable. « Par Dieu, dit le capitaine, c'est comme à l'île d'El 'Anbâr. — Nous connaissons le moyen », dit la vieille. Quand ils arrivèrent près du rivage, le roi s'avança vers eux et leur dit : « Sachez que la reine Yâqoutah m'a mandé : Examinez tout vaisseau qui viendra de l'Irâq : s'il s'y trouve un jeune homme de telle apparence, tuez-le et tuez tout ce qui est dans le navire. — Nous n'avons personne répondant à ce signalement », dit le capitaine. On fouilla le vaisseau, mais Dieu protégea ceux qui le montaient. Ils partirent et arrivèrent à l'île d'El Kâfour et se réjouirent de leur salut. Le prince 'Ali se leva avec la vieille femme ; elle lui traça des lignes et le para comme une femme. Le lendemain, on vit s'avancer mille esclaves blancs, avec cinquante eunuques et, au milieu d'eux, la reine Yâqoutah et Mardjânah à côté d'elle. Ils s'arrêtèrent sur le rivage pour regarder. La reine aperçut le vaisseau et dit à son chambellan : « Va vers ce navire et regarde si tu vois mon ennemi, car tu le connais mieux que personne. Si tu le trouves, mets-le en croix à l'avant du bateau, prends pour toi tout ce qui s'y trouve et tue tous ceux qui le montent. — Avec soumission et obéissance », répondit le chambellan. Il appela les marchands et leur dit : « Montez tous, hommes et femmes. » Ils obéirent, et le prince 'Ali s'avança avec les femmes. Le chambellan examina les hommes et ne trouva rien de suspect parmi eux ; il fouilla les coffres et ne trouva rien, mais il n'inspecta pas les femmes et partit. « Je n'ai rien trouvé », dit-il à la reine. Celle-ci tourna la tête de sa mule et regagna la ville. « Chambellan, dit Mardjânah, as-tu examiné les femmes ? — Non, par Dieu, le prince 'Ali ne peut se trouver sous des vêtements féminins. » Alors Mardjânah s'approcha de la tente où étaient les femmes avec le jeune homme. Quand il la vit, il se dit : « Il n'y a de force et de puissance qu'en Dieu l'élevé, l'auguste. » Quand la vieille aperçut Mardjânah, elle se leva, lui fit ses offres de service et lui dit : « Madame, mes filles sont tes servantes. » Elle palpa les femmes une à une. Quand elle arriva au prince 'Ali, celui-ci pâlit et fut certain de sa perte. « 0 le meilleur des protecteurs ! » implora-t-il. « N'aie pas peur, ma fille, dit Mardjânah, ce sera comme pour tes sœurs. » Il baissait la tête, avait perdu toute direction et désespérait de son salut. Mardjânah le saisit et lui dit : « Avance », et elle enleva le voile de son visage. Sa figure apparut. « Par Dieu, dit-elle, c'est un gentil et beau visage ; s'il est d'une femme, louange à celle qui t'a créé d'une goutte d'eau. » Quand elle le regarda, elle le reconnut et lui dit : « Par Dieu, prince 'Ali, il n'y avait personne au monde qui me fût plus odieux que toi jusqu'à ce que je t'aie vu cette fois-ci, et maintenant j'ai pitié de toi. » Il ne pouvait dire une parole. Elle reprit : « Maître, parle; tu n'as rien à craindre de moi. —Mardjânah, répondit-il ; c'est le moment d'une bonne action. — Oui, si tu ne me trahis pas ; quand tu auras obtenu ce que tu désires, ne t'éloigne pas de moi. » Il le lui jura et voulut lui baiser la main, mais elle l'en empêcha et ajouta : « Maître, par Dieu, je n'ai pas vu l'anneau depuis que la reine te l'a enlevé et je ne sais où il est. Elle n'a pas de génies ni de moyen de les évoquer, car si elle en avait, elle aurait imaginé ta perte. Si je savais à présent où est l'anneau, je le volerais. Tu connais ma situation vis-à-vis d'elle, elle ne pourrait me le cacher. » Puis elle partit et le prince ne pouvait croire à son salut. Il se dit en lui-même (4) : « Je n'ai d'autre maison que celle de la vieille femme chez qui j'étais. » Il alla à la porte et frappa. Une servante sortit et demanda : « Que veux-tu ? — Je suis, lui dit-il, une femme du palais du roi. » Elle se consulta, puis lui permit d'entrer. En entrant, il aperçut la vieille femme assise à l'intérieur de la maison et ses servantes autour d'elle. A sa vue, elle s'élança en disant : « Madame, viens. — Ne me reconnais-tu pas ? » demanda- t-il. Il leva le voile de son visage et embrassa sa main. « Mon fils, le prince 'Ali 1 » s'écria-t-elle. Alors elle le serra sur sa poitrine et s'évanouit. Quand elle revint à elle, elle lui dit : « Mon fils, raconte- moi ton histoire et ce qui t'est arrivé. » Il lui fit ce récit depuis le commencement jusqu'à la fin. Elle en était étourdie. « Mon fils, dit-elle, c'est ce que je craignais pour toi. » — Puis elle ajouta : « Que ton cœur ne s'en préoccupe pas. Quelle est ton intention ? — Recouvrer l'anneat sur l'eau et venait s'asseoir avec eux ; celui qui avait tort tombait dans l'eau. La septième renfermait un arbre énorme qui n'abritait que son tronc. Quand on s'asseyait à son ombre, il pouvait couvrir mille personnes ; si ce nombre était dépassé d'une unité, tous étaient au soleil (1). (1) Ah'med el Ibchihl, Kitâb el Mostatref, T. II, p. 159 ; Rat, Al Mostatral, T. II, p. 322-323 ; Qazouini, Athâr el bilâd, p. 202-203. Le même récit est donné d'après le Rabi' el Abrar de Zamakhchari par Ibn Abi H'adjalah, Sokkardân es Soltân, p. 158-159. Il se trouve aussi plus développé dans Ed Dimichqi, Cosmographie, p. 37-38, qui l'emprunte à l'auteur de la Toh'lat el Gharâïb : ces merveilles seraient dues au roi Ouchenk. 18 LA MONTAGNE AUX OISEAUX Sur la route de Beni Sourif, en Egypte, « nous nous trouvâmes à neuf heures du matin sous Gebel Teïr, ou la montagne aux oyseaux ainsi appellée à cause qu'un certain jour de l 'année, tous les oyseaux des environs s'y assemblent, en un endroit où il y a un Talisman, qui les attire par un charme de tous costés et les y fait rester pendant un jour ; et après avoir resté là jusqu'au soir, ils s'en vont tous à la réserve d'un seul qui y demeure, le bec fiché dans le roc jusqu'au mesme jour de l'année suivante qu'il tombe et qu'un autre s 'y fiche à sa place (1). » (1) Vansleb, Nouvelle relation d'un voyage lait en Egypte, p. 402. Maqrîzi mentionne le défilé des oiseaux Bouqir dans le voisinage d'Achmoun dans le Sa'id : c'est une crevasse de la montagne dans laquelle se trouve une fissure dans laquelle, à certains jours de l'année, viennent les Bouqir (sorte de héron). Ils s'approchent de la fente ; chacun d'eux y met son bec, puis s 'en va jusqu 'à ce que la fissure se referme sur le bec de l'un d'eux et le retienne prisonnier. Tous se sauvent et il reste suspendu jusqu'à ce qu'il finisse par tomber (Maqrîzi, Kitâb el Khitat, T. I, p. 31 ; El Maoua'iz' wa'l l'tibar, éd. Wiet, T. I, p. 136 et note 3 ; Description historique et topographique de l'Egypte, trad. Bouriant, T. I, p. 87). Cette légende se trouve aussi dans Es Soyouti, H'osn el Moh'âdharah, T. I, p. 32, d'après Ibn Abi H'adjlah, Sokkardân es Soltân, p. 21-22, et dans Ibn Iyâs, Badâ'i' ez Zohour, p. 21. Un conte analogue est donné aussi par Ech Cherichi, d'après El Qazouîni, pour un oiseau du Tabaristân, pareil à la buse. Il apparaît au printemps et pousse un cri : alors tous les moineaux et les petits oiseaux se rassemblent et lui donnent la becquée. Le soir venu, il saisit l'un des plus rapprochés et le dévore. Il continue ainsi jusqu'à ce que la saison du printemps soit passée. Alors les mêmes oiseaux se réunissent et le harcèlent à coups de bec jusqu 'à ce qu'ils le mettent en fuite et on n'en entend plus parler jusqu'à l'année suivante (Commentaire des Séances de Hariri, T. II, p. 406). 19 LE COQ MERVEILLEUX « Parmi les créatures de Dieu est un coq dont les ergots sont sous la septième terre et dont la crête est repliée sous le Trône : ses deux ailes embrassent les deux horizons. Lorsqu'il ne reste plus de la nuit que le dernier tiers, il bat des ailes et s'écrie : Gloire à notre Seigneur, le roi saint ! Ceux qui sont entre l'Orient et l'Occident l'entendent ; or, vous voyez que les coqs, quand ils entendent cela, se mettent à chanter (1). » (1) El Motahher el Maqdisi, Le livre de la Création et de l'histoire, éd. et trad. CI. Huart, T. II, p. 11 du texte, 11 de la traduction. 20 LA CAPTIVE DÉLIVRÉE Un homme de Belh'arith raconte ce qui suit : Je partis avec neuf compagnons, me dirigeant vers la Syrie et je restai en arrière si bien que les ténèbres m'entourèrent ; je vis s'élever un feu et je me dirigeai vers lui. Je trouvai une tente devant laquelle était une belle jeune fille. « Que fais-tu en cet endroit ? lui demandai-je. — Je suis une des Fezârah, j'ai été enlevée par un démon qui s'absente loin de moi pendant la nuit et vient me trouver le jour. — Viens avec moi, repris-je. — Je crains de périr. » J'insistai, je la fis monter sur ma chamelle et je me mis en marche. Nous cheminâmes jusqu'à ce que la lune se levât. En me retournant, j'aperçus une énorme autruche montée par un cavalier. « Le voilà, dit la jeune fille ; il nous a rejoints ; qu'allons-nous faire ? — Je fis agenouiller ma monture, je fis descendre la femme, je traçai une ligne autour d'elle, je récitai des versets du Qorân et je me recommandai à Dieu. Le démon s'avança et récita ces vers : 0 toi que le destin appelle sur le champ, Renonce volontairement à cette belle jeune fille, puis va-t-en. Je suis un àªtre puissant, maître du temps, sois patient. Je lui répondis ainsi : 0 toi que la sottise appelle sur le champ, Renonce volontairement à cette belle jeune fille, puis va-t-en. Tu n'es pas le premier des djinns qui ait été amoureux. Alors il s'avança contre moi sous la forme d'un lion ; nous luttâmes, et aucun de nous ne put vaincre son adversaire. Il me dit : « Accepterais-tu une de ces trois choses ? — Laquelle ? —Tu couperas ma touffe de cheveux et tu renonceras à la jeune fille. — Ta touffe de cheveux est pour moi la chose la plus facile du monde à prendre. — Tu recevras tout ce que tu voudras en fait de chameaux. — Je ne vends pas ma religion pour les biens de ce monde. — Je te servirai tous les jours de ta vie. — Je n'ai pas besoin de tes services. » Alors il récita : Mon corps dépérit et la nouveauté de l'amour passe, mais ma passion ne me quitte pas quand mon corps dépérit. Sur toi soit le salut de Dieu, ô Dad, tant que la bise soufflera dans le Ghour et le Nedjd. J'emmenai la femme chez les siens ; ils me la donnèrent en mariage et j'eus des enfants d'elle (1). (1) El Qazoufni, 'Adjâïb el Makhlouqât, p. 373-374; Ansbacher, Die Abschnitte aber die Geister und wundcrbaren Geschôpfe, p. 25-27 ; Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatref, T. II, p. 161 ; Rat, Al Mostatraf, T. II, p. 330-331. 21 EL HADHID ET LA FÉE Un jour, El Hadhâd, roi du Yémen, partit à la chasse. Il rencontra un loup qui poursuivait une gazelle et l'avait poussée vers un défilé d'où il lui était impossible de s'échapper. El Hadhâd attaqua le loup, le chassa et sauva la gazelle dont il suivit les traces. Il s'éloignait ainsi de plus en plus de sa suite lorsque tout à coup il vit devant lui une ville magnifique avec des constructions grandioses, de nombreux troupeaux de chameaux et de chevaux, d'épaisses forêts de palmiers et des champs riants. Un homme se présenta à lui et lui dit que cette ville s'appelait Ma'rib, qu'elle était sa résidence, que le peuple qui l'habitait se nommait Arim et était de la race des djinns, que lui-même était leur roi et se nommait Talab ben Sa'ad. Tandis qu'ils parlaient ainsi, une jeune fille d'une beauté admirable se présenta devant eux et El Hadhâd ne pouvait détacher ses yeux d'elle. Le roi des djinns lui dit : « C'est ma fille ; si tu veux, je te la donne en mariage ; tu lui as sauvé la vie, car c'était la gazelle que tu as délivrée du loup ; pendant toute son existence, elle ne peut àªtre assez reconnaissante envers toi. Trouve-toi dans trente jours à l'endroit des noces avec tes parents et les princes de ton peuple. » El Hadhâd s'en retourna, et bientôt la ville des esprits disparut à ses yeux. Mais, au bout de trente jours, il revint avec sa suite pour le mariage. Pendant ce temps, les djinns avaient construit un palais garni de jets d'eau et de jardins. Le roi Talab les reçut et pendant trois jours et trois nuits leur donna une magnifique hospitalité jusqu'à ce que H'arouâ, la jeune fille, fut conduite dans l'appartement d'El Hadhâd. Le palais devint sa résidence etu et avoir satisfaction de la maudite. — Je te ferai arriver à ce que tu désires», répondit-elle. Puis les suivantes se réjouirent de son arrivée : la vieille femme entra dans le bain de la maison, prit de l'ail et du beurre fondu, le pétrit et en frotta l'endroit du corps où on s'agenouille. Elle se prosterna et cette place devint noire : quiconque l'aurait vue l'aurait prise pour une dévote. Ensuite elle sortit, revêtit une robe de coton et un voile de laine, prit une cruche remplie d'eau au fond de laquelle il y avait mille dinârs, la recouvrit d'un chiffon et arriva à la demeure de la reine. Quand elle vint à la porte, il y avait dans le vestibule une jarre contenant de l'eau. Elle vit les esclaves et les eunuques, s'approcha de la jarre et puisa de l'eau avec sa cruche. Les serviteurs lui demandèrent : « Que veux-tu ? De l'eau ? » En les entendant, elle vida l'eau et dit : « Au nom de Dieu. » Puis elle ajouta : « Dieu a des serviteurs qui disent à l'eau : change-toi en or, et elle devient de l'or par la permission du Très-Haut. »—Puis elle les frappa avec sa cruche et les dinârs s'échappèrent. Ils s'occupèrent de les ramasser et poussèrent des cris. Le roi entendit le bruit et demanda : « Qu'y-a-t-il ? » — On lui dit : «C'est une vieille femme pieuse qui est venue boire ; on lui a dit : Que veux-tu ? De l'eau ? Elle est exposée au soleil. Mais elle en a puisé dans la citerne vide et sa cruche a été remplie de pièces d'or ; puis elle est partie et il n'y a personne qui n'ait pris de ces dinârs. — Par Dieu, dit le roi, si je l'avais vue, j'aurais sollicité sa bénédiction; c'est une sainte. » Voilà ce qui advint d'eux. Quant à la vieille femme, elle revint chez elle ; le prince 'Ali se précipita vers elle et lui embrassa la main. « J'ai ourdi une ruse, dit-elle, si elle réussit, tout ce que nous voulons réussira ; ne t'inquiète pas. » Elle laissa passer trois jours. Le quatrième, elle mit des dinârs dans la cruche, la couvrit d'une serviette et passa devant la porte du palais. En la voyant, les serviteurs s'élancèrent vers elle et lui embrassèrent les mains. Elle s'approcha de la jarre d'eau, en puisa et dit : « Prenez des dons périssables de ce monde » ; puis elle répandit l'or et l'endroit en fut rempli. Les serviteurs s'empressèrent de se jeter sur les dinârs en poussant des cris. Le roi en fut informé et dit : « Amenez-la moi. » En la voyant, il se leva et lui embrassa les mains ; elle se mit à le prêcher, à lui faire craindre l'enfer et désirer le paradis. « Mon cœur est rempli d'affection pour toi, lui dit-il ; je désire que tu entres chez ma fille ; peut-être participera-t-elle à ta bénédiction. — Volontiers, » répondit-elle. Alors le roi se leva et la précéda jusqu'à ce qu'ils arrivassent chez la reine. En la voyant, celle-ci lui embrassa les mains et lui dit : « Madame, je désire que tu couches chez nous cette nuit pour jouir de ta conversation et m'attirer tes bénédictions. — Je ne le puis pas, répondit la vieille femme, car j'ai une fille et elle n'a personne que moi pour subvenir à ses besoins. — Il faut absolument que tu couches chez nous », reprit la reine. Alors elle resta chez elle pendant trois jours : pendant ce temps, le cœur du prince 'Ali était sur des charbons ardents. Le quatrième jour, il s'écria : « Il n'y a de force et de pouvoir qu'en Dieu l'élevé, le puissant ! Que peut-il bien àªtre arrivé à la vieille femme ? » Quant à celle-ci, elle dit à la reine : « Je veux aller retrouver ma fille et l'informer de ma situation pour la calmer ; puis je passerai chez toi un mois ou deux et je ne serai pas inquiète. — Tu as réellement une fille ? » demanda la reine. « Des femmes comme moi mentent-elles ? J'ai une fille et il n'y a pas sur la terre un visage plus beau que le sien. Elle ne s'occupe que d'adorer son Seigneur, à l'exclusion des créatures. » — La reine reprit : « Par Dieu, madame, je désire que tu l'amènes chez moi. — Il n'y a pas moyen. — Ma mère, pour l'amour de Dieu, cajole-la pour qu'elle vienne. » — La vieille lui dit : « Si je puis, je te l'amènerai, mais à condition qu'elle ne découvrira pas son visage ; elle ne l'a jamais fait depuis que Dieu l'a créée. — J'y consens », dit la reine. La vieille femme se leva, sortit et alla retrouver le prince 'Ali. Celui-ci se réjouit de la voir et lui dit : « Raconte-moi ce qui t'est arrivé avec elle. » Elle lui fit le récit de ce qui s'était passé, puis elle le revêtit d'un costume de laine et d'un voile de laine, le prit avec elle et l'emmena au palais de la reine. Quand elle arriva à la porte, on poussa des cris ; les serviteurs, les eunuques et les suivantes sortirent à sa rencontre et lui embrassèrent les mains, puis un pavillon isolé fut assigné au prince 'Ali pour prier pendant la nuit. La vieille leur dit : « Je vais à mon ermitage, car je ne puis, non plus que ma fille, l'abandonner. » Puis elle partit à ses affaires. Le prince 'Ali ne cessa de se livrer à ses dévotions jusqu'au coucher du soleil : alors on lui apporta de la nourriture et des douceurs. Mais il ne rompit pas le jeûne. On lui demanda : « Que manges-tu ? — Un pain d'orge et du gros sel. » Alors la reine se tourna vers Mar- djânah et lui dit : « C'est une faveur de Dieu très haut. » — Puis elle ajouta : « Je désire qu'elle applique son corps contre le mien pour que le feu de l'enfer ne me saisisse pas. » Ensuite elle donna un ordre sur-le-champ et le fit venir chez elle. Le prince 'Ali mangea un pain d'orge et du gros sel, se leva et fit la dernière prière. Après avoir embrassé la main du prince, Mardjânah lui dit : « Madame, je t'en conjure, couche cette nuit chez la reine. — Soit», dit-il — puis il se leva et entra dans la chambre de la princesse. En le voyant, celle-ci se leva, lui embrassa la main et fit des vœux. « Eloignez de moi cette bougie », dit le prince ; il enleva son costume de laine et resta avec son vêtement de dessous. La reine se dépouilla de ce qu'elle portait, se coucha à côté de lui et Mardjânah de l'autre côté. En s'éveillant, celle-ci vit chez le prince 'Ali les marques de son sexe. Elle le reconnut et lui dit : « Seigneur, tu ne te soucies pas de ta vie et tu exposes ton existence jusqu'ici ! La vieille femme a réussi dans sa ruse. » — Puis elle causa avec lui jusqu'au matin. Ensuite 'Ali se leva, fit sa prière et s'assit. Le père de la reine entra, lui prit la main et l'embrassa. Ensuite la princesse lui dit : « Nous avons soupé hier ensemble. » — Mardjânah prit les mains de la fausse dévote, la fit entrer dans le pavillon où elle se tenait précédemment et lui dit : « Quand viendra le moment du souper et quand on t apportera de la nourriture, ne mange pas sous prétexte que tu as mal au cœur. Si on te demande ce que tu désires, réponds : un limon acide. Alors la reine dira : Parcourez la ville, et je répli- querai : Tu peux t'en procurer ; tu commandes aux troupes des génies ; prends le talisman et demande pour elle un limon acide. Quand je lui aurai vu prendre l'anneau, j'inventerai une ruse et je te le donnerai. — Quel excellent conseil ! » dit le prince. Lorsqu'arriva le moment du souper, la fausse dévote répéta ce que lui avait dit Mardjânah. Elle prétendit qu'elle avait mal au cœur. « Que désires-tu ? » demanda la reine. — « Un limon acide. — Cherchez dans la ville», dit la princesse. — « Madame, dit Mardjânah, tu as un talisman et tu commandes aux troupes des génies : prends-le et demande pour elle un limon acide de l'Irâq. » La reine reprit : « Par Dieu, tu as raison. » Puis elle se leva, tira une clef de son sein et dit : « Mardjânah, ouvre ce cabinet ; prends une échelle de dix marches et dresse la au-dessus de la porte du pavillon. » La reine entra, y prit une bourse, en tira une clef qu'elle plaça à la porte du cabinet et l'ouvrit. Elle y prit une cassette H'arouâ fut mère de Bilqis, la reine de Sabâ, qui alla trouver Salomon (1). ' (1) Commentaire de la Qaçidah h'imyarite de Nachouân ben Sa'id, ap. von Kremer, Ober die Südarabische Sage, p. 65-66. Une version un peu différente — 11 s'agit de deux serpents luttant ensemble et non d'une gazelle poursuivie par un loup : un des serpents est le roi des génies — est donnée par Perron, Femmes arabes avant et après l'islamisme, p. 17-18. On reconnaît les éléments d'un épisode du conte des Mille et Une Nuits, Histoire du portefaix de Baghdad, des trois dames et des trois calenders, récit de la première dame (éd. de Beyrout, T. I, p. 107-108). Dans Eth Tha'âlibi (Qiças el Anbyâ, p. 273) le roi du Yémen qui épouse une fée se nomme El Hadzhâdz et sa femme Rih'ânah, fille d'Ech Chakar. D ans une autre tradition, c'est le vizir du roi de Sabâ qui épouse une fille du roi des génies, nommée 'Omaïrah ; celle-ci lui est apparue sous la forme d'une gazelle : il habite avec elle une à®le de l'Océan où naît Bilqis, puis il revient à la cour de son maître (Weil, Biblische Legenden der Musulmânner, p. 253-255). 22 LE TALISMAN DES POISSONS Daoud ben Rizq Allah ben 'Abd Allah, qui avait parcouru l'Egypte et en connaissait les àªtres, raconte ce qui suit : Un jour, il passa dans une caverne qu'on appelle la grotte de Chaqalqil, du côté du Sud. Il y trouva un bloc énorme de sandaraque qu'il déplaça pour avancer. Alors il vit une grande quantité de poissons tous enveloppés dans des vêtements comme s'ils avaient été ensevelis après leur mort. Il en prit un, l'examina et trouva dans sa bouche un dinâr avec une inscription qu'il ne put pas bien lire. Il prit les poissons les uns après les autres, retira fin dinâr de la bouche de chacun jusqu'à ce qu'il en eût réuni un grand nombre. Puis il ramassa ces dinârs et s'en retourna pour partir. Quand il arriva au bloc de sandaraque, il trouva qu'il avait grossi de façon à lui fermer le passage. Il revint vers les poissons, remit les dinârs en place et sortit : le bloc était comme auparavant et ne fermait plus l'entrée. Il retourna prendre les dinârs et voulut les emporter. Mais la sandaraque avait grossi et bouchait l'entrée. Il remit les dinârs à leur place et s'en retourna : le bloc était comme auparavant. Il recommença plus d'une fois à prendre et à remettre les dinârs et tout se passa de même, si bien qu'il craignit de périr ; il abandonna l'argent et sortit (1). Quelque temps après, il habita dans cet endroit ; il vit dans le mur une pierre creusée sur laquelle une autre était placée. Il fit tourner celle-ci jusqu'à ce qu'il l'enlevât, et il y avait au-dessous six dinârs, des mêmes qu'il avait trouvés dans la bouche des poissons. Il en prit un et laissa les autres à leur place, puis il remit la pierre sur l'autre. Plus tard, par la volonté de Dieu, il s'embarqua sur le Nil pour le traverser de la rive orientale à la rive occidentale. (c Nous étions arrivés au milieu du fleuve, dit-il, lorsque les poissons s'élancèrent de l'eau et se jetèrent sur la barque en si grand nombre que nous faillîmes couler. Les passagers poussaient des cris par crainte de la mort. Je me rappelai le dinâr que j'avais avec moi et je me dis que c'était peut-être la cause de tout cela. Je le tirai de ma poche et le jetai dans l'eau. Les poissons s'élancèrent du bateau et se précipitèrent dans le fleuve au point qu'il n'en resta pas un seul (2) ». (1) L'Egypte de Murtadi (trad. P. Vattier, p. 56-57) rapporte un trait analogue à propos de trouvailles faites par des chercheurs de trésors : « Ils trouuèrent vne place faite comme vne citerne, pleine d'or monnoyé en forme de gasteaux des plus grands qui se fassent, car chaque piece estoit du poids de mille gros. Ils en prindrent quelques vnes mais ils ne peurent partir de la place iusques à ce qu'ils les eussent remises où ils les auoient prises. » (2) Maqrîzi, Khifat, T. I, p. 37-38; Kitâb el Maouâ';z' wa 'l l'tibâr, éd. Wiet, T. I, p. 163-164 ; Description topographique et historique de l' E gypte, trad. Boudant, T. I, p. 104-105. 23 LA BAGUE MAGIQUE On raconte qu'autrefois, il y avait sur terre un roi qui en possédait toute l'étendue. Ce roi était vertueux, jugeait avec justice et montrait de l'équité dans ses jugements. Une nuit qu'il était endormi, un àªtre mystérieux lui dit dans son sommeil : « Lève-toi, ô roi, monte tel étalon ; va à telles montagnes, pousse entre elles ta monture vers tel endroit. Là où s'enfonceront les pieds de ton cheval, creuse et tu trouveras une trappe ; ouvre-la ; tu verras dessous des marches au nombre de trois cents ; tu les descendras jusqu 'en bas en te gardant bien de parler. Quand tu auras fini de les descendre, tu trouveras une porte avec sa clef : prends-la en silence et ouvre la porte : tu verras un trésor considérable où il y a une statue d'airain qui criera contre toi. Ne crains pas, ne t'effraie pas, ne te trouble pas, avance vers elle, tu trouveras à sa main un anneau. Prends-le, et quand tu l'auras pris, la statue n'aura pas de pouvoir sur toi. Cet anneau a trois propriétés : si tu le mets dans ta bouche, tu deviendras invisible ; si tu le poses sur la terre, son serviteur viendra à toi et exécutera tout ce que tu lui demanderas ; et s'il est à ton doigt, personne ne pourra te nuire. » Le roi s'éveilla et dit : « Je cherche auprès de Dieu une protection contre Satan le lapidé. Qui sait si ce songe vient de Satan ou du Miséricordieux ? » Il se leva, fit ses ablutions et une prière de deux inclinaisons, se recommanda à Dieu contre Satan le lapidé et se rendormit. Pendant son sommeil, l'être mystérieux recommença à lui dire : « Lève-toi, monte tel étalon ; va à tel endroit, pousse ton cheval et là où ses pieds s'arrêteront, creuse et tu trouveras une trappe : soulève-la et fais telle et telle chose », comme il lui avait dit la première fois. Le roi s'éveilla troublé; il fit ses ablutions et une prière de deux inclinaisons, loua la volonté de Dieu et se rendormit. Il vit encore dans son sommeil cet àªtre mystérieux qui lui disait les mêmes choses que la première et la seconde fois. Il s'éveilla et dit : « Ce songe vient du Miséricordieux et non de Satan. » Il se leva, fit ses ablutions et pria jusqu'au lever du jour. Alors il commanda son escorte et le cheval que la voix mystérieuse lui avait indiqué pendant son sommeil. On le lui amena. Le roi monta à cheval avec les trois fils de qui Dieu l'avait gratifié et ils partirent dans la campagne. Il se dirigea vers l'endroit mentionné par la voix mystérieuse et lorsqu'il arriva aux montagnes, il poussa son étalon vers l'endroit indiqué. Les pieds de sa monture s 'enfoncèrent, le roi sauta à terre ; ses soldats arrivèrent, dégagèrent le cheval, et quand on l 'eut tiré de là, le prince ordonna de creuser à l endroit où étaient les pieds de son étalon. Ils obéirent, enlevèrent la terre et trouvèrent une trappe. « Roi de l'époque, dirent-ils, il y a là une trappe. » Il leur commanda de dresser les tentes à cet endroit. Ils obéirent. Puis il leur fit ouvrir la trappe ; ils le firent et virent des marches. Le roi voulut descendre. Les soldats et le vizir vinrent lui dire : « 0 roi de l 'époque, ne descends pas : c'est nous qui descendrons. Personne ne descendra que moi », répondit-il. Ses fils aînés s'avancèrent : « Père, dirent-ils, c'est nous qui descendrons à ta place. » Mais il répéta : « Personne ne descendra que moi. » Alors son plus jeune fils, qui se nommait 'Ali tchélébi (1), vinj: 'L j4ii et lui dit : « Mon père, laisse-moi descendre à ta placyl^^néî^Je t'aurai 7 servi de rançon et si je reviens sain et sauf, je te raconterai ce que j'aurai vu. » Mais le roi répondit : « Mon fils, assieds-toi à ta place ; per en or, l'ouvrit, en tira une boîte en ivoire cerclée d'or et y prit l'anneau. Elle descendit de l'échelle, entra dans le cabinet et y resta un moment. Mardjânah reparut, ayant avec elle une assiette de limons acides de l'Iraq, qu'elle déposa devant le prince en disant : « Nous connaissons la place de l'anneau. — Mange au nom de Dieu ! » reprit la reine. 'Ali se prosterna devant Dieu et mangea. La jeune fille se retira ; la reine s'en alla et le laissa tandis qu'il la regardait. Elle monta cacher l'anneau et, dans sa joie, elle laissa la clef à sa place ; telle était la volonté de Dieu très haut. Puis elle revint auprès de 'Ali et lui dit : « Comment te trouves-tu, à présent ? — Bien, Madame. — Ta douleur est calmée ? Oui, mais je voudrais dormir chez moi pour ne pas àªtre troublée. » La princesse entra dans sa chambre, ferma la porte sur elle et s'endormit. Mardjânah arriva ; elle vit l'échelle, la clef sur la porte et dit : « Lève-toi, à présent ; l'affaire est faite. » — Le prince se leva, ne pouvant croire à son bonheur ; il monta sur l'échelle, ouvrit la porte, prit la cassette, l'ouvrit, en tira l'anneau et le mit à son doigt. Il revint ensuite à sa place, suivi de Mardjânah qui lui disait : « Maître, tu m'as promis de ne pas m'abandonner. » - Il répondit : (c Je te promets aussi de ne pas te trahir et de t'épouser ; je te confierai ma royauté et je me contenterai de cet anneau : c'est tout ce que je puis. » — Elle lui embrassa la main. Le prince s'assit dans le pavillon et dit; : « Mardjânah, pars un instant. » — Alors il plaça le chaton de la bague sur le sol : « Parais, Maïmoun 1 » dit-il. Le génie apparut et le salua. Il ajouta : « Maître, il m'a été pénible de me séparer de toi, mais tu sais que nous sommes les serviteurs de cet anneau, et celui qui le possède, nous lui obéissons et nous l'écoutons. » — 'Ali le remercia et dit : « Je veux que demain mille cavaliers, à l'apparence humaine, couverts de fer, entourent la ville, ayant avec eux des timbales, des tambours et des drapeaux. — C'est entendu », dit Maïmoun. Il s'absenta un instant, puis revint et ajouta : « Tes ordres sont exécutés. — Que Dieu te récompense bien», dit 'Ali ; puis il reprit : « Prends cette clef et replace-la dans la bourse de la reine sans qu'elle s'en aperçoive pour que Mardjânah ne soit pas inquiétée. » — Le génie partit et remit la clef dans la bourse ; 'Ali se leva et rangea l'échelle ; puis il dit : « Maïmoun, je veux un cheval noir avec un collier d'or et un vêtement comme ceux des rois. » Il les lui présenta. 'Ali le monta, s'enleva en l'air et descendit près de son armée qu'il vit pareille à une muraille de fer : les chevaux hennissaient, la terre tremblait ; le prince en ressentit une grande joie. Le lendemain matin, les soldats avancèrent, les timbales résonnèrent, les trompettes retentirent, le tumulte et la confusion s'élevèrent. A ce bruit, les habitants de la ville montèrent à cheval. Le roi s'éveilla, entra chez sa fille et l'informa de cette nouvelle. « Qui sont ces gens ? » demanda-t-elle. — « Je ne les connais pas. — N'aie pas peur, je les repousserai. » Elle monta au pavillon, ouvrit la porte, chercha l'anneau et ne le trouva pas. Elle descendit tout éperdue et dit : «Mardjânah, sais-tu où est l'anneau? — Maîtresse, je t'ai quittée et tu l'as serré. — Tu as raison, mais les génies me l'ont volé. » Elle en informa son père, oubliant l'affaire de la fausse dévote. Le roi monta à cheval et ils sortirent hors de la ville. Les deux armées s'avancèrent en ligne et les deux troupes se firent face. Alors le roi appela un chambellan et lui dit : « Découvre ce que veulent ces gens-là et qui ils sont. » Quand le chambellan les vit, il reconnut le prince 'Ali. Alors il revint en fuyant et répondit au roi qui lui demandait : « Qu'y a-t-il derrière toi ? — Là mort, mon maître; c'est le prince 'Ali, le mari de ta fille ; il est arrivé avec cette armée considérable ; il veut te prendre ainsi que la princesse. » En l'entendant, le roi pleura beaucoup ainsi que sa fille. « Il a réussi dans son entreprise contre nous », dit-elle. Le roi chargea ; les deux armées se heurtèrent et combattirent, mais les gens de la ville ne purent résister. Ils furent taillés en pièces et prirent la fuite. Le roi rentra dans son palais et s'en remit, lui et sa fille, au destin. Maïmoun arriva avec cent génies, brisa la porte du palais et les amena devant le prince 'Ali. Celui-ci dit à Yâqoutah : « Maudite, comment trouves-tu la façon dont Dieu vous a traités, toi et ton père ? a — Ensuite, il ordonna à un génie de la prendre et de la tourmenter cruellement, puis il la frappa d'un sabre et fit voler sa tête. Il en fit autant à son père. Ensuite il envoya un présent à la vieille (5), fit venir Mardjânah et lui dit : « Que veux-tu que je fasse avec toi ? — Ce que je t'ai dit. » — Alors il envoya chercher des témoins et le qâdhi ; on écrivit son contrat de mariage ; il l'épousa et la trouva vierge. Le cœur de la jeune femme fut rempli d'amour pour lui et de même le sien pour elle. Ensuite il fit venir Maïmoun et lui dit : « Je désire que tu informes mes frères de la royauté que je possède.» Il s'envola, descendit chez les frères de 'Ali, et leur apprit ce que Dieu très haut avait donné au prince. Ils s'en réjouirent et lui dirent : « Salue-le, embrasse ses mains de notre part et recommande-lui de ne pas nous oublier.» Il lui transmit ces paroles. Puis 'Ali fit venir le vieillard et le parfumeur et leur témoigna les plus grands égards. Il gouverna son peuple avec équité et destitua les fonctionnaires injustes; ses sujets l'aimèrent, et il ne cessa d'être ainsi que Mardjânah dans cette situation, jusqu'à ce que celui qui anéantit les plaisirs et disperse les réunions, les séparât. Voilà ce qui nous est parvenu de leur histoire et de leur aventure, entièrement et complètement. Louange à Dieu en toute circonstance. Que Dieu bénisse notre Seigneur Moh'ammed, sa famille et ses compagnons et leur donne le salut (6). (1) Ce surnom est d'origine turke, mais il est pris dans le sens favorable qu'il avait à l'origine. L'influence turke se fait du reste sentir par l'emploi de mots comme oda, chambre (f° 34). (2) Quartier de Baghdâd. (3) L'île du camphre apparaît souvent dans les contes populaires et les relations à demi fabuleuses de voyages. Cf. entre autres Gaudefroy-Demombynes, Les Cent et une Nuits, ch. iv, L'île de Camphre, p. 68-77. (4) A partir de ce passage, le récit est mis dans la bouche du prince comme s'il racontait lui-même son aventure. J'ai préféré conserver la forme du récit d'autant que plus loin l'auteur revient à la narration. (5) Le texte arabe est altéré. (6) Bibliothèque nationale dè Paris, fonds arabe, no 3655, f°" 32-50. 24 LES OASIS MYSTÉRIEUSES L'émir des Benou Qorrah, Moqrib ben Mâdhi, rassembla en abondance de l'eau et des provisions et partit dans le désert pour atteindre l'oasis de Sabrou. Mais il erra dans les solitudes pendant un certain temps sans pouvoir y arriver. Craignant alors d'épuiser ses provisions, il revint sur ses pas. Une nuit, il fit halte près d'une colline dans une partie inconnue de ce désert. Un de ses compagnons trouva aux environs une construction due aux anciens. Ils l'examinèrent : c'étaient des briques de cuivre rouge entourant la colline et formant la base d'un mur construit par les anciens. Ils en chargèrent toutes les bêtes de somme qu'ils avaient avec eux et partirent. S'ils avaient pu retrouver cet emplacement, ils n'auraient pu enlever tout le cuivre qu'il contenait qu'après un long espace de temps (1). Moqrib passa à son retour par l'oasis extérieure. Un des habitants l'informa qu'étant allé un matin à son jardin, il trouva que la plussonne ne descendra pour moi ; j'irai seul. » Cela fut pénible à¯Ali tchélébi ; il alla s'asseoir en pleurant. Le roi descendit et continua jusqu'à ce qu'il fut au bout des trois cents marches. Il vit une porte immense avec une grande serrure à laquelle la clef était accrochée. Il la prit, prononça le nom de Dieu très haut et se recommanda à lui. Puis il ouvrit la porte, entra et trouva un trésor considérable renfermant de grandes richesses, des pierreries et d'autres choses. Il vit une énorme statue d'airain. Quand il se dirigea vers elle comme la voix mystérieuse le lui avait ordonné, la statue poussa un cri violent qui fit retentir les montagnes, mais le roi marcha vers elle et enleva l'anneau de son doigt. Quand il l'eut pris, le pouvoir de la statue cessa ; elle tomba sur le sol, inanimée. Le prince contempla ce que le trésor contenait en fait de pierreries, de richesses, de métaux précieux et d'autres choses. « Il faut que je voie la vertu de cet anneau », se dit-il en lui-même, et il le plaça sur le sol. Immédiatement, dès qu'il l'eut posé, quelqu'un se trouva devant lui et lui dit : « A ton service, roi de l'époque ! Tu es lent à te servir de ce qui t'a été donné. — Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Que fais-tu ? » lui demanda le roi. — « Je suis le serviteur de cet anneau ; mon nom est Maïmoun et j'ai sous mes ordres soixante-dix tribus de génies ; tout ce que tu m'ordonneras, je le ferai. » Le prince demanda : « Est-ce que cet anneau a une autre vertu que celle-ci ? — Oui, si tu le mets dans ta bouche, tu deviendras invisible ; si tu l'as dans ta main, personne ne pourra te regarder avec haine ni te faire de mal. » Alors le roi ressentit une grande joie. Il prit l'anneau dans sa main et sortit du trésor. Il ferma la porte, monta les marches et, quand il fut arrivé à la trappe, il mit l'anneau dans sa bouche et sortit par l'ouverture. Il vit son plus jeune fils 'Ali assis en pleurant à la porte ; ses soldats le repoussaient, il voulait descendre, mais ils le bousculaient chaque fois. Le roi s'en retourna de façon à leur àªtre caché ; il tira l'anneau de sa bouche et remonta. A sa vue, son fils se précipita vers lui et embrassa ses mains et ses pieds en pleurant. Les soldats arrivèrent, le saluèrent et le félicitèrent d'être revenu sain et sauf. Il leur ordonna de fermer la trappe. « Roi de l'époque, lui demandèrent-ils, as-tu vu quelque chose ? — Non, c'est un long souterrain qui n'a pas de limite. » Puis le roi partit avec son armée et ils s'en retournèrent dans leurs demeures. La nuit venue, il se leva, entra dans un cabinet, et plaça l'anneau sur le sol. Maïmoun arriva et lui dit : « A ton service, roi de l'époque ! » Il lui ordonna de transporter tout ce qui était dans le trésor dans une chambre qu'il avait vidée dans son palais. « La soumission et l'obéissance sont dues à Dieu et ensuite à toi », dit Maïmoun, puis il partit et le roi alla dormir dans son lit jusqu'au lendemain. Lorsque le matin parut, il se leva, examina la chambre et y trouva toutes les richesses, les pierreries et le reste. Il en ressentit une grande joie et fut content de cette fortune. Ensuite, il tomba malade et reconnut que la mort était proche. Il convoqua ses deux fils aînés et ceux qui étaient sous ses ordres, mais non son plus jeune fils. Il partagea entre eux sa fortune, affranchit des esclaves, fit des dons et des recommandations, mais ne donna rien à son jeune fils. Les autres ressentirent une grande joie et dirent : « Notre frère est devenu pauvre parmi nous. » Quand 'Ali tchélébi entendit leurs paroles, il éprouva un vif chagrin. Il entra chez son père et lui dit : « Je ne suis pas ton fils. — Tu es mon fils et le charme de mes yeux. — Pourquoi as-tu partagé ta fortune entre mes frères et ne m'as-tu rien donné ? Tu m'as rendu pauvre au milieu d'eux. — Mon fils, lui répondit son père, je t'ai réservé un trésor qui pour moi a plus de valeur que la richesse et tout le reste : ce que tu voudras, tu l'obtiendras. — Montre-le moi, mon père, pour calmer mon cœur et mon esprit. » Le roi l'emmena avec lui dans la chambre, tira l'anneau et le mit dans sa bouche.'Ali tchélébi se tourna vers lui et ne le vit plus. Il se repentit de ce qu'il avait dit. Alors le roi retira l'anneau de sa bouche. Son fils lui demanda : « Mon père, où étais-tu ? — J'étais assis avec toi. Le secret de cet anneau consiste en ceci : si tu le mets dans ta bouche, tu deviens invisible. » Puis il le plaça sur le sol et Maïmoun le serviteur de la bague apparut. « A ton service, roi de l'époque ! dit-il ; que me demandes-tu ? — Je demande que tu sois le serviteur de mon fils que voici et que tu sois pour lui un père à ma place. » Maïmoun répondit : «Avec soumission et obéissance. » Le roi prit l'anneau et le donna à son fils 'Ali tchélébi en lui disant : « Garde toi bien que tes frères en aient connaissance, sinon ils te tueraient à cause de lui et le prendraient. » Le jeune homme se leva, embrassa la tête et les mains de son père et ressentit une grande joie. Le prince vécut encore un petit nombre de jours, puis il mourut dans la miséricorde de Dieu. Quand les fils eurent rendu les derniers devoirs à leur père, ils allèrent trouver leur frère aîné et le proclamèrent roi à sa place. Les soldats vinrent le féliciter de son élévation au trône ; il distribua des vêtements d'honneur aux grands fonctionnaires, prononça des destitutions et des nominations et fit des dons et des présents ; pendant plusieurs jours, il exerça son autorité sur l'armée, les provinces et le peuple. Un jour, il donna un banquet et invita ses frères; ils s'assirent, mangèrent, burent, se divertirent et louèrent Dieu de la faveur qu'il leur avait accordée. Quand ils eurent fini de manger et de boire, l'aîné appuya son dos sur un coussin et dit : « Hélas ! » Le second fit de même. 'Ali tchélébi leur demanda : « Qu'avez-vous ? Notre père a partagé sa fortune en deux parties ; l'un de vous est sur le trône, l'autre siège à côté de lui en qualité de vizir, pourquoi dites-vous : Hélas ? » L'aîné répondit : « Par Dieu, mon frère, tel roi chrétien, ayant appris la mort de notre père, marche contre nous ; nous ne sommes pas en état de lui faire la guerre ; j'ai appris que depuis trois mois il prépare son armée : voilà pourquoi j'ai dit : Hélas. — C'est mon affaire, dit 'Ali tchélébi ; et toi, pourquoi dis-tu : Hélas ? — Mon frère, dit le second, j'ai vu chez un tel un étalon; je lui ai offert mille dinârs,il n'a pas voulu me le donner : voilà pourquoi j'ai dit : Hélas. » Alors 'Ali tchélébi les quitta, entra dans la chambre et, après une absence, revint tenant par la main le roi chrétien enchaîné par des liens d'argent et ayant au cou un collier d'argent et une chaîne ; 'Ali tchélébi l'accompagnait. Il entra chez ses frères et dit : « Roi, prends ce prince qui était parti contre toi. » En le voyant, son frère dit au prisonnier : « C'est toi qui as marché contre moi pour me faire la guerre ? Ne savais-tu pas que je te prendrais, ô toi qui es plus vil qu'un chien ! — Roi de l'époque, dit le chrétien, je ne savais pas que les génies te servaient. » Le roi reprit : « Assieds- toi. » Il s'assit et on lui apporta à manger et à boire. 'Ali tchélébi dit à son second frère : « L'étalon est dans ton écurie. » L'autre se leva sur le champ, descendit, l'y vit et ressentit une grande joie. Il revint content et s'assit avec ses frères, le chrétien entre eux. Le roi voulut enlever à celui-ci ses fers et la chaîne de son cou, mais cela lui fut impossible. Le prisonnier lui dit : « Personne ne peut les enlever que celui qui m'a amené. — 'Ali tchélébi, dirent-ils, délivre-le. » Il s'avança et mit la main sur les fers qui s'ouvrirent, et sur la chaîne qui fut enlevée de son cou. Ils s'assirent pour causer. «0 roi, dit le chrétien grande partie de ses dattes avaient été mangées : il aperçut les traces des pieds d'un àªtre d'une grandeur démesurée et de sa famille ; il le guetta pendant des nuits jusqu'à ce qu'une fois arrivât vers eux une créature gigantesque comme on n'en avait jamais vu. Cet àªtre commença à manger des dattes. Lorsqu'il les découvrit, il partit plus vite que le vent et ils n'en eurent plus de nouvelles. Moqrib les accompagna vers ses traces, les examina et les trouva immenses. Il leur ordonna de creuser une fosse à l endroit par où cet àªtre était entré, de couvrir d'herbe sa partie supérieure et de la surveiller plusieurs nuits de suite, ce qu'ils firent. Au bout de quelques nuits, cet àªtre revint suivant sa coutume, et tomba dans la fosse. Ils s'avançèrent, s'en emparèrent grâce à leur nombre et l 'examinèrent. C'était une femme noire, gigantesque, d'une longueur et d'une largeur immenses. Son langage était incompréhensible ; ils lui parlèrent dans toutes les langues connues là, mais elle ne répondit à aucun d'eux. Elle resta plusieurs jours parmi eux tandis qu'ils délibéraient à son sujet. Puis ils convinrent de la lâcher et de monter des chamelles rapides et des chevaux pour suivre ses traces afin de savoir qui elle était et d'où elle venait. Mais quand elle fut lâchée, l'œil ne put la suivre ; elle distança les chamelles et les chevaux et personne ne sut rien d'elle (2). (1) Sur la Ville de cuivre, cf. le conte traduit par Gaudefroy-Demombynes dans les Cent et une Nuits, p. 284-348 et les notes. (2) El Bekri, Description de l'Afrique septentrionale, p. 15-lb. 25 LE JARDIN FANTASTIQUE On raconte qu'un Maghribin entra en Ëgypte : il était très habile en magie et fit apparaître aux yeux d'un grand personnage un jardin hors du Qaire. Il était des plus beaux qu'on eût jamais vus, rempli d'arbres couverts de fruits de toute espèce; il y avait cinq ruisseaux qui en faisaient le tour, un certain nombre de taureaux pour le service des canaux et des intendants debout autour du jardin pour le surveiller. A cette vue, l'Egyptien fut émerveillé et l'acheta pour mille dinârs qu'il remit au Maghribin. Celui-ci s'engagea à remettre le domaine à l'acheteur par l'intermédiaire d'un qâdhi et de témoins. Puis il s'en alla à ses affaires. L'Egyptien s'endormit dans le jardin qu'il avait acheté. Le lendemain matin, il se trouva entre des tas de décombres et ne vit rien du domaine que le Maghribin lui avait vendu. Il demanda aux gens si auparavant il y avait là un jardin. « Nous n'en avons jamais entendu parler », répondirent-ils. Il fut surpris de cette affaire et le bruit s'en répandit. El Melik el Kâmil en ayant eu connaissance, fit chercher le Maghribin ; il avait pris les mille dinârs et était parti (1). (1) Ibn Iyâs, Histoire d'Égypte, T. I, p. 78. 26 LE GÉNIE DE LA PESTE Un paysan de Bilbis en Charkié retournoit chez lui avec une charge de bled ; il n'avoit d'autre compagnon de voyage que son âne qui portoit ce fardeau. Arrivé au milieu d'un pont voisin de Bilbis, et qui n'en étoit séparé que par un terrain bas et bourbeux de l'espace de quatre cents cannes géométriques, il vit venir un homme à lui. Mon ami, lui dit ce personnage inconnu, après l'avoir salué familièrement, je vous attendois avec impatience ; il faut que vous m'accomodiez de ce bled : en voici le paiement, et sans lui donner le temps de répondre, il lui mit un séquin dans la main. Le Paysan avoit à peine touché cette pièce d'or, que la terre s'entrouvrit sous ses pieds ; il se trouva tout-à-coup dans un souterrain affreux : une quantité innombrable de figures hideuses, séparées en deux troupes, fut le premier spectacle qui le frappa ; il y arrêta sa vue et s'aperçut que chacun de ces spectres avoit devant soi plus de mille flèches, dont la plupart d'entre eux étoient occupés à tremper les pointes dans des bassins posés sur des réchauds, et pleins d'une liqueur semblable au sang humain. Toutes les fois que ces flèches y étoient plongées, il entendoit un bruit semblable à celui que fait l'eau lorsqu'on y éteint un fer rouge. Quelques spectres, mais c'étoit le plus petit nombre, demeuroient immobiles. Le paysan, surpris de cette différence, promenoit partout ses regards pour s'en éclaircir, lorsqu'il aperçut, à son grand étonnement, l'homme qui lui avoit donné le séquin. 0 vous 1 lui dit-il, qui que vous soyez, daignez m'apprendre où je suis, et par quel prestige, vous et moi, nous nous trouvons dans ce séjour ténébreux ? — Ne vous effrayez point, lui répondit le personnage inconnu, c'est ici où l'on forge les traits de la peste. Ceux que l'on trempe dans le poison subtil que contiennent ces bassins que vous voyez, portent le venin dont ils sont imbus, et la mort dans le cœur de ceux qui ont le malheur d'en àªtre blessés ; les autres qui n'en sont point teints ne font qu'une plaie légère, et les malades en réchappent. Le paysan, quoique frissonnant de peur, eut le courage de lui faire une nouvelle question. Hélas ! dit-il d'une voix tremblante, suis-je du nombre de ceux qui en seront atteints ? — La peste moissonnera le tiers des habitans de Bilbis, répondit bravement le prestidigitateur, après avoir longtemps feuilleté et parcouru un livre qu'il tenoit à la main, mais vous et vos enfans ne serez point enveloppés dans ce malheur. — De grâce, ajouta alors le Bilbissien rassuré par cet éclaircissement, excusez ma curiosité et daignez joindre à la bonté que vous avez eue à la satisfaire, celle de me retirer de l'abysme où je me vois précipité. Rien de plus aisé, lui dit l'homme infernal ; fermez les yeux pendant quelques momens. Le paysan obéit, et les ayant rouverts un instant après, il se retrouva avec la plus grande des surprises sur le pont, auprès de son âne chargé de bled, et ayant encore dans la main la pièce d'or que cet inconnu y avoit mise. De retour à son village, il y vit sans crainte les ravages de la peste. La prédiction s'accomplit à la lettre. Le tiers des habitans en mourut, et le paysan en fut préservé avec sa femme et ses en- fans (1). (1) Abrégé anonyme de l'histoire de la maison ottomane et du gouvernement de l'Egypte, traduit dans le premier volume de Digeon, Nouveaux contes turcs et arabes, T. I, p. 330-333. Le même auteur cite encore (p. 333) un autre trait du même genre placé à Damiette : « Un citoyen de cette ville, ayant appris, après trois mois de séjour au Caire, que ce fléau (la peste) avoit cessé d affliger ses compatriotes, retournoit avec empressement dans le sein de sa famille, lorsqu'à son débarquement à Damiette, il fut abordé par un de ses amis, qui, la consternation sur le visage, lui apprit la mort de sa femme et de ses enfans. Arrivé à sa maison, il la trouve ouverte, et en parcourt successivement tous les appartemens sans y rencontrer personne. Tandis qu'il réfléchissoit en soupirant sur le triste événement qui en avoit fait une solitude, un vieillard décrépit se présenta à lui, lui dit qu'il l'attendoit avec impatience depuis trois mois et le blessa d'un trait dont sa main étoit armée : c'étoit celui de la peste. Il en mourut. » 1 27 HISTOIRE DU ROI SÂBOUR ET DE SON FILS ABOU 'N NAZHAR Les histoires anciennes des nations nous racontent — et Dieu sait le mieux ce qui est caché — et il est le plus savant — qu'il existait un roi très âgé. Dieu ne lui avait pas accordé d'héritier de ses richesses, de son trône, ni de son royaume. Ce prince était puissant et possédait des richesses immenses, des trésors et de grands biens. Il craignait que ses états ne se perdissent après lui, puisqu'il n'avait pas d'héritier. Un jour qu'il pleurait beaucoup, ses vizirs et les grands se réunirent autour de lui et il leur dit : « Enseignez-moi un remède que j'emploierai, peut-être Dieu m'accordera-t-il un fils qui me succédera et sera roi , mon intention est de partir.— Je te donnerai des compagnons de voyage qui te ramèneront dans ton pays. — Roi de l'époque, reprit le chrétien, il y a entre mon pays et moi trois mois de marche : si je reste seulement absent trois jours, on ne m'accueillera pas, on me pillera et on ruinera mon palais. — Comment sortir de là ? » demanda le roi. Le chrétien reprit : « C'est l'affaire de celui qui m'a amené ; il me ramènera, car je suis sous la garantie de l'honneur du roi. » Celui-ci reçut de lui un serment et dit à¯Ali tchélébi : « Ramène-le. » Le jeune homme le prit et le remit à Maïmoun, qui le rapporta dans son pays. Les deux frères s'assirent pour causer ensemble. « Celui qui a pu amener le roi chrétien d'une distance de trois mois et le ramener, disaient-ils, peut nous transporter dans tout endroit. Comment faire ? — Donne un banquet, dit le roi, nous l'inviterons et nous demanderons un limon de Cha'ir (2) pendant que nous mangerons. S'il veut se lever, nous lui imposerons comme condition et nous le conjurerons de ne pas partir, nous verrons comment il fera.» Le second frère donna un banquet ; il invita le plus jeune, qui se présenta chez eux. Quand ils eurent commencé le repas, ils demandèrent un limon, car il n'y en avait pas dans leur pays. « Tout de suite », dit le prince'Ali, et il se leva pour leur apporter ce qu'ils avaient demandé. Ils le conjurèrent de ne pas bouger. Alors il mit l'anneau sur le sol et Maïmoun apparut. Il lui ordonna de lui présenter un plateau de limons de Cha'ir. Le génie disparut et revint leur offrir un plateau contenant cent limons, puis il partit. Ils reconnurent la vertu qui était dans l'anneau, se turent sans rien manifester, mangèrent, burent et se divertirent. Le roi dit à son frère : « Je t'en conjure, fais apparaître dix des génies qui te servent ; ils viendront nous servir sous leur forme. — Très volontiers », dit 'Ali tchélébi ; il posa l'anneau. Maïmoun arriva, et il lui fit connaître ce qu'on lui demandait. « Seigneur, dit-il, ils sont devant toi, dans la cour. » Le roi et ses frères se retournèrent et virent que chacun d'eux était pareil à un palmier, avec une bouche comme une caverne, des yeux comme deux torches de feu et les narines comme les ouvertures d'une outre. A cette vue, les deux frères se levèrent pour fuir et dirent à¯Ali tchélébi : « Ordonne- leur de se présenter sous une forme agréable. » Sur son ordre, ils prirent celle d'esclaves tels qu'on n'en avait jamais vu de plus beaux. « Voilà une forme agréable » dirent les deux frères. Les esclaves se mirent à les servir jusqu'à ce que le festin fût fini. Alors 'Ali tchélébi partit avec eux. Après son départ, ses frères s'assirent et se dirent : « Il faut absolument le mettre à mort ; tuons-le et prenons l'anneau, car il a toute puissance sur nous. Notre père ne lui a pas donné d'argent, mais il lui a donné cette bague. S'il veut prendre nos richesses, il les prendra sans que nous le sachions et nous enlèvera la royauté. » Ils convinrent de le tuer. Il y avait alors une des esclaves debout à la porte ; elle avait été la nourrice du prince 'Ali. Quand elle entendit ces paroles, elle partit en courant auprès de 'Ali, entra chez lui et lui révéla tout ce que ses frères avaient dit et leur complot de le tuer. Quand 'Ali tchélébi entendit les paroles de sa nourrice, il lui donna des vêtements d'honneur et de grandes louanges : « Que Dieu te récompense bien ! » dit-il et il se rappela les recommandations de son père. Quand elle fut partie, il fit venir ses servantes, leur ordonna de lui préparer de la nourriture, de la mettre dans un plat de porcelaine, de le couvrir et de le placer à l'écart ; puis il les affranchit, leur distribua l'argent qu'il avait chez lui et leur recommanda de donner à l'esclave qui viendrait à elles et qu'il enverrait chaque fois qu'il en aurait besoin, tout ce qu'il leur demanderait. Cette affaire réglée, il plaça l'anneau sur le sol. Maïmoun apparut ; il lui demanda quel était le pays le plus beau. « L'île d'El Kâfour (du Camphre), répondit Maïmoun (3). — Porte-moi là, dit 'Ali tchélébi, et chaque jour, mon déjeuner, mon dîner et mon souper que te donneront mes servantes. — Avec soumission et obéissance, » dit Maïmoun. Il lui présenta son épaule ; le prince 'Ali y monta et Maïmoun s'empressa jusqu'à ce qu'il le déposât dans l'île d'El Kâfour. Il demeura là jusqu'à ce que le jour se levât. Alois il fit la prière du matin, invoquant Dieu, et partit en se promenant jusqu'à ce qu'il entrât dans la ville. Quand les gens le virent, ils reconnurent que c'était un étranger, mais d'une belle forme, fort, vêtu comme les fils de roi. Tous ceux qui le voyaient l'aimaient et le chérissaient. Il se promena dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'il arrivât au marché des parfumeurs. Il rencontra un vieillard avancé en âge et lui dit : « Mon père, as-tu une maison vide à louer ? — Pourquoi cela, mon fils? — Vieillard, c'est pour y demeurer. — Mon fils, j'ai une maison meublée et tapissée où il n'y a personne et qui ne peut convenir qu'à toi.—Montre-la moi, » dit 'Ali tchélébi. Le vieillard se dirigea avec lui vers cette maison et l'ouvrit. Le prince y entra et vit qu'elle était grande, bien appropriée, convenable, tapissée de grands tapis. « Combien me la loueras-tu ? demanda-t-il. — Mon fils, c'est un cadeau que je te fais. — Que Dieu te récompense bien », dit le prince. Ils s'assirent à causer et, au même instant, Maïmoun apporta le déjeuner. Il déposa le plat de porcelaine sans que le vieillard l'aperçût. « Apporte ce plat, que nous mangions », dit'Ali à ce dernier. Il se leva, présenta un siège, apporta le plat : tous deux mangèrent ensemble et se mirent à l'aise. Le vieillard ne quitta plus le service du prince. Un jour, ce dernier alla au marché. Il trouva une boutique de parfumeur et s'y assit pour causer avec le patron. Au même moment, une vieille femme vint à passer, ayant derrière elle des servantes. Quand elle vit 'Ali, elle se précipita dans la boutique et tomba évanouie. On versa sur elle de l'eau jusqu'à ce qu'elle reprît ses sens. « Parfumeur, demanda-t-elle, quel est ce jeune homme ? — C'est un étranger. — Mon enfant, j'avais un fils à qui tu ressembles plus que personne, il est mort l'an dernier; tu le remplaceras, et tout ce que je possède en fait de richesses, d'esclaves et de biens t'appartiendra. — Puisses-tu profiter de ce qui t'est donné ! » dit le parfumeur au prince. — « Mon fils, reprit la vieille, je t'impose comme condition que tu ne sortiras pas de la maison. Le vendredi, on ne prie qu'à la mosquée ; je te laisserai aller à la prière le vendredi. » — 'Ali et les assistants furent satisfaits. « Reste à ta place », dit la vieille, « je vais partir et j'enverrai quelqu'un qui t'amènera. » — Elle s'en alla dans sa demeure avec ses suivantes et lui envoya deux grandes mules avec deux esclaves. Elle orna sa maison et lui prépara à la place d'honneur un siège d'or pour s'asseoir. Aussitôt après, les mules avec les deux esclaves arrivèrent à la boutique. 'Ali prit congé du vieillard et du parfumeur, monta sur la mule et partit. Quand il arriva à la maison de la vieille femme, celle-ci alla à sa rencontre, le fit asseoir sur le siège et dit : « Jeunes filles, faites chauffer un bain. » Elles obéirent. Elle leur adjoignit six esclaves blanches et dit au prince : « Mon fils, celle que tu distingueras t'appartiendra ; c'est un cadeau que je te fais, je ne possède rien près de toi. » Elle leur ordonna de le faire entrer au bain ; elles obéirent et le baignèrent. La vieille femme lui remit un vêtement màgnifique et l'en revêtit. Il resta chez elle pendant quelque temps, ne sortant que pour la prière du vendredi. Un vendredi qu'il était sorti et se promenait dans les rues, son chemin le conduià ma place. — Prince, dirent-ils, c'est une chose au-dessus du pouvoir de toute créature : si Dieu ne la crée pas, tout remède sera inutile. Mais aie recours à l'humilité .et à la prière, car lorsque le serviteur prie avec ferveur, il n'est pas frustré. » Le roi Sâbour commença à invoquer Dieu, à s'humilier devant lui, à se vouer entièrement à l'adoration, aux supplications et à la charité envers les malheureux. Une nuit qu'il était endormi, il entendit une voix lui dire : « Sâbour, Dieu t'a exaucé ; il a accepté ton humilité et il t'accorde un fils, mais dans la vallée de Serendib. » Le prince s'éveilla et dit : « Qu'on m'amène le vizir! » Quand il lut présent, il commanda de faire venir tous les ministres. Lorsqu'ils furent arrivés, il leur dit : « J'ai vu en songe telle et telle chose. » Ils louèrent Dieu et le remercièrent puisqu'il avait exaucé sa demande et lui avait accordé un fils. «Que me conseillez-vous ? » demanda-t-il à ses fonctionnaires. — « Nous te conseillons de partir pour cette vallée et nous sommes à ta disposition. — Faites », dit-il, et il prit la résolution de se mettre en route (1). On chargea les mules de tout ce qui était nécessaire pour le voyage ; il fit ses préparatifs et partit avec les grands de son royaume, ses familiers et ses soldats. Ils marchèrent un mois, jusqu'à ce qu'ils arrivassent en vue d'une montagne appelée Ez Zahraserân. Il considéra sa masse, la quantité de ses arbres, la variété de leurs fruits, la multitude des cours d'eau et dit à ses vizirs : « Comment ferons-nous ? Où est située cette vallée par rapport à cette montagne ? Y a-t-il parmi vous quelqu'un qui le sache ? — Prince, lui répondirent-ils tous, nul de nous ne le sait ; jamais nous n'avons vu cet endroit ; nous n'en avons pas connaissance. Que me conseillez-vous ? reprit-il, que ferai-je ? — Notre avis est que tu ailles trouver les gens de cette montagne ; peut-êlre savent-ils quelque chose. » Le roi ordonna de mettre pied à terre et de dresser les tentes dans un endroit spacieux, et envoya mille hommes aux environs. Ils interrogèrent beaucoup de gens et les amenèrent au prince. Quand ils furent arrivés devant lui, il leur souhaita la bienvenue, leur témoigna des égards et leur dit : « Je vous ai envoyé chercher pour que vous m'indiquiez le vallon de Serendib ; de quel côté est-il ? » Tous se turent ; personne ne lui répondit. Il renouvela sa question, mais ne reçut pas de réponse. — « Pourquoi vous taisez-vous quand je vous interroge ? leur demanda-t-il ; pourquoi ne répondez-vous pas ? — Prince, dirent-ils, personne de nous ne connaît ce vallon et ne sait où il est, ni dans quel endroit de la terre il se trouve, sinon que nous avons entendu raconter à nos pères et à nos maîtres que Dieu y fit descendre notre aïeul Adam. Personne de nous n'y est entré ni ne le connaît, sinon un vieillard qui a dépassé cent ans. Il rapporte qu'il l'a trouvé en suivant une route de cette montagne, qu'il perdit son chemin et y erra pendant soixante-dix jours sans savoir où il allait, mangeant des fruits et buvant de l'eau. Un jour qu'il marchait ainsi, il arriva dans une vallée verdoyante, la plus belle de celles qui existent ; chaque arbre était bien proportionné en longueur et en largeur ; aucun d'eux ne dépassait l'autre. Il y pénétra j usqu'à ce qu'il fût arrivé au milieu et dit : Si j e savais ce qu'est cette vallée ! il n'y a pas un endroit pareil au monde. Alors les pierres lui adressèrent la parole et lui dirent : C'est la vallée de Serendib ; tout ce qu'elle contient en fait de pierres et d'arbres te parlera et t'apprendra leurs particularités et leurs propriétés. » Quand le roi entendit ces paroles, il fut saisi d'étonnement et dit : « Qu'on m'amène ce vieillard 1 » — « Prince, dirent-ils ; il est bien âgé et ne peut pas se lever ; nous l'avons laissé à la ville. » — « Comment s'appelle-t-il ? » demanda Sâbour. — « El Hindi » (VIndien). Il envoya vers lui un homme intelligent avec beaucoup de personnes. Quand ils furent arrivés, ils lui dirent : « Vieillard, obéis au roi un tel. — Oui », répondit-il. Puis on l'amena au prince ; celui-ci dit à ses vizirs : « Prenez ce vieillard, faites le descendre et témoignez- lui des égards jusqu'à ce qu'il se soit reposé. » Le cheikh demeura trois jours chez les vizirs qui s'occupèrent de lui. Le quatrième jour, ils l'amenèrent au roi qui le salua et lui dit : « Vieillard, j'ai diverses choses à te demander pour que tu m'en instruises. — Demande, prince ; je te satisferai sur tout ce que tu voudras de moi. — Je désire que tu me renseignes sur la vallée de Serendib : comment un jour tu as perdu ta route, comment tu as aperçu cette vallée, tu y es entré et tu as vu des choses étranges et merveilleuses. — Oui, répondit-il, cela m'est arrivé, mais pourquoi le demandes-tu ? Quel motif as-tu ? » Le roi lui répondit : « Vieillard, je vais t'en informer. » Alors il lui raconta son histoire depuis le commencement jusqu'à la fin et ce que la voix mystérieuse lui avait dit. — Le vieillard reprit : « Je ne t'indiquerai pas cette vallée que je n'aie reçu de toi une promesse, c est que personne autre que toi ni moi n'y entrera. — J'accepte, » dit le roi, et le vieillard reçut de lui sa promesse et son engagement (2). Sâbour s'occupa de se mettre en route et il pensa : « Je n'ai pas de garanties de ce cheikh pour ma vie. — Vieillard, dit-il, c'est à condition que nous prendrons des vizirs et des chambellans pour nous garder. — Quand tu seras arrivé à la vallée, tu les laisseras dans le voisinage et nous entrerons seuls, toi et moi (3). — Volontiers », répondit-il. Puis il partit avec ses familiers et ses vizirs, précédés du vieillard jusqu'à ce qu'il leur eût fait traverser la montagne ; le roi marcha plusieurs jours et plusieurs nuits, tant qu'à la fin ils dominèrent une belle vallée dont les arbres étaient des aloès, des girofliers et des saules ; les cailloux, des agathes, des pierreries et des émeraudes vertes. Sâbour se réjouit et dit : « Vieillard, apprends-nous quelle est cette vallée ; peut-être est-ce celle de Serendib ? — Roi, dit- il, on l'appelle la vallée d'El Lamb ; il reste encore, avant d'arriver à Serendib, une autre vallée plus belle que celle-ci ; il y a aussi, de plus, une vallée qui lui ressemble. Ne prenez rien d'ici », ajouta- t-il. Le roi fit cette recommandation à ses compagnons. Ils marchèrent depuis l'aurore jusqu'au milieu de la journée, traversèrent cette vallée et en rencontrèrent une seconde où les arbres étaient égaux ; aucun d'eux ne dépassait l'autre ; les plantes étaient du safran, des fleurs, des narcisses, des lis et des violettes. Ils continuèrent leur marche et arrivèrent à une source d'eau courante, autour de laquelle étaient des pierres vertes pareilles à des émeraudes. Ils y passèrent la nuit. Le lendemain, ils remontèrent à cheval et marchèrent jusqu'à ce que le soleil devint brûlant. Ils rencontrèrent une vallée d'un aspect agréable, parfumée de musc et dont les cailloux étaient des onyx et des pierreries ; il y avait un lieu de divertissement construit en pierres précieuses, vertes, rouges, bleues, jaunes, blanches et noires. L'eau coulait tout autour, pareille à la neige, plus douce que le sucre ; aux environs étaient des palmiers, des vignes et toutes sortes de fruits. — « Qu'est-ce ? » demanda le roi au vieillard. — « C'est le vallon des palmiers, et celui où nous avons passé la nuit dernière est le vallon des violettes ; demain, s'il plaît à Dieu, nous arriverons à la vallée de Serendib. » Le roi passa la nuit joyeux et content ; le lendemain, on partit, et, après avoir marché trois heures de la journée, on arriva à une vallée. Quand le vieillard l'eut aperçue et eut senti son parfum, il dit à Sâbour : « Réjouis-toi, prince, tu es arrivé à cette vallée ; tu as atteint tosit au jardin royal. Il eut le désir d'y entrer. Il y pénétra et vit des têtes suspendues aux arbres. Un homme passait ; il lui demanda : « Qu'est-ce que cela ? — Seigneur, je ne sais pas. » Puis il craignit pour lui et ajouta : « Seigneur, la fille du roi s'est juré de n'épouser que celui qui la vaincrait dans la lice : tous ceux qui sont venus la demander en mariage, elle les a combattus, les a vaincus et leur a coupé la tête qu'elle a suspendue ainsi. Voilà l'affaire, et salut ! » Le prince sortit du verger, très soucieux, et se dit : « Il faut absolument que je la voie ». Il s'informa de la demeure du roi jusqu'à ce qu'il en fût près. Alors il mit l'anneau dans sa bouche et entra. Il vit le roi assis, écarta le rideau qui était derrière lui, pénétra et aperçut sa fille assise ; elle était pareille à la lune dans son plein. Il s'en revint en toute hâte, frappé de sa beauté et rentra chez sa mère adoptive. Il resta jusqu'à la nuit, puis fit venir Maïmoun, et lui dit : « J'exige dix esclaves en costumes précieux et un cheval magnifique pour demander la main de la fille du roi. — L'obéissance et la soumission sont dues à Dieu, puis à toi, répondit Maïmoun ; ils sont là, dans la campagne. — Prends-moi », dit le prince. Il le prit et le transporta dans la campagne. 'Ali fit la prière de l'ouverture, revêtit le costume et monta sur l'étalon, ayant Maïmoun à sa droite, Chem'oun à sa gauche, et les dix esclaves devant lui. Il arriva ainsi dans la ville. Tous ceux qui le voyaient priaient sur le Prophôte et faisaient des vœux pour le prince. Quand il entra dans le palais, les soldats firent aussi des vœux pour lui et dirent : « Seigneur, il y a danger de mort. » En les entendant, il ne répondit pas, mais il ne cessa de marcher jusqu'à ce qu'il fût arrivé à l'escalier du siège du roi. En le voyant, celui-ci salua, lui souhaita la vie, le fit asseoir à côté de lui et lui demanda : « Que désires-tu, mon fils ? — Que tu me fasses épouser ta fille. — Tu es en danger. — Pourquoi ? — Elle a imposé des conditions. — Lesquelles ? — Elle n'épousera que celui qui l'aura vaincue dans la lice ; elle a tué beaucoup de personnes Acceptes-tu cela ? — Oui. » — Le père rapporta cette demande à sa fille. Elle lui demanda : « Lui as-tu imposé mes conditions ? — Oui. » — Alors elle accepta, et il revint informer le prince que la rencontre aurait lieu dans trois jours. 'Ali accepta, sortit, distribua des richesses comme une mer agitée et tous les soldats firent des vœux pour lui. Le troisième jour, il se présenta avec sa troupe de 70.000 génies ; la princesse arriva avec son armée. Les deux partis s'alignèrent et elle décocha une flèche : Maïmoun la frappa et la fit partir en l'air. Elle en tira une seconde, mais Chem'oun la heurta et l'envoya à terre. La princesse tira jusqu'à ce que ses flèches fussent épuisées. Alors elle lui porta un coup de lance et découvrit son visage. Le prince lui porta aussi un coup de lance et quand il arriva sur elle, Maïmoun la poussa, et elle tomba sur le sol. Elle se releva aussitôt, remonta à cheval en versant des larmes et revint vers ses soldats : « A vous ce scélérat, leur dit-elle : celui qui m'apportera un morceau de sa chair, je lui donnerai son poids en or ». Pendant le combat, son père regardait. Ses soldats chargèrent tous contre le prince 'Ali. A cette vue, Maïmoun ordonna à ses compagnons de s'élancer ; ils découvrirent leurs visages, jetèrent des flammes et poussèrent des cris contre les gens qu'ils faillirent faire périr. Ensuite, Maïmoun enleva la princesse et l'emporta en volant jusqu'auprès de son père. Les gens regardaient et disaient : « Grâce 1 Grâce ! » Puis l'émir 'Ali arriva au moment où la princesse était devant Maïmoun, et dit : « Comment veux-tu que je te traite, toi et ton père ? » Le roi répliqua : « Je te donne ma fille en mariage et je te livre tous mes biens ». 'Ali l'embrassa sur la tête ; le prince lui donna sa fille et la lui amena. Il trouva en elle une vierge intacte et s'assit sur le trône du Khalifat. La princesse Yâqoutah ne pouvait le voir et désirait le faire périr parce qu'il l'avait humiliée devant les gens de la ville : elle ne pouvait le souffrir. Trois mois se passèrent. Elle avait une servante qui avait été élevée avec elle depuis son enfance et qui se nommait Mardjânah ; elle était la plus belle de son temps et haïssait le prince parce que celui-ci avait éloigné d'elle sa maîtresse. Un jour, elle dit à Yâqoutah : « Tu m'as oubliée et tu ne te soucies plus de moi à cause de 'Ali ? — Non, par Dieu ! je ne puis pas le voir ni le regarder : tu connais mon excuse ; je n'ose parler, car il iègne sur les djinns. — Par Dieu, répliqua Mardjânah, il n'est pas le souverain des génies, mais il a une chose qui les oblige à le servir. Va cette nuit près de lui et demande-lui quelque chose qui n'existe pas dans notre ville ; vois ce qu'il fera et apprends-le moi, car tout peut àªtre surpris par la vue ; surprends-le et avertis-moi pour que je trouve le moyen de le perdre. — Tu m'apprends une chose à laquelle je ne faisais pas attention », dit la reine. Quand elle entra chez lui, elle alla à lui et l'embrassa. Le prince, lui voyant tenir une conduite différente d'auparavant, lui dit : « Reine, as-tu quelque désir ? — Puisses-tu vivre ! » répondit- elle ; puis elle fit apporter de la nourriture. Ils mangèrent et burent, puis il lui demanda : « Désir de mon cœur, souhaite ce que tu voudras. — Je désire une poire, répondit-elle, car il n'y en a pas une seule dans notre ville ; c'est ce que je souhaite. — Très volontiers », répondit-il ; ensuite il ôta l'anneau de sa main et Maïmoun apparut. « Je veux que tu apportes un plat de poires. » — En moins d'un instant, il était présent avec le plat de poires. « Madame, dit le prince, voilà ce que tu as demandé. » Elle en prit, en donna à son père et alla apprendre l'affaire à Mardjânah. « Il a, dit-elle, un anneau qui le fait servir par les djinns. » — L'autre dit : « Maitresse, nous prendrons de la jusquiame et nous lui en ferons boire dans une coupe ; quand il l'aura bue, il sera engourdi. » Elle fit comme elle avait dit. Après l'avoir bue, il frappa de la tête contre le sol. Alors elle lui prit l'anneau. Puis elle dit : « Mardjânah, je veux le tuer et àªtre délivrée de lui, car je ne puis le voir. — Madame, le mieux est que tu ordonnes aux djinns, qui sont les serviteurs de l'anneau, de l'emporter dans son pays : tu en seras délivrée. » Alors elle posa l'anneau sur le sol en disant : « 0 djinn à qui est confié le soin de cet anneau, apparais 1 » Maïmoun se présenta, la salua et dit : « Puisse Dieu te faire profiter de ce qu'il t'a donné ! dis-moi tes ordres. — Prends ce scélérat et porte-le dans son pays. » — Maïmoun l'enleva et le transporta en volant jusqu'à ce qu'il le jetât près de la porte de la ville. Quand arriva le matin, on ouvrit la porte et les gens le virent, pareil à la lune dans son plein. Ils se réunirent auprès du roi et lui dirent : « Le prince 'Ali, ton frère, est étendu à la porte de la ville. » Il monta à cheval, s'avança vers lui et ordonna de le transporter au palais. Il fit venir les médecins ; ils le palpèrent et ne trouvèrent en lui aucun mal. (c Fais nous apporter du vinaigre piquant », dirent- ils. Il en fit apporter ; ils le versèrent sur sa tête ; il éternua, rendit la jusquiame et dit : « Mardjânah ! » Le roi se mit à rire. « Mon frère, dit-il, qu'est-ce qui t'est arrivé ? Qu'as-tu éprouvé ? Le prince se réveilla, l'embrassa et pleura beaucoup. « Mon frère, dit-il, par ruse et par perfidie, on m'a enlevé l'anneau. — Comment cela s'est-il passé ? » demandèrent ses frères. Il se mit à leur raconter tout ce qui lui était arrivé. — « Et que comptes-tu faire ? — J'irai chercher ce qui m'appartient, ou la mort mn désir et ton but ; rappelle-toi le serment que tu m'as fait ; laisse tes compagnons à leur place et défends-leur d'en bouger. » — Le roi dit à ses vizirs : « Restez ici à vos places et n'en bougez pas, car je crains la mort pour vous ; vous voilà avertis. — Prince, reprit le vieillard, c'est dans cette vallée que Dieu fit descendre Adam quand il le fit sortir du Paradis ; il n'est permis à personne d'y entrer sur une monture, par respect et par vénération. » Tous descendirent. Le vieillard s'avança suivi du roi et ils marchèrent sur le bord du fleuve, tandis que les arbres leur adressaient la parole en langue humaine, avec éloquence, par la permission du Très-Haut (4). Chacun disait : « Homme, je te conseille telle et telle chose, » jusqu'à ce qu'il arrivât à l'un d'eux qui leur dit : « Quiconque prendra sept de mes feuilles et en mangera aura un enfant mâle.» En entendant ces paroles, Sâbour voulut en prendre : « Avance, dit le vieillard, et n'en prends ni plus ni moins. » Le roi obéit. Puis ils continuèrent leur marche et trouvèrent un arbre qui parlait : sur lui se tenait un oiseau brun jaunâtre dont les yeux étaient des perles. Le roi s'arrêta pour le regarder et l'admirer. L'oiseau lui dit : « Pourquoi t'arrêtes-tu pour me regarder et m'admirer ? — J'admire la beauté de ta forme et tes paroles augmentent mon étonnement. » — L'oiseau reprit : « Ce qui est plus étonnant, c'est que vous soyez trois tout en croyant n'être que deux. » — Sâbour se tourna à droite et à gauche et ne vit rien. « Quel est le troisième ? » demanda- t-il. — « C'est celui qui se tient debout, caché derrière cet arbre, derrière vous et il en désigna avec son bec un qui ressemblait au santal. Le roi se retourna ; il vit son vizir qui s'avançait rapidement. A cette vue, le vieillard mécontent lui dit : « Prince, ne m'avais-tu pas promis que personne n'entrerait dans cette vallée, sinon toi et moi ?» — Sâbour demanda à son ministre : « Qui t'a donné l'ordre de pénétrer ici ? — C'est celui qui vous a introduits dans cette vallée qui m'a commandé d'y entrer, c'est le Maître des mondes. Prince, ajouta-t-il, mon père m'a fait prendre cet engagement ; il avait lu les livres anciens et les histoires du temps passé et m'a déclaré qu'il me fallait absolument pénétrer ici, car j'y acquerrais une science considérable.— Par Dieu, dit Sâbour, j'ignorais absolument qu'il fût entré. — Il est vrai, répondit-il, que personne n'a pénétré dans cet endroit illustre, sinon ceux que Dieu veut honorer et à qui Il en a donné la permission. » Le roi regarda le vizir qui avait une étoffe blanche à la main ; il ne passait pas devant un arbre sans que celui-ci ne lui indiquât à quoi il était bon en fait de remèdes ; il en prenait qu'il serrait dans ce vêtement et écrivait son nom et son usage. Sâbour en ressentit une grande joie (5). Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une place tapissée ; il n 'en était pas de plus belle ; il y avait des choses inconnues et tout autour, des oliviers dont les uns portaient leurs charges et les autres se brisaient sous elles, leurs fruits tombaient; on y voyait un pavillon sur quatre piliers de marbre blanc ; à l'intérieur, il y avait une lampe suspendue à une chaîne d'or dont la tête était un rubis rouge ; elle brillait par la permission de Dieu et elle lançait une lumière éclatante et une lueur brillante. En dehors de ce pavillon était un mih'râb d'où s'exhalait un parfum de musc. Au-dessous, il y avait une pierre dure, verte, contenant un bœuf rouge comme de l'or ; un poisson d'une énorme grandeur leur dit d'une voix éloquente : « De quoi vous étonnez-vous ? Pourquoi vous arrêtez-vous devant le mih'râb de Seth (Chîth), fils d'Adam ? Entrez et lisez ce qui est à l'intérieur, car il y a là un enseignement pour qui sait en profiter et un sujet de pensée pour qui réfléchit. » — Quand ils eurent entendu ces paroles, ils entrèrent, firent quatre génuflexions et lurent à chacune d'elles ce qui se trouvait dans le mih'râb. Voici ce qui y était écrit : « Ce monde n'est qu'une extrémité ; l'autre est la durée ; la mort est la suite de la vie. Si je savais ce qu'il y a après la mort I Sera-ce le paradis ? Sera-ce l'enfer brûlant ? Homme, vis à ta guise, car quand tu seras mort, tu iras à la récompense ou au châtiment. Par Dieu, ne meurs pas sans t'être repenti et tremble. » Ils demeurèrent stupéfaits et émerveillés. Le roi dit au vieillard : « Entre avec nous dans ce pavillon. » — Il les y introduisit et ils trouvèrent un oiseau qui ressemblait à un francolin couronné de toutes sortes de pierreries entremêlées de perles ; il se tenait les yeux ouverts dans le pavillon, regardant la lampe. Il s'envola de son attache et se mit à siffler agréablement. Ils étaient à peine en cet endroit qu'un autre oiseau s'avança tenant dans son bec une olive ; il l'apporta vers la lampe et l'écrasa. Les visiteurs en furent émerveillés, louèrent Dieu très haut et le glorifièrent de sa puissance. Puis ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une source d'où coulait du sang qui débordait à la surface de la terre ; à côté était une sorte de statue où entrait et d'où sortait le vent, et elle criait : « Buvez à cette source 1 » — Ils y burent et partirent. « Si vous n'en aviez pas bu, dit le vieillard, l'image vous aurait tués. » Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une source d'eau à côté de laquelle était un beau chien qui leur dit : « Buvez à cette source. » Ils burent et se remirent en route si bien qu'ils arrivèrent à un arbre pareil à un palmier sur lequel étaient des robes rouges, jaunes, blanches, vertes et noires. Il y avait aussi un oiseau d'or qui sifflait avec la plus belle voix du monde et qui disait : « Revêtez-vous de ces habillements. » Le vieillard prit une robe blanche et s'en revêtit : le roi, une robe verte ; le vizir, une robe noire. « Si nous ne l'avions pas fait, dit le premier, l'oiseau aurait été notre maître. » Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une pierre blanche et creuse ; elle renfermait du lait plus doux que le miel ; à côté d'elle, il y avait comme une bête féroce ouvrant la gueule. Le vent y entrait et en sortait, et elle disait : « Buvez. » Ils burent et le vieillard leur dit : « Si nous n'avions pas bu, cette bête féroce nous aurait dévorés. » Ils se remirent en route et arrivèrent à un fleuve d'eau courante, la plus pure du monde, surmonté d'un pont et sur le bord duquel était un oiseau blanc qui sifflait mélodieusement et disait : « Lavez-vous. » Le vieillard se. jeta dans le fleuve et les autres en firent autant. Après s'être baignés, ils reprirent leurs vêtements... « Si nous ne nous étions pas baignés, dit le vieillard, cet oiseau nous aurait fait périr » (6). Puis ils continuèrent leur marche jusqu'à ce qu'ils arrivassent à un arbre verdoyant autour duquel étaient des roses blanches et rouges ; en haut de l'arbre, un oiseau pareil à un étourneau était debout sur une colonne de bronze et parlait. Le vieillard prit des fruits de cet arbre ; les autres en firent autant; et quand ils les eurent mangés, il dit à Sâbour : « Roi, nous sommes à la fin de notre excursion dans cette vallée ; tu y as vu ce que tu y as vu, ne révèle pas aux insensés ce que tu y as contemplé ; celui-là doit seul le savoir à qui Dieu l'a fait connaître : c'est l'homme intelligent. Il réfléchit de plus en plus sur les merveilles de la puissance divine. — Vieillard, dit le roi, comment se fait-il que ces objets admirables et ces images soient dans cette vallée ? Indique-moi leur sens. — Je te l'apprendrai quand nous serons revenus vers ton armée, s'il plaît à Dieu. » Ils se remirent en route et arrivèrent à un arbre pareil à un palmier, mais ce n'en était pas un ; le goût de ses fruits était celui des datte'arrêtera. — Ne le fais pas, tu trouveras en nous un remède. — Hélas ! il le faut absolument. » Puis il alla dans son palais. Quand ses servantes le virent, elles se réjouirent et le félicitèrent de son salut. Il les affranchit ainsi que les esclaves noirs, et leur donna de l'argent. Puis il prit sur sa fortune cinquante mille dinârs, monta sur son coursier, prit congé de ses frères et gagna l'Irâq. Il arriva à Baghdâd, descendit jusqu'à Ba§rah, vendit son cheval et arriva jusqu'à la mer pour gagner l'île d'El Kâfour. Il trouva un vaisseau en partance, acheta ce dont il avait besoin et s'embarqua. Un vent favorable souffla, tandis qu'il mangeait et buvait avec les gens du vaisseau, s'entretenait et se familiarisait avec eux. Ils étaient dans la joie lorsqu'ils arrivèrent à l'île d'El 'Anbâr qui était à moitié chemin. Tandis qu'ils étaient là, vingt hommes montèrent à bord ; le capitaine du bateau s'avança vers eux et leur demanda : « Informez-nous de ce qui se passe. » L'un d'eux lui dit : « Sache, vieillard, que la reine Yâqoutah, reine de l'île d'El Kâfour a écrit au roi de cette à®le-ci pour lui dire : « Quiconque viendra de l'Irâq dans notre à®le, ne le laissez pas passer jusqu'à ce que vous l'ayez examiné. Si vous voyez un navigateur répondant au signalement suivant : jeune, sans duvet sur les joues, blanc, beau de visage, aux cheveux longs, ayant sur la joue droite un grain de beauté et, sur l'épaule droite, un autre de la largeur d'un dirhem, livrez-le nous pour que nous le fassions périr. — Nous n'avons personne qui réponde à ce signalement », dit le capitaine. — Le roi donna l'ordre de faire approcher du rivage le vaisseau et de lui présenter tous ceux qui s'y trouvaient, un à un. « Si cet homme n'est pas avec vous, dit-il, partez sous la sauvegarde de Dieu très haut. » Le capitaine revint vers les marchands et leur dit : « Sachez que ce jeune homme qui est avec nous est celui qu'on recherche. Qu'êtes- vous d'avis de faire ?» — Un vieillard qui était intelligent et sage lui dit : « Par Dieu, capitaine, l'affaire se présente de deux façons : l'une avantageuse, l'autre dangereuse, car s'ils le trouvent avec nous, ils nous feront périr. » Il y avait dans ce bateau une vieille femme accompagnée de sa fille. « Levez-vous, dit-elle, venez ; je combinerai une ruse qui nous sera utile ainsi qu'à lui. » Le capitaine se leva et fit sortir les hommes que le roi examina un à un. Quant à la vieille femme, elle prit un coffre où étaient des objets de toilette ; elle mit du koh'eul au prince 'Ali, lui traça des raies, l'ajusta convenablement, lui fit deux boucles et l'habilla en femme. Puis elle lui mit un voile et le fit asseoir à côté d'elle. Quand le chef eut examiné tous les hommes, il dit : « Il ne reste plus que trois femmes. » Alors il monta dans le vaisseau et le fouilla. En le voyant, le prince 'Ali fut troublé et détourna son visage ; l'autre débarqua du vaisseau, les marchands revinrent et félicitèrent la vieille de ce qu'elle avait fait. Puis ils voyagèrent pendant plusieurs jours et arrivèrent à l'île d'El Hind. « Marchands, dit le capitaine, je vous félicite de votre salut. Après celle-ci, nous trouverons l'île d'El Kâfour. » Il y avait sur le rivage une foule considérable. « Par Dieu, dit le capitaine, c'est comme à l'île d'El 'Anbâr. — Nous connaissons le moyen », dit la vieille. Quand ils arrivèrent près du rivage, le roi s'avança vers eux et leur dit : « Sachez que la reine Yâqoutah m'a mandé : Examinez tout vaisseau qui viendra de l'Irâq : s'il s'y trouve un jeune homme de telle apparence, tuez-le et tuez tout ce qui est dans le navire. — Nous n'avons personne répondant à ce signalement », dit le capitaine. On fouilla le vaisseau, mais Dieu protégea ceux qui le montaient. Ils partirent et arrivèrent à l'île d'El Kâfour et se réjouirent de leur salut. Le prince 'Ali se leva avec la vieille femme ; elle lui traça des lignes et le para comme une femme. Le lendemain, on vit s'avancer mille esclaves blancs, avec cinquante eunuques et, au milieu d'eux, la reine Yâqoutah et Mardjânah à côté d'elle. Ils s'arrêtèrent sur le rivage pour regarder. La reine aperçut le vaisseau et dit à son chambellan : « Va vers ce navire et regarde si tu vois mon ennemi, car tu le connais mieux que personne. Si tu le trouves, mets-le en croix à l'avant du bateau, prends pour toi tout ce qui s'y trouve et tue tous ceux qui le montent. — Avec soumission et obéissance », répondit le chambellan. Il appela les marchands et leur dit : « Montez tous, hommes et femmes. » Ils obéirent, et le prince 'Ali s'avança avec les femmes. Le chambellan examina les hommes et ne trouva rien de suspect parmi eux ; il fouilla les coffres et ne trouva rien, mais il n'inspecta pas les femmes et partit. « Je n'ai rien trouvé », dit-il à la reine. Celle-ci tourna la tête de sa mule et regagna la ville. « Chambellan, dit Mardjânah, as-tu examiné les femmes ? — Non, par Dieu, le prince 'Ali ne peut se trouver sous des vêtements féminins. » Alors Mardjânah s'approcha de la tente où étaient les femmes avec le jeune homme. Quand il la vit, il se dit : « Il n'y a de force et de puissance qu'en Dieu l'élevé, l'auguste. » Quand la vieille aperçut Mardjânah, elle se leva, lui fit ses offres de service et lui dit : « Madame, mes filles sont tes servantes. » Elle palpa les femmes une à une. Quand elle arriva au prince 'Ali, celui-ci pâlit et fut certain de sa perte. « 0 le meilleur des protecteurs ! » implora-t-il. « N'aie pas peur, ma fille, dit Mardjânah, ce sera comme pour tes sœurs. » Il baissait la tête, avait perdu toute direction et désespérait de son salut. Mardjânah le saisit et lui dit : « Avance », et elle enleva le voile de son visage. Sa figure apparut. « Par Dieu, dit-elle, c'est un gentil et beau visage ; s'il est d'une femme, louange à celle qui t'a créé d'une goutte d'eau. » Quand elle le regarda, elle le reconnut et lui dit : « Par Dieu, prince 'Ali, il n'y avait personne au monde qui me fût plus odieux que toi jusqu'à ce que je t'aie vu cette fois-ci, et maintenant j'ai pitié de toi. » Il ne pouvait dire une parole. Elle reprit : « Maître, parle; tu n'as rien à craindre de moi. —Mardjânah, répondit-il ; c'est le moment d'une bonne action. — Oui, si tu ne me trahis pas ; quand tu auras obtenu ce que tu désires, ne t'éloigne pas de moi. » Il le lui jura et voulut lui baiser la main, mais elle l'en empêcha et ajouta : « Maître, par Dieu, je n'ai pas vu l'anneau depuis que la reine te l'a enlevé et je ne sais où il est. Elle n'a pas de génies ni de moyen de les évoquer, car si elle en avait, elle aurait imaginé ta perte. Si je savais à présent où est l'anneau, je le volerais. Tu connais ma situation vis-à-vis d'elle, elle ne pourrait me le cacher. » Puis elle partit et le prince ne pouvait croire à son salut. Il se dit en lui-même (4) : « Je n'ai d'autre maison que celle de la vieille femme chez qui j'étais. » Il alla à la porte et frappa. Une servante sortit et demanda : « Que veux-tu ? — Je suis, lui dit-il, une femme du palais du roi. » Elle se consulta, puis lui permit d'entrer. En entrant, il aperçut la vieille femme assise à l'intérieur de la maison et ses servantes autour d'elle. A sa vue, elle s'élança en disant : « Madame, viens. — Ne me reconnais-tu pas ? » demanda- t-il. Il leva le voile de son visage et embrassa sa main. « Mon fils, le prince 'Ali 1 » s'écria-t-elle. Alors elle le serra sur sa poitrine et s'évanouit. Quand elle revint à elle, elle lui dit : « Mon fils, raconte- moi ton histoire et ce qui t'est arrivé. » Il lui fit ce récit depuis le commencement jusqu'à la fin. Elle en était étourdie. « Mon fils, dit-elle, c'est ce que je craignais pour toi. » — Puis elle ajouta : « Que ton cœur ne s'en préoccupe pas. Quelle est ton intention ? — Recouvrer l'anneas. Quand ils furent auprès de lui, il parla avec une voix humaine et dit : « Celui qui prendra une de mes branches et montera sur elle, qu'il se dirige où il voudra, à l'est ou à l'ouest, il y parviendra en un instant par la puissance du Dieu très haut. » — En entendant ces paroles, le vieillard détacha trois branches et dit à ses compagnons : « Faites comme moi. » — Chacun monta sur l'une d'elles et quand il les eurent enfourchées, il ajouta : « Dites la place de l'armée. » — Ils la mentionnèrent. — « Fermez les yeux. » Ils les fermèrent, et en moins d'un instant, ils étaient en vue des troupes. Ils louèrent Dieu très haut et le remercièrent. Le roi donna des vêtements d'honneur au vieillard, lui fit présent d'une somme considérable et le fit asseoir près de lui. Puis le cheikh raconta : « Quand j'étais jeune, j'entrai dans cette vallée; j'étais beau et gracieux. Je m'égarai dans ma route j'y pénétrai ; j'y restai longtemps sans savoir où me diriger. Un jour, je pleurai et je demandai à Dieu de me sauver. Il eut pitié de moi et me délivra par l'intermédiaire des génies croyants. Ils m'apparurent et me dirent : Hélas ! comment se fait-il que tu te sois égaré en chemin ? — J'ai perdu ma route et j'ai marché jusqu'à ce que j'y sois entré. — Nous sommes les génies croyants, dirent-ils : Dieu t'a mis sous notre protection. Nous te ferons une recommandation ; exécute-la et tu seras sauvé. Ils me prescrivirent tout ce que vous m'avez vu faire. Quand j'arrivai à l'arbre dont nous avons pris des branches, j'en coupai une qui me transporta auprès de ma famille. » Ensuite Sâbour lui fit beaucoup de bien ; le vieillard lui donna l'explication des figures et des merveilles qui existaient dans la vallée de Serendib. Après avoir reçu du prince des richesses considérables et un vête- ment magnifique, il prit congé de lui et alla rejoindre les siens. Le roi se mit en marche avec ses troupes jusqu'à ce qu'il revînt dans son pays. Ses sujets le félicitèrent de son salut ; il entra dans son palais et la nuit venue, dormit avec sa cousine (7). Celle-ci devint enceinte et lorsque le terme de sa grossesse fut arrivé, elle mit au monde un fils pareil à la lune apparaissant dans sa perfection. Son père le nomma Abou 'n Nazhar et le remit aux nourrices et aux femmes chargées de l'élever. On lui donna la meilleure éducation et la meilleure instruction. Quand on eut accumulé en lui tout ce qui est nécessaire aux fils des rois, il devint un jeune homme instruit, sage, avisé, éloquent, généreux, doux ; il réunissait toutes les connaissances, il était le premier des gens de mérite et des hommes supérieurs : il n'y avait parmi ses contemporains personne qui pût lui tenir tête. Il était si brave que tous, grands et petits, femmes et hommes, s'entretenaient de sa bravoure dans toutes les parties de la terre et dans toutes les contrées. Il atteignit ainsi l'âge de vingt ans. Une nuit qu'il était endormi, il lui sembla voir autour de lui des jeunes filles et une image dans un songe agréable. On l'entendit pousser des gémissements et des plaintes comme s'il était possédé ; puis il s'éveilla effrayé, troublé comme un insensé. Il avait perdu l'intelligence ; ses mains tremblaient. Il se cacha le visage, se mit à pleurer et à se lamenter ; ses plaintes s'élevèrent ; il perdit le sentiment ; puis ses gémissements s'apaisèrent et sa langue devint muette. On lui parla, mais il ne répondit pas. A cette vue, ses compagnons allèrent en toute hâte trouver son père et lui apprirent ce qui était arrivé à son fils. Le roi accourut, l'esprit troublé, la raison égarée, la couleur changée ; il se pencha vers lui en l'embrassant et en lui disant : « Mon fils, de quoi te plains- tu ? que t'est-il arrivé ? » Mais le prince ne répondit pas un mot. Son père manda des médecins qui se présentèrent devant lui. « Hâtez-vous de soigner mon fils, leur dit-il, et guérissez-le. » Quand ils l eurent examiné, ils dirent au roi : « Prince, ton fils n'a pas de mal ; du moins n'est-il pas malade ; il est seulement en proie à une obsession et il n'y a pas de crainte à avoir à son sujet, mais il a vu en songe quelque chose qui l'a changé et amené là où tu vois. » — L'un d'eux ajouta : « Laisse-moi avec lui, j'espère que je le guérirai, s'il plaît à Dieu. — Prends-le avec toi », lui dit le roi. Le médecin resta seul avec le prince et lui dit : « Seigneur, raconte-moi ce que tu as vu en songe ; je te ferai arriver à ton but, grâce à Dieu et à sa puissance. » — Quand Abou 'n Nazhar entendit ces paroles, il ouvrit les yeux et dit : « Tu viens de me faire désirer la vie et je te mettrai au courant de tout. Il m'a semblé en rêve àªtre dans un endroit agréable, rempli de verdure, d'arbres et de ruisseaux. Tandis que je le regardais et que je respirais son parfum, que je contemplais la beauté de ses rivières, de ses arbres et de ses fruits, de belles jeunes filles vinrent couper des roses et des fleurs d'oranger et jouer parmi les arbres ; elles portaient toutes sortes de parures, des vêtements de brocart et des anneaux d'or rouge ; de ma vie, je n'en avais jamais vu de pareilles ni de plus belles. Quand je m'approchai d'elles, elles se mirent à me faire signe avec leurs paupières comme pour me dire : « Retourne sur tes pas, de peur que notre maîtresse ne te voie. » Sur ces entrefaites, celle-ci s'avança ; mon regard la fixa, je fus interdit et peu s'en fallut que la vie ne me fût ravie par l'éclat de son œil ; elle me détourna des jeunes filles par la beauté qui se manifestait en elle. Elle portait trois robes de couleur différente. La stupeur me saisit et mon esprit disparut devant ce que je voyais ; je ne pus lui adresser une parole ; je ne pus même la regarder. En voyant mon état, elle dit à une de ses suivantes: « Fais-le approcher. » Quand je fus près d'elle, elle me sourit et je lui dis : « Madame, qui es-tu ? Quel est ton nom ? — Je m'appelle Ouah'chyah, fille d'En No'mân, roi de Chine ($în)... Puis elle ajouta : Et toi, comment te nommes-tu ? — Abou 'n Nazhar, fils de Sâbour el Hindi. » — Tandis que nous causions ensemble, une jument s'avança, portant un voile et une selle d'or et d'argent. Une jeune fille appela la princesse : « Madame, c'est l'instant de partir; nous avons été longtemps. « Le cheval s'approcha ; elle le monta; les jeunes filles montèrent en même temps qu'elle ; elle me fit ses adieux et me dit : « Tu sais qui je suis, mets-toi à ma recherche pour que je te rende heureux et pour que nous soyons réunis par le destin. » Puis elle partit ; le regret me prit et je suis devenu tel que tu me vois ; mon cœur s'est attaché à elle ; voilà mon histoire. » — «Jeune homme, dit le médecin, je demanderai là-dessus l'autorisation de ton père ; il sera d'accord avec toi et ne te refusera pas ce que tu désires ; je t'aiderai à arriver au pays de Chine et je verrai comment réaliser ton songe ; s'il est réel, nous demanderons pour toi la jeune fille à son père. » — Il alla trouver le roi et le mit au courant de l'histoire et du rêve du prince. — « Quel est ton avis ? » demanda Sâbour. — « Envoie un messager dans le pays de Sin pour vérifier la réalité du songe ; s'il est réel, nous demanderons la jeune fille à son père. » Le roi rassembla les vizirs, les grands fonctionnaires et ses familiers et leur raconta tout. Puis il prit parmi eux des gens intelligents, savants et habiles ; il leur donna des richesses considérables et des cadeaux magnifiques parmi ce qui convient aux rois : il mit à leur tête l'habile médecin et dit : « Je ne veux pas te faire de recommandations ; quand tu seras arrivé en Chine, cherche si le roi se nomme En No'mân et sa fille Ouah'chyah ; porte-lui les cadeaux et demande-lui la main de la princesse ; sinon, ne parle de ton affaire à personne. » Ils le quittèrent et se mirent à voyager jusqu'à ce qu'ils arrivassentu et avoir satisfaction de la maudite. — Je te ferai arriver à ce que tu désires», répondit-elle. Puis les suivantes se réjouirent de son arrivée : la vieille femme entra dans le bain de la maison, prit de l'ail et du beurre fondu, le pétrit et en frotta l'endroit du corps où on s'agenouille. Elle se prosterna et cette place devint noire : quiconque l'aurait vue l'aurait prise pour une dévote. Ensuite elle sortit, revêtit une robe de coton et un voile de laine, prit une cruche remplie d'eau au fond de laquelle il y avait mille dinârs, la recouvrit d'un chiffon et arriva à la demeure de la reine. Quand elle vint à la porte, il y avait dans le vestibule une jarre contenant de l'eau. Elle vit les esclaves et les eunuques, s'approcha de la jarre et puisa de l'eau avec sa cruche. Les serviteurs lui demandèrent : « Que veux-tu ? De l'eau ? » En les entendant, elle vida l'eau et dit : « Au nom de Dieu. » Puis elle ajouta : « Dieu a des serviteurs qui disent à l'eau : change-toi en or, et elle devient de l'or par la permission du Très-Haut. »—Puis elle les frappa avec sa cruche et les dinârs s'échappèrent. Ils s'occupèrent de les ramasser et poussèrent des cris. Le roi entendit le bruit et demanda : « Qu'y-a-t-il ? » — On lui dit : «C'est une vieille femme pieuse qui est venue boire ; on lui a dit : Que veux-tu ? De l'eau ? Elle est exposée au soleil. Mais elle en a puisé dans la citerne vide et sa cruche a été remplie de pièces d'or ; puis elle est partie et il n'y a personne qui n'ait pris de ces dinârs. — Par Dieu, dit le roi, si je l'avais vue, j'aurais sollicité sa bénédiction; c'est une sainte. » Voilà ce qui advint d'eux. Quant à la vieille femme, elle revint chez elle ; le prince 'Ali se précipita vers elle et lui embrassa la main. « J'ai ourdi une ruse, dit-elle, si elle réussit, tout ce que nous voulons réussira ; ne t'inquiète pas. » Elle laissa passer trois jours. Le quatrième, elle mit des dinârs dans la cruche, la couvrit d'une serviette et passa devant la porte du palais. En la voyant, les serviteurs s'élancèrent vers elle et lui embrassèrent les mains. Elle s'approcha de la jarre d'eau, en puisa et dit : « Prenez des dons périssables de ce monde » ; puis elle répandit l'or et l'endroit en fut rempli. Les serviteurs s'empressèrent de se jeter sur les dinârs en poussant des cris. Le roi en fut informé et dit : « Amenez-la moi. » En la voyant, il se leva et lui embrassa les mains ; elle se mit à le prêcher, à lui faire craindre l'enfer et désirer le paradis. « Mon cœur est rempli d'affection pour toi, lui dit-il ; je désire que tu entres chez ma fille ; peut-être participera-t-elle à ta bénédiction. — Volontiers, » répondit-elle. Alors le roi se leva et la précéda jusqu'à ce qu'ils arrivassent chez la reine. En la voyant, celle-ci lui embrassa les mains et lui dit : « Madame, je désire que tu couches chez nous cette nuit pour jouir de ta conversation et m'attirer tes bénédictions. — Je ne le puis pas, répondit la vieille femme, car j'ai une fille et elle n'a personne que moi pour subvenir à ses besoins. — Il faut absolument que tu couches chez nous », reprit la reine. Alors elle resta chez elle pendant trois jours : pendant ce temps, le cœur du prince 'Ali était sur des charbons ardents. Le quatrième jour, il s'écria : « Il n'y a de force et de pouvoir qu'en Dieu l'élevé, le puissant ! Que peut-il bien àªtre arrivé à la vieille femme ? » Quant à celle-ci, elle dit à la reine : « Je veux aller retrouver ma fille et l'informer de ma situation pour la calmer ; puis je passerai chez toi un mois ou deux et je ne serai pas inquiète. — Tu as réellement une fille ? » demanda la reine. « Des femmes comme moi mentent-elles ? J'ai une fille et il n'y a pas sur la terre un visage plus beau que le sien. Elle ne s'occupe que d'adorer son Seigneur, à l'exclusion des créatures. » — La reine reprit : « Par Dieu, madame, je désire que tu l'amènes chez moi. — Il n'y a pas moyen. — Ma mère, pour l'amour de Dieu, cajole-la pour qu'elle vienne. » — La vieille lui dit : « Si je puis, je te l'amènerai, mais à condition qu'elle ne découvrira pas son visage ; elle ne l'a jamais fait depuis que Dieu l'a créée. — J'y consens », dit la reine. La vieille femme se leva, sortit et alla retrouver le prince 'Ali. Celui-ci se réjouit de la voir et lui dit : « Raconte-moi ce qui t'est arrivé avec elle. » Elle lui fit le récit de ce qui s'était passé, puis elle le revêtit d'un costume de laine et d'un voile de laine, le prit avec elle et l'emmena au palais de la reine. Quand elle arriva à la porte, on poussa des cris ; les serviteurs, les eunuques et les suivantes sortirent à sa rencontre et lui embrassèrent les mains, puis un pavillon isolé fut assigné au prince 'Ali pour prier pendant la nuit. La vieille leur dit : « Je vais à mon ermitage, car je ne puis, non plus que ma fille, l'abandonner. » Puis elle partit à ses affaires. Le prince 'Ali ne cessa de se livrer à ses dévotions jusqu'au coucher du soleil : alors on lui apporta de la nourriture et des douceurs. Mais il ne rompit pas le jeûne. On lui demanda : « Que manges-tu ? — Un pain d'orge et du gros sel. » Alors la reine se tourna vers Mar- djânah et lui dit : « C'est une faveur de Dieu très haut. » — Puis elle ajouta : « Je désire qu'elle applique son corps contre le mien pour que le feu de l'enfer ne me saisisse pas. » Ensuite elle donna un ordre sur-le-champ et le fit venir chez elle. Le prince 'Ali mangea un pain d'orge et du gros sel, se leva et fit la dernière prière. Après avoir embrassé la main du prince, Mardjânah lui dit : « Madame, je t'en conjure, couche cette nuit chez la reine. — Soit», dit-il — puis il se leva et entra dans la chambre de la princesse. En le voyant, celle-ci se leva, lui embrassa la main et fit des vœux. « Eloignez de moi cette bougie », dit le prince ; il enleva son costume de laine et resta avec son vêtement de dessous. La reine se dépouilla de ce qu'elle portait, se coucha à côté de lui et Mardjânah de l'autre côté. En s'éveillant, celle-ci vit chez le prince 'Ali les marques de son sexe. Elle le reconnut et lui dit : « Seigneur, tu ne te soucies pas de ta vie et tu exposes ton existence jusqu'ici ! La vieille femme a réussi dans sa ruse. » — Puis elle causa avec lui jusqu'au matin. Ensuite 'Ali se leva, fit sa prière et s'assit. Le père de la reine entra, lui prit la main et l'embrassa. Ensuite la princesse lui dit : « Nous avons soupé hier ensemble. » — Mardjânah prit les mains de la fausse dévote, la fit entrer dans le pavillon où elle se tenait précédemment et lui dit : « Quand viendra le moment du souper et quand on t apportera de la nourriture, ne mange pas sous prétexte que tu as mal au cœur. Si on te demande ce que tu désires, réponds : un limon acide. Alors la reine dira : Parcourez la ville, et je répli- querai : Tu peux t'en procurer ; tu commandes aux troupes des génies ; prends le talisman et demande pour elle un limon acide. Quand je lui aurai vu prendre l'anneau, j'inventerai une ruse et je te le donnerai. — Quel excellent conseil ! » dit le prince. Lorsqu'arriva le moment du souper, la fausse dévote répéta ce que lui avait dit Mardjânah. Elle prétendit qu'elle avait mal au cœur. « Que désires-tu ? » demanda la reine. — « Un limon acide. — Cherchez dans la ville», dit la princesse. — « Madame, dit Mardjânah, tu as un talisman et tu commandes aux troupes des génies : prends-le et demande pour elle un limon acide de l'Irâq. » La reine reprit : « Par Dieu, tu as raison. » Puis elle se leva, tira une clef de son sein et dit : « Mardjânah, ouvre ce cabinet ; prends une échelle de dix marches et dresse la au-dessus de la porte du pavillon. » La reine entra, y prit une bourse, en tira une clef qu'elle plaça à la porte du cabinet et l'ouvrit. Elle y prit une cassette en Chine ; ils s'arrêtèrent dans une ville qu'on appelle 'Adzbah et demandèrent quel était le nom du roi. On leur répondit : « En No'mân. — A-t-il une fille nommée Ouah'chyah ? — Oui. » — Quand ils eurent fait cette vérification ils descendirent dans un palais proche de celui du roi. Le savant médecin se pré- senta avec les cadeaux et les offrit au prince. Celui-ci les trouva superbes et en fut joyeux ; il témoigna les plus grands égards à l'ambassade et lui fit donner les meilleurs mets et les meilleures boissons. Un jour, le roi prit le médecin à part et lui dit : « Sage, apprends- moi ce qui t'a amené dans mon pays. » — Il lui raconta l'histoire du fils de Sâbour et son rêve, comment lui-même était venu lui demander sa fille; il lui fit connaître la passion du jeune homme, son amour pour la princesse et ce qui lui était arrivé à cause d'elle. La satisfaction du roi augmenta ; il ressentit une grande joie, puis il dit : « Comment te guider ? Ma fille ne veut pas se marier ; une foule de rois l'ont demandée, elle a refusé ; mais je lui exposerai votre requête et votre demande. » — Il en informa la princesse ; dès que celle-ci l'eut appris, elle dit à une de ses suivantes : « Va trouver celui qui m'a demandée à mon père et vois à qui il veut me marier. » — La jeune fille s'en alla chez le médecin et fit semblant d'être venue acheter quelques curiosités de l'Inde. « Vieillard, dit-elle, apprends-moi qui a demandé en mariage Ouah'chyah, la fille du roi. » — Il lui répondit : « Il se nomme Abou 'n Nazhar, fils de Sâbour, roi de l'Inde; je ne suis venu dans ce pays qu'à cause d'elle. » La messagère était intelligente et sensée ; elle ajouta : « Vieillard, je t'en conjure, qu'est-ce qui t'a amené dans cette ville et qui t'a fait connaître la fille du roi En No'mân ? — Je te prie, répondit-il, de ne révéler à personne ce que je te raconterai et de ne le faire connaître à qui que ce soit. — Soit. » — Alors il lui raconta le rêve qu'avait fait le jeune homme et ce qui lui était apparu dans son sommeil. « Par Dieu, dit-elle, c'est le même songe qui a laissé notre maîtresse toute triste et affligée ; elle ne prend goût ni à la nourriture, ni à la boisson depuis son rêve; mais sois satisfait, car aujourd'hui je mènerai à bien l'affaire de ton maître, avec l'aide de Dieu. » Le vieillard apprit ainsi que la princesse avait fait le même songe qu'Abou 'n Nazhar et il n'en fut que plus désireux de conclure l'affaire. La suivante entra dans le palais et informa la fille du roi de ce que le savant médecin lui avait dit. La joie et la satisfaction revinrent en elle ; elle ne put se tenir d'envoyer dire à son père : « Ne me marie qu'au fils du roi de l'Inde, car il a vu la même chosé que moi. » Son père dressa l'acte de mariage avec le prince, conclut l'affaire, écrivit au roi Sâbour et remit la lettre au médecin qui prit congé de lui et partit. Lorsqu'il fut arrivé et eut remis la lettre au roi, celui-ci ressentit une grande joie. Le cœur du prince fut calmé et sa tristesse disparut. Sâbour mit sur pied une armée considérable et prépara beaucoup de magnifiques présents qu'il envoya avec son fils. Celui-ci se mit en route pour la Chine. En No'mân alla au devant de lui avec des troupes nombreuses et se réjouit de le voir. La princesse Ouah'chyah, du haut du palais, aperçut au milieu des soldats, le prince pareil à la lune au milieu des étoiles : elle tomba évanouie. Quand elle revint à elle, elle s'écria : « Par Dieu ! c'est lui que j'ai vu en songe. » — Son père célébra le mariage et remit la femme d'Abou 'n Nazhar à son mari ; celui-ci resta quelque temps chez son beau-père, puis revint dans sa famille et regagna son pays. A son arrivée, Sâbour ressentit une grande joie et le prince mena la vie la plus agréable jusqu'à ce que son père mourût. Il lui succéda sur le trône et goûta tous les plaisirs ; le peuple et les habitants des grandes villes lui obéissaient. Il avait aussi une cousine qui désira se marier avec lui. Il l'épousa, mais elle devint jalouse de sa première femme et chercha, sans y réussir, à la faire périr par tous les moyens. Elle employa la ruse dans sa magie et sa perfidie et ne cessa d'en vouloir à sa vie jusqu'à ce qu'un jour Ouah'chyah se trouva comme morte, sans mouvement. Lorsque le roi s'avança vers elle et qu'il la vit morte, il poussa des cris, répandit de la poussière sur son visage et sur sa tête en s'écriant : (e 0 princesse ! ô fraîcheur de mes yeux ! » et il songea à se tuer. Les fonctionnaires et les grands de l'État allèrent le trouver et le questionnèrent ; il leur raconta son histoire. Ils l'exhortèrent à la constance et réussirent à lui faire prendre patience et à le consoler., Malgré cela, il ne cessait de pleurer et de gémir. Il alla vers elle et répandit sur son visage du musc parfumé et du camphre ; il la revêtit de ses vêtements et de sa parure et la plaça sur le trône ; il préposa des gens qui ne devaient pas cesser de prendre soin d'elle : chaque fois qu'il sortait pour aller au conseil, il ne comprenait ni ne saisissait rien. Quand il entrait, il l'embrassait entre les yeux, lui lavait les mains, s'asseyait en face d'elle et gémissait. Il resta ainsi sans rompre avec ses habitudes pendant un long espace de temps, ne prenant goût ni à la nourriture, ni à la boisson. Les génies fidèles eurent pitié de ses larmes et lui apparurent une nuit qu'il était assis à se lamenter. Ils entrèrent chez lui. Quand il les vit, il fut très effrayé. « Ne crains rien, lui dirent-ils, nous sommes une troupe de génies croyants, nous avons eu pitié de toi. Patiente et ne désespère pas ; ta femme Ouah'chyah n'est pas morte. — Et comment cela ? demanda-t-il, voilà une année entière qu'elle n'a mangé ni bu. — Elle a été enchantée tout ce temps. (8) — Et comment son corps est-il resté sans nourriture pendant un an entier ? — Nous avions chargé des femmes de notre race de la nourrir et de l'abreuver de temps en temps. Si tu veux la rendre à la vie, fais venir le vizir de ton père qui est entré avec lui dans le vallon de Serendib; il a les moyens de la guérir et fera cesser le charme qui est en elle. » Puis ils disparurent et il resta stupéfait, essuyant des larmes sur son visage. Il demeura debout jusqu'au lendemain matin : alors il appela les esclaves qui l'entouraient et leur dit : « Hier, m'avez-vous vu dormir ? — Non, lui répondirent-ils ; mais nous avons entendu des gens s'entretenir avec toi, sans voir personne. » Il réunit ses vizirs et leur raconta son aventure. — « Prince, lui dirent-ils, le vizir de ton père est entré avec lui dans le vallon de Serendib et il a écrit tout ce qui s'y trouvait en fait de remède pour chaque chose. — Qu'on me l'amène », reprit le roi. — On lui présenta le vizir, qui savait tout ce qui était arrivé à Abou 'n Nazhar avec la fille du roi de Chine. Le prince lui dit : « Vizir, as-tu jamais vu quelqu'un mort depuis un an revivre après cela et àªtre en bonne santé ? — Dans le temps jadis, je pénétrai avec ton père dans le vallon de Serendib ; un arbre lui parla et dit : « Je puis guérir un mort enchanté depuis une année entière ; si quelqu'un prend de mes feuilles, les broie, les met dans le feu et en frotte le mort, si celui-ci n'est qu'enchanté, il revivra ; s'il est réellement mort, il ne reviendra pas à la vie. » Ton père, que Dieu lui fasse miséricorde, me dit : « Prends des feuilles de cet arbre. » Quand le prince entendit ces paroles, il s'écria : « Je jure que si cela est vrai, je te donnerai ce que tu voudras. » — Puis le vizir fit apporter le vêtement dans lequel étaient ces secrets et commença à les lire jusqu'à ce qu'il arrivât à l'arbre qui défaisait l'œuvre de magie pareille à la mort. Il prit des feuilles, les mit sur le feu, et quand elles furent refroidies, il versa sur elles de l'eau en or, l'ouvrit, en tira une boîte en ivoire cerclée d'or et y prit l'anneau. Elle descendit de l'échelle, entra dans le cabinet et y resta un moment. Mardjânah reparut, ayant avec elle une assiette de limons acides de l'Iraq, qu'elle déposa devant le prince en disant : « Nous connaissons la place de l'anneau. — Mange au nom de Dieu ! » reprit la reine. 'Ali se prosterna devant Dieu et mangea. La jeune fille se retira ; la reine s'en alla et le laissa tandis qu'il la regardait. Elle monta cacher l'anneau et, dans sa joie, elle laissa la clef à sa place ; telle était la volonté de Dieu très haut. Puis elle revint auprès de 'Ali et lui dit : « Comment te trouves-tu, à présent ? — Bien, Madame. — Ta douleur est calmée ? Oui, mais je voudrais dormir chez moi pour ne pas àªtre troublée. » La princesse entra dans sa chambre, ferma la porte sur elle et s'endormit. Mardjânah arriva ; elle vit l'échelle, la clef sur la porte et dit : « Lève-toi, à présent ; l'affaire est faite. » — Le prince se leva, ne pouvant croire à son bonheur ; il monta sur l'échelle, ouvrit la porte, prit la cassette, l'ouvrit, en tira l'anneau et le mit à son doigt. Il revint ensuite à sa place, suivi de Mardjânah qui lui disait : « Maître, tu m'as promis de ne pas m'abandonner. » - Il répondit : (c Je te promets aussi de ne pas te trahir et de t'épouser ; je te confierai ma royauté et je me contenterai de cet anneau : c'est tout ce que je puis. » — Elle lui embrassa la main. Le prince s'assit dans le pavillon et dit; : « Mardjânah, pars un instant. » — Alors il plaça le chaton de la bague sur le sol : « Parais, Maïmoun 1 » dit-il. Le génie apparut et le salua. Il ajouta : « Maître, il m'a été pénible de me séparer de toi, mais tu sais que nous sommes les serviteurs de cet anneau, et celui qui le possède, nous lui obéissons et nous l'écoutons. » — 'Ali le remercia et dit : « Je veux que demain mille cavaliers, à l'apparence humaine, couverts de fer, entourent la ville, ayant avec eux des timbales, des tambours et des drapeaux. — C'est entendu », dit Maïmoun. Il s'absenta un instant, puis revint et ajouta : « Tes ordres sont exécutés. — Que Dieu te récompense bien», dit 'Ali ; puis il reprit : « Prends cette clef et replace-la dans la bourse de la reine sans qu'elle s'en aperçoive pour que Mardjânah ne soit pas inquiétée. » — Le génie partit et remit la clef dans la bourse ; 'Ali se leva et rangea l'échelle ; puis il dit : « Maïmoun, je veux un cheval noir avec un collier d'or et un vêtement comme ceux des rois. » Il les lui présenta. 'Ali le monta, s'enleva en l'air et descendit près de son armée qu'il vit pareille à une muraille de fer : les chevaux hennissaient, la terre tremblait ; le prince en ressentit une grande joie. Le lendemain matin, les soldats avancèrent, les timbales résonnèrent, les trompettes retentirent, le tumulte et la confusion s'élevèrent. A ce bruit, les habitants de la ville montèrent à cheval. Le roi s'éveilla, entra chez sa fille et l'informa de cette nouvelle. « Qui sont ces gens ? » demanda-t-elle. — « Je ne les connais pas. — N'aie pas peur, je les repousserai. » Elle monta au pavillon, ouvrit la porte, chercha l'anneau et ne le trouva pas. Elle descendit tout éperdue et dit : «Mardjânah, sais-tu où est l'anneau? — Maîtresse, je t'ai quittée et tu l'as serré. — Tu as raison, mais les génies me l'ont volé. » Elle en informa son père, oubliant l'affaire de la fausse dévote. Le roi monta à cheval et ils sortirent hors de la ville. Les deux armées s'avancèrent en ligne et les deux troupes se firent face. Alors le roi appela un chambellan et lui dit : « Découvre ce que veulent ces gens-là et qui ils sont. » Quand le chambellan les vit, il reconnut le prince 'Ali. Alors il revint en fuyant et répondit au roi qui lui demandait : « Qu'y a-t-il derrière toi ? — Là mort, mon maître; c'est le prince 'Ali, le mari de ta fille ; il est arrivé avec cette armée considérable ; il veut te prendre ainsi que la princesse. » En l'entendant, le roi pleura beaucoup ainsi que sa fille. « Il a réussi dans son entreprise contre nous », dit-elle. Le roi chargea ; les deux armées se heurtèrent et combattirent, mais les gens de la ville ne purent résister. Ils furent taillés en pièces et prirent la fuite. Le roi rentra dans son palais et s'en remit, lui et sa fille, au destin. Maïmoun arriva avec cent génies, brisa la porte du palais et les amena devant le prince 'Ali. Celui-ci dit à Yâqoutah : « Maudite, comment trouves-tu la façon dont Dieu vous a traités, toi et ton père ? a — Ensuite, il ordonna à un génie de la prendre et de la tourmenter cruellement, puis il la frappa d'un sabre et fit voler sa tête. Il en fit autant à son père. Ensuite il envoya un présent à la vieille (5), fit venir Mardjânah et lui dit : « Que veux-tu que je fasse avec toi ? — Ce que je t'ai dit. » — Alors il envoya chercher des témoins et le qâdhi ; on écrivit son contrat de mariage ; il l'épousa et la trouva vierge. Le cœur de la jeune femme fut rempli d'amour pour lui et de même le sien pour elle. Ensuite il fit venir Maïmoun et lui dit : « Je désire que tu informes mes frères de la royauté que je possède.» Il s'envola, descendit chez les frères de 'Ali, et leur apprit ce que Dieu très haut avait donné au prince. Ils s'en réjouirent et lui dirent : « Salue-le, embrasse ses mains de notre part et recommande-lui de ne pas nous oublier.» Il lui transmit ces paroles. Puis 'Ali fit venir le vieillard et le parfumeur et leur témoigna les plus grands égards. Il gouverna son peuple avec équité et destitua les fonctionnaires injustes; ses sujets l'aimèrent, et il ne cessa d'être ainsi que Mardjânah dans cette situation, jusqu'à ce que celui qui anéantit les plaisirs et disperse les réunions, les séparât. Voilà ce qui nous est parvenu de leur histoire et de leur aventure, entièrement et complètement. Louange à Dieu en toute circonstance. Que Dieu bénisse notre Seigneur Moh'ammed, sa famille et ses compagnons et leur donne le salut (6). (1) Ce surnom est d'origine turke, mais il est pris dans le sens favorable qu'il avait à l'origine. L'influence turke se fait du reste sentir par l'emploi de mots comme oda, chambre (f° 34). (2) Quartier de Baghdâd. (3) L'île du camphre apparaît souvent dans les contes populaires et les relations à demi fabuleuses de voyages. Cf. entre autres Gaudefroy-Demombynes, Les Cent et une Nuits, ch. iv, L'île de Camphre, p. 68-77. (4) A partir de ce passage, le récit est mis dans la bouche du prince comme s'il racontait lui-même son aventure. J'ai préféré conserver la forme du récit d'autant que plus loin l'auteur revient à la narration. (5) Le texte arabe est altéré. (6) Bibliothèque nationale dè Paris, fonds arabe, no 3655, f°" 32-50. 24 LES OASIS MYSTÉRIEUSES L'émir des Benou Qorrah, Moqrib ben Mâdhi, rassembla en abondance de l'eau et des provisions et partit dans le désert pour atteindre l'oasis de Sabrou. Mais il erra dans les solitudes pendant un certain temps sans pouvoir y arriver. Craignant alors d'épuiser ses provisions, il revint sur ses pas. Une nuit, il fit halte près d'une colline dans une partie inconnue de ce désert. Un de ses compagnons trouva aux environs une construction due aux anciens. Ils l'examinèrent : c'étaient des briques de cuivre rouge entourant la colline et formant la base d'un mur construit par les anciens. Ils en chargèrent toutes les bêtes de somme qu'ils avaient avec eux et partirent. S'ils avaient pu retrouver cet emplacement, ils n'auraient pu enlever tout le cuivre qu'il contenait qu'après un long espace de temps (1). Moqrib passa à son retour par l'oasis extérieure. Un des habitants l'informa qu'étant allé un matin à son jardin, il trouva que la plusde rose ; puis il enleva les vêtements de Ouah'chyah et la frotta avec ce remède. Elle se leva par la puissance de Dieu très haut ; les suivantes poussèrent des cris de joie et louèrent Dieu. Abou 'n Nazhar les entendit : il entra en toute hâte, se jeta sur elle et s'évanouit. Quand il revint à lui, il questionna la reine sur son état. « J'étais comme endormie, lui dit-elle ; j'étais avec des femmes qui répandaient ma chevelure sur la surface de la terre ; enfin un torrent est arrivé sur moi ; elles ont pris la fuite ; je me suis levée et j'ai trouvé ces jeunes filles qui poussaient des cris de joie et célébraient Dieu. » Quand elle eut fini son récit, il lui rappela tout ce qui lui était arrivé et le chagrin qu'il avait ressenti. Puis il loua Dieu, le remercia de l'avoir guérie, donna des richesses immenses au vizir de son père et le mit au-dessus des autres. Il mena la vie la plus heureuse jusqu'à ce qu'arrivât le moment inévitable contre lequel il n'y a ni remède, ni préservatif, qu'aucun àªtre ne peut fuir (9). (1) A partir de ce passage, la première partie du conte se compose de traits empruntés, sans doute par tradition orale, à la légende du Voyage d'Alexandre vers le Paradis terrestre. La confusion de Serendib (Ceylan) avec l'Éden est aisée à reconnaître. C'était au moyen âge une croyance générale : cf. Jordanus, Mirabilia descripta, the Wonders o/ the East, trad. Yule, p. 42-43. Cette confusion existait encore au XVIIe siècle : d'après une tradition courante, le Paradis se trouvait sur le Pic d'Adam (Argensola, Histoire de la Conquête des Isles Moluques, tr. fr., T. I, p. 379 ; G. Schouten, Voyage aux Indes Orientales, T. I, p. 33). (2) Le vieillard qui guide Sâbour est peut-être un souvenir du Khadhir (Elie) de la légende arabe ; il rappelle aussi les deux vieillards qui, dans le Roman d'Alexandre de Lambert li Tort et la Lettre à Aristote, proposent à Alexandre de le conduire auprès d'arbres merveilleux qui lui feront connaître l'époque de sa mort (P. Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du moyen âge, T. II, p. 180). Dans une homélie syriaque de Jacques de Saroug citée par Lidzbarski (Die neu-aramàischen Handschrilten der Kôniglichen Bibliothek zu Berlin, T. II, p. 47, note 2), Alexandre rencontre d'abord deux vieillards qui essaient de le détourner de son projet, puis lui indiquent comment il arrivera à l'eau de la vie. (3) C'est également avec un détachement de son armée qu'Alexandre, guidé par les deux vieillards, se rend près des arbres qui parlent, dans le Roman d'Alexandre (Julius Valerius ap. Arrien, Anabasis et Judica, éd. Dübner, p. 125 ; P. Meyer, Alexandre le Grand, T. II, p. 46.) (4) Les arbres merveilleux qui savent parler rappellent les arbres du soleil et de la lune également doués de la parole et auxquels les deux vieillards conduisent Alexandre qui apprend d'eux la date de sa mort (Firdousi, Le livre des rois, trad. Mohl, T. V, p. 183-186.) Il est fait mention de ces arbres dans le poème de l'Image du monde, au chapitre de la description de l'Inde : Cela part sont li arbres fès Qui parlèrent à Alexandre (Le Roux de Lincy, Le livre des Légendes, p. 213). Il en est question aussi dans la relation du prétendu John Maundevile (The Voiage and Travailes, éd. Halliwell, ch. xxix, p. 298). Dans le conte de Bolouqyâ qui fait partie de celui de H'asib Kerim ed din et de la Reine des Serpents, lorsque Bolouqyâ et 'Afïân portent la reine des serpents dans une cage au milieu des montagnes, chacune des plantes leur indique des propriétés. Cf. Eth Tha'âlibi, Qisas el Anbyâ, p. 310 ; Mille et une Nuits, éd. de Beyrout, T. III, p. 816. (5) Peut-être est-ce un souvenir des simples et des animaux envoyés par Alexandre à Aristote. Dans quelques versions du roman, le philosophe accompa- gne le prince. Cf. Hertz, Arisloteles in den Alexanderdichtungen des Mittelalters, p. 126. (6) Cf. dans le Roman d Alexandre de Lambert li Tort et Alexandre de Pans, les trois fontaines « faies », dont l'une ramène à l'âge de trente ans tout vieillard qui s'y baigne, la seconde rend immortel, mais on ne peut la voir deux fois en un an, la troisième ressuscite les morts (P. Meyer, Alexandre le Grand, T. II, p. 175-183). (7) Dans la plupart des contes, ce n'est pas une feuille, mais un fruit qui produit la fécondité. Cf. les rapprochements indiqués par Cosquin, Contes populaires de Lorraine, T. I, p. 69. (8) La jeune fille ou la jeune femme endormie ou jetée en léthargie pari artifice d'une rivale, quelquefois sa mère, sa sœur ou sa belle-mère, se rencontre fréquemment dans un cycle de contes ; quelquefois, c'est à l'aide d'une épingle : Imbriani, La novellaja fiorentina, nov. XVIII, p. 232; Il re cha andava a caccia; Artin-pacha, Contes populaires de la vallée du Nil, p. 63-67 ; Le pot (l'hérolne est changée en oiseau); Ch. Perrault, Contes, La belle au bois dormant, éd. A. Lefèvre, p. 93-95 et l'introduction, p. LXII-LXIV; éd. Long, p. 7-19 et les notes p. LII-LV ; Deulin, Les contes de ma Mère l'Oye avant Perrault, p. 127-157 ; — par un coup de poignard : Pittré, Novelle popolari toscane, p. 57, La locandiera di Parigi ; — par des fruits ou des objets empoisonnés : Imbriani, La Novellaja fiorentina, Nov. XIX, p. 239, La bella ostessina ; Marc Monnier, Les contes populaires en Italie, p. 341 ; Gonzenbach, Sicilianische Mârchen, T. I, p. 15, Von der scMJIlen Anna ; Nerucci, Sessanta novelle popolari montalesi, p. 43, La bella ostessina ; Halm, Griechische und albanische Marchen, T. II, p. 134 ; Grimm, Kinder und Hausmârchen, p. 206, Schneewitchen ; — par des fleurs : A. D. Gubernatis, La Novelline di Santo Stefano, nov. XII, p. 32, La crudele matrigna ; —par un anneau magique ou des objets ensorcelés : c'est cette manœuvre d'un rival qui fait un épisode du roman d'aventures Amadis et Ydoine, vers 6430-6438 ; Gonzenbach, Sicilianische Mârchen, T. I, p. 4, Maria, die base Stillmutter und die sieben Râuber, p. 7, Von Maruzedda ; Schneller, Mârchen und Sagen aus Wâlschtirol, p. 55, Die drei Schwestern ; Dozon, Contes populaires albanais, p. 1, Fatime ; Legrand, Contes populaires grecs, p. 133, Rodia, celle-ci finit aussi par àªtre changée en pigeon à l'aide d'une épine par ses sœurs jalouses ; sur ce dernier genre de métamorphoses, cf. une note de Rabston ap. Maive Stokes, Indian fairy tales, p. 253 ; — par une griffe de Rakchasa : Miss Furr, Old Deccan days, p. 60, Little Susya; Husson, La chaîne traditionnelle, p. 103-112. (9) Bibliothèque Nationale d'Alger, 1915, f. 153-156 ; un autre texte existe dans le n° 1922. 28 IBLIS ET DHAH'H'ÂK Un jour Iblis apparut à Dhah'h'âk sous la figure d'un homme et lui dit : « Je suis un cuisinier habile dans l'art de préparer des mets dignes de figurer sur la table d'un roi et qui te conviennent. Veux-tu me prendre à ton service ?» — Dhah'h'âk lui ordonna d'en préparer un comme échantillon pour qu'il pût en goûter ; puis, ayant trouvé très bon un plat appétissant et délicat qu'Iblis lui avait préparé avec beaucoup de soin, il le préposa à sa cuisine. En ce temps, les hommes ne mangeaient guère de viande. Iblis, voulant habituer Dhah'h'âk à s'en nourrir exclusivement, pour qu'il devînt cruel, déterminé à verser le sang et soumis à ses conseils, ne cessa de l'amener successivement de la chair des volailles à celle des agneaux, puis à celle des brebis, puis à la chair des bœufs et de lui en faire des plats délicieux, dont Dhah'h'âk se régalait et se délectait avidement. C'est ainsi qu'il s'habituait à la nourriture animale ; il ne pouvait plus s'en passer et il devint glouton et insatiable. L'estomac est un maudit Satan. Dhah'h'âk félicita Iblis de son habileté en son art et, très satisfait de ses excellents services, il lui dit : « Demande ce que tu désires. » Iblis répondit : « Je v grande partie de ses dattes avaient été mangées : il aperçut les traces des pieds d'un àªtre d'une grandeur démesurée et de sa famille ; il le guetta pendant des nuits jusqu'à ce qu'une fois arrivât vers eux une créature gigantesque comme on n'en avait jamais vu. Cet àªtre commença à manger des dattes. Lorsqu'il les découvrit, il partit plus vite que le vent et ils n'en eurent plus de nouvelles. Moqrib les accompagna vers ses traces, les examina et les trouva immenses. Il leur ordonna de creuser une fosse à l endroit par où cet àªtre était entré, de couvrir d'herbe sa partie supérieure et de la surveiller plusieurs nuits de suite, ce qu'ils firent. Au bout de quelques nuits, cet àªtre revint suivant sa coutume, et tomba dans la fosse. Ils s'avançèrent, s'en emparèrent grâce à leur nombre et l 'examinèrent. C'était une femme noire, gigantesque, d'une longueur et d'une largeur immenses. Son langage était incompréhensible ; ils lui parlèrent dans toutes les langues connues là, mais elle ne répondit à aucun d'eux. Elle resta plusieurs jours parmi eux tandis qu'ils délibéraient à son sujet. Puis ils convinrent de la lâcher et de monter des chamelles rapides et des chevaux pour suivre ses traces afin de savoir qui elle était et d'où elle venait. Mais quand elle fut lâchée, l'œil ne put la suivre ; elle distança les chamelles et les chevaux et personne ne sut rien d'elle (2). (1) Sur la Ville de cuivre, cf. le conte traduit par Gaudefroy-Demombynes dans les Cent et une Nuits, p. 284-348 et les notes. (2) El Bekri, Description de l'Afrique septentrionale, p. 15-lb. 25 LE JARDIN FANTASTIQUE On raconte qu'un Maghribin entra en Ëgypte : il était très habile en magie et fit apparaître aux yeux d'un grand personnage un jardin hors du Qaire. Il était des plus beaux qu'on eût jamais vus, rempli d'arbres couverts de fruits de toute espèce; il y avait cinq ruisseaux qui en faisaient le tour, un certain nombre de taureaux pour le service des canaux et des intendants debout autour du jardin pour le surveiller. A cette vue, l'Egyptien fut émerveillé et l'acheta pour mille dinârs qu'il remit au Maghribin. Celui-ci s'engagea à remettre le domaine à l'acheteur par l'intermédiaire d'un qâdhi et de témoins. Puis il s'en alla à ses affaires. L'Egyptien s'endormit dans le jardin qu'il avait acheté. Le lendemain matin, il se trouva entre des tas de décombres et ne vit rien du domaine que le Maghribin lui avait vendu. Il demanda aux gens si auparavant il y avait là un jardin. « Nous n'en avons jamais entendu parler », répondirent-ils. Il fut surpris de cette affaire et le bruit s'en répandit. El Melik el Kâmil en ayant eu connaissance, fit chercher le Maghribin ; il avait pris les mille dinârs et était parti (1). (1) Ibn Iyâs, Histoire d'Égypte, T. I, p. 78. 26 LE GÉNIE DE LA PESTE Un paysan de Bilbis en Charkié retournoit chez lui avec une charge de bled ; il n'avoit d'autre compagnon de voyage que son âne qui portoit ce fardeau. Arrivé au milieu d'un pont voisin de Bilbis, et qui n'en étoit séparé que par un terrain bas et bourbeux de l'espace de quatre cents cannes géométriques, il vit venir un homme à lui. Mon ami, lui dit ce personnage inconnu, après l'avoir salué familièrement, je vous attendois avec impatience ; il faut que vous m'accomodiez de ce bled : en voici le paiement, et sans lui donner le temps de répondre, il lui mit un séquin dans la main. Le Paysan avoit à peine touché cette pièce d'or, que la terre s'entrouvrit sous ses pieds ; il se trouva tout-à-coup dans un souterrain affreux : une quantité innombrable de figures hideuses, séparées en deux troupes, fut le premier spectacle qui le frappa ; il y arrêta sa vue et s'aperçut que chacun de ces spectres avoit devant soi plus de mille flèches, dont la plupart d'entre eux étoient occupés à tremper les pointes dans des bassins posés sur des réchauds, et pleins d'une liqueur semblable au sang humain. Toutes les fois que ces flèches y étoient plongées, il entendoit un bruit semblable à celui que fait l'eau lorsqu'on y éteint un fer rouge. Quelques spectres, mais c'étoit le plus petit nombre, demeuroient immobiles. Le paysan, surpris de cette différence, promenoit partout ses regards pour s'en éclaircir, lorsqu'il aperçut, à son grand étonnement, l'homme qui lui avoit donné le séquin. 0 vous 1 lui dit-il, qui que vous soyez, daignez m'apprendre où je suis, et par quel prestige, vous et moi, nous nous trouvons dans ce séjour ténébreux ? — Ne vous effrayez point, lui répondit le personnage inconnu, c'est ici où l'on forge les traits de la peste. Ceux que l'on trempe dans le poison subtil que contiennent ces bassins que vous voyez, portent le venin dont ils sont imbus, et la mort dans le cœur de ceux qui ont le malheur d'en àªtre blessés ; les autres qui n'en sont point teints ne font qu'une plaie légère, et les malades en réchappent. Le paysan, quoique frissonnant de peur, eut le courage de lui faire une nouvelle question. Hélas ! dit-il d'une voix tremblante, suis-je du nombre de ceux qui en seront atteints ? — La peste moissonnera le tiers des habitans de Bilbis, répondit bravement le prestidigitateur, après avoir longtemps feuilleté et parcouru un livre qu'il tenoit à la main, mais vous et vos enfans ne serez point enveloppés dans ce malheur. — De grâce, ajouta alors le Bilbissien rassuré par cet éclaircissement, excusez ma curiosité et daignez joindre à la bonté que vous avez eue à la satisfaire, celle de me retirer de l'abysme où je me vois précipité. Rien de plus aisé, lui dit l'homme infernal ; fermez les yeux pendant quelques momens. Le paysan obéit, et les ayant rouverts un instant après, il se retrouva avec la plus grande des surprises sur le pont, auprès de son âne chargé de bled, et ayant encore dans la main la pièce d'or que cet inconnu y avoit mise. De retour à son village, il y vit sans crainte les ravages de la peste. La prédiction s'accomplit à la lettre. Le tiers des habitans en mourut, et le paysan en fut préservé avec sa femme et ses en- fans (1). (1) Abrégé anonyme de l'histoire de la maison ottomane et du gouvernement de l'Egypte, traduit dans le premier volume de Digeon, Nouveaux contes turcs et arabes, T. I, p. 330-333. Le même auteur cite encore (p. 333) un autre trait du même genre placé à Damiette : « Un citoyen de cette ville, ayant appris, après trois mois de séjour au Caire, que ce fléau (la peste) avoit cessé d affliger ses compatriotes, retournoit avec empressement dans le sein de sa famille, lorsqu'à son débarquement à Damiette, il fut abordé par un de ses amis, qui, la consternation sur le visage, lui apprit la mort de sa femme et de ses enfans. Arrivé à sa maison, il la trouve ouverte, et en parcourt successivement tous les appartemens sans y rencontrer personne. Tandis qu'il réfléchissoit en soupirant sur le triste événement qui en avoit fait une solitude, un vieillard décrépit se présenta à lui, lui dit qu'il l'attendoit avec impatience depuis trois mois et le blessa d'un trait dont sa main étoit armée : c'étoit celui de la peste. Il en mourut. » 1 27 HISTOIRE DU ROI SÂBOUR ET DE SON FILS ABOU 'N NAZHAR Les histoires anciennes des nations nous racontent — et Dieu sait le mieux ce qui est caché — et il est le plus savant — qu'il existait un roi très âgé. Dieu ne lui avait pas accordé d'héritier de ses richesses, de son trône, ni de son royaume. Ce prince était puissant et possédait des richesses immenses, des trésors et de grands biens. Il craignait que ses états ne se perdissent après lui, puisqu'il n'avait pas d'héritier. Un jour qu'il pleurait beaucoup, ses vizirs et les grands se réunirent autour de lui et il leur dit : « Enseignez-moi un remède que j'emploierai, peut-être Dieu m'accordera-t-il un fils qui me succédera et sera roi eux que tu m'accordes la faveur de pouvoir baiser tes deux épaules. » Dhah'h'âk se prêta à son désir. Iblis s'étant approché de lui, baisa ses deux épaules et, se servant de son pouvoir de maléfice et de magie, il souffla sur elles. Il en sortit alors deux serpents noirs qui, toutes les fois qu'on les coupait, apparaissaient toujours comme ils étaient auparavant. Suivant une certaine tradition, Egypte, trad. Bouriant, T. I, p. 704-705 ; L'Abrégé des Merveilles, trad. Carra de Vaux, p. 261-262. II CONTES PLAISANTS 1 BEN CEKRIN ET LA MARCHANDE DE GRAISSE Un jour Ben Cekrân (1) alla au marché et trouva une femme qui vendait de la graisse ; il lui en marchanda une marmite qui n'était guère plus grande qu'un petit pot. Elle lui dit : « C'est tout. » Il dit à son compagnon : « Occupe-la » ; puis il tourna derrière elle pour lui coudre son vêtement dans le dos. Il passa ensuite devant elle, prit la marmite et la lécha. La femme se leva et se trouva nue, elle retomba assise et se tut. « Viens, que je te paie, » dit-il. Toute honteuse, elle ne se leva pas. Alors il dit aux gens : « Cette femme est folle. » Puis il emporta la marmite et s'en alla (2). (1) Dans le Nord-ouest de l'Algérie, Ben Cekrân joue un rôle analogue à celui de Villon et de ses compagnons dans les Repues franches. On prétend, et M. Delphin n'hésite pas à le croire, qu'il aurait vécu au XIIe siècle de l'hégire (XVII-XVIIIe siècles.) La chose n'est pas impossible, mais il faut remarquer que la plupart des tours qu'on lui attribue ont été rapportés avant lui à d'autres personnages. Sur la vie d'expédients menée par les tolba, cf. Delphin, Récit des aventures de deux étudiants arabes, Paris, 1887, in-80 ; Doutté, La Khotba burlesque de la fête des Tolba au Maroc (Recueil de mémoires et de textes publiés par les professeurs de l'École des Lettres, p. 197-219) ; W. Marçais, Textes arabes de Tanger, p. 90-109, 184-198. (2) Delphin, Textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 41. D'après une tradition, ce serait une mauvaise plaisanterie de ce genre qui aurait amené en Arabie l'une des guerres dites guerres de Fidjâr, vers 580 de J.-C. Cf. Ibn 'Abd Rabbih, El 'Iqd el Farid, T. III, p. 109 ; Perron, Femmes arabes avant et après l'Islamisme, p. 78-79 ; Ibn Qotaïbah, ap. Rasmussen, Historia prseci- puorum Arabum regnorum, p. 75 ; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes, T. I, p. 298-299. 2 LE SERMENT INTERPRÉTÉ Aryat, ayant gouverné le Yémen pendant vingt ans après la conquête de ce pays par les Ethiopiens, fut, au bout de ce temps, assailli et tué par Abrahah el Achram, père de Yaksoum, qui s'empara du pouvoir. A cette nouvelle, le Nedjâchi (le Negouch) fut transporté de colère et jura par le Christ qu'il raserait le front de l'usurpateur, qu'il répandrait son sang et foulerait sa terre sous ses pieds. Dès qu'Abrahah eut connaissance de cette menace, ilNse rasa lui-même les cheveux de devant et les mit dans une boîte d'ivoire ; il versa de son propre sang dans un vase et remplit un sac de terre du Yémen. Il joignit à ces trois objets plusieurs riches présents et envoya le tout au Nedjâchi, roi d'Abyssinie, avec une lettre où il faisait sa soumission et jurait, par la religion du chrétien, qu'il reconnaissait son autorité. « Je sais, lui écrivait-il, que le roi a fait serment par le Messie de me raser la tête, de répandre mon sang et. de fouler aux pieds ma terre natale. En conséquence, je lui envoie mes cheveux pour qu'il les coupe de sa main, ce vase plein de mon sang afin qu'il le répande, et le sac rempli de terre de mon pays pour qu'il la foule sous ses pieds, espérant calmer ainsi la colère du roi et le dégager du serment qu'il a pronencé du haut de son trône. » Au reçu de ce message, le Nedjâchi ne put s'empêcher d'applaudir à l'expédient du roi yéménite ; il loua fort les ressources de son esprit et lui pardonna (1). (1) Mas'oudi, Prairies d'or, T. III, ch. XLIII, p. 157-158 ; Ibn Hichâm, Sirat er rasoul, T. I, p. 15-16 ; Tabari, Annales, lre série, T. II, p. 933;Nœldeke, Geschi- chte der Perser, p. 199 ; En Nouaïri ap. Schultens, Historia Imperii vetustis- simi Joctanidarum, p. 84 ; Ibn Wadhih' el Ya'qoubi, Historia, T. I, p. 226 ; Ibn el Athîr, Kâmil, T. I,p. 192 ; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, T. I, p. 140-142. 3 LE MOINE ET LE GLOUTON • Un homme s'arrêta un jour dans l'ermitage d'un moine : celui-ci lui présenta quatre pains et alla lui chercher des lentilles. Quand il les apporta, il trouva que son hôte avait déjà mangé les pains. Il retourna lui en chercher d'autres ; quand il revint, les lentilles étaient finies. Il recommença dix fois la même chose. Alors il lui demanda : « Où vas-tu ? — A El Ardam. — Et pourquoi ? — On m'a dit qu'il y avait là un habile médecin ; je vais lui demander de guérir mon estomac, car j'ai peu d'appétit.» Le moine reprit : « J'ai quelque chose à te demander. — Quoi ? — Quand tu partiras après que ton estomac sera guéri, ne passe pas chez moi (1). » (1) El Ibchîhi, Mostatrel, T. I, p. 215 ; reproduit par Ben S.edira, Cours de littérature arabe, p. 8-9. Cf. aussi Raux, Recueil de morceaux choisis arabes, p. 164 ; Rat, Al Mostalraf, T. I, p. 561 ; Montakhabât el 'Arabya p. 54 ; Daumas, La vie arabe et la société musulmane, p. 319 ; Ech Chirouâni, Nalh'ât el Yemen, p. 30. Il en existe une version turke dans le 'Adjâïb el Me'âser d'Ah'med ibn Hemdem, traduite par Cardonne : Mélanges de littérature orientale, T. I, p. 117 : Le glouton. Ce personnage est appelé Museiré, altération de Maisarah. 4 LEÇON FAITE A UN PARASITE Quelqu'un invita des amis, qui vinrent accompagnés d'un parasite. L'hôte le reconnut et, voulant lui faire savoir qu'il l'avait reconnu, dit : « Je ne sais qui je dois remercier : ou vous d'être venus quand je vous ai invités, ou celui-ci qui a pris cette peine sans que je l'aie invité (1).» (1) Ibn el Djaouzi, Kitâb el Azkid, p. 112. 5 AMOUR-PROPRE D'AVARE 'Omar ben Maïmoun raconte ce qui suit : « Je passais dans une des rues de Koufah quand je vis un homme se disputer avec son voisin. « Qu'avez-vous ? » leur demandai-je. — L'un d'eux me dit : « Un ami est venu me voir et désirait manger une tête de mouton. J'en ai acheté une et nous en avons déjeuné : j'ai pris les os et je les ai mis devant la porte de ma maison pour m'en faire honneur. Celui-ci est venu les prendre et les a placés devant sa porte pour faire croire aux gens que c'était lui qui avait acheté la tête (1). » (1) Second supplément au Thamarât el Aourdq d'Ibn H'adjdjah el H'a- maoui, p. 214 ; Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 209; Rat, Kitâb al Mostatral, T. I, p. 544. Cette anecdote se trouve encore dans Ibn 'Abd Rabbih, 'lqd farid, T. III, p. 325, mais sans nommer 'Omar ; de même dans la Noz- halel Odabd, f. 94. Cf. aussi Ah'med ech Chirouâni, H' adiqal el Alrâh', p. 39 et Ibn el Djaouzi, Kitâb el Azkiâ, p. 141, d'après 'Ali ben El Moh'sin ben 'Ali el Qâdhi qui citait son père comme autorité. 6 LE PARASITE ET LE VOYAGEUR Un jour, un parasite accompagnait un individu en voyage. Quand ils furent arrivés à une station, le voyageur lui dit : « Prends un dirhem et va nous acheter de la viande. — Lève-toi, dit le parasite ; pour moi, je suis fatigué ; achète-la. » L'homme s'en alla l'acheter ; puis il lui dit : « Debout, fais-la cuire. — Je ne le ferais pas bien. » — Son compagnon la fit cuire ; il continua : « Allons, casse le pain. — Je suis trop paresseux. » — Le voyageur cassa le pain et dit au parasite : « Va puiser de l'eau. — Je crains d'en renverser sur mes vêtements. » L'homme puisa de l'eau et trempa la soupe, pà ma place. — Prince, dirent-ils, c'est une chose au-dessus du pouvoir de toute créature : si Dieu ne la crée pas, tout remède sera inutile. Mais aie recours à l'humilité .et à la prière, car lorsque le serviteur prie avec ferveur, il n'est pas frustré. » Le roi Sâbour commença à invoquer Dieu, à s'humilier devant lui, à se vouer entièrement à l'adoration, aux supplications et à la charité envers les malheureux. Une nuit qu'il était endormi, il entendit une voix lui dire : « Sâbour, Dieu t'a exaucé ; il a accepté ton humilité et il t'accorde un fils, mais dans la vallée de Serendib. » Le prince s'éveilla et dit : « Qu'on m'amène le vizir! » Quand il lut présent, il commanda de faire venir tous les ministres. Lorsqu'ils furent arrivés, il leur dit : « J'ai vu en songe telle et telle chose. » Ils louèrent Dieu et le remercièrent puisqu'il avait exaucé sa demande et lui avait accordé un fils. «Que me conseillez-vous ? » demanda-t-il à ses fonctionnaires. — « Nous te conseillons de partir pour cette vallée et nous sommes à ta disposition. — Faites », dit-il, et il prit la résolution de se mettre en route (1). On chargea les mules de tout ce qui était nécessaire pour le voyage ; il fit ses préparatifs et partit avec les grands de son royaume, ses familiers et ses soldats. Ils marchèrent un mois, jusqu'à ce qu'ils arrivassent en vue d'une montagne appelée Ez Zahraserân. Il considéra sa masse, la quantité de ses arbres, la variété de leurs fruits, la multitude des cours d'eau et dit à ses vizirs : « Comment ferons-nous ? Où est située cette vallée par rapport à cette montagne ? Y a-t-il parmi vous quelqu'un qui le sache ? — Prince, lui répondirent-ils tous, nul de nous ne le sait ; jamais nous n'avons vu cet endroit ; nous n'en avons pas connaissance. Que me conseillez-vous ? reprit-il, que ferai-je ? — Notre avis est que tu ailles trouver les gens de cette montagne ; peut-êlre savent-ils quelque chose. » Le roi ordonna de mettre pied à terre et de dresser les tentes dans un endroit spacieux, et envoya mille hommes aux environs. Ils interrogèrent beaucoup de gens et les amenèrent au prince. Quand ils furent arrivés devant lui, il leur souhaita la bienvenue, leur témoigna des égards et leur dit : « Je vous ai envoyé chercher pour que vous m'indiquiez le vallon de Serendib ; de quel côté est-il ? » Tous se turent ; personne ne lui répondit. Il renouvela sa question, mais ne reçut pas de réponse. — « Pourquoi vous taisez-vous quand je vous interroge ? leur demanda-t-il ; pourquoi ne répondez-vous pas ? — Prince, dirent-ils, personne de nous ne connaît ce vallon et ne sait où il est, ni dans quel endroit de la terre il se trouve, sinon que nous avons entendu raconter à nos pères et à nos maîtres que Dieu y fit descendre notre aïeul Adam. Personne de nous n'y est entré ni ne le connaît, sinon un vieillard qui a dépassé cent ans. Il rapporte qu'il l'a trouvé en suivant une route de cette montagne, qu'il perdit son chemin et y erra pendant soixante-dix jours sans savoir où il allait, mangeant des fruits et buvant de l'eau. Un jour qu'il marchait ainsi, il arriva dans une vallée verdoyante, la plus belle de celles qui existent ; chaque arbre était bien proportionné en longueur et en largeur ; aucun d'eux ne dépassait l'autre. Il y pénétra j usqu'à ce qu'il fût arrivé au milieu et dit : Si j e savais ce qu'est cette vallée ! il n'y a pas un endroit pareil au monde. Alors les pierres lui adressèrent la parole et lui dirent : C'est la vallée de Serendib ; tout ce qu'elle contient en fait de pierres et d'arbres te parlera et t'apprendra leurs particularités et leurs propriétés. » Quand le roi entendit ces paroles, il fut saisi d'étonnement et dit : « Qu'on m'amène ce vieillard 1 » — « Prince, dirent-ils ; il est bien âgé et ne peut pas se lever ; nous l'avons laissé à la ville. » — « Comment s'appelle-t-il ? » demanda Sâbour. — « El Hindi » (VIndien). Il envoya vers lui un homme intelligent avec beaucoup de personnes. Quand ils furent arrivés, ils lui dirent : « Vieillard, obéis au roi un tel. — Oui », répondit-il. Puis on l'amena au prince ; celui-ci dit à ses vizirs : « Prenez ce vieillard, faites le descendre et témoignez- lui des égards jusqu'à ce qu'il se soit reposé. » Le cheikh demeura trois jours chez les vizirs qui s'occupèrent de lui. Le quatrième jour, ils l'amenèrent au roi qui le salua et lui dit : « Vieillard, j'ai diverses choses à te demander pour que tu m'en instruises. — Demande, prince ; je te satisferai sur tout ce que tu voudras de moi. — Je désire que tu me renseignes sur la vallée de Serendib : comment un jour tu as perdu ta route, comment tu as aperçu cette vallée, tu y es entré et tu as vu des choses étranges et merveilleuses. — Oui, répondit-il, cela m'est arrivé, mais pourquoi le demandes-tu ? Quel motif as-tu ? » Le roi lui répondit : « Vieillard, je vais t'en informer. » Alors il lui raconta son histoire depuis le commencement jusqu'à la fin et ce que la voix mystérieuse lui avait dit. — Le vieillard reprit : « Je ne t'indiquerai pas cette vallée que je n'aie reçu de toi une promesse, c est que personne autre que toi ni moi n'y entrera. — J'accepte, » dit le roi, et le vieillard reçut de lui sa promesse et son engagement (2). Sâbour s'occupa de se mettre en route et il pensa : « Je n'ai pas de garanties de ce cheikh pour ma vie. — Vieillard, dit-il, c'est à condition que nous prendrons des vizirs et des chambellans pour nous garder. — Quand tu seras arrivé à la vallée, tu les laisseras dans le voisinage et nous entrerons seuls, toi et moi (3). — Volontiers », répondit-il. Puis il partit avec ses familiers et ses vizirs, précédés du vieillard jusqu'à ce qu'il leur eût fait traverser la montagne ; le roi marcha plusieurs jours et plusieurs nuits, tant qu'à la fin ils dominèrent une belle vallée dont les arbres étaient des aloès, des girofliers et des saules ; les cailloux, des agathes, des pierreries et des émeraudes vertes. Sâbour se réjouit et dit : « Vieillard, apprends-nous quelle est cette vallée ; peut-être est-ce celle de Serendib ? — Roi, dit- il, on l'appelle la vallée d'El Lamb ; il reste encore, avant d'arriver à Serendib, une autre vallée plus belle que celle-ci ; il y a aussi, de plus, une vallée qui lui ressemble. Ne prenez rien d'ici », ajouta- t-il. Le roi fit cette recommandation à ses compagnons. Ils marchèrent depuis l'aurore jusqu'au milieu de la journée, traversèrent cette vallée et en rencontrèrent une seconde où les arbres étaient égaux ; aucun d'eux ne dépassait l'autre ; les plantes étaient du safran, des fleurs, des narcisses, des lis et des violettes. Ils continuèrent leur marche et arrivèrent à une source d'eau courante, autour de laquelle étaient des pierres vertes pareilles à des émeraudes. Ils y passèrent la nuit. Le lendemain, ils remontèrent à cheval et marchèrent jusqu'à ce que le soleil devint brûlant. Ils rencontrèrent une vallée d'un aspect agréable, parfumée de musc et dont les cailloux étaient des onyx et des pierreries ; il y avait un lieu de divertissement construit en pierres précieuses, vertes, rouges, bleues, jaunes, blanches et noires. L'eau coulait tout autour, pareille à la neige, plus douce que le sucre ; aux environs étaient des palmiers, des vignes et toutes sortes de fruits. — « Qu'est-ce ? » demanda le roi au vieillard. — « C'est le vallon des palmiers, et celui où nous avons passé la nuit dernière est le vallon des violettes ; demain, s'il plaît à Dieu, nous arriverons à la vallée de Serendib. » Le roi passa la nuit joyeux et content ; le lendemain, on partit, et, après avoir marché trois heures de la journée, on arriva à une vallée. Quand le vieillard l'eut aperçue et eut senti son parfum, il dit à Sâbour : « Réjouis-toi, prince, tu es arrivé à cette vallée ; tu as atteint touis il dit : « Lève-toi à présent et mange. — Oui, dit l'autre ; pourquoi te contredire plus longtemps ; par Dieu, je suis honteux de t'avoir souvent contredit. » Puis il alla manger (1). (1) Ech Charichi, Commentaire des Séances de H'ariri, T. I, p. 245, reproduit par Cheïkho, Madjâni 'l adab, T. I, p. 105 et par Mouliéras, Nouvelle Chres- tomathie arabe, p. 52 ; Nozhat el Odabâ, f. 95. 7 L'APPORT DU PARASITE Des gens de Baçrah voulurent se réunir. L'un dit : « Je me charge de la nourriture. » - Un autre : « Je me charge de la boisson. » Ils demandèrent à un parasite qui était avec eux : « Et toi, Abou Ish'âq, de quoi te charges-tu ? — Que Dieu me maudisse si je ne mange et si je ne bois avec vous. » Ils se mirent à rire et l'emmenèrent (1). (1) Abou Ish'âq el H'osri, D/am' el Djaouâhir, ap. Durand et Cheikho, Elementa grammaticse arabicse, p. 330. 8 LE SULTAN ET LE TILEB Un tâleb voyageait pendant la chaleur et arriva à une tente où un sultân faisait la sieste. Quand celui-ci le vit, il lui dit : « Quel est ton métier ? — Je suis tâleb. — Il n'y a à voyager par la chaleur de midi qu'un tâleb ou un chien. — Et il n'y a pour se reposer à l'ombre qu'un sultân ou un satan. » Cette réplique fit rire le prince et le tâleb partit à ses affaires après avoir reçu une récompense de son maître (1). (1) Marion, Nouvelle méthode de langue arabe, p. 193. 9 CE QUI EST DÉSAGRÉABLE A L'UN L'EST A L'AUTRE Un homme avait la barbe très grise. Un jour, en marchant, il vit une femme douée de grâce et de beauté et lui dit : « Une telle, es-tu libre ? En ce cas je t'épouserai et je te donnerai ce que tu voudras ; mais si tu es mariée, Dieu bénisse ton mari ! — Je ne suis pas mariée, répondit-elle, mais j'ai beaucoup de cheveux blancs sur la tête et je crois que tu ne les aimes pas. — Oui », répondit-il, et il la laissa. — « A ton aise, reprit-elle ; je n'ai pas encore atteint ma vingtième année, et je n'ai pas un cheveu blanc sur la tête, mais je t'ai appris que je n'aime pas chez toi ce que tu n'aimes pas chez moi (1). » r (1) Moh'ammed ben Ah'med el Anbâri, Kitâb Mokhtâr min naouâdir el Akhbdr, ap. Freytag, Chrestomathia arabica, p. 65. Une variante est donnée par Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. Il, p. 39. 10 L'AVARE ET LE MIEL On raconte qu'un hôte demanda à un avare la permission d'entrer chez lui ; ce dernier avait devant lui un pain et une coupe pleine de miel. Il enleva le pain et voulut faire disparaître le miel, mais il pensa que son hôte n'en mangerait pas sans pain. « Est-ce que tu manges du miel sans pain, demanda-t-il. — Assurément. » Et il se mit à l'avaler à grandes lampées.—« Par Dieu, mon frère, dit l'avare, cela brûle le cœur. — Tu as raison, mais c'est le tien (1). » (1) El Ibchîhi, Kitâb el Mostatref, t. I, p. 219 ; Rat, Kitâb al Mostatraf, T. I p. 569-570 ; Ech Chirouâni, Ne/h'at el Yemen, p. 6 ; Rescher, Die Geschichten und Anekdolen, p. 206; Montakhabât el 'Arabya, p. 53; Rosenmiïller, Institutio- nes ad fundamenta linguæ arabicæ, p. 392. Une autre version un peu plus détaillée est donnée par Bresnier, Anthologie arabe élémentaire, p. 73-74 ; Machuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 230-231. Ce trait d'avarice est attribué à Si Djoh'a dans les versions arabes. 11 LES TROIS FILOUS Trois parasites arrivèrent un jour dans la ville de Mossoul, et, sur leur chemin, passèrent devant la boutique d'un gargotier. Ils y entrèrent et le premier dit au cuisinier : « Donne-moi à manger pour un dirhem. » Le second et le troisième dirent de même. Il les servit, et quand ils eurent mangé, le premier voulut partir. Le cuisinier lui dit : « Donne-moi le dirhem. — Cesse, dit le parasite, tu veux me faire payer deux fois ! » — L'autre se mit à crier : «Malheur à moi 1 tu veux me voler. » — Le second reprit : « Louange à Dieu, il t'a donné le dirhem après que je t'ai donné le mien. — Toi aussi, tu es comme lui.» — Puis le gargotier se tourna vers le troisième et le trouva en larmes. « Pourquoi pleures-tu ? » lui demanda-t-il. — « Comment ne pleurerais-je pas ? Tu traites injustement ces gens de bien qui t'ont payé avant moi. » Le gargotier se frappa la tête, mais les gens du marché le blâmèrent et les parasites sortirent en riant à sa barbe, tandis qu'il pleurait sans avoir rien reçu d'eux (1). (1) Ah'med ech Chirouâni, H'adiqat el Afrâh', p. 39 ; Nozhat el Odabâ, f° 97 : la ville n'est pas nommée. Il existe une version populaire dans laquelle il n'y a plus qu'un seul filou, qui s'empare d'un medjidyeh pendant que le gargotier va chercher la monnaie et qui soutient en outre qu'on lui en a volé un. La scène se passe à Damas. Cf. Tallqvist, Arabische SprichwÕrler und Spiele, p. 36-37. 12 LE VŒU NAIF El A§ma'i raconte, d'après Ech Chaibi, qu'il y avait chez les Israélites un dévot ignorant qui avait embrassé la vie religieuse dans un ermitage ; il possédait un âne qui paissait dans les environs. Un jour, il le vit au pâturage du haut de son ermitage ; il leva les mains au ciel et dit : « Seigneur, si tu possèdes un âne, je le ferai paître avec le mien. » Ce qu'il avait souhaité fut appris par un prophôte qui existait parmi les Israélites et l'irrita, mais Dieu lui envoya cette révélation : « Laisse-le, car je récompense chacun suivant son intelligence (1). » (1) Ibn 'Abd Rabbih, El 'Iqd el farid, T. III, p. 315. Le même récit est donné avec quelques variantes par El Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 20, d'après Djâbir ben 'Abd Allah, et reproduit par Ben Sedira, Cours de littérature arabe, 37 ; Rat, Al Mostatraf, T. I, p. 2. Il est aussi rapporté par Ed Damîri, H'aïat el H'aïaouân, T. II, p. 284, d'après le Kâmil d'Ibn 'Adi, dans la biographie d'Ah'med ben Bachir et dans le Cha'b el Imân d'El Baihaqi, d'après El A'mach, d'après Salamah ben Kohaïl, d'après Djabir ben 'Abd Allah. Ce trait se trouve dans la légende juive, Sefer ha Hasidim, cf. Goldziher, Mélanges judéo-arabes, XV, La prière naïve du berger (Revue des Etudes juives, T. XLV, p. 11-12) ; il fait justement remarquer que dans le récit primitif il doit y avoir un berger, non un ermite. 13 LE BURNOUS ACCUSATEUR Le tâleb Moh'ammed ben 'Abd Allah m'a raconté ce qui suit : Il y avait un homme de la ville de Djidjelli, nommé Bou Guera'oun, qui était allé à Constantine pour acheter des bœufs. Quand il arriva au H'amma, qui est un village près de Constantine, il était tard et il passa la nuit dans un douar. On lui prépara une dhifa et on lui témoigna des égards. Les gens qui lui apportèrent à souper virent qu'il avait une bourse remplie d'argent et voulurent la lui voler. Quand il fut endormi, ils vinrent à lui, lui lièrent les mains, lui mirent un bâillon dans la bouche pour qu'il ne criât pas ; puis ils lui prirent l'argent, lui délièrent les mains, mais ils lui laissèrent le bâillon dans la bouche jusqu'à ce que le jour se levât. Cet homme était rusé ; quand il eut les mains libres, il coupa un morceau de son burnous, creusa, avec un couteau qu'il avait, un trou en terre, y enterra le morceau d'étoffe et s'enfuit du douar. Arrivé à Constantine, il alla se plaindre au makhzen. Le moment de l'audience étant arrivé, il exposa sa plainte au chef qui lui dit : « As-tu des témoins ? — Seigneur, je n'en ai pas, mais fais chercher ces gens. » — Le chef les manda ; des cavaliers les amenèrent. Quand ils furent devant lui, il leur demanda : « Connaissez-vous cet homme ? — Nous ne connaissons ni son extérieur ni sa figure ; nous ne l'avons jamais vu ; il n'a pas passé la nuit chez nous.» — Alors Bou Guera'oun dit au chef : « Envoie avec nous deux cn désir et ton but ; rappelle-toi le serment que tu m'as fait ; laisse tes compagnons à leur place et défends-leur d'en bouger. » — Le roi dit à ses vizirs : « Restez ici à vos places et n'en bougez pas, car je crains la mort pour vous ; vous voilà avertis. — Prince, reprit le vieillard, c'est dans cette vallée que Dieu fit descendre Adam quand il le fit sortir du Paradis ; il n'est permis à personne d'y entrer sur une monture, par respect et par vénération. » Tous descendirent. Le vieillard s'avança suivi du roi et ils marchèrent sur le bord du fleuve, tandis que les arbres leur adressaient la parole en langue humaine, avec éloquence, par la permission du Très-Haut (4). Chacun disait : « Homme, je te conseille telle et telle chose, » jusqu'à ce qu'il arrivât à l'un d'eux qui leur dit : « Quiconque prendra sept de mes feuilles et en mangera aura un enfant mâle.» En entendant ces paroles, Sâbour voulut en prendre : « Avance, dit le vieillard, et n'en prends ni plus ni moins. » Le roi obéit. Puis ils continuèrent leur marche et trouvèrent un arbre qui parlait : sur lui se tenait un oiseau brun jaunâtre dont les yeux étaient des perles. Le roi s'arrêta pour le regarder et l'admirer. L'oiseau lui dit : « Pourquoi t'arrêtes-tu pour me regarder et m'admirer ? — J'admire la beauté de ta forme et tes paroles augmentent mon étonnement. » — L'oiseau reprit : « Ce qui est plus étonnant, c'est que vous soyez trois tout en croyant n'être que deux. » — Sâbour se tourna à droite et à gauche et ne vit rien. « Quel est le troisième ? » demanda- t-il. — « C'est celui qui se tient debout, caché derrière cet arbre, derrière vous et il en désigna avec son bec un qui ressemblait au santal. Le roi se retourna ; il vit son vizir qui s'avançait rapidement. A cette vue, le vieillard mécontent lui dit : « Prince, ne m'avais-tu pas promis que personne n'entrerait dans cette vallée, sinon toi et moi ?» — Sâbour demanda à son ministre : « Qui t'a donné l'ordre de pénétrer ici ? — C'est celui qui vous a introduits dans cette vallée qui m'a commandé d'y entrer, c'est le Maître des mondes. Prince, ajouta-t-il, mon père m'a fait prendre cet engagement ; il avait lu les livres anciens et les histoires du temps passé et m'a déclaré qu'il me fallait absolument pénétrer ici, car j'y acquerrais une science considérable.— Par Dieu, dit Sâbour, j'ignorais absolument qu'il fût entré. — Il est vrai, répondit-il, que personne n'a pénétré dans cet endroit illustre, sinon ceux que Dieu veut honorer et à qui Il en a donné la permission. » Le roi regarda le vizir qui avait une étoffe blanche à la main ; il ne passait pas devant un arbre sans que celui-ci ne lui indiquât à quoi il était bon en fait de remèdes ; il en prenait qu'il serrait dans ce vêtement et écrivait son nom et son usage. Sâbour en ressentit une grande joie (5). Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une place tapissée ; il n 'en était pas de plus belle ; il y avait des choses inconnues et tout autour, des oliviers dont les uns portaient leurs charges et les autres se brisaient sous elles, leurs fruits tombaient; on y voyait un pavillon sur quatre piliers de marbre blanc ; à l'intérieur, il y avait une lampe suspendue à une chaîne d'or dont la tête était un rubis rouge ; elle brillait par la permission de Dieu et elle lançait une lumière éclatante et une lueur brillante. En dehors de ce pavillon était un mih'râb d'où s'exhalait un parfum de musc. Au-dessous, il y avait une pierre dure, verte, contenant un bœuf rouge comme de l'or ; un poisson d'une énorme grandeur leur dit d'une voix éloquente : « De quoi vous étonnez-vous ? Pourquoi vous arrêtez-vous devant le mih'râb de Seth (Chîth), fils d'Adam ? Entrez et lisez ce qui est à l'intérieur, car il y a là un enseignement pour qui sait en profiter et un sujet de pensée pour qui réfléchit. » — Quand ils eurent entendu ces paroles, ils entrèrent, firent quatre génuflexions et lurent à chacune d'elles ce qui se trouvait dans le mih'râb. Voici ce qui y était écrit : « Ce monde n'est qu'une extrémité ; l'autre est la durée ; la mort est la suite de la vie. Si je savais ce qu'il y a après la mort I Sera-ce le paradis ? Sera-ce l'enfer brûlant ? Homme, vis à ta guise, car quand tu seras mort, tu iras à la récompense ou au châtiment. Par Dieu, ne meurs pas sans t'être repenti et tremble. » Ils demeurèrent stupéfaits et émerveillés. Le roi dit au vieillard : « Entre avec nous dans ce pavillon. » — Il les y introduisit et ils trouvèrent un oiseau qui ressemblait à un francolin couronné de toutes sortes de pierreries entremêlées de perles ; il se tenait les yeux ouverts dans le pavillon, regardant la lampe. Il s'envola de son attache et se mit à siffler agréablement. Ils étaient à peine en cet endroit qu'un autre oiseau s'avança tenant dans son bec une olive ; il l'apporta vers la lampe et l'écrasa. Les visiteurs en furent émerveillés, louèrent Dieu très haut et le glorifièrent de sa puissance. Puis ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une source d'où coulait du sang qui débordait à la surface de la terre ; à côté était une sorte de statue où entrait et d'où sortait le vent, et elle criait : « Buvez à cette source 1 » — Ils y burent et partirent. « Si vous n'en aviez pas bu, dit le vieillard, l'image vous aurait tués. » Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une source d'eau à côté de laquelle était un beau chien qui leur dit : « Buvez à cette source. » Ils burent et se remirent en route si bien qu'ils arrivèrent à un arbre pareil à un palmier sur lequel étaient des robes rouges, jaunes, blanches, vertes et noires. Il y avait aussi un oiseau d'or qui sifflait avec la plus belle voix du monde et qui disait : « Revêtez-vous de ces habillements. » Le vieillard prit une robe blanche et s'en revêtit : le roi, une robe verte ; le vizir, une robe noire. « Si nous ne l'avions pas fait, dit le premier, l'oiseau aurait été notre maître. » Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à une pierre blanche et creuse ; elle renfermait du lait plus doux que le miel ; à côté d'elle, il y avait comme une bête féroce ouvrant la gueule. Le vent y entrait et en sortait, et elle disait : « Buvez. » Ils burent et le vieillard leur dit : « Si nous n'avions pas bu, cette bête féroce nous aurait dévorés. » Ils se remirent en route et arrivèrent à un fleuve d'eau courante, la plus pure du monde, surmonté d'un pont et sur le bord duquel était un oiseau blanc qui sifflait mélodieusement et disait : « Lavez-vous. » Le vieillard se. jeta dans le fleuve et les autres en firent autant. Après s'être baignés, ils reprirent leurs vêtements... « Si nous ne nous étions pas baignés, dit le vieillard, cet oiseau nous aurait fait périr » (6). Puis ils continuèrent leur marche jusqu'à ce qu'ils arrivassent à un arbre verdoyant autour duquel étaient des roses blanches et rouges ; en haut de l'arbre, un oiseau pareil à un étourneau était debout sur une colonne de bronze et parlait. Le vieillard prit des fruits de cet arbre ; les autres en firent autant; et quand ils les eurent mangés, il dit à Sâbour : « Roi, nous sommes à la fin de notre excursion dans cette vallée ; tu y as vu ce que tu y as vu, ne révèle pas aux insensés ce que tu y as contemplé ; celui-là doit seul le savoir à qui Dieu l'a fait connaître : c'est l'homme intelligent. Il réfléchit de plus en plus sur les merveilles de la puissance divine. — Vieillard, dit le roi, comment se fait-il que ces objets admirables et ces images soient dans cette vallée ? Indique-moi leur sens. — Je te l'apprendrai quand nous serons revenus vers ton armée, s'il plaît à Dieu. » Ils se remirent en route et arrivèrent à un arbre pareil à un palmier, mais ce n'en était pas un ; le goût de ses fruits était celui des datteavaliers pour voir la marque que j'ai faite dans leur douar. » Quand ils furent arrivés à l'endroit en question, il leur montra le trou ; ils y trouvèrent le morceau d'étoffe qu'ils rapprochèrent du burnous auquel il s'adaptait. Ils reconnurent qu'il avait raison, ramenèrent les coupables au juge qui les condamna à rendre l'argent de Bou Guera'oun, les fit jeter en prison et leur imposa une amende (1). (1) Cherbonneau, Exercices pour la lecture des manuscrits arabes, p. 57 ; Pihan, Eliments de la langue algérienne, p. 167-168. 14 LES CHAUSSURES D'ABOU 'L QASIM ET TANBOURI On raconte qu'il y avait à Baghdâd un homme appelé Abou '1 Qâsim et Tanbouri, possesseur de sandales qu'il portait depuis sept ans. Toutes les fois qu'une partie s'en déchirait, il mettait une pièce à la place, si bien qu'elles devinrent excessivement lourdes ; les gens les citaient en proverbe. Il arriva qu'un jour il entra au marché aux verres ; un courtier lui dit : « Abou '1 Qâsim, il nous est arrivé aujourd'hui un marchand de H'abb; il a avec lui une charge de verres dorés qui lui est restée pour compte ; achète-la lui ; je la revendrai pour toi dans quelque temps et tu y gagneras le double du prix. » Il alla l'acheter pour soixante dinârs. Puis il entra au marché des parfumeurs et un autre courtier lui dit : « Abou '1 Qâsim, il nous est arrivé aujourd'hui de Nisibe un marchand avec de l'eau de rose très parfumée; son intention est de se remettre en route ; dans sa hâte de partir, il est possible que tu la lui achôtes bon marché ; je la revendrai pour toi sous peu et tu y gagneras le double du prix. » Abou '1 Qâsim alla l'acheter également pour soixante dinârs et la mit dans les verres dorés. Il les fit charger, les emporta et les déposa sur une planche dans sa maison ; puis il entra au bain pour se laver. Un de ses amis lui dit : « Abou '1 Qâsim, je voudrais que tu changes ces sandales que voici : elles sont tout ce qu'il y a de plus laid, et tu es riche, grâce à Dieu. — Tu as raison, dit Abou '1 Qâsim; c'est entendu et fait. » Ensuite il sortit du bain, revêtit ses habits et vit auprès de ses sandales des chaussures neuves. Il crut que c'était son ami qui, par générosité, les avait achetées pour lui ; il les chaussa et s'en alla chez lui. Mais ces chaussures neuves appartenaient au qâdhi qui était venu au bain ce jour-là et les avait déposées là en entrant se baigner. Quand il sortit, il chercha ses chaussures et ne les trouva pas. « Mes frères, dit-il, celui qui avait mes sandales n'a-t-il rien laissé à la place ? » On chercha et on ne trouva que celles d'Abou '1 Qâsim et Tanbouri : on les reconnut, car elles étaient passées en proverbe. Le qâdhi envoya ses serviteurs qui cernèrent la maison et y trouvèrent les chaussures du qâdhi. Celui-ci fit comparaître Abou '1 Qâsim, lui reprit ses sandales, le fit frapper pour le corriger, le mit en prison pendant quelque temps, lui infligea une certaine amende et le relâcha. Abou '1 Qâsim sortit de prison et, plein de colère, prit ses chaussures et s'en alla les jeter dans le Tigre ; elles s'enfoncèrent dans l'eau. Mais un pêcheur vint jeter son filet et ramena les sandales. En les voyant, il les reconnut et dit : « Ce sont celles d'Abou '1 Qâsim et Tanbouri; il paraît qu'il les a laissées tomber dans le Tigre. » Il les emporta à la maison d'Abou '1 Qâsim; il ne le trouva pas ; mais en regardant, il vit une fenêtre ouverte qui donnait dans l'intérieur de la maison ; il les lança par là, mais elles tombèrent sur la planche où étaient les verres et l'eau de rose ; ils furent précipités à terre et brisés et l'eau de rose fut répandue. A son retour, Abou '1 Qâsim vit tout cela, comprit ce qui s'était passé, se frappa le visage, poussa des cris et pleura en disant : « Quel malheur ! ces chaussures maudites m'ont ruiné. » Alors il alla de nuit creuser un trou pour les enterrer et en àªtre débarrassé. Mais les voisins entendirent le bruit qu'il faisait et crurent que quelqu'un creusait la muraille pour les voler. Ils portèrent la chose devant le gouverneur, qui saisit Abou '1 Qâsim, donna l'ordre de le garrotter et lui dit : « Comment te permets-tu de creuser des trous dans la muraille pour voler tes voisins ?» — Puis il l'emprisonna et ne le relâ- cha qu'après lui avoir infligé une certaine amende. Sorti de prison et furieux contre ses chaussures, Abou '1 Qâsim s'en alla les porter aux latrines du caravansérail et les y jeta, mais elles bouchèrent le conduit ; les ordures débordèrent et les gens furent incommodés par l'odeur infecte. On en chercha la cause, on trouva les sandales ; on les examina, c'étaient celles d'Abou '1 Qâsim. On les porta au gouverneur et on lui raconta ce qui était arrivé. Il fit venir Abou '1 Qâsim, le réprimanda sévèrement, le mit en prison et lui dit : « Tu auras à payer la réparation des latrines », l'obligea à rembourser la totalité des frais, lui infligea une amende égale à cette somme pour le punir, et le relâcha. Abou '1 Qâsim sortit de prison avec ses chaussures, il les lava et les mit sur la terrasse de sa maison pour les faire sécher. Un chien qui les vit les prit pour une charogne, les emporta ; mais comme il passait sur une autre terrasse, elles lui échappèrent et tombèrent sur une femme enceinte. Dans sa douleur et son épouvante, elle avorta et mit au monde un enfant mâle. On examina les chaussures et on les reconnut pour celles d'Abou '1 Qâsim. On porta l'affaire devant le juge qui le condamna à payer le prix de l'enfant et à défrayer la femme de toutes ses dépenses pendant la durée de sa maladie. Il y consuma tout ce qu'il possédait etil ne lui resta rien. Alors Abou '1 Qâsim pritles chaussures, les porta devant le qâdhi et lui dit : « Je désire que monseigneur le qâdhi écrive, entre mes chaussures et moi, un acte légal constatant qu'elles ne me sont plus rien et que je ne leur suis plus rien, que chacun de nous n'a pas à répondre de l'autre et que je ne pourrai àªtre châtié pour tout ce que mes chaussures pourront faire. » Il lui raconta tout ce qui lui était arrivé à cause d'elles. Le qâdhi se mit à rire, lui fit un cadeau et il s'en alla (1). (1) Lafâif el A 'rab, cité avec des altérations par Cheikho, Madjâni 'l Adab, T. 'III, p. 232-234 ; Humbert, Arabica analecta inedita, p. 41 ; Pihan, Choix de fables et historiettes, p. 56 ; premier supplément au Thamarût el Aourâq d'Ibn H'adjdjah el H'amâoui, p. 167. Il en existe une version turke dans Ah'med ibn Hemdem, 'Adjûi'b el Me'dser, p. 232, trad. par Cardonne, Mélanges de littérature orientale, T. I, p. 95, Les deux pantoufles. On en trouve un remaniement dans E. de Lorral, Contes arabes, p. 127-159, Les babouches de Baba Hassine; dans Florian Pharaon, Spahis, turcos et goumiers, p. 195-199, Les babouches d'Ali Khodjaj et une très médiocre imitation dans les Nouvelles du Nord, de Marmier, p. 283, Le chapeau ensorcelé, traduit de l'allemand ; et une non moins médiocre dans J. de Kerlecq, La chanson de l'Orient, p. 112-120, Les Babouches de Birouz-Kasim. 15 LE SAHARIEN ET LE SAVETIER Un Saharien, monté sur un chameau, passa près de la boutique d'un savetier. Celui-ci le vit et voulut se moquer de lui parce qu'il était si haut : « Un tel, quelles nouvelles des anges du ciel ? Que disent-ils ? — Ils disent que Dieu maudit les savetiers tous tant qu'ils sont sur la terre (1). » (1) Allaoua ben Yah'ya, Recueil de thèmes et de versions en arabe parlé, p. 1. 16 LE RÚVE DOUBLE Un écolier dit un jour à son maître : « J'ai rêvé hier que j'étais enduit d'ordure et toi de miel. — Malheur à toi ! dit-il ; c'est que tu commets le mal et moi le bien. » — L'enfant reprit : « Écoute la fin du rêve. — Parle. — Il me semblait que tu me léchais et que je te léchais (1). » (1) Nozhat el Odabd, f. 10. 17 LE COURTISAN s. Quand ils furent auprès de lui, il parla avec une voix humaine et dit : « Celui qui prendra une de mes branches et montera sur elle, qu'il se dirige où il voudra, à l'est ou à l'ouest, il y parviendra en un instant par la puissance du Dieu très haut. » — En entendant ces paroles, le vieillard détacha trois branches et dit à ses compagnons : « Faites comme moi. » — Chacun monta sur l'une d'elles et quand il les eurent enfourchées, il ajouta : « Dites la place de l'armée. » — Ils la mentionnèrent. — « Fermez les yeux. » Ils les fermèrent, et en moins d'un instant, ils étaient en vue des troupes. Ils louèrent Dieu très haut et le remercièrent. Le roi donna des vêtements d'honneur au vieillard, lui fit présent d'une somme considérable et le fit asseoir près de lui. Puis le cheikh raconta : « Quand j'étais jeune, j'entrai dans cette vallée; j'étais beau et gracieux. Je m'égarai dans ma route j'y pénétrai ; j'y restai longtemps sans savoir où me diriger. Un jour, je pleurai et je demandai à Dieu de me sauver. Il eut pitié de moi et me délivra par l'intermédiaire des génies croyants. Ils m'apparurent et me dirent : Hélas ! comment se fait-il que tu te sois égaré en chemin ? — J'ai perdu ma route et j'ai marché jusqu'à ce que j'y sois entré. — Nous sommes les génies croyants, dirent-ils : Dieu t'a mis sous notre protection. Nous te ferons une recommandation ; exécute-la et tu seras sauvé. Ils me prescrivirent tout ce que vous m'avez vu faire. Quand j'arrivai à l'arbre dont nous avons pris des branches, j'en coupai une qui me transporta auprès de ma famille. » Ensuite Sâbour lui fit beaucoup de bien ; le vieillard lui donna l'explication des figures et des merveilles qui existaient dans la vallée de Serendib. Après avoir reçu du prince des richesses considérables et un vête- ment magnifique, il prit congé de lui et alla rejoindre les siens. Le roi se mit en marche avec ses troupes jusqu'à ce qu'il revînt dans son pays. Ses sujets le félicitèrent de son salut ; il entra dans son palais et la nuit venue, dormit avec sa cousine (7). Celle-ci devint enceinte et lorsque le terme de sa grossesse fut arrivé, elle mit au monde un fils pareil à la lune apparaissant dans sa perfection. Son père le nomma Abou 'n Nazhar et le remit aux nourrices et aux femmes chargées de l'élever. On lui donna la meilleure éducation et la meilleure instruction. Quand on eut accumulé en lui tout ce qui est nécessaire aux fils des rois, il devint un jeune homme instruit, sage, avisé, éloquent, généreux, doux ; il réunissait toutes les connaissances, il était le premier des gens de mérite et des hommes supérieurs : il n'y avait parmi ses contemporains personne qui pût lui tenir tête. Il était si brave que tous, grands et petits, femmes et hommes, s'entretenaient de sa bravoure dans toutes les parties de la terre et dans toutes les contrées. Il atteignit ainsi l'âge de vingt ans. Une nuit qu'il était endormi, il lui sembla voir autour de lui des jeunes filles et une image dans un songe agréable. On l'entendit pousser des gémissements et des plaintes comme s'il était possédé ; puis il s'éveilla effrayé, troublé comme un insensé. Il avait perdu l'intelligence ; ses mains tremblaient. Il se cacha le visage, se mit à pleurer et à se lamenter ; ses plaintes s'élevèrent ; il perdit le sentiment ; puis ses gémissements s'apaisèrent et sa langue devint muette. On lui parla, mais il ne répondit pas. A cette vue, ses compagnons allèrent en toute hâte trouver son père et lui apprirent ce qui était arrivé à son fils. Le roi accourut, l'esprit troublé, la raison égarée, la couleur changée ; il se pencha vers lui en l'embrassant et en lui disant : « Mon fils, de quoi te plains- tu ? que t'est-il arrivé ? » Mais le prince ne répondit pas un mot. Son père manda des médecins qui se présentèrent devant lui. « Hâtez-vous de soigner mon fils, leur dit-il, et guérissez-le. » Quand ils l eurent examiné, ils dirent au roi : « Prince, ton fils n'a pas de mal ; du moins n'est-il pas malade ; il est seulement en proie à une obsession et il n'y a pas de crainte à avoir à son sujet, mais il a vu en songe quelque chose qui l'a changé et amené là où tu vois. » — L'un d'eux ajouta : « Laisse-moi avec lui, j'espère que je le guérirai, s'il plaît à Dieu. — Prends-le avec toi », lui dit le roi. Le médecin resta seul avec le prince et lui dit : « Seigneur, raconte-moi ce que tu as vu en songe ; je te ferai arriver à ton but, grâce à Dieu et à sa puissance. » — Quand Abou 'n Nazhar entendit ces paroles, il ouvrit les yeux et dit : « Tu viens de me faire désirer la vie et je te mettrai au courant de tout. Il m'a semblé en rêve àªtre dans un endroit agréable, rempli de verdure, d'arbres et de ruisseaux. Tandis que je le regardais et que je respirais son parfum, que je contemplais la beauté de ses rivières, de ses arbres et de ses fruits, de belles jeunes filles vinrent couper des roses et des fleurs d'oranger et jouer parmi les arbres ; elles portaient toutes sortes de parures, des vêtements de brocart et des anneaux d'or rouge ; de ma vie, je n'en avais jamais vu de pareilles ni de plus belles. Quand je m'approchai d'elles, elles se mirent à me faire signe avec leurs paupières comme pour me dire : « Retourne sur tes pas, de peur que notre maîtresse ne te voie. » Sur ces entrefaites, celle-ci s'avança ; mon regard la fixa, je fus interdit et peu s'en fallut que la vie ne me fût ravie par l'éclat de son œil ; elle me détourna des jeunes filles par la beauté qui se manifestait en elle. Elle portait trois robes de couleur différente. La stupeur me saisit et mon esprit disparut devant ce que je voyais ; je ne pus lui adresser une parole ; je ne pus même la regarder. En voyant mon état, elle dit à une de ses suivantes: « Fais-le approcher. » Quand je fus près d'elle, elle me sourit et je lui dis : « Madame, qui es-tu ? Quel est ton nom ? — Je m'appelle Ouah'chyah, fille d'En No'mân, roi de Chine ($în)... Puis elle ajouta : Et toi, comment te nommes-tu ? — Abou 'n Nazhar, fils de Sâbour el Hindi. » — Tandis que nous causions ensemble, une jument s'avança, portant un voile et une selle d'or et d'argent. Une jeune fille appela la princesse : « Madame, c'est l'instant de partir; nous avons été longtemps. « Le cheval s'approcha ; elle le monta; les jeunes filles montèrent en même temps qu'elle ; elle me fit ses adieux et me dit : « Tu sais qui je suis, mets-toi à ma recherche pour que je te rende heureux et pour que nous soyons réunis par le destin. » Puis elle partit ; le regret me prit et je suis devenu tel que tu me vois ; mon cœur s'est attaché à elle ; voilà mon histoire. » — «Jeune homme, dit le médecin, je demanderai là-dessus l'autorisation de ton père ; il sera d'accord avec toi et ne te refusera pas ce que tu désires ; je t'aiderai à arriver au pays de Chine et je verrai comment réaliser ton songe ; s'il est réel, nous demanderons pour toi la jeune fille à son père. » — Il alla trouver le roi et le mit au courant de l'histoire et du rêve du prince. — « Quel est ton avis ? » demanda Sâbour. — « Envoie un messager dans le pays de Sin pour vérifier la réalité du songe ; s'il est réel, nous demanderons la jeune fille à son père. » Le roi rassembla les vizirs, les grands fonctionnaires et ses familiers et leur raconta tout. Puis il prit parmi eux des gens intelligents, savants et habiles ; il leur donna des richesses considérables et des cadeaux magnifiques parmi ce qui convient aux rois : il mit à leur tête l'habile médecin et dit : « Je ne veux pas te faire de recommandations ; quand tu seras arrivé en Chine, cherche si le roi se nomme En No'mân et sa fille Ouah'chyah ; porte-lui les cadeaux et demande-lui la main de la princesse ; sinon, ne parle de ton affaire à personne. » Ils le quittèrent et se mirent à voyager jusqu'à ce qu'ils arrivassentCONTRARIÉ « On raconte qu'El H'akam était un des commensaux de Haroun er Râchid. Celui-ci lui dit un jour : « Demain nous irons à la chasse, viens avec nous. — Au nom de Dieu ! » répondit El H'akam. — Il revint chez lui et dit à sa femme : « Le khalife m'a ordonné d'aller demain avec lui à la chasse ; par Dieu, je n'accepterai pas, car je suis habitué à manger de bonne heure et le khalife ne mange que sur le milieu de la journée ; je mourrai de faim ; par Dieu, je n'obéirai pas. » — La femme reprit : « Garde t'en bien, tu ne peux lui désobéir. — Comment faire ? dit-il ; si j'y vais, je mourrai de faim. — Prends avec toi un cornet de h'alwah (sorte de gâteau), mets-le dans ton turban et manges-en ; quand le khalife prendra son repas, tu mangeras avec lui. — Par Dieu, répondit-il, c'est un avis béni. » Le lendemain, il acheta un cornet de h'alwah, le mit dans son turban, monta sur son âne et partit au service du khalife. Tandis qu'ils marchaient, Haroun en se tournant aperçut dans les plis du turban d'El H'akam le cornet de h'alwah. Il appela Dja'far son vizir : « Dja'far 1 — Me voici, Commandeur des croyants 1 — Vois sur la tête d'El H'akam ce cornet de h'alwah; par Dieu, je le tourmenterai et je l'empêcherai d'en manger ! » Ils cheminèrent quelque temps, puis le khalife feignit de voir du gibier. Il poussa derrière lui, et El H'akam porta sa main à sa tête, tira un morceau de h'alwah du cornet et le mit dans sa bouche. Le khalife revint et cria : « El H'akam 1 » — Celui-ci retira rapidement le h'alwah de sa bouche et dit au khalife : « Me voici, Commandeur des croyants ! )) — L'autre reprit : « Par Dieu, cette mule ne me plaît pas ; je ne sais ce qu'elle a. — Le palefrenier lui aura donné trop de nourriture ; elle a l'estomac embarrassé. » — Puis ils marchèrent; le khalife poussa en avant. El H'akam prit une autre poignée de h'alwah, la fourra dans le coin de sa bouche ; mais à ce moment, Haroun revint et dit : « El H'akam ! » Celui-ci jeta le h'alwah et répondit : « Me voici, Commandeur des croyants ! — Qu'est-ce que je t'ai dit ? L'allure de cette mule ne me plaît pas ; aujourd'hui je ne sais ce qui l'a prise. — Commandeur des croyants, demain nous la conduirons au vétérinaire pour qu'il l'examine ; il faut espérer qu'il n'en résultera que du bien, s'il plaît à Dieu. » — Ils marchèrent encore un peu et El H'akam se disait en lui-même : « Suis-je le vétérinaire pour que ce fou m'assomme de ces questions 1 . A chaque instant, la mule ! la mule ! Que Dieu mette les quatre pieds de la mule dans le ventre de son maître 1 » — Le khalife poussa encore en avant. El H'akam allongea la main dans le cornet de h'alwah, en prit un morceau. et le mit dans sa bouche. Haroun revint et cria : « El H'akam ! — Ah, se dit celui-ci, quelle mauvaise journée 1 A chaque instant, El H'akam 1 Quelle folie te prend ! — On dirait, dit le khalife, que cette mule a été blessée par le forgeron ; vois-tu comme elle boite ? — Commandeur des croyants, demain, s'il plaît à Dieu, nous la ferons déferrer par le maréchal ; il lui mettra un autre fer, et, par Dieu, elle sera débarrassée de cela. » Tandis. qu'ils cheminaient, une caravane arriva du pays de Perse. Son maître s'avança vers le khalife, embrassa la terre devant lui et lui présenta des cadeaux, des présents et une esclave au-dessus de tout ce qu'on avait vu, pour la taille, l'élégance, l'éclat et la perfection ; sa croupe était lourde, sa taille fine ; ses yeux ressemblaient à ceux des gazelles; sa bouche était pareille au sceau de Salomon; elle avait coûté cent mille dinârs au marchand. Quand le khalife la vit, il en fut épris et éperdument amoureux. Il voulut revenir sur le champ à Baghdâd et dit à El H'akam :« Prends avec nous cette jeune fille, devance-nous à la ville, monte au pavillon, fais-le nettoyer et tapisser, prépare-nous des vases à boire, remplis les coupes et veille à ce qu'il ne nous manque rien. » El H'akam partit et exécuta les ordres du khalife. Au bout d'un instant, celui-ci arriva avec son escorte, ses eunuques, ses émirs, ses vizirs, ses courtisans et monta au pavillon. Ceux qui l'avaient accompagné partirent à leurs affaires. Le khalife entra chez la jeune fille et dit à El H'akam : « Ne quitte pas la porte du palais et prends garde que la princesse Zobéide sache quelque chose. — C'est entendu, dit El H'akam, mille fois obéissance à Dieu et au Commandeur des croyants » ; puis il alla s'asseoir à la porte. Quant au khalife, il prit place à côté de la jeune fille ; ils mangèrent, puis ils passèrent dans le salon du dessert et du vin. A peine Haroun s'était-il assis et avait-il rempli la coupe en voulant boire, qu'on frappa à la porte. « Point de doute, dit-il, c'est la princesse Zobéide qui arrive. » Il se leva sur-le-champ, ôta le vin et ce qui garnissait la table, cacha la jeune fille dans un cabinet et alla à la porte. Il alla trouver El H'akam et lui dit : « La princesse Zobéide est-elle venue ? — Non, par Dieu, Commandeur des croyants, mais j'ai pensé tout le temps à la mule. J'ai interrogé le palefrenier et il m'a dit qu'en effet il lui a donné trop de nourriture ; elle a l'estomac embarrassé ; demain nous la ferons saigner et elle sera débarrassée de tout cela. — Ne t'occupe pas de la mule et ne bavarde pas sottement, dit le khalife ; garde la porte, et si tu vois venir la princesse Zobéide, prends les devants et avertis-moi avant son arrivée. » - El H'akam répondit « : Avec soumission et mille fois obéissance 1 » Le khalife rentra, remit en place la table et le vin et fit sortir la jeune fille du cabinet. Tout à coup on frappa à la porte. — « C'est la princesse Zobéide qui est arrivée », dit Haroun ; il cacha la jeune fille dans le cabinet, fit disparaître le service et alla à la porte. Il vit El H'akam qui lui dit : « Commandeur des croyants, j'étais préoccupé de la mule ; j'ai interrogé le vétérinaire ; il prétend qu'elle n'a rien, mais elle est restée longtemps attachée ; aujourd'hui on l'a montée, c'est pourquoi elle a été rétive; toutefois elle est en bon état.—Que Dieu te maudisse, toi et la mule ! dit le khalife ; ne t'ai-je pas dit de ne pas bavarder ? Reste à ta place et fais attention que la princesse Zobéide ne vienne pas nous surprendre, sinon ce jour serait le plus funeste pour toi. » — El H'akam répondit : « Sur ma tête et mon oeil ! » — Le khalife rentra, fit sortir la jeune fille de sa cachette, remit en place le service et le vin, remplit une coupe et voulut boire ; mais à ce moment il entendit un trépignement sur la terrasse. « Par Dieu, dit-il, cette fois, c'est la princesse Zobéide qui arrive réellement. » Il se leva, cacha la jeune fille dans le cabinet, fit disparaître le dessert et le vin, brûla des parfums pour enlever toute odeur, puis il monta sur la terrasse et ne trouva qu'El H'akam. — « Est-ce que la princesse Zobéide arrive ? demanda-t-il. — Non, Commandeur des croyants, mais j'ai vu ta mule trépigner comme je l'ai fait. Alors cela m'a fait de la peine, j'ai craint qu'elle n'eût des tranchées et j'ai été extrêmement tourmenté. — Que Dieu te tourmente toute ta vie, maudit ! je devrais te tuer. Sors, pars, et ne reviens plus me montrer ton visage, car si je te vois encore, je t'étranglerai 1 » El H'akam revint chez lui et raconta à sa femme que le khalife l'avait chassé et lui avait défendu d'entrer chez lui. Ensuite, il resta quelque temps dans sa maison jusqu'à ce qu'il crût que la colère de Haroun était calmée. Alors il dit à sa femme : « Va au palais, embrasse les mains de la princesse Zobéide, raconte-lui que le khalife est irrité contre moi et demande-lui d'intercéder pour moi. » Sa femme lui obéit, la princesse intercéda pour lui et Haroun lui pardonna (1). (1) Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire, p. 9-12 du texte arabe. La première partie se trouve dans en Chine ; ils s'arrêtèrent dans une ville qu'on appelle 'Adzbah et demandèrent quel était le nom du roi. On leur répondit : « En No'mân. — A-t-il une fille nommée Ouah'chyah ? — Oui. » — Quand ils eurent fait cette vérification ils descendirent dans un palais proche de celui du roi. Le savant médecin se pré- senta avec les cadeaux et les offrit au prince. Celui-ci les trouva superbes et en fut joyeux ; il témoigna les plus grands égards à l'ambassade et lui fit donner les meilleurs mets et les meilleures boissons. Un jour, le roi prit le médecin à part et lui dit : « Sage, apprends- moi ce qui t'a amené dans mon pays. » — Il lui raconta l'histoire du fils de Sâbour et son rêve, comment lui-même était venu lui demander sa fille; il lui fit connaître la passion du jeune homme, son amour pour la princesse et ce qui lui était arrivé à cause d'elle. La satisfaction du roi augmenta ; il ressentit une grande joie, puis il dit : « Comment te guider ? Ma fille ne veut pas se marier ; une foule de rois l'ont demandée, elle a refusé ; mais je lui exposerai votre requête et votre demande. » — Il en informa la princesse ; dès que celle-ci l'eut appris, elle dit à une de ses suivantes : « Va trouver celui qui m'a demandée à mon père et vois à qui il veut me marier. » — La jeune fille s'en alla chez le médecin et fit semblant d'être venue acheter quelques curiosités de l'Inde. « Vieillard, dit-elle, apprends-moi qui a demandé en mariage Ouah'chyah, la fille du roi. » — Il lui répondit : « Il se nomme Abou 'n Nazhar, fils de Sâbour, roi de l'Inde; je ne suis venu dans ce pays qu'à cause d'elle. » La messagère était intelligente et sensée ; elle ajouta : « Vieillard, je t'en conjure, qu'est-ce qui t'a amené dans cette ville et qui t'a fait connaître la fille du roi En No'mân ? — Je te prie, répondit-il, de ne révéler à personne ce que je te raconterai et de ne le faire connaître à qui que ce soit. — Soit. » — Alors il lui raconta le rêve qu'avait fait le jeune homme et ce qui lui était apparu dans son sommeil. « Par Dieu, dit-elle, c'est le même songe qui a laissé notre maîtresse toute triste et affligée ; elle ne prend goût ni à la nourriture, ni à la boisson depuis son rêve; mais sois satisfait, car aujourd'hui je mènerai à bien l'affaire de ton maître, avec l'aide de Dieu. » Le vieillard apprit ainsi que la princesse avait fait le même songe qu'Abou 'n Nazhar et il n'en fut que plus désireux de conclure l'affaire. La suivante entra dans le palais et informa la fille du roi de ce que le savant médecin lui avait dit. La joie et la satisfaction revinrent en elle ; elle ne put se tenir d'envoyer dire à son père : « Ne me marie qu'au fils du roi de l'Inde, car il a vu la même chosé que moi. » Son père dressa l'acte de mariage avec le prince, conclut l'affaire, écrivit au roi Sâbour et remit la lettre au médecin qui prit congé de lui et partit. Lorsqu'il fut arrivé et eut remis la lettre au roi, celui-ci ressentit une grande joie. Le cœur du prince fut calmé et sa tristesse disparut. Sâbour mit sur pied une armée considérable et prépara beaucoup de magnifiques présents qu'il envoya avec son fils. Celui-ci se mit en route pour la Chine. En No'mân alla au devant de lui avec des troupes nombreuses et se réjouit de le voir. La princesse Ouah'chyah, du haut du palais, aperçut au milieu des soldats, le prince pareil à la lune au milieu des étoiles : elle tomba évanouie. Quand elle revint à elle, elle s'écria : « Par Dieu ! c'est lui que j'ai vu en songe. » — Son père célébra le mariage et remit la femme d'Abou 'n Nazhar à son mari ; celui-ci resta quelque temps chez son beau-père, puis revint dans sa famille et regagna son pays. A son arrivée, Sâbour ressentit une grande joie et le prince mena la vie la plus agréable jusqu'à ce que son père mourût. Il lui succéda sur le trône et goûta tous les plaisirs ; le peuple et les habitants des grandes villes lui obéissaient. Il avait aussi une cousine qui désira se marier avec lui. Il l'épousa, mais elle devint jalouse de sa première femme et chercha, sans y réussir, à la faire périr par tous les moyens. Elle employa la ruse dans sa magie et sa perfidie et ne cessa d'en vouloir à sa vie jusqu'à ce qu'un jour Ouah'chyah se trouva comme morte, sans mouvement. Lorsque le roi s'avança vers elle et qu'il la vit morte, il poussa des cris, répandit de la poussière sur son visage et sur sa tête en s'écriant : (e 0 princesse ! ô fraîcheur de mes yeux ! » et il songea à se tuer. Les fonctionnaires et les grands de l'État allèrent le trouver et le questionnèrent ; il leur raconta son histoire. Ils l'exhortèrent à la constance et réussirent à lui faire prendre patience et à le consoler., Malgré cela, il ne cessait de pleurer et de gémir. Il alla vers elle et répandit sur son visage du musc parfumé et du camphre ; il la revêtit de ses vêtements et de sa parure et la plaça sur le trône ; il préposa des gens qui ne devaient pas cesser de prendre soin d'elle : chaque fois qu'il sortait pour aller au conseil, il ne comprenait ni ne saisissait rien. Quand il entrait, il l'embrassait entre les yeux, lui lavait les mains, s'asseyait en face d'elle et gémissait. Il resta ainsi sans rompre avec ses habitudes pendant un long espace de temps, ne prenant goût ni à la nourriture, ni à la boisson. Les génies fidèles eurent pitié de ses larmes et lui apparurent une nuit qu'il était assis à se lamenter. Ils entrèrent chez lui. Quand il les vit, il fut très effrayé. « Ne crains rien, lui dirent-ils, nous sommes une troupe de génies croyants, nous avons eu pitié de toi. Patiente et ne désespère pas ; ta femme Ouah'chyah n'est pas morte. — Et comment cela ? demanda-t-il, voilà une année entière qu'elle n'a mangé ni bu. — Elle a été enchantée tout ce temps. (8) — Et comment son corps est-il resté sans nourriture pendant un an entier ? — Nous avions chargé des femmes de notre race de la nourrir et de l'abreuver de temps en temps. Si tu veux la rendre à la vie, fais venir le vizir de ton père qui est entré avec lui dans le vallon de Serendib; il a les moyens de la guérir et fera cesser le charme qui est en elle. » Puis ils disparurent et il resta stupéfait, essuyant des larmes sur son visage. Il demeura debout jusqu'au lendemain matin : alors il appela les esclaves qui l'entouraient et leur dit : « Hier, m'avez-vous vu dormir ? — Non, lui répondirent-ils ; mais nous avons entendu des gens s'entretenir avec toi, sans voir personne. » Il réunit ses vizirs et leur raconta son aventure. — « Prince, lui dirent-ils, le vizir de ton père est entré avec lui dans le vallon de Serendib et il a écrit tout ce qui s'y trouvait en fait de remède pour chaque chose. — Qu'on me l'amène », reprit le roi. — On lui présenta le vizir, qui savait tout ce qui était arrivé à Abou 'n Nazhar avec la fille du roi de Chine. Le prince lui dit : « Vizir, as-tu jamais vu quelqu'un mort depuis un an revivre après cela et àªtre en bonne santé ? — Dans le temps jadis, je pénétrai avec ton père dans le vallon de Serendib ; un arbre lui parla et dit : « Je puis guérir un mort enchanté depuis une année entière ; si quelqu'un prend de mes feuilles, les broie, les met dans le feu et en frotte le mort, si celui-ci n'est qu'enchanté, il revivra ; s'il est réellement mort, il ne reviendra pas à la vie. » Ton père, que Dieu lui fasse miséricorde, me dit : « Prends des feuilles de cet arbre. » Quand le prince entendit ces paroles, il s'écria : « Je jure que si cela est vrai, je te donnerai ce que tu voudras. » — Puis le vizir fit apporter le vêtement dans lequel étaient ces secrets et commença à les lire jusqu'à ce qu'il arrivât à l'arbre qui défaisait l'œuvre de magie pareille à la mort. Il prit des feuilles, les mit sur le feu, et quand elles furent refroidies, il versa sur elles de l'eau un récit des Arabes de l"Irâq; il s'agit d'Abou Noouâs qui ne parvient pas à manger des dattes en accompagnant Haroun er Râchid, mais la fin est absolument différente (Bruno Meissner, Neuarabische Geschichten aus dem Iraq, n° XL, p. 72-74. La manière dont El H'akam est interrompu chaque fois qu'il veut manger rappelle la façon dont le Christ punit saint Pierre pour s'être approprié un gâteau, dans un conte tchèque (ZÕhrer, Œsterreichisches Sagen und Mtirchenbuch, p. 181). De même, le tour joué à Haroun rappelle une nouvelle italienne de Molza, Nouvelle des Trompettes (J.-M. Molza, Nouvelles, trad. franç., p. 54-69). Une traduction d'un récit semblable, mais où El H'akam est remplacé par Mesrour, est donnée par de Hammer, d'après le Mahadj en Nofous, d'Ibn H'ayan de Tous, dans le Rosenôl,p.232-237. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 242. 18 LE MENUISIER PEU PRESSÉ Un homme eut un fils, et, tout joyeux, il voulut lui acheter un berceau. Il alla chez un menuisier, lui remit un réal en gage en lui disant : «Fais-moi un berceau.—Bon, dit l'autre, viens le prendre vendredi, c'est-à-dire dans huit jours», car on était au jeudi. Le vendredi, l'homme arriva et dit : « Donne-moi le berceau. — Il n'est pas encore fini. » Le menuisier tarda tellement que l'enfant marcha, grandit, se maria et eut un fils. Il dit à son père : « Je voudrais un berceau pour mon enfant. — Va trouver tel menuisier ; je lui en ai commandé un il y a vingt ans, prends-le. » Il alla chez le menuisier et lui dit : « Donne-moi le berceau que mon père t'a commandé et pour lequel il t'a donné un réal. — Reprends le réal, dit le menuisier ; je n'aime pas la besogne pressée (1). » (1) Green, Modern Arable Stories, p. 1. 19 LES VERRES CASSÉS Du temps du sultân Mahmoud (le Ghaznévide), un marchand de verres avait ouvert sa boutique près du palais. Un jour, un homme vint lui acheter des verres pour un dinâr. Le sultan voyait tout cela de sa demeure. Son esclave Ayâz était sur la terrasse, occupé à tirer de l'arbalète. Une flèche alla atteindre les verres et les brisa sous les yeux du prince. L'homme vint pousser des cris de douleur à la porte du palais et raconta son histoire au sultan. « Quelle était la valeur de ces vases ? » demanda celui-ci. — « Mille dinârs. — N'as- tu pas honte, menteur ? tu les as achetés pour un dinâr ; je l'ai vu de mon palais, et à présent tu parles de mille dinârs ! — Que Dieu éternise la durée du sultân ! dit l'homme ; quand les verres étaient intacts, ils ne valaient pas plus d'un dînar, mais quand ils ont été brisés par la flèche de quelqu'un aimé du sultân — c'est-à- dire Ayâz — je ne les estime pas moins de mille dinârs. » Le prince lui fit donner cette somme (1). (1) Es Soyouti, Anis el Djalis, p. 11. Dans une anecdote dont Mahmoud le Ghaznévide est encore le héros, un bûcheron estime à la valeur d'une bourse d'or un fagot d'épines, parce que le sultân y a touché pour l'aider à le recharger (Ferid eddin Attar, Mantiq et tair, ch. xvii, p. 91-92, v. 1680-1708). 20 LE FAUX PROPHÈTE ET LE BORGNE On raconte qu'un homme prétendit àªtre prophète. Un de ses amis qui était borgne lui dit : « Quelle est la marque de ta prophétie ? Quels sont tes miracles ? — Mon miracle, le voici : Tu es borgne d'un œil, je vais t'enlever l'autre sur-le-champ ; puis je prierai mon Seigneur pour que tu voies. » — L'autre répondit : «Je crois que tu- es prophôte (1). » (1) Nozhat el Odabâ, f. 22 ; cf. le Sottisier de Nasr eddin Hodja, no CXCVII ; Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, n° 197, p. 109, 257-258. 21 LE ROI ET LE FOU On raconte qu'un roi voulut se divertir à voir des fous. Quand il fut entré chez eux, il vit un jeune homme de belle figure et de belle apparence, sur lequel on distinguait des marques de beauté et qui respirait l'intelligence. Il s'approcha de lui et lui posa des questions ; le jeune homme fit à toutes les meilleures réponses. Le roi ressentit un vif étonnement, puis le fou lui dit : « Tu m'as interrogé sur divers points et je t'ai répondu; moi, je vais te faire une seule question. — Quelle est-elle ? — Quand le dormeur goûte-t-il le plaisir du sommeil ? » Le roi réfléchit un instant et répondit : « Il le goûte quand il dort. » Le fou répliqua : « Quand il dort, il n'a pas de sentiment. — Avant de s'endormir. — Comment trouverait-il du plaisir avant que le sommeil n'existe ? — Après avoir dormi », dit le roi. — « Goûte-t-on un plaisir quand il est passé ? » Le roi fut stupéfait et son étonnement augmenta. « Par Dieu, dit-il, bien des gens sensés ne raisonneraient pas si bien. Il mérite plus que personne d'être aujourd'hui mon commensal. » Il se fit dresser un trône en face de la grille du fou, puis il demanda du vin ; on en apporta. Il prit la coupe, but et la tendit au jeune homme, » Prince, dit celui-ci, tu as bu ce vin pour devenir semblable à moi mais moi, quand je l'aurai bu, à qui ressemblerai-je ? » Le roi fit son profit de ces paroles, jeta la coupe et se repentit sur-le-champ (1). (1) El Itlidi, l'lâm en Nds, p. 95 ; reproduit par Mouliéras, Manuel algérien, p. 143-149, et Abd er Rahman, Lectures choisies, IIIe période, ne partie, p. 4 ; El Khafadji, H'albat el Komaït,p. 379. Une version traduite de l'arabe se trouve dans F. de Zeltner, Contes du Sénégal et du Niger, p. 231-232, Le roi et le fou Le roi est appelé Noumân (No'mân). 22 LE PLUS MENTEUR DES TROIS On raconte que trois personnes trouvèrent un dinâr ; elles se dirent : « Partageons-le. » Mais l'un d'eux leur dit : « Écoutez-moi. — Parle. — Que chacun de nous dise un mensonge, celui qui aura dit le plus fort prendra le dinâr. — Soit. » - L'un d'eux commença : « Mon père était parfumeur et faisait le tour de la ville avec ses parfums. Il arriva qu'il acheta un œuf; il le mit à couver sous une poule que nous avions. Puis la coquille fut cassée; il en sortit un coq magnifique. Quand il fut devenu grand, mon père plaça sur lui une valise et tous les objets de parfumerie, montait sur lui et faisait le tour du pays. Le coq fut blessé au dos ; il l'amena chez le vétérinaire ; celui-ci indiqua une espèce de dattes qu'il pilerait et appliquerait sur la blessure. Mon père le fit, et peu de temps après, il s'éleva du dos du coq un palmier qui grandit et qui porta des régimes. Les voisins jetaient contre lui des briques à cause des dattes ; celles-ci tombaient et les briques restaient sur le palmier jusqu'à ce qu'il s'y forma un vallon de deux feddans et plus. Mon père prit une paire de bœufs, laboura le vallon et y sema des melons verts. Quand ils furent mûrs, j'en pris un et je le coupai avec mon couteau. Ne l'ayant pas trouvé, j e m'attachai une étoffe à la taille et j e descendis dans le melon. Je me mis à en faire le tour et je vis trois personnes qui y circulaient. Je leur dis : « Avez-vous vu un couteau qui m'appartient ? — Malheureux, répondirent-elles, nous avons perdu deux files de chameaux et voilà dix jours que nous les cherchons sans les avoir trouvées ; comment retrouverais-tu ton couteau ? » Je revins à ma pièce d'étoffe, je l'attachai au milieu du corps et je remontai. » Les autres dirent : « Prends le dinâr ; on ne peut trouver un plus menteur que toi (1). » (1) 'Abd el Mo'ti es Samlâoui ech Chafi'i, Raouâih' el 'Aouâtir, p. 52-55. 23 LE NUAGE PRIS POUR POINT DE REPÈRE Un jour,Djoh'a creusait dans une plaine ; un homme passa près de lui et lui dit : « Pourquoi creuses-tu ? — J'ai enterré de l'argent et je ne puis plus retrouver la place. — N'avais-tu pas pris un point de repère? — Je l'ai fait. — Quelle était cette marque? — Un nuage qui me donnait de l'ombre pendant que j'enterrade rose ; puis il enleva les vêtements de Ouah'chyah et la frotta avec ce remède. Elle se leva par la puissance de Dieu très haut ; les suivantes poussèrent des cris de joie et louèrent Dieu. Abou 'n Nazhar les entendit : il entra en toute hâte, se jeta sur elle et s'évanouit. Quand il revint à lui, il questionna la reine sur son état. « J'étais comme endormie, lui dit-elle ; j'étais avec des femmes qui répandaient ma chevelure sur la surface de la terre ; enfin un torrent est arrivé sur moi ; elles ont pris la fuite ; je me suis levée et j'ai trouvé ces jeunes filles qui poussaient des cris de joie et célébraient Dieu. » Quand elle eut fini son récit, il lui rappela tout ce qui lui était arrivé et le chagrin qu'il avait ressenti. Puis il loua Dieu, le remercia de l'avoir guérie, donna des richesses immenses au vizir de son père et le mit au-dessus des autres. Il mena la vie la plus heureuse jusqu'à ce qu'arrivât le moment inévitable contre lequel il n'y a ni remède, ni préservatif, qu'aucun àªtre ne peut fuir (9). (1) A partir de ce passage, la première partie du conte se compose de traits empruntés, sans doute par tradition orale, à la légende du Voyage d'Alexandre vers le Paradis terrestre. La confusion de Serendib (Ceylan) avec l'Éden est aisée à reconnaître. C'était au moyen âge une croyance générale : cf. Jordanus, Mirabilia descripta, the Wonders o/ the East, trad. Yule, p. 42-43. Cette confusion existait encore au XVIIe siècle : d'après une tradition courante, le Paradis se trouvait sur le Pic d'Adam (Argensola, Histoire de la Conquête des Isles Moluques, tr. fr., T. I, p. 379 ; G. Schouten, Voyage aux Indes Orientales, T. I, p. 33). (2) Le vieillard qui guide Sâbour est peut-être un souvenir du Khadhir (Elie) de la légende arabe ; il rappelle aussi les deux vieillards qui, dans le Roman d'Alexandre de Lambert li Tort et la Lettre à Aristote, proposent à Alexandre de le conduire auprès d'arbres merveilleux qui lui feront connaître l'époque de sa mort (P. Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du moyen âge, T. II, p. 180). Dans une homélie syriaque de Jacques de Saroug citée par Lidzbarski (Die neu-aramàischen Handschrilten der Kôniglichen Bibliothek zu Berlin, T. II, p. 47, note 2), Alexandre rencontre d'abord deux vieillards qui essaient de le détourner de son projet, puis lui indiquent comment il arrivera à l'eau de la vie. (3) C'est également avec un détachement de son armée qu'Alexandre, guidé par les deux vieillards, se rend près des arbres qui parlent, dans le Roman d'Alexandre (Julius Valerius ap. Arrien, Anabasis et Judica, éd. Dübner, p. 125 ; P. Meyer, Alexandre le Grand, T. II, p. 46.) (4) Les arbres merveilleux qui savent parler rappellent les arbres du soleil et de la lune également doués de la parole et auxquels les deux vieillards conduisent Alexandre qui apprend d'eux la date de sa mort (Firdousi, Le livre des rois, trad. Mohl, T. V, p. 183-186.) Il est fait mention de ces arbres dans le poème de l'Image du monde, au chapitre de la description de l'Inde : Cela part sont li arbres fès Qui parlèrent à Alexandre (Le Roux de Lincy, Le livre des Légendes, p. 213). Il en est question aussi dans la relation du prétendu John Maundevile (The Voiage and Travailes, éd. Halliwell, ch. xxix, p. 298). Dans le conte de Bolouqyâ qui fait partie de celui de H'asib Kerim ed din et de la Reine des Serpents, lorsque Bolouqyâ et 'Afïân portent la reine des serpents dans une cage au milieu des montagnes, chacune des plantes leur indique des propriétés. Cf. Eth Tha'âlibi, Qisas el Anbyâ, p. 310 ; Mille et une Nuits, éd. de Beyrout, T. III, p. 816. (5) Peut-être est-ce un souvenir des simples et des animaux envoyés par Alexandre à Aristote. Dans quelques versions du roman, le philosophe accompa- gne le prince. Cf. Hertz, Arisloteles in den Alexanderdichtungen des Mittelalters, p. 126. (6) Cf. dans le Roman d Alexandre de Lambert li Tort et Alexandre de Pans, les trois fontaines « faies », dont l'une ramène à l'âge de trente ans tout vieillard qui s'y baigne, la seconde rend immortel, mais on ne peut la voir deux fois en un an, la troisième ressuscite les morts (P. Meyer, Alexandre le Grand, T. II, p. 175-183). (7) Dans la plupart des contes, ce n'est pas une feuille, mais un fruit qui produit la fécondité. Cf. les rapprochements indiqués par Cosquin, Contes populaires de Lorraine, T. I, p. 69. (8) La jeune fille ou la jeune femme endormie ou jetée en léthargie pari artifice d'une rivale, quelquefois sa mère, sa sœur ou sa belle-mère, se rencontre fréquemment dans un cycle de contes ; quelquefois, c'est à l'aide d'une épingle : Imbriani, La novellaja fiorentina, nov. XVIII, p. 232; Il re cha andava a caccia; Artin-pacha, Contes populaires de la vallée du Nil, p. 63-67 ; Le pot (l'hérolne est changée en oiseau); Ch. Perrault, Contes, La belle au bois dormant, éd. A. Lefèvre, p. 93-95 et l'introduction, p. LXII-LXIV; éd. Long, p. 7-19 et les notes p. LII-LV ; Deulin, Les contes de ma Mère l'Oye avant Perrault, p. 127-157 ; — par un coup de poignard : Pittré, Novelle popolari toscane, p. 57, La locandiera di Parigi ; — par des fruits ou des objets empoisonnés : Imbriani, La Novellaja fiorentina, Nov. XIX, p. 239, La bella ostessina ; Marc Monnier, Les contes populaires en Italie, p. 341 ; Gonzenbach, Sicilianische Mârchen, T. I, p. 15, Von der scMJIlen Anna ; Nerucci, Sessanta novelle popolari montalesi, p. 43, La bella ostessina ; Halm, Griechische und albanische Marchen, T. II, p. 134 ; Grimm, Kinder und Hausmârchen, p. 206, Schneewitchen ; — par des fleurs : A. D. Gubernatis, La Novelline di Santo Stefano, nov. XII, p. 32, La crudele matrigna ; —par un anneau magique ou des objets ensorcelés : c'est cette manœuvre d'un rival qui fait un épisode du roman d'aventures Amadis et Ydoine, vers 6430-6438 ; Gonzenbach, Sicilianische Mârchen, T. I, p. 4, Maria, die base Stillmutter und die sieben Râuber, p. 7, Von Maruzedda ; Schneller, Mârchen und Sagen aus Wâlschtirol, p. 55, Die drei Schwestern ; Dozon, Contes populaires albanais, p. 1, Fatime ; Legrand, Contes populaires grecs, p. 133, Rodia, celle-ci finit aussi par àªtre changée en pigeon à l'aide d'une épine par ses sœurs jalouses ; sur ce dernier genre de métamorphoses, cf. une note de Rabston ap. Maive Stokes, Indian fairy tales, p. 253 ; — par une griffe de Rakchasa : Miss Furr, Old Deccan days, p. 60, Little Susya; Husson, La chaîne traditionnelle, p. 103-112. (9) Bibliothèque Nationale d'Alger, 1915, f. 153-156 ; un autre texte existe dans le n° 1922. 28 IBLIS ET DHAH'H'ÂK Un jour Iblis apparut à Dhah'h'âk sous la figure d'un homme et lui dit : « Je suis un cuisinier habile dans l'art de préparer des mets dignes de figurer sur la table d'un roi et qui te conviennent. Veux-tu me prendre à ton service ?» — Dhah'h'âk lui ordonna d'en préparer un comme échantillon pour qu'il pût en goûter ; puis, ayant trouvé très bon un plat appétissant et délicat qu'Iblis lui avait préparé avec beaucoup de soin, il le préposa à sa cuisine. En ce temps, les hommes ne mangeaient guère de viande. Iblis, voulant habituer Dhah'h'âk à s'en nourrir exclusivement, pour qu'il devînt cruel, déterminé à verser le sang et soumis à ses conseils, ne cessa de l'amener successivement de la chair des volailles à celle des agneaux, puis à celle des brebis, puis à la chair des bœufs et de lui en faire des plats délicieux, dont Dhah'h'âk se régalait et se délectait avidement. C'est ainsi qu'il s'habituait à la nourriture animale ; il ne pouvait plus s'en passer et il devint glouton et insatiable. L'estomac est un maudit Satan. Dhah'h'âk félicita Iblis de son habileté en son art et, très satisfait de ses excellents services, il lui dit : « Demande ce que tu désires. » Iblis répondit : « Je vis mon argent. » L'homme se mit à rire et s'en alla en le laissant (1). (1) Ah'med el Qalyoubi, Naouddir, p. 39 ; Rescher, Die Geschichten und Anekdoten aus Qaljûbi's Nawadir, p. 77 El Balaoui cite cette anecdote comme un trait caractéristique de Djoh'a (Kitâb Alil Bâ, T. I, p. 536). Celui qui rencontre Djoh'a et l'interroge est appelé 'Isa ben Mousa el H'âchemi. Il en est de même dans El Meïdâni, Proverbes, T. I, p. 197. Toutefois, El Balâoui cite comme source El Içbahâni. Le même conte existe en Algérie, cf. Mornand, La vie arabe, p. 115, Si Djoh'a et le nuage. Il a passé chez les Kabyles du Jurjura, cf. Belkassem ben Sedira, Cours de langue kabyle, p. 78, Bou Signa. Dans la plupart des versions, c'est sur la mer qu'est placé un point de repère du même genre. Cf. L'homme qui a perdu une écuelle d'argent, tiré du Livre des comparaisons, part. I, dans les Contes et apologues indiens, trad. Stan. Julien, T. I, p. 231-235 ; Chavannes, Cinquante contes et apologues extraits du Tripitâka chinois, T. II, p. 169. Une version se trouve dans le Kathasaritsagara de Somadeva ; il s'agit d'un gobelet tombé dans la mer, que le niais espère retrouver en passant par là. Dans d'autres contes anglais et hollandais), la marque de repère est faite sur le bateau. Une anecdote de la Suisse allemande fait mention de cloches cachées dans un lac et qui doivent àªtre retrouvées grâce aux mêmes indices (Mélusine Bsestiana, T. II, col. 550; T. III, col. 65-67). 24 LE DÉBITEUR INSOLVABLE Il y avait à Baghdâd un individu accablé de dettes, mais il était insolvable. Le qâdhi défendit qu'on lui prêtât quoi que ce fût, déclarant que celui qui lui prêterait deviendrait responsable pour lui et ne pourrait lui réclamer sa dette. Puis il ordonna qu'on le fît monter sur un mulet et qu'on le promenât dans toutes les réunions pour que les gens le connussent et prissent garde de ne plus faire d'affaires avec lui. On lui fit faire le tour de la ville, puis on le ramena à la porte de sa maison. Quand il descendit, le maître de l'animal lui dit : « Paie-moi la location de mon mulet. — Et qu'avons-nous fait depuis le matin jusqu'à présent, sot que tu es ? » répliqua le débiteur (1). (1) Behâ eddin El Amoli, Kechkoul, p. 73. 25 LES CAQUETS DÉTOURNÉS La femme d'un prêtre qui était mort voulait se remarier, mais elle craignait les dires des gens. Elle prit une clochette et l'attacha au cou d'un coq, en sorte qu'elle savait quand il remuait. Aussitôt, les gens se mirent à parler du coq et de la clochette de la veuve du prêtre en disant : « Voyez, voyez la clochette de la femme du prêtre au cou du coq. » Au bout de trois jours, ils se turent. Alors elle se dit : « Les gens ont parlé pendant trois jours du coq et de la clochette ; tout a son temps » ; et elle se remaria (1). (1) Tallqvist, Arabische Sprichwôrter und Spiele, p. 92. 26 LA MISSION DIFFICILE A ACCOMPLIR Un individu prétendit àªtre prophète, au temps d'El Mahdi. On l arrêta et on lui demanda : « Vers qui as-tu été envoyé ? » Il répondit : « Vous ne m'avez laissé aller vers personne : le matin j'ai été envoyé ; le soir, j'ai été emprisonné. » El Mahdi se mit à rire, ordonna de le relâcher et lui fit un cadeau (1). (1) Nozhat el Odabâ, f. 22. 27 LE PRÉTENDU IDIOT Un jour Djoh'a entra dans un moulin et se mit à prendre du blé des gens et à le mettre dans son panier. On lui dit : « Pourquoi fais-tu cela ?» — Il répondit : « Parce que je suis un sot. » — On lui demanda : « Et pourquoi ne mets-tu pas de ton blé dans les paniers des gens ? — Alors je serais un double sot (1). » (1) El Balâoui, Kitâb Alil Bâ, T. I, p. 536 ; Naouâdir el Khûdjah Naer eddin, p. 2 ; Qiççah Djoh'a, p. 2 ; Allaoua ben Yah'ya, Recueil, p. 26. Il en existe une version kabyle (zouaoua) dans Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, trad. franc., p. 81. Cf. Wesselski, der Hodscha Nasreddin, T. II, n° 342, p. 181. 28 SINGULIER EFFET DU VENT Un jour, Djoh'a prit une sacoche et entra dans un jardin. Comme il n'y vit personne, il vola des carottes, des navets, des aubergines et d'autres légumes tant qu'il put en porter. Mais le propriétaire du jardin entra à son insu et lui dit : « Qui es-tu ? Qu'y a-t-il dans ce panier ? » Djoh'a eut peur et ne trouva rien à répondre. Il réfléchit un instant et dit : « Seigneur, tandis que je passais devant ton jardin, un vent violent a soufflé et m'a jeté en cet endroit. — Soit, dit le maître du jardin, c'est le vent qui t'y a jeté ; mais qui a arraché les navets, les carottes et les aubergines et les a rassemblés ? — C'est que le vent était violent ; il me poussait d'ici et de là et je me suis accroché à ce que je trouvais sous ma main. — Bien, je te l'accorde, mais dis-moi à présent qui en a rempli le panier ? — Par Dieu, mon frère, moi aussi je réfléchissais à cela quand tu es arrivé (1). » (1) Machuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 239 ; Naouâdir el Khodja Naçr eddin, p. 3 ; Qiff ah Djoh'a, p. 3. Une version kabyle où Djoh'a n'est pas nommé se trouve dans Hanoteau et Letourneux, La Kabylie et les coutumes kabyles, T. III, p. 233 ; Belkassem ben Sedira, Cours de langue kabyle, nu XVII, Le voleur et le mattre du potager, p. 12 ; il en existe une autre en dialecte du Mzab : Djoh'a et le maître du potager, R. Basset, La zenalia du Mzab, de Ouargla et de l'Oued Rir', p. 109. La version turke se trouve dans Decourdemanche, Le Sottisier de Nasr eddin Hodja, no XXXVIII, p. 30-31 ; Barker, A reading book of the turkish language, p. 34-35 du texte turk, The Khodja is taken aback and loses his presence of mind. Clouston, The book of Noodles cite une version indienne tirée du Kalhamanjari (p. 11-12). Cf. Wesselski, The Hodscha Nasreddin, T. I, no 7, p. 7-8, 207. 29 LES VISITEURS IMPORTUNS Tandis qu'El Akhfach était malade, des gens vinrent le voir et prolongèrent leur visite. Alors il prit son coussin, se leva et dit : « Dieu a guéri votre malade, allez-vous-en (1). « (1) Ed Damtri, H'alat el H'a'ioudn, T. II, p. 46. Cette réponse est aussi attribuée à Si Djoh'a. Cf. Naouddir el Khodja Naçr eddin, p. 4; Qi?'ah Djoh'a, p. 4. Une recension kabyle (zouaoua) se trouve dans Mouliéras, Les fourberies de Si Djoh'a, texte kabyle, n° VII, p. 5 ; trad. franç., p. 85. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 57, 202. 30 MOYEN DE SE FAIRE INVITER Un parasite passait près d'une troupe de gens qui déjeunaient. « Salut, leur dit-il, bande de coquins ! — Nous ne sommes pas des coquins, mais des gens honorables. » Alors il replia ses jambes, s'assit près d'eux et leur dit : « Que Dieu vous place parmi les gens sincères et moi parmi les menteurs (1) ! » (1) Ibn 'Abd Rabbih, Kitdb el 'Iqd el larld, T. III, p. 341. Dans une autre version arabe, le parasite, qui est Djoh'a, les appelle avares et non coquins (Naouâ- dir el Khodja Naçreddin, p. 12 ; Qissah Djoh'a, p. 11). Il en est de même dans la version kabyle, Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, texte zouaoua, p. 6 ; trad. française, p. 7, Si Djoh'a et les gens qui mangent. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 57, 202, no 397. 31 LES PLAISANTS ATTRAPÉS On raconte que Bahloul passa près d'une troupe de gens assis à l'ombre d'un arbre. Quand ils le virent, ils se dirent les uns aux autres : « Appelons-le, nous lui jouerons un tour. » Ils vinrent à lui et lui dirent : « Nous voulons que tu montes pour nous en haut de cet arbre ; nous te donnerons dix dirhems. — Soit, donnez l'argent. » Il le prit, le serra dans sa poche et dit : « Apportez une échelle. — Cela n'est pas dans nos conditions », lui dirent-ils. — « C'est dans les miennes à l'exclusion des vôtreseux que tu m'accordes la faveur de pouvoir baiser tes deux épaules. » Dhah'h'âk se prêta à son désir. Iblis s'étant approché de lui, baisa ses deux épaules et, se servant de son pouvoir de maléfice et de magie, il souffla sur elles. Il en sortit alors deux serpents noirs qui, toutes les fois qu'on les coupait, apparaissaient toujours comme ils étaient auparavant. Suivant une certaine tradition, Egypte, trad. Bouriant, T. I, p. 704-705 ; L'Abrégé des Merveilles, trad. Carra de Vaux, p. 261-262. II CONTES PLAISANTS 1 BEN CEKRIN ET LA MARCHANDE DE GRAISSE Un jour Ben Cekrân (1) alla au marché et trouva une femme qui vendait de la graisse ; il lui en marchanda une marmite qui n'était guère plus grande qu'un petit pot. Elle lui dit : « C'est tout. » Il dit à son compagnon : « Occupe-la » ; puis il tourna derrière elle pour lui coudre son vêtement dans le dos. Il passa ensuite devant elle, prit la marmite et la lécha. La femme se leva et se trouva nue, elle retomba assise et se tut. « Viens, que je te paie, » dit-il. Toute honteuse, elle ne se leva pas. Alors il dit aux gens : « Cette femme est folle. » Puis il emporta la marmite et s'en alla (2). (1) Dans le Nord-ouest de l'Algérie, Ben Cekrân joue un rôle analogue à celui de Villon et de ses compagnons dans les Repues franches. On prétend, et M. Delphin n'hésite pas à le croire, qu'il aurait vécu au XIIe siècle de l'hégire (XVII-XVIIIe siècles.) La chose n'est pas impossible, mais il faut remarquer que la plupart des tours qu'on lui attribue ont été rapportés avant lui à d'autres personnages. Sur la vie d'expédients menée par les tolba, cf. Delphin, Récit des aventures de deux étudiants arabes, Paris, 1887, in-80 ; Doutté, La Khotba burlesque de la fête des Tolba au Maroc (Recueil de mémoires et de textes publiés par les professeurs de l'École des Lettres, p. 197-219) ; W. Marçais, Textes arabes de Tanger, p. 90-109, 184-198. (2) Delphin, Textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 41. D'après une tradition, ce serait une mauvaise plaisanterie de ce genre qui aurait amené en Arabie l'une des guerres dites guerres de Fidjâr, vers 580 de J.-C. Cf. Ibn 'Abd Rabbih, El 'Iqd el Farid, T. III, p. 109 ; Perron, Femmes arabes avant et après l'Islamisme, p. 78-79 ; Ibn Qotaïbah, ap. Rasmussen, Historia prseci- puorum Arabum regnorum, p. 75 ; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes, T. I, p. 298-299. 2 LE SERMENT INTERPRÉTÉ Aryat, ayant gouverné le Yémen pendant vingt ans après la conquête de ce pays par les Ethiopiens, fut, au bout de ce temps, assailli et tué par Abrahah el Achram, père de Yaksoum, qui s'empara du pouvoir. A cette nouvelle, le Nedjâchi (le Negouch) fut transporté de colère et jura par le Christ qu'il raserait le front de l'usurpateur, qu'il répandrait son sang et foulerait sa terre sous ses pieds. Dès qu'Abrahah eut connaissance de cette menace, ilNse rasa lui-même les cheveux de devant et les mit dans une boîte d'ivoire ; il versa de son propre sang dans un vase et remplit un sac de terre du Yémen. Il joignit à ces trois objets plusieurs riches présents et envoya le tout au Nedjâchi, roi d'Abyssinie, avec une lettre où il faisait sa soumission et jurait, par la religion du chrétien, qu'il reconnaissait son autorité. « Je sais, lui écrivait-il, que le roi a fait serment par le Messie de me raser la tête, de répandre mon sang et. de fouler aux pieds ma terre natale. En conséquence, je lui envoie mes cheveux pour qu'il les coupe de sa main, ce vase plein de mon sang afin qu'il le répande, et le sac rempli de terre de mon pays pour qu'il la foule sous ses pieds, espérant calmer ainsi la colère du roi et le dégager du serment qu'il a pronencé du haut de son trône. » Au reçu de ce message, le Nedjâchi ne put s'empêcher d'applaudir à l'expédient du roi yéménite ; il loua fort les ressources de son esprit et lui pardonna (1). (1) Mas'oudi, Prairies d'or, T. III, ch. XLIII, p. 157-158 ; Ibn Hichâm, Sirat er rasoul, T. I, p. 15-16 ; Tabari, Annales, lre série, T. II, p. 933;Nœldeke, Geschi- chte der Perser, p. 199 ; En Nouaïri ap. Schultens, Historia Imperii vetustis- simi Joctanidarum, p. 84 ; Ibn Wadhih' el Ya'qoubi, Historia, T. I, p. 226 ; Ibn el Athîr, Kâmil, T. I,p. 192 ; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, T. I, p. 140-142. 3 LE MOINE ET LE GLOUTON • Un homme s'arrêta un jour dans l'ermitage d'un moine : celui-ci lui présenta quatre pains et alla lui chercher des lentilles. Quand il les apporta, il trouva que son hôte avait déjà mangé les pains. Il retourna lui en chercher d'autres ; quand il revint, les lentilles étaient finies. Il recommença dix fois la même chose. Alors il lui demanda : « Où vas-tu ? — A El Ardam. — Et pourquoi ? — On m'a dit qu'il y avait là un habile médecin ; je vais lui demander de guérir mon estomac, car j'ai peu d'appétit.» Le moine reprit : « J'ai quelque chose à te demander. — Quoi ? — Quand tu partiras après que ton estomac sera guéri, ne passe pas chez moi (1). » (1) El Ibchîhi, Mostatrel, T. I, p. 215 ; reproduit par Ben S.edira, Cours de littérature arabe, p. 8-9. Cf. aussi Raux, Recueil de morceaux choisis arabes, p. 164 ; Rat, Al Mostalraf, T. I, p. 561 ; Montakhabât el 'Arabya p. 54 ; Daumas, La vie arabe et la société musulmane, p. 319 ; Ech Chirouâni, Nalh'ât el Yemen, p. 30. Il en existe une version turke dans le 'Adjâïb el Me'âser d'Ah'med ibn Hemdem, traduite par Cardonne : Mélanges de littérature orientale, T. I, p. 117 : Le glouton. Ce personnage est appelé Museiré, altération de Maisarah. 4 LEÇON FAITE A UN PARASITE Quelqu'un invita des amis, qui vinrent accompagnés d'un parasite. L'hôte le reconnut et, voulant lui faire savoir qu'il l'avait reconnu, dit : « Je ne sais qui je dois remercier : ou vous d'être venus quand je vous ai invités, ou celui-ci qui a pris cette peine sans que je l'aie invité (1).» (1) Ibn el Djaouzi, Kitâb el Azkid, p. 112. 5 AMOUR-PROPRE D'AVARE 'Omar ben Maïmoun raconte ce qui suit : « Je passais dans une des rues de Koufah quand je vis un homme se disputer avec son voisin. « Qu'avez-vous ? » leur demandai-je. — L'un d'eux me dit : « Un ami est venu me voir et désirait manger une tête de mouton. J'en ai acheté une et nous en avons déjeuné : j'ai pris les os et je les ai mis devant la porte de ma maison pour m'en faire honneur. Celui-ci est venu les prendre et les a placés devant sa porte pour faire croire aux gens que c'était lui qui avait acheté la tête (1). » (1) Second supplément au Thamarât el Aourdq d'Ibn H'adjdjah el H'a- maoui, p. 214 ; Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 209; Rat, Kitâb al Mostatral, T. I, p. 544. Cette anecdote se trouve encore dans Ibn 'Abd Rabbih, 'lqd farid, T. III, p. 325, mais sans nommer 'Omar ; de même dans la Noz- halel Odabd, f. 94. Cf. aussi Ah'med ech Chirouâni, H' adiqal el Alrâh', p. 39 et Ibn el Djaouzi, Kitâb el Azkiâ, p. 141, d'après 'Ali ben El Moh'sin ben 'Ali el Qâdhi qui citait son père comme autorité. 6 LE PARASITE ET LE VOYAGEUR Un jour, un parasite accompagnait un individu en voyage. Quand ils furent arrivés à une station, le voyageur lui dit : « Prends un dirhem et va nous acheter de la viande. — Lève-toi, dit le parasite ; pour moi, je suis fatigué ; achète-la. » L'homme s'en alla l'acheter ; puis il lui dit : « Debout, fais-la cuire. — Je ne le ferais pas bien. » — Son compagnon la fit cuire ; il continua : « Allons, casse le pain. — Je suis trop paresseux. » — Le voyageur cassa le pain et dit au parasite : « Va puiser de l'eau. — Je crains d'en renverser sur mes vêtements. » L'homme puisa de l'eau et trempa la soupe, p (1). » (1) NQzhat el Odabd, f. 24. 32 LES TROIS SOTS 'Aziz eddin ben el Kemili rapporte, d'après le cheikh sincère Bedr eddin Abou 'Ali el 'Irâqi, le prédicateur, qu'il lui raconta ceci en 882 (1477-1478), dans l'illustre médersah. Trois maîtres d'école étaient assis sur le pont de Baghdâd, lorsque passa une barque où était un marchand qui les salua. Chacun prétendit que le salut s'adressait à lui. Ils en vinrent à se disputer, puis résolurent d'un commun accord de partir derrière le marchand pour lui demander qui il avait salué. Ils louèrent une barque et le cherchèrent jusqu'à la nuit. Lorsque le vent tomba, il entra dans une des à®les pour y passer la nuit. Ils le rejoignirent et lui demandèrent qui il avait salué. Ce marchand était un homme d'un esprit agréable et de manières généreuses. « Vous passerez la nuit chez moi, leur dit-il, et demain je vous en informerai. » Puis il fit venir de la nourriture, et ils mangèrent. Quand ils eurent fini, ils se mirent à causer. Le marchand leur dit : « Que chacun raconte la chose la plus étonnante qui lui soit arrivée. » Le premier commença : « Je suis maître d'école ; j'apprends la littérature aux enfants. Un jour, je les congédiai. L'un d'eux s'en alla à la porte de l'école, la boucha et la couvrit d'un enduit qui la rendait semblable au mur. Le samedi, je ne trouvai plus l'école ; les enfants étaient debout. Je les interrogeai là-dessus ; le plus âgé me dit : Maître, elle est irritée contre toi parce que tu nous frappes ; elle est partie à ses affaires. — Je sortis pour la chercher ; je vis un homme et lui demandai : As-tu vu une école ? — Elle est devant toi, me dit-il. Je partis et j'en interrogeai un autre, qui me répondit comme le premier, jusqu'à ce que je fusse sorti de la ville. Tous ceux que j'interrogeais me disaient : Elle est devant toi. La nuit venue, j'arrivai à un village et je demandai à un vieillard qui me dit : Viens avec moi. — J'entrai dans sa maison et je l'entendis dire à sa femme : Trais-moi, car il y a peu de lait. Il sortit un vase où il y avait du lait ; j'en bus et je fus pris de regret, car ma vie s'était passée sans que j'en eusse bu de semblable. — Le lendemain, je le questionnai sur l'école ; il me répondit : Elle a dit qu'elle a honte de toi, mais que, lorsque tu reviendras, tu la trouveras à sa place. — Je retournai à la ville, j'achetai un vase pour y traire du lait ; j'allai à l'école, je la découvris et je dis à ma femme : Trais-moi. Elle essaya sans réussir et je songeai à revenir vers cet homme pour qu'il me l'enseignât. » Le second reprit : « Moi aussi, je suis maître d'école. J'avais appris aux enfants, lorsque l'un d'eux éternuait, à étendre les mains et à dire ensemble : Que Dieu te fasse miséricorde. Un jour, l'un d'entre eux vint me trouver et me dit : Maître, il y a dans le puits de l'école des enfants qui lisent comme nous. J'allai à ce puits, j'y regardai et je vis des enfants avec leur maître. Furieux de ce qu'il s'était introduit dans mon école, je l'injuriai ; il m'injuria ; je lui fis signe que je le frapperais, il voulut en faire autant ; tout ce que je faisais, il le reproduisait. Alors je me suspendis à la corde du puits et je descendis en disant aux enfants : Tenez l'extrémité et faites- moi descendre doucement. Tandis que j'étais ainsi, j'éternuai et je louai Dieu. Ils lâchèrent la corde, étendirent leurs mains et dirent ensemble : Que Dieu te fasse miséricorde ! Je tombai au fond du puits, je n'y trouvai ni maître ni enfants et je ne sus où ils étaient allés (1). » « Moi aussi, dit le troisième, je suis maître d'école et j'ai une femme libre dans ses propos et que je crains. Elle a des poules dont elle recueille les œufs, qu'elle garde par devers elle et elle ne laisse personne en prendre. Un jour qu'elle sortit pour quelque affaire, je pris deux œufs pour les manger. Elle entra tandis que j'étais près de la porte ; j'eus peur d'elle et je mis un œuf dans chaque joue. Elle vit qu'elles étaient gonflées et me dit : « Qu'est-ce que tu as ? » — Je m'agitai et je tombai par terre. Ma femme demanda à un médecin d'examiner mon état. Il déclara qu'une incision était nécessaire. cc Fais-la», dit ma femme. Il prit un rasoir, me fendit les joues et fit sortir les deux œufs (2). — « Tu ne disais rien ? demanda le marchand, tu ne parlais pas ? — Assurément. — Alors le salut est pour toi (3). » (1) Ce trait se trouve dans l'Histoire de 'Ali ez Zeïbeq, p. 32-33 ; Gauthier, Les Mille et une Nuits, T. VI, Histoire du maître d'école éreinté, p. 217-219. Il a passé en berbère : Biarnay, Étude sur le dialecte des Bottioua du Vieil Arzeu, no VII, p. 131-133, Celui qui a une longue barbe n'a pas de raison ; Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. IV, p. 137-138. (2) Ce trait existe aussi dans l'Histoire de 'Ali Ez Zeïbeq, p. 32 ; Gauthier, Mille et une Nuits, T. VI, Histoire du deuxième estropié, p. 220-222. La plus ancienne version est donnée par le Po-yu-King, traduit en chinois, en 492 de notre à¨re, du Sanghaséna par Kirou na p'iti. Cf. Chavannes, Cinq cents contes et apologues extraits du Tripictlka chinois, T. II, n° 308, p. 213, Celui dont on lendit la joue parce qu'il avait fourré du riz dans sa bouche. (3) Abou Midian el Fâsi, Madjmou' ezh Zharf, f. 124-125. 33 LE LANGAGE FIGURÉ Un individu des Benou '1 'Anbar était prisonnier chez les Bekr ben Ouâil. Il leur demanda un messager pour l'envoyer à sa tribu. Ils lui dirent : « Tu ne l'enverras qu'en notre présence », car ils avaient projeté une expédition contre les Benou '1 'Anbar et ils craignaient qu'il ne les en prévînt. On lui amena un esclave noir. « Es-tu intelligent ? » lui demanda-t-il. — « Oui, je le suis. — Je ne pense pas que tu le sois », dit le prisonnier. Puis il ajouta : « Qu'est-ce que ceci ? » en lui montrant la nuit avec la main. — « C'est la nuit. — Je vois que tu es intelligent. » — Puis il remplit ses deux mains avec du sable et lui demanda : « Combien y en a-t-il ? — « Je n'en sais rien ; il y en a beaucoup. — Qu'est-ce qui est le plus nombreux, les étoiles ou les feux ?—Tous deux sont nombreux. » Le prisonnier reprit : « Fais parvenir mes salutations à ma tribu ; dis-lui de bien traiter un tel — c'est-à-dire un des Bekr ben Ouâil qui était prisonnier entre leurs mains — car sa tribu a des égards pour moi ; dis-lui que le 'ar/adj (arbuste épineux) a produit des bourgeons et que les femmes se sont plaintes ; je leur recommande de laisser ma chamelle rouge, car ils l'ont montée longtemps, mais de monter mon chameau roux en reconnaissance de ce que j'ai mangé avec vous du h'aïs (dattes pétries avec du beurre, du lait caillé et un peu de farine) ; demandez des renseignements sur moi à mon frère El H'arith. » Quand l'esclave apporta le message aux Benou '1 'Anbar, ils dirent : « Le borgne est devenu fou ! Par Dieu, nous ne lui connaissons ni chamelle rouge ni chameau roux. » Puis ils renvoyèrent l'esclave, interrogèrent El H'arith et lui racontèrent la chose. Il leur dit : « Il vous avertit par ces mots : le 'arfadj a produit des bourgeons, il veut dire que les guerriers se sont armés ; les femmes se sont plaintes, c'est-à-dire elles ont poussé des gémissements à cause du départ. Par chamelle rouge, il recommande de quitter la plaine et de monter sur des hauteurs pierreuses qu'il désigne par le chameau roux. En reconnaissance de ce que j'ai mangé avec vous du h'aïs signifie que des bandes de toute espèce de gens feront une incursion contre vous, car dans le h'aïs, on mélange des dattes, du beurre et du lait caillé. » Ils firent ce qu'il avait dit et reconnurent le sens de ses paroles (1). (1) Abou 'Ali el Qâli, Kitâb el Amoli, T. I, p. 8. Le même récit se trouve aussi avec quelques variantes dans Ah'med el Ibuis il dit : « Lève-toi à présent et mange. — Oui, dit l'autre ; pourquoi te contredire plus longtemps ; par Dieu, je suis honteux de t'avoir souvent contredit. » Puis il alla manger (1). (1) Ech Charichi, Commentaire des Séances de H'ariri, T. I, p. 245, reproduit par Cheïkho, Madjâni 'l adab, T. I, p. 105 et par Mouliéras, Nouvelle Chres- tomathie arabe, p. 52 ; Nozhat el Odabâ, f. 95. 7 L'APPORT DU PARASITE Des gens de Baçrah voulurent se réunir. L'un dit : « Je me charge de la nourriture. » - Un autre : « Je me charge de la boisson. » Ils demandèrent à un parasite qui était avec eux : « Et toi, Abou Ish'âq, de quoi te charges-tu ? — Que Dieu me maudisse si je ne mange et si je ne bois avec vous. » Ils se mirent à rire et l'emmenèrent (1). (1) Abou Ish'âq el H'osri, D/am' el Djaouâhir, ap. Durand et Cheikho, Elementa grammaticse arabicse, p. 330. 8 LE SULTAN ET LE TILEB Un tâleb voyageait pendant la chaleur et arriva à une tente où un sultân faisait la sieste. Quand celui-ci le vit, il lui dit : « Quel est ton métier ? — Je suis tâleb. — Il n'y a à voyager par la chaleur de midi qu'un tâleb ou un chien. — Et il n'y a pour se reposer à l'ombre qu'un sultân ou un satan. » Cette réplique fit rire le prince et le tâleb partit à ses affaires après avoir reçu une récompense de son maître (1). (1) Marion, Nouvelle méthode de langue arabe, p. 193. 9 CE QUI EST DÉSAGRÉABLE A L'UN L'EST A L'AUTRE Un homme avait la barbe très grise. Un jour, en marchant, il vit une femme douée de grâce et de beauté et lui dit : « Une telle, es-tu libre ? En ce cas je t'épouserai et je te donnerai ce que tu voudras ; mais si tu es mariée, Dieu bénisse ton mari ! — Je ne suis pas mariée, répondit-elle, mais j'ai beaucoup de cheveux blancs sur la tête et je crois que tu ne les aimes pas. — Oui », répondit-il, et il la laissa. — « A ton aise, reprit-elle ; je n'ai pas encore atteint ma vingtième année, et je n'ai pas un cheveu blanc sur la tête, mais je t'ai appris que je n'aime pas chez toi ce que tu n'aimes pas chez moi (1). » r (1) Moh'ammed ben Ah'med el Anbâri, Kitâb Mokhtâr min naouâdir el Akhbdr, ap. Freytag, Chrestomathia arabica, p. 65. Une variante est donnée par Ah'med el Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. Il, p. 39. 10 L'AVARE ET LE MIEL On raconte qu'un hôte demanda à un avare la permission d'entrer chez lui ; ce dernier avait devant lui un pain et une coupe pleine de miel. Il enleva le pain et voulut faire disparaître le miel, mais il pensa que son hôte n'en mangerait pas sans pain. « Est-ce que tu manges du miel sans pain, demanda-t-il. — Assurément. » Et il se mit à l'avaler à grandes lampées.—« Par Dieu, mon frère, dit l'avare, cela brûle le cœur. — Tu as raison, mais c'est le tien (1). » (1) El Ibchîhi, Kitâb el Mostatref, t. I, p. 219 ; Rat, Kitâb al Mostatraf, T. I p. 569-570 ; Ech Chirouâni, Ne/h'at el Yemen, p. 6 ; Rescher, Die Geschichten und Anekdolen, p. 206; Montakhabât el 'Arabya, p. 53; Rosenmiïller, Institutio- nes ad fundamenta linguæ arabicæ, p. 392. Une autre version un peu plus détaillée est donnée par Bresnier, Anthologie arabe élémentaire, p. 73-74 ; Machuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 230-231. Ce trait d'avarice est attribué à Si Djoh'a dans les versions arabes. 11 LES TROIS FILOUS Trois parasites arrivèrent un jour dans la ville de Mossoul, et, sur leur chemin, passèrent devant la boutique d'un gargotier. Ils y entrèrent et le premier dit au cuisinier : « Donne-moi à manger pour un dirhem. » Le second et le troisième dirent de même. Il les servit, et quand ils eurent mangé, le premier voulut partir. Le cuisinier lui dit : « Donne-moi le dirhem. — Cesse, dit le parasite, tu veux me faire payer deux fois ! » — L'autre se mit à crier : «Malheur à moi 1 tu veux me voler. » — Le second reprit : « Louange à Dieu, il t'a donné le dirhem après que je t'ai donné le mien. — Toi aussi, tu es comme lui.» — Puis le gargotier se tourna vers le troisième et le trouva en larmes. « Pourquoi pleures-tu ? » lui demanda-t-il. — « Comment ne pleurerais-je pas ? Tu traites injustement ces gens de bien qui t'ont payé avant moi. » Le gargotier se frappa la tête, mais les gens du marché le blâmèrent et les parasites sortirent en riant à sa barbe, tandis qu'il pleurait sans avoir rien reçu d'eux (1). (1) Ah'med ech Chirouâni, H'adiqat el Afrâh', p. 39 ; Nozhat el Odabâ, f° 97 : la ville n'est pas nommée. Il existe une version populaire dans laquelle il n'y a plus qu'un seul filou, qui s'empare d'un medjidyeh pendant que le gargotier va chercher la monnaie et qui soutient en outre qu'on lui en a volé un. La scène se passe à Damas. Cf. Tallqvist, Arabische SprichwÕrler und Spiele, p. 36-37. 12 LE VŒU NAIF El A§ma'i raconte, d'après Ech Chaibi, qu'il y avait chez les Israélites un dévot ignorant qui avait embrassé la vie religieuse dans un ermitage ; il possédait un âne qui paissait dans les environs. Un jour, il le vit au pâturage du haut de son ermitage ; il leva les mains au ciel et dit : « Seigneur, si tu possèdes un âne, je le ferai paître avec le mien. » Ce qu'il avait souhaité fut appris par un prophôte qui existait parmi les Israélites et l'irrita, mais Dieu lui envoya cette révélation : « Laisse-le, car je récompense chacun suivant son intelligence (1). » (1) Ibn 'Abd Rabbih, El 'Iqd el farid, T. III, p. 315. Le même récit est donné avec quelques variantes par El Ibchîhi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 20, d'après Djâbir ben 'Abd Allah, et reproduit par Ben Sedira, Cours de littérature arabe, 37 ; Rat, Al Mostatraf, T. I, p. 2. Il est aussi rapporté par Ed Damîri, H'aïat el H'aïaouân, T. II, p. 284, d'après le Kâmil d'Ibn 'Adi, dans la biographie d'Ah'med ben Bachir et dans le Cha'b el Imân d'El Baihaqi, d'après El A'mach, d'après Salamah ben Kohaïl, d'après Djabir ben 'Abd Allah. Ce trait se trouve dans la légende juive, Sefer ha Hasidim, cf. Goldziher, Mélanges judéo-arabes, XV, La prière naïve du berger (Revue des Etudes juives, T. XLV, p. 11-12) ; il fait justement remarquer que dans le récit primitif il doit y avoir un berger, non un ermite. 13 LE BURNOUS ACCUSATEUR Le tâleb Moh'ammed ben 'Abd Allah m'a raconté ce qui suit : Il y avait un homme de la ville de Djidjelli, nommé Bou Guera'oun, qui était allé à Constantine pour acheter des bœufs. Quand il arriva au H'amma, qui est un village près de Constantine, il était tard et il passa la nuit dans un douar. On lui prépara une dhifa et on lui témoigna des égards. Les gens qui lui apportèrent à souper virent qu'il avait une bourse remplie d'argent et voulurent la lui voler. Quand il fut endormi, ils vinrent à lui, lui lièrent les mains, lui mirent un bâillon dans la bouche pour qu'il ne criât pas ; puis ils lui prirent l'argent, lui délièrent les mains, mais ils lui laissèrent le bâillon dans la bouche jusqu'à ce que le jour se levât. Cet homme était rusé ; quand il eut les mains libres, il coupa un morceau de son burnous, creusa, avec un couteau qu'il avait, un trou en terre, y enterra le morceau d'étoffe et s'enfuit du douar. Arrivé à Constantine, il alla se plaindre au makhzen. Le moment de l'audience étant arrivé, il exposa sa plainte au chef qui lui dit : « As-tu des témoins ? — Seigneur, je n'en ai pas, mais fais chercher ces gens. » — Le chef les manda ; des cavaliers les amenèrent. Quand ils furent devant lui, il leur demanda : « Connaissez-vous cet homme ? — Nous ne connaissons ni son extérieur ni sa figure ; nous ne l'avons jamais vu ; il n'a pas passé la nuit chez nous.» — Alors Bou Guera'oun dit au chef : « Envoie avec nous deux cchîhi, Kitâb el Mostatref, T. I, p. 53, reproduit par Belkassem ben Sedira, Cours de littérature arabe, n) 113, p. 119-120; Rat, Al Mostatraf, T. I, p. 132-134. La source la plus ancienne est Ibn Doraid, Kitâb el Malâh'in, p. 2-3. Comme el-Qalt, il mentionne l'homme des Benou 'l'Anbar, mais il cite aussi des vers qu'aurait prononcés un des Benou Tamim, également prisonnier, et où il donne aussi des conseils déguisés. Le même récit est rapporté d'après El Asma'i, mais d'une façon plus abrégée, par El Djahizh, Kitâb el H'ai'aouân, T. III, p. 37-38 ; ce sont les Benou Chaïbân qui ont fait prisonnier un homme des Benou '1 'Anbar. 34 LE DÉBITEUR INGÉNIEUX Un homme amena un jour son débiteur devant le qâdhi et dit : « Il me doit mille dirhems. — C'est vrai, dit le débiteur, mais demande-lui d'attendre quelques jours ; j'ai un immeuble, mais pas d'argent : quand j'aurai vendu l'immeuble et quand l'argent sera rentré, je le rembourserai. » Le créancier répliqua : « Il ment ; il n'a que peu de chose ; il ne cherche qu'une échappatoire. — Je te prends à témoin, qâdhi, reprit le débiteur ; lui-même avoue ma détresse. — Tu as raison », répondit le qâdhi, et il le renvoya (1). (1) Le pseudo-Eth Tha'âlibi, Der vertraute Gelélhrte, p. 16. 35 ADRESSE D'UN DÉBITEUR Des gens conduisirent leur débiteur devant le gouverneur en réclamant mille dirhems. Le gouverneur demanda : « Qu'as-tu à me dire ? Ils ont raison dans leurs réclamations, mais je leur demande un délai pour vendre ma terre, mes chameaux et mes moutons. 0 gouverneur, il ment, dirent les créanciers ; il n'a pas de richesse, ni peu ni prou. » Le débiteur reprit : « Tu as entendu leur témoignage sur mon insolvabilité ; à quoi bon leurs réclamations ? » Le gouverneur ordonna de le relâcher (1). (1) Behâ eddin El moli, Kechkoul, p. 73. 36 LE LANGAGE DES SIGNES * On raconte qu'un prince apprit qu'un roi de Grèce, son voisin, voulait pénétrer dans son pays et en conquérir une partie. Il se décida à lui envoyer un ambassadeur pour lui demander la paix et consulta ses ministres sur celui qu'il lui enverrait. Chacun lui indiqua un des plus grands de ses serviteurs, un des plus illustres parmi ses cavaliers. L'un d'eux gardait le silence. Le roi lui demanda : «Pourquoi te tais-tu ? — Je ne suis pas d'avis que tu envoies un de ceux qu'on t'a mentionnés. — Qui donc es-tu d'avis d'envover?» — Un tel », et il lui indiqua un individu sans considération et que l'on ne connaissait ni pour son mérite, ni pour son éloquence. — « Te moques-tu de moi ? lui dit le roi, de m'indiquer un pareil homme ? » et il manifesta de la colère. — « Dieu m'en garde ! mais veux-tu envoyer quelqu'un dont tu attendes le retour après qu'il aura accompli sa mission ? — C'est mon intention. —C'est aussi ce que je pense et, tout bien examiné, je n'ai trouvé que cet homme ; tu l'enverras pour telle chose, et il se montrera ; pour telle autre, et il fera ton affaire ; il n'y a pas besoin pour cela de charme, ni d 'éloquence, ni de mérite, ni de bravoure. — Tu as raison », dit le roi, et il ordonna qu'on l'envoyât de sa part. L'homme partit après que le prince lui eut fait donner ce qui était nécessaire pour son voyage. Le roi des Grecs apprit qu'un ambassadeur venait le trouver. Il dit à ses serviteurs : « Cet ambassadeur que l'on m'envoie est un des plus grands parmi les musulmans. Quand il arrivera, faites-le entrer avant qu'il ne soit installé et il remplira sa mission, sinon je ne le recevrai pas et on le renverra sans qu'il ait rien fait. Quand l'envoyé arriva, on le fit entrer chez le roi. Après qu'il l'eut salué, le prince lui montra le ciel avec un seul doigt. L'homme désigna d'un seul doigt le ciel et la terre. Le chrétien fit un signe avec un seul doigt devant lui; l'ambassadeur désigna avec deux doigts le visage du roi. Celui-ci tira une olive de dessous son tapis et la montra à l'envoyé, qui prit un œuf de dessous ses vêtements et le fit voir au prince. Le chrétien fit le signe de la croix, ordonna d'installer l'ambassadeur et de lui témoigner des égards. Puis il l'interrogea sur le motif de son arrivée, régla ses affaires et le congédia. On demanda au roi : « Que lui as-tu dit pour qu'il t'ait compris et qu'il ait accompli sa mission ? » — Il répondit : « Je n'ai jamais vu un homme plus intelligent et plus perspicace que lui. J'ai fait signe avec mon doigt vers le ciel, voulant dire : Dieu est dans les cieux. Avec son doigt, il a montré le ciel et la terre pour dire que Dieu s'y trouve également. Ensuite, j'ai fait signe avec un doigt en face de lui pour signifier : Ne penses-tu pas que tous les : hommes ont une origine unique qui est Adam ? Il m'a fait un geste avec deux doigts pour me dire : Leur origine est Adam et àˆve (H'asnâ). Puis j'ai tiré une olive pour lui dire : Combien ceci est étonnant 1 Il m'a présenté un œuf indiquant par là : ceci est plus extraordinaire, puisqu'il en sort un àªtre vivant. C'est pourquoi il a terminé son affaire parce qu'il avait compris. » — Plus tard, on demanda à l'ambassadeur : « Qu'est-ce que le chrétien t'a dit quand il t'a fait signe et quand tu l'as compris ? — Par Dieu, répondit-il, je n'ai jamais vu personne de plus lourd d'esprit ni de plus grossier que lui. Au moment de mon arrivée, il m'a dit : Mon doigt te prendra et t'enlèvera ainsi. Je lui ai répondu : Je t'enlèverai avec mon doigt et je te ferai descendre ainsi à terre. Il a repris : Je t'arracherai l'œil avec mon doigt que voici. Je lui ai répliqué : Et moi je t'arracherai les yeux avec mes deux doigts. Il m'a dit ensuite : Je n'ai rien à te donner que cette olive qui reste de mon repas. Je lui ai répondu : Misérable, je vaux mieux que toi ; il me reste cet œuf de mon déjeuner et je te le remets. Alors il a eu peur de moi et a réglé mon affaire (1). » (1) Ibn 'Asim, H'adaïq el Azhâr, f. 47 v°. Un conte analogue se trouve dans le Baïtal Pachisi, version hindoustanie du Vetalapantchavinsati (Baïtal-Pachisi, trad. Œsterley, p. 30-31), et un abrégé dans la version tamoule (cf. Babington, The Vedala Cadai, p. 24); cf. aussi des épisodes semblables dans deux contes tamouls : E. J. Robinson, Tales and poems of South India, p. 155, The revered Mother et dans le cycle de Tennali Rama, ch. xi, n° 351-352, Baffling an Ath- lete ; Natesa Sastri, Tales of Tennalirama, ch. xi, A great doctor of sciences overthrown, p. 26-28. Mais le conte arabe paraît provenir plutôt d'une source occidentale. Celles que nous possédons sont toutefois postérieures à Ibn 'Asim, sauf une, appartenant à la génération précédente : Juan Ruiz, l'archiprêtre de Hita, Poesias, strophe 34 et suiv., ap. Sanchez, Poesias caslellanas anteriores al siglo XV, p. 431. Il s'agit des Romains qui envoient des ambassadeurs aux Grecs pour leur demander des lois ; la première et la troisième questions de l'Arabe s'y trouvent. Cf. aussi de Puymaigre, Les vieux auteurs castillans, T. II, p. 70-71. Au xvie siècle, ce sujet fut traité par Rabelais, Pantagruel, L. II, . ch. xix, Comment Panurge fit quinault l'Anglois qui arguait par signes, T. I, p. 418-422, et par Beroalde de Verville, dans le Moyen de parvenir, éd. Jacob, ch. C, Attestation, p. 361-362. La version de Juan Ruiz se trouve, d'après les éditeurs de Rabelais, dans Amien, Glose sur la loi romaine, De Origine juris. Cf. aussi Berriat Saint-Prix, Histoire du droit romain, p. 291. On peut en rapprocher aussi l'interprétation que deux « philosophes » Praxitelès et Fidia, donnent d'un groupe de statues de marbre : Parthey, Mirabilia Romœ, p. 34-36. Cf. aussi Ampère, La Grèce, Rome et Dante. On raconte également que «Darius (Dcirâ) envoya à Alexandre (El Iskender) une raquette, une balle et une charge de sésame, pour indiquer qu'il le considérait comme un enfant, incapable de gouverner un royaume ; qu'il était favaliers pour voir la marque que j'ai faite dans leur douar. » Quand ils furent arrivés à l'endroit en question, il leur montra le trou ; ils y trouvèrent le morceau d'étoffe qu'ils rapprochèrent du burnous auquel il s'adaptait. Ils reconnurent qu'il avait raison, ramenèrent les coupables au juge qui les condamna à rendre l'argent de Bou Guera'oun, les fit jeter en prison et leur imposa une amende (1). (1) Cherbonneau, Exercices pour la lecture des manuscrits arabes, p. 57 ; Pihan, Eliments de la langue algérienne, p. 167-168. 14 LES CHAUSSURES D'ABOU 'L QASIM ET TANBOURI On raconte qu'il y avait à Baghdâd un homme appelé Abou '1 Qâsim et Tanbouri, possesseur de sandales qu'il portait depuis sept ans. Toutes les fois qu'une partie s'en déchirait, il mettait une pièce à la place, si bien qu'elles devinrent excessivement lourdes ; les gens les citaient en proverbe. Il arriva qu'un jour il entra au marché aux verres ; un courtier lui dit : « Abou '1 Qâsim, il nous est arrivé aujourd'hui un marchand de H'abb; il a avec lui une charge de verres dorés qui lui est restée pour compte ; achète-la lui ; je la revendrai pour toi dans quelque temps et tu y gagneras le double du prix. » Il alla l'acheter pour soixante dinârs. Puis il entra au marché des parfumeurs et un autre courtier lui dit : « Abou '1 Qâsim, il nous est arrivé aujourd'hui de Nisibe un marchand avec de l'eau de rose très parfumée; son intention est de se remettre en route ; dans sa hâte de partir, il est possible que tu la lui achôtes bon marché ; je la revendrai pour toi sous peu et tu y gagneras le double du prix. » Abou '1 Qâsim alla l'acheter également pour soixante dinârs et la mit dans les verres dorés. Il les fit charger, les emporta et les déposa sur une planche dans sa maison ; puis il entra au bain pour se laver. Un de ses amis lui dit : « Abou '1 Qâsim, je voudrais que tu changes ces sandales que voici : elles sont tout ce qu'il y a de plus laid, et tu es riche, grâce à Dieu. — Tu as raison, dit Abou '1 Qâsim; c'est entendu et fait. » Ensuite il sortit du bain, revêtit ses habits et vit auprès de ses sandales des chaussures neuves. Il crut que c'était son ami qui, par générosité, les avait achetées pour lui ; il les chaussa et s'en alla chez lui. Mais ces chaussures neuves appartenaient au qâdhi qui était venu au bain ce jour-là et les avait déposées là en entrant se baigner. Quand il sortit, il chercha ses chaussures et ne les trouva pas. « Mes frères, dit-il, celui qui avait mes sandales n'a-t-il rien laissé à la place ? » On chercha et on ne trouva que celles d'Abou '1 Qâsim et Tanbouri : on les reconnut, car elles étaient passées en proverbe. Le qâdhi envoya ses serviteurs qui cernèrent la maison et y trouvèrent les chaussures du qâdhi. Celui-ci fit comparaître Abou '1 Qâsim, lui reprit ses sandales, le fit frapper pour le corriger, le mit en prison pendant quelque temps, lui infligea une certaine amende et le relâcha. Abou '1 Qâsim sortit de prison et, plein de colère, prit ses chaussures et s'en alla les jeter dans le Tigre ; elles s'enfoncèrent dans l'eau. Mais un pêcheur vint jeter son filet et ramena les sandales. En les voyant, il les reconnut et dit : « Ce sont celles d'Abou '1 Qâsim et Tanbouri; il paraît qu'il les a laissées tomber dans le Tigre. » Il les emporta à la maison d'Abou '1 Qâsim; il ne le trouva pas ; mais en regardant, il vit une fenêtre ouverte qui donnait dans l'intérieur de la maison ; il les lança par là, mais elles tombèrent sur la planche où étaient les verres et l'eau de rose ; ils furent précipités à terre et brisés et l'eau de rose fut répandue. A son retour, Abou '1 Qâsim vit tout cela, comprit ce qui s'était passé, se frappa le visage, poussa des cris et pleura en disant : « Quel malheur ! ces chaussures maudites m'ont ruiné. » Alors il alla de nuit creuser un trou pour les enterrer et en àªtre débarrassé. Mais les voisins entendirent le bruit qu'il faisait et crurent que quelqu'un creusait la muraille pour les voler. Ils portèrent la chose devant le gouverneur, qui saisit Abou '1 Qâsim, donna l'ordre de le garrotter et lui dit : « Comment te permets-tu de creuser des trous dans la muraille pour voler tes voisins ?» — Puis il l'emprisonna et ne le relâ- cha qu'après lui avoir infligé une certaine amende. Sorti de prison et furieux contre ses chaussures, Abou '1 Qâsim s'en alla les porter aux latrines du caravansérail et les y jeta, mais elles bouchèrent le conduit ; les ordures débordèrent et les gens furent incommodés par l'odeur infecte. On en chercha la cause, on trouva les sandales ; on les examina, c'étaient celles d'Abou '1 Qâsim. On les porta au gouverneur et on lui raconta ce qui était arrivé. Il fit venir Abou '1 Qâsim, le réprimanda sévèrement, le mit en prison et lui dit : « Tu auras à payer la réparation des latrines », l'obligea à rembourser la totalité des frais, lui infligea une amende égale à cette somme pour le punir, et le relâcha. Abou '1 Qâsim sortit de prison avec ses chaussures, il les lava et les mit sur la terrasse de sa maison pour les faire sécher. Un chien qui les vit les prit pour une charogne, les emporta ; mais comme il passait sur une autre terrasse, elles lui échappèrent et tombèrent sur une femme enceinte. Dans sa douleur et son épouvante, elle avorta et mit au monde un enfant mâle. On examina les chaussures et on les reconnut pour celles d'Abou '1 Qâsim. On porta l'affaire devant le juge qui le condamna à payer le prix de l'enfant et à défrayer la femme de toutes ses dépenses pendant la durée de sa maladie. Il y consuma tout ce qu'il possédait etil ne lui resta rien. Alors Abou '1 Qâsim pritles chaussures, les porta devant le qâdhi et lui dit : « Je désire que monseigneur le qâdhi écrive, entre mes chaussures et moi, un acte légal constatant qu'elles ne me sont plus rien et que je ne leur suis plus rien, que chacun de nous n'a pas à répondre de l'autre et que je ne pourrai àªtre châtié pour tout ce que mes chaussures pourront faire. » Il lui raconta tout ce qui lui était arrivé à cause d'elles. Le qâdhi se mit à rire, lui fit un cadeau et il s'en alla (1). (1) Lafâif el A 'rab, cité avec des altérations par Cheikho, Madjâni 'l Adab, T. 'III, p. 232-234 ; Humbert, Arabica analecta inedita, p. 41 ; Pihan, Choix de fables et historiettes, p. 56 ; premier supplément au Thamarût el Aourâq d'Ibn H'adjdjah el H'amâoui, p. 167. Il en existe une version turke dans Ah'med ibn Hemdem, 'Adjûi'b el Me'dser, p. 232, trad. par Cardonne, Mélanges de littérature orientale, T. I, p. 95, Les deux pantoufles. On en trouve un remaniement dans E. de Lorral, Contes arabes, p. 127-159, Les babouches de Baba Hassine; dans Florian Pharaon, Spahis, turcos et goumiers, p. 195-199, Les babouches d'Ali Khodjaj et une très médiocre imitation dans les Nouvelles du Nord, de Marmier, p. 283, Le chapeau ensorcelé, traduit de l'allemand ; et une non moins médiocre dans J. de Kerlecq, La chanson de l'Orient, p. 112-120, Les Babouches de Birouz-Kasim. 15 LE SAHARIEN ET LE SAVETIER Un Saharien, monté sur un chameau, passa près de la boutique d'un savetier. Celui-ci le vit et voulut se moquer de lui parce qu'il était si haut : « Un tel, quelles nouvelles des anges du ciel ? Que disent-ils ? — Ils disent que Dieu maudit les savetiers tous tant qu'ils sont sur la terre (1). » (1) Allaoua ben Yah'ya, Recueil de thèmes et de versions en arabe parlé, p. 1. 16 LE RÚVE DOUBLE Un écolier dit un jour à son maître : « J'ai rêvé hier que j'étais enduit d'ordure et toi de miel. — Malheur à toi ! dit-il ; c'est que tu commets le mal et moi le bien. » — L'enfant reprit : « Écoute la fin du rêve. — Parle. — Il me semblait que tu me léchais et que je te léchais (1). » (1) Nozhat el Odabd, f. 10. 17 LE COURTISAN ait pour jouer à la balle et à la raquette comme les enfants, et que lui, Darius, mettrait en campagne contre lui des troupes aussi nombreuses que des graines de sésame. Alexandre tira bon augure de cet envoi de Darius et dit : « Il vient de me jeter son empire, ainsi que la raquette jette la balle, celle-ci ayant la forme de la terre que je posséderai tout entière. Le sésame-est une graine huileuse, son goût n'est ni amer ni âcre ; j'en augure que je lui enlèverai les plus agréables et les plus profitables de ses biens. » Il écrivit à Darius en réponse à sa lettre, en langage provoquant, et lui envoya un sachet de moutarde, pour indiquer que ses troupes, bien que peu nombreuses, avaient une grande force et une action énergique, ainsi que la moutarde qui est à la fois forte et âcre et fait pleurer celui qui en mange (Eth Tha'alibi. Histoire des rois des Perses, éd. et trad. Zotenberg, p. 403-404).» On peut en rapprocher les objets symboliques envoyés par les Scythes à Darius, fils d 'Hystaspes : un oiseau, une souris, une grenouille et cinq flèches, envoi que Darius interprète à tort comme un emblème de soumission : la souris vit en terre et se nourrit des mêmes fruits que l'homme; la grenouille réside dans l eau ; l oiseau est l'image du cheval ; enfin ils livrent les flèches qui sont leur propre force. Au contraire le mage Gobryas donne son vrai sens à cet envoi : « Si vous ne. devenez pas oiseaux pour voler au ciel; si vous ne devenez pas souris pour vous cacher sous terre ; si vous ne devenez pas grenouilles pour sauter dans les lacs, vous ne nous échapperez pas ; vous périrez par ces flèches (Hérodote, LIV, ch. CXXXI-CXXXII). » On peut en rapprocher les emblèmes échangés entre Alexandre et le philosophe Chanku, mais il n'y a pas d'erreur dans leur interprétation (Eth Tha' alibi, Histoire des rois des Perses, p. 427-429 ; Firdaousi, Le livre des Rois, trad. Mohl, T. V, p. 105-107) 37 OBSERVATION CLIMATÉRIQUE Un jour Si Djoh'a monta en chaire pour prêcher et dit : « 0 gens, sachez que l'atmosphère de votre pays est la même que celle du nôtre. — D'où as-tu appris cela ? » lui demanda-t-on. « C'est que les étoiles que je vois dans mon pays, je les vois dans le vôtre ; et c'est par là que j'ai reconnu que l'atmosphère de votre pays est la même que celle du nôtre (1). » (1) Naouddir el Khodja Naer eddin, p. 2-3 ; Qitfah Djoh'a, p. 3. Cf. la version turke dans Decourdemanche, Le Sottisier de Nasr eddin Hodja, nO 180, p. 192-193. Il s'agit des deux villes de Sivri H'issar et de Qara H'issar. Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, no 3, p. 6, 206. 38 TÉMOIGNAGE DIFFICILE A SOUTENIR Les Ghoryân sont deux constructions pareilles à deux minarets. Ils avaient été bâtis en Egypte par un Pharaon qui ordonna que quiconque passerait auprès les bénirait. Celui qui ne le ferait pas serait tué, mais on satisferait auparavant deux de ses désirs, sauf s'il demandait la vie ou la royauté ; on lui donnerait sur-le-champ ce qu'il désirerait, ensuite on le tuerait. Cela dura un long espace de temps. Un foulon arriva de l'Ifriqyah ayant avec lui un âne et un maillet. Il passa auprès des Ghoryân et ne les salua pas. Les gardes le saisirent et le traînèrent devant le roi qui lui dit : « Qui t'a empêché de saluer ? — Roi, dit-il, je suis un étranger venu de l'Ifriqyah désirant vivre à ton ombre et obtenir du bien sous ta protection. Si j'avais su, j'aurais salué ces minarets de mille génuflexions.— Demande tout ce que tu voudras, à l'exception de la vie et de la royauté. » Le foulon s'avança, recula, supplia, s'humilia, mais cela ne lui servit de rien. Quand il désespéra de son salut, il dit : « Je demande dix mille dinârs et un courrier sûr. » — On le lui amena et il lui dit : « Je veux que tu portes cette somme dans l'Ifriqyah : tu demanderas la maison de tel foulon et tu remettras ceci à sa famille. » — Le roi lui dit : « Demande une seconde chose. — Je désire frapper chacun de vous de trois coups de ce maillet, l'un fort, le second moyen et le. troisième faible. » — Le roi resta longtemps à réfléchir, puis il dit à ses courtisans ; « Que pensez- vous ? — Nous sommes d'avis de ne pas interrompre la coutume de tes pères. » On demanda au foulon : « Par qui commenceras-tu ? — Par le roi. » Celui-ci descendit de son trône ; l'autre leva son maillet, le frappa sur la nuque et le renversa sur le visage ; le roi tomba évanoui. Quand il revint à lui, il dit : « Si seulement je savais lequel des coups est celui-ci ; par Dieu si c'est le faible et si le moyen arrive, je mourrai avant de recevoir le violent. » Il regarda ses gardes et continua : « Enfants d'adultère, comment prétendez-vous qu'il n'a pas salué ? Je l'ai vu saluer ; laissez-le aller » ; et l'on détruisit les deux Ghoryân (1). (1) Qazouîni, Athâr el bildd, p. 150; Mas'oudi, Prairies d'or, T. IV, p. 252-256 ; Yaqout, Mo'djem, III, 790. C'est une parodie de la légende de la mort du vieux poète 'Abid ben el Abras exécuté par ordre de Mondzir ben Mâ es Samâ dans des conditions semblables. Cf. Ibn Qotaïbah, Kitâb el Ma'âril, p. 319; Maidâni, Proverbes, T. 1, 18, 94, 169; Hamzah d'Isfahan, Annales, T. I, p. 111 ; Qazouîni, Athâr el bildd, p. 285-286 ; IbnBadroun, Commentaire du poème d'Ibn Abdoun, p. 33; Yaqout, Mo'djem, T. III, p. 792-974; El Qali, Amali, T. III, p. 195-200; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, T. II, p. 104-107 ; Abou '1 Faradj El Isbahâni, Kitâb el Aghâni, T. XIX, p. 86-88; El Motahher, Le livre de la création, T. III, p. 204 ; Ibn Talh'ah, Kitâb el 'Iqd el larid, p. 87; Ah'med el Ibchthi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 235; Rat, Al Mos taIraI, T. I, p. 612; Moh'ammed et Tounsi, Voyage au Ouadaï, p. 653-63; Diwan de 'Abid ben El Abras, p. 2-4 ; Lyall, Translations of ancient Arabian poetry, p. XXVII-XXVIII; Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. III, p. 124; T. V, p. 215. C'est la même légende qu e celle de Djabir b. Râlânet de ses deux compagnons. Cf. El Mofadhdhal, El Fdkhir, p. 73 ; Maidâni, Kitâb el Amthâl, T. II, p. 219 ; El 'Askari, Djamharat el amthâl, p. 195 ; El Mofadhdhal edh Dhabi, Amthâl el 'Arab, p. 53. 39 CE QUI PEUT ENFANTER PEUT MOURIR Une jeune fille vint un jour me trouver avec un dinâr, dit Ach'ab, et elle me dit : « Je le mets en dépôt chez toi. » Je le mis dans le pli d'une couverture. Au bout de quelques jours, elle revint pour voir son dinâr ; je lui dis : « Lève la couverture et prends le fils de ta pièce. » J'avais mis un dirhem à côté. Elle le prit et laissa le dinâr. Quelques jours après, elle revint et trouva un autre dirhem près de lui. Elle l'emporta ; et de même une troisième fois. Quand elle revint pour la quatrième fois, je fis semblant de pleurer et elle me demanda : « Pourquoi pleures-tu - Le dinâr est mort d'hémorragie. » Elle reprit : « Comment un dinâr peut-il avoir une hémorragie ? — Fille stupide, lui dis-je, tu admets comme vrai l'enfantement et tu ne crois pas à l'hémorragie (1) ?» (1) El Kotobi, Faouât el Ouafâyât, I, 22. Dans le cycle de Nasreddin Khodja (Si Djoh'a), le dinâr est remplacé par une marmite qui accouche d'un pot. Cf. en arabe Naouddir el Khodja Nasr eddin, p. 18, Chaudière féconde; Qissah Djoh'a, p. 16; FI. Pharaon, Spahis et turcos, p. 179 ; IVlachuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 220 ; — en berbère : Mouliéras, Fourberies de Si Djoh'a, texte zouaoua, no XVIII, p. 9-10, Si Djoh'a et le maître de la marmite ; trad. fr. p. 89; — version turke : Mallouf, Plaisanteries de Nasr eddin, n" II, p. 72; Decourde- manche, Sottisier de Nasr eddin Hodja, p. 111 ; Clouston, Oriental wit and humour dans les Flowers from a persian garden, p. 67. Une version plus détaillée est donnée par Dieterici, Chrestomathie ottomane, p. 34, d'après un manuscrit de Berlin, et par Ethé, Ein tilrkischer ECONTRARIÉ « On raconte qu'El H'akam était un des commensaux de Haroun er Râchid. Celui-ci lui dit un jour : « Demain nous irons à la chasse, viens avec nous. — Au nom de Dieu ! » répondit El H'akam. — Il revint chez lui et dit à sa femme : « Le khalife m'a ordonné d'aller demain avec lui à la chasse ; par Dieu, je n'accepterai pas, car je suis habitué à manger de bonne heure et le khalife ne mange que sur le milieu de la journée ; je mourrai de faim ; par Dieu, je n'obéirai pas. » — La femme reprit : « Garde t'en bien, tu ne peux lui désobéir. — Comment faire ? dit-il ; si j'y vais, je mourrai de faim. — Prends avec toi un cornet de h'alwah (sorte de gâteau), mets-le dans ton turban et manges-en ; quand le khalife prendra son repas, tu mangeras avec lui. — Par Dieu, répondit-il, c'est un avis béni. » Le lendemain, il acheta un cornet de h'alwah, le mit dans son turban, monta sur son âne et partit au service du khalife. Tandis qu'ils marchaient, Haroun en se tournant aperçut dans les plis du turban d'El H'akam le cornet de h'alwah. Il appela Dja'far son vizir : « Dja'far 1 — Me voici, Commandeur des croyants 1 — Vois sur la tête d'El H'akam ce cornet de h'alwah; par Dieu, je le tourmenterai et je l'empêcherai d'en manger ! » Ils cheminèrent quelque temps, puis le khalife feignit de voir du gibier. Il poussa derrière lui, et El H'akam porta sa main à sa tête, tira un morceau de h'alwah du cornet et le mit dans sa bouche. Le khalife revint et cria : « El H'akam 1 » — Celui-ci retira rapidement le h'alwah de sa bouche et dit au khalife : « Me voici, Commandeur des croyants ! )) — L'autre reprit : « Par Dieu, cette mule ne me plaît pas ; je ne sais ce qu'elle a. — Le palefrenier lui aura donné trop de nourriture ; elle a l'estomac embarrassé. » — Puis ils marchèrent; le khalife poussa en avant. El H'akam prit une autre poignée de h'alwah, la fourra dans le coin de sa bouche ; mais à ce moment, Haroun revint et dit : « El H'akam ! » Celui-ci jeta le h'alwah et répondit : « Me voici, Commandeur des croyants ! — Qu'est-ce que je t'ai dit ? L'allure de cette mule ne me plaît pas ; aujourd'hui je ne sais ce qui l'a prise. — Commandeur des croyants, demain nous la conduirons au vétérinaire pour qu'il l'examine ; il faut espérer qu'il n'en résultera que du bien, s'il plaît à Dieu. » — Ils marchèrent encore un peu et El H'akam se disait en lui-même : « Suis-je le vétérinaire pour que ce fou m'assomme de ces questions 1 . A chaque instant, la mule ! la mule ! Que Dieu mette les quatre pieds de la mule dans le ventre de son maître 1 » — Le khalife poussa encore en avant. El H'akam allongea la main dans le cornet de h'alwah, en prit un morceau. et le mit dans sa bouche. Haroun revint et cria : « El H'akam ! — Ah, se dit celui-ci, quelle mauvaise journée 1 A chaque instant, El H'akam 1 Quelle folie te prend ! — On dirait, dit le khalife, que cette mule a été blessée par le forgeron ; vois-tu comme elle boite ? — Commandeur des croyants, demain, s'il plaît à Dieu, nous la ferons déferrer par le maréchal ; il lui mettra un autre fer, et, par Dieu, elle sera débarrassée de cela. » Tandis. qu'ils cheminaient, une caravane arriva du pays de Perse. Son maître s'avança vers le khalife, embrassa la terre devant lui et lui présenta des cadeaux, des présents et une esclave au-dessus de tout ce qu'on avait vu, pour la taille, l'élégance, l'éclat et la perfection ; sa croupe était lourde, sa taille fine ; ses yeux ressemblaient à ceux des gazelles; sa bouche était pareille au sceau de Salomon; elle avait coûté cent mille dinârs au marchand. Quand le khalife la vit, il en fut épris et éperdument amoureux. Il voulut revenir sur le champ à Baghdâd et dit à El H'akam :« Prends avec nous cette jeune fille, devance-nous à la ville, monte au pavillon, fais-le nettoyer et tapisser, prépare-nous des vases à boire, remplis les coupes et veille à ce qu'il ne nous manque rien. » El H'akam partit et exécuta les ordres du khalife. Au bout d'un instant, celui-ci arriva avec son escorte, ses eunuques, ses émirs, ses vizirs, ses courtisans et monta au pavillon. Ceux qui l'avaient accompagné partirent à leurs affaires. Le khalife entra chez la jeune fille et dit à El H'akam : « Ne quitte pas la porte du palais et prends garde que la princesse Zobéide sache quelque chose. — C'est entendu, dit El H'akam, mille fois obéissance à Dieu et au Commandeur des croyants » ; puis il alla s'asseoir à la porte. Quant au khalife, il prit place à côté de la jeune fille ; ils mangèrent, puis ils passèrent dans le salon du dessert et du vin. A peine Haroun s'était-il assis et avait-il rempli la coupe en voulant boire, qu'on frappa à la porte. « Point de doute, dit-il, c'est la princesse Zobéide qui arrive. » Il se leva sur-le-champ, ôta le vin et ce qui garnissait la table, cacha la jeune fille dans un cabinet et alla à la porte. Il alla trouver El H'akam et lui dit : « La princesse Zobéide est-elle venue ? — Non, par Dieu, Commandeur des croyants, mais j'ai pensé tout le temps à la mule. J'ai interrogé le palefrenier et il m'a dit qu'en effet il lui a donné trop de nourriture ; elle a l'estomac embarrassé ; demain nous la ferons saigner et elle sera débarrassée de tout cela. — Ne t'occupe pas de la mule et ne bavarde pas sottement, dit le khalife ; garde la porte, et si tu vois venir la princesse Zobéide, prends les devants et avertis-moi avant son arrivée. » - El H'akam répondit « : Avec soumission et mille fois obéissance 1 » Le khalife rentra, remit en place la table et le vin et fit sortir la jeune fille du cabinet. Tout à coup on frappa à la porte. — « C'est la princesse Zobéide qui est arrivée », dit Haroun ; il cacha la jeune fille dans le cabinet, fit disparaître le service et alla à la porte. Il vit El H'akam qui lui dit : « Commandeur des croyants, j'étais préoccupé de la mule ; j'ai interrogé le vétérinaire ; il prétend qu'elle n'a rien, mais elle est restée longtemps attachée ; aujourd'hui on l'a montée, c'est pourquoi elle a été rétive; toutefois elle est en bon état.—Que Dieu te maudisse, toi et la mule ! dit le khalife ; ne t'ai-je pas dit de ne pas bavarder ? Reste à ta place et fais attention que la princesse Zobéide ne vienne pas nous surprendre, sinon ce jour serait le plus funeste pour toi. » — El H'akam répondit : « Sur ma tête et mon oeil ! » — Le khalife rentra, fit sortir la jeune fille de sa cachette, remit en place le service et le vin, remplit une coupe et voulut boire ; mais à ce moment il entendit un trépignement sur la terrasse. « Par Dieu, dit-il, cette fois, c'est la princesse Zobéide qui arrive réellement. » Il se leva, cacha la jeune fille dans le cabinet, fit disparaître le dessert et le vin, brûla des parfums pour enlever toute odeur, puis il monta sur la terrasse et ne trouva qu'El H'akam. — « Est-ce que la princesse Zobéide arrive ? demanda-t-il. — Non, Commandeur des croyants, mais j'ai vu ta mule trépigner comme je l'ai fait. Alors cela m'a fait de la peine, j'ai craint qu'elle n'eût des tranchées et j'ai été extrêmement tourmenté. — Que Dieu te tourmente toute ta vie, maudit ! je devrais te tuer. Sors, pars, et ne reviens plus me montrer ton visage, car si je te vois encore, je t'étranglerai 1 » El H'akam revint chez lui et raconta à sa femme que le khalife l'avait chassé et lui avait défendu d'entrer chez lui. Ensuite, il resta quelque temps dans sa maison jusqu'à ce qu'il crût que la colère de Haroun était calmée. Alors il dit à sa femme : « Va au palais, embrasse les mains de la princesse Zobéide, raconte-lui que le khalife est irrité contre moi et demande-lui d'intercéder pour moi. » Sa femme lui obéit, la princesse intercéda pour lui et Haroun lui pardonna (1). (1) Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire, p. 9-12 du texte arabe. La première partie se trouve dansulenspiegel dans ses Essays und Studien, p. 246-247 ; cf. aussi Barker, A reading book oj the turkish language, n° 34. 40 L'ACHETEUR ADROIT Quelqu'un des gens de Baghdad avait son beau-père malade. On lui prescrivit une pastèque ; elles étaient rares dans cette saison et il n'en trouva pas. Il apprit qu'il y en avait chez un jardinier à El Karkh. Quand il y alla, il ne commença pas par demander le prix d'une pastèque, craignant que cela ne gênât son dessein. Il lui dit : « Combien vends-tu ces grenades ? — Un demi-dinâr. — Vends-les ce que tu voudras à qui les désirera. Je voudrais acheter un plat de fruits. Combien vends-tu ces pommes ? — Un dinâr. » — Il ne cessa de marchander, espèce par espèce, et ne cessait d'insister auprès du jardinier jusqu'à ce que celui-ci fût obligé de lui dire le prix exact. Alors il acheta des pastèques à des conditions satisfaisantes pour tous deux (1). (1) Ee Safadi, Commentaire de la Lamyat et 'Ad je m, T. II, p. 398. 0 41 LE PARASITE Un parasite passa un jour auprès de gens en train de manger. Il s'assit et mangea avec eux. On lui dit : « Est-ce que tu connais quelqu'un d'entre nous ? — Oui », répondit-il, en indiquant de la main la nourriture. Alors on se mit à rire (1). (1) Journal Asiatique, IIe série, novembre 1832, p. 477. 42 SOTTISE DE DOGHAH C'est Doghah, fille de Min'âdj. On raconte de sa sottise qu'étant enceinte et le moment de sa délivrance étant arrivé, elle se sentit des mouvements dans le ventre. Elle alla chercher un mur et quand elle se fut mise en position, elle accoucha. Lorsqu'elle eut mis au monde son enfant, il cria. Elle se leva effrayée, alla trouver sa mère et lui demanda : « Est-ce qu'un excrément ouvre la bouche ? — Oui, lui dit la mère qui avait compris, il appelle son père. » Elle lui demanda où était cet endroit ; il lui fut indiqué ; elle y alla et trouva l'enfant (1). (1) El Mofadhdhal, Kitâb el Fâkhir, p. 34. Le proverbe dont cette histoire donne l'explication est aussi cité par El Ouatouat, Ghorat el Khaçais, p. 22 ; Ed Damîri, H'a'iat el h'aïoudn, T. II, p. 450 ; Ibn 'Abd Rabbih, el 'Iqd el farîd, T. I, p. 330; El Isbahâni, Kitâb el Aghâni, XVIII, 199 ; Maidâni, Proverbes, T. I, p. 193-194. Une tradition prétend que Doghah était des fabuleux Djor- hom, mais on en fait généralement une femme mariée presque enfant chez les Benou '1 'Anbar ben Tamim. A l'occasion de cette histoire, les Benou '1 'Anbar furent surnommés par dérision Benou '1 Djârâ, « les fils de l'anus ». Maidâni qui nomme aussi cette femme Mâryah, cite un autre traitde sa sottise. Comme son fils Yafoukh pleurait et ne voulait pas dormir, elle prit un couteau, lui fendit la tête, enleva la cervelle et la jeta. L'autre femme de son mari lui demandant ce qu'elle faisait, elle répondit : « J'ai enlevé cette matière de sa tête pour que le sommeil le prît ; à présent, il est endormi. » 43 LA RESSEMBLANCE Un berger passa près d:un prédicateur qui haranguait les gens. Il se mit à le regarder et à pleurer. Le prédicateur lui demanda : « Qu'est-ce qui te fait pleurer ? — J'avais dans mon troupeau un bouc qui courait devant lui à l'eau ; il est mort ; je l'ai égorgé ; sa barbe était comme celle de cet homme ; en le voyant, je me suis rappelé mon bouc et j'ai pleuré (1). » (1) Nozhat el Odabd, f. 25 ; il en existe une version chez les Arabes d'Algérie. Cf. Hugonnet, Souvenirs d'un chel de bureau arabe, p. 52. C'est sans doute des Arabes que le trait a passé aux Fouis ; ils ont placé la scène dans le Sokoto et pris pour héros le fondateur de leur dynastie, 'Othman dan Fodio. Cf. Hourst, La mission Hourst, p. 372-373 ; il existe dans un conte du Haut-Indus, Le Prédicateur confondu: Swynnerton, Indian Night's Entertainment, p. 4-8. Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, n° 539, p. 243. Une plaisanterie semblable se rencontre dans une épigramme de Melin de S. Gelays : D'un curé Nostre vicaire, un jour de teste, Chantoit un Agnus gringotté, Tant qu'il pouvoit, à plaine teste, Pensant d'Annette àªtre escouté. Annette, de l'autre costé, Ploroit attentive à son chant; Dont le vicaire en s'approchant Luy dit : Pourquoy pleurez-vous, belle *1 — Ha ! messire Jean, ce dit-elle, Je pleure un asne qui m'est mort, Qui avoit la voix toute telle Que vous quand vous criez si fort. Œuvres complètes, T. I, p. 274-275. La source de Melin est probablement Pogge, cf. Les Facéties, n° CCXXX, Prsedicator multum clamans quomodo con- londebatur, T. II, p. 162. La pièce de Melin (ou peut-être celle du Pogge) fut mise en vers latins par La Monnoye. Cf. ses poésies à la suite de celles de Huet, Carmina, p. 344, Cantor lacrymas eliciens. Une plus ancienne version, plus délayée (elle compte soixante vers allemands) est celle que Boner a donnée dans Der Edelstein, composé en 1330. Cf. Heinrich, Histoire de la littérature allemande, T. I, p. 360-361. On la trouve encore de nos jours en Allemagne et en Bretagne : Jegerlehner, Sagen und Mârchen aus dem Oberwallis, p. 140-141, Das Bôckchen des Kapuziners ; P. Sébillot, Les joyeuses histoires de Bretagne, no LXXXVIII, p. 291-293, La bonne femme qui pleure au sermon (il s'agit d'un veau). 44 LE JEUNE HOMME AVISÉ Un médecin alla un jour se promener dans un endroit et trouva un crâne humain sur lequel était écrit : Après ma mort, je tuerai vingt hommes. A cette vue, le médecin fut étonné et se dit : « Je vais prendre ce crâne, je le briserai et le cacherai dans un endroit que je serai seul à connaître et je verrai s'il tuera quarante hommes. » Il le prit, le broya et quand il fut entièrement réduit en poussière, il le cacha derrière un rideau. Un jour, à l'époque du pèlerinage, il dit à sa fille : « Je vais à la Mekke ; sers-toi de toutes ces bouteilles, mais ne joue pas avec celle-ci. » Elle le lui promit ; il fit ses préparatifs et partit. Ensuite sa fille tomba malade, but de toutes les médecines de son père, mais ne guérit pas. A la fin, elle but de la bouteille où était le crâne broyé et fut bien portante. Un jour, elle remarqua qu'elle était enceinte et lorsque son père revint du pèlerinage, il la trouva près d'accoucher. Elle mit au monde un fils et son père lui demanda comment elle était devenue enceinte. Elle lui dit : « Mon père, je suis devenue malade, et j'ai bu de toutes les médecines sans guérir. A la fin, je me suis dit : Il n'y a que cette médecine défendue par mon père qui soit bonne,^c'est pour cela qu'il me l'a interdite. J'en ai mis dans de l'eau, je l'ai bue et voici qu'elle m'a rendue enceinte. » Après .. qu'elle lui eut raconté l'histoire, le père reconnut que l'inscription du crâne avait raison. Ils élevèrent l'enfant. Quand il fut âgé de quinze ans, il était assis un jour près du fleuve pour s'amuser. Vint un palefrenier du khalife, conduisant une jument pour la faire boire. Il la frappa sur le ventre avec une branche. Alors le jeune garçon lui cria : « Pourquoi as-tu frappé cette jument qui est pleine dans son dixième mois ? Ton coup a atteint l'œil du poulain qui est dans son ventre, en sorte qu'il est devenu aveugle. Il est rapide avec quatre anneaux blancs aux pieds ; c'est un beau poulain ; c'est dommage qu'il soit devenu aveugle. » — Le palefrenier retint ces paroles et lorsque la jument mit bas, il vit que c'était comme le jeune homme avait dit. Un jour, un pêcheur prit un poisson d'or qui ne mourut pas lorsqu'il le tira de l'eau. Il pensa : « Je vais porter ce poisson au khalife ; peut-être me donnera-t-il quelque chose. » Il le porta au khalife, qui lui fit donner cinquante pièces d'or. On fit un bassin pour le poisson et on l'y plaça. Ch un récit des Arabes de l"Irâq; il s'agit d'Abou Noouâs qui ne parvient pas à manger des dattes en accompagnant Haroun er Râchid, mais la fin est absolument différente (Bruno Meissner, Neuarabische Geschichten aus dem Iraq, n° XL, p. 72-74. La manière dont El H'akam est interrompu chaque fois qu'il veut manger rappelle la façon dont le Christ punit saint Pierre pour s'être approprié un gâteau, dans un conte tchèque (ZÕhrer, Œsterreichisches Sagen und Mtirchenbuch, p. 181). De même, le tour joué à Haroun rappelle une nouvelle italienne de Molza, Nouvelle des Trompettes (J.-M. Molza, Nouvelles, trad. franç., p. 54-69). Une traduction d'un récit semblable, mais où El H'akam est remplacé par Mesrour, est donnée par de Hammer, d'après le Mahadj en Nofous, d'Ibn H'ayan de Tous, dans le Rosenôl,p.232-237. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 242. 18 LE MENUISIER PEU PRESSÉ Un homme eut un fils, et, tout joyeux, il voulut lui acheter un berceau. Il alla chez un menuisier, lui remit un réal en gage en lui disant : «Fais-moi un berceau.—Bon, dit l'autre, viens le prendre vendredi, c'est-à-dire dans huit jours», car on était au jeudi. Le vendredi, l'homme arriva et dit : « Donne-moi le berceau. — Il n'est pas encore fini. » Le menuisier tarda tellement que l'enfant marcha, grandit, se maria et eut un fils. Il dit à son père : « Je voudrais un berceau pour mon enfant. — Va trouver tel menuisier ; je lui en ai commandé un il y a vingt ans, prends-le. » Il alla chez le menuisier et lui dit : « Donne-moi le berceau que mon père t'a commandé et pour lequel il t'a donné un réal. — Reprends le réal, dit le menuisier ; je n'aime pas la besogne pressée (1). » (1) Green, Modern Arable Stories, p. 1. 19 LES VERRES CASSÉS Du temps du sultân Mahmoud (le Ghaznévide), un marchand de verres avait ouvert sa boutique près du palais. Un jour, un homme vint lui acheter des verres pour un dinâr. Le sultan voyait tout cela de sa demeure. Son esclave Ayâz était sur la terrasse, occupé à tirer de l'arbalète. Une flèche alla atteindre les verres et les brisa sous les yeux du prince. L'homme vint pousser des cris de douleur à la porte du palais et raconta son histoire au sultan. « Quelle était la valeur de ces vases ? » demanda celui-ci. — « Mille dinârs. — N'as- tu pas honte, menteur ? tu les as achetés pour un dinâr ; je l'ai vu de mon palais, et à présent tu parles de mille dinârs ! — Que Dieu éternise la durée du sultân ! dit l'homme ; quand les verres étaient intacts, ils ne valaient pas plus d'un dînar, mais quand ils ont été brisés par la flèche de quelqu'un aimé du sultân — c'est-à- dire Ayâz — je ne les estime pas moins de mille dinârs. » Le prince lui fit donner cette somme (1). (1) Es Soyouti, Anis el Djalis, p. 11. Dans une anecdote dont Mahmoud le Ghaznévide est encore le héros, un bûcheron estime à la valeur d'une bourse d'or un fagot d'épines, parce que le sultân y a touché pour l'aider à le recharger (Ferid eddin Attar, Mantiq et tair, ch. xvii, p. 91-92, v. 1680-1708). 20 LE FAUX PROPHÈTE ET LE BORGNE On raconte qu'un homme prétendit àªtre prophète. Un de ses amis qui était borgne lui dit : « Quelle est la marque de ta prophétie ? Quels sont tes miracles ? — Mon miracle, le voici : Tu es borgne d'un œil, je vais t'enlever l'autre sur-le-champ ; puis je prierai mon Seigneur pour que tu voies. » — L'autre répondit : «Je crois que tu- es prophôte (1). » (1) Nozhat el Odabâ, f. 22 ; cf. le Sottisier de Nasr eddin Hodja, no CXCVII ; Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, n° 197, p. 109, 257-258. 21 LE ROI ET LE FOU On raconte qu'un roi voulut se divertir à voir des fous. Quand il fut entré chez eux, il vit un jeune homme de belle figure et de belle apparence, sur lequel on distinguait des marques de beauté et qui respirait l'intelligence. Il s'approcha de lui et lui posa des questions ; le jeune homme fit à toutes les meilleures réponses. Le roi ressentit un vif étonnement, puis le fou lui dit : « Tu m'as interrogé sur divers points et je t'ai répondu; moi, je vais te faire une seule question. — Quelle est-elle ? — Quand le dormeur goûte-t-il le plaisir du sommeil ? » Le roi réfléchit un instant et répondit : « Il le goûte quand il dort. » Le fou répliqua : « Quand il dort, il n'a pas de sentiment. — Avant de s'endormir. — Comment trouverait-il du plaisir avant que le sommeil n'existe ? — Après avoir dormi », dit le roi. — « Goûte-t-on un plaisir quand il est passé ? » Le roi fut stupéfait et son étonnement augmenta. « Par Dieu, dit-il, bien des gens sensés ne raisonneraient pas si bien. Il mérite plus que personne d'être aujourd'hui mon commensal. » Il se fit dresser un trône en face de la grille du fou, puis il demanda du vin ; on en apporta. Il prit la coupe, but et la tendit au jeune homme, » Prince, dit celui-ci, tu as bu ce vin pour devenir semblable à moi mais moi, quand je l'aurai bu, à qui ressemblerai-je ? » Le roi fit son profit de ces paroles, jeta la coupe et se repentit sur-le-champ (1). (1) El Itlidi, l'lâm en Nds, p. 95 ; reproduit par Mouliéras, Manuel algérien, p. 143-149, et Abd er Rahman, Lectures choisies, IIIe période, ne partie, p. 4 ; El Khafadji, H'albat el Komaït,p. 379. Une version traduite de l'arabe se trouve dans F. de Zeltner, Contes du Sénégal et du Niger, p. 231-232, Le roi et le fou Le roi est appelé Noumân (No'mân). 22 LE PLUS MENTEUR DES TROIS On raconte que trois personnes trouvèrent un dinâr ; elles se dirent : « Partageons-le. » Mais l'un d'eux leur dit : « Écoutez-moi. — Parle. — Que chacun de nous dise un mensonge, celui qui aura dit le plus fort prendra le dinâr. — Soit. » - L'un d'eux commença : « Mon père était parfumeur et faisait le tour de la ville avec ses parfums. Il arriva qu'il acheta un œuf; il le mit à couver sous une poule que nous avions. Puis la coquille fut cassée; il en sortit un coq magnifique. Quand il fut devenu grand, mon père plaça sur lui une valise et tous les objets de parfumerie, montait sur lui et faisait le tour du pays. Le coq fut blessé au dos ; il l'amena chez le vétérinaire ; celui-ci indiqua une espèce de dattes qu'il pilerait et appliquerait sur la blessure. Mon père le fit, et peu de temps après, il s'éleva du dos du coq un palmier qui grandit et qui porta des régimes. Les voisins jetaient contre lui des briques à cause des dattes ; celles-ci tombaient et les briques restaient sur le palmier jusqu'à ce qu'il s'y forma un vallon de deux feddans et plus. Mon père prit une paire de bœufs, laboura le vallon et y sema des melons verts. Quand ils furent mûrs, j'en pris un et je le coupai avec mon couteau. Ne l'ayant pas trouvé, j e m'attachai une étoffe à la taille et j e descendis dans le melon. Je me mis à en faire le tour et je vis trois personnes qui y circulaient. Je leur dis : « Avez-vous vu un couteau qui m'appartient ? — Malheureux, répondirent-elles, nous avons perdu deux files de chameaux et voilà dix jours que nous les cherchons sans les avoir trouvées ; comment retrouverais-tu ton couteau ? » Je revins à ma pièce d'étoffe, je l'attachai au milieu du corps et je remontai. » Les autres dirent : « Prends le dinâr ; on ne peut trouver un plus menteur que toi (1). » (1) 'Abd el Mo'ti es Samlâoui ech Chafi'i, Raouâih' el 'Aouâtir, p. 52-55. 23 LE NUAGE PRIS POUR POINT DE REPÈRE Un jour,Djoh'a creusait dans une plaine ; un homme passa près de lui et lui dit : « Pourquoi creuses-tu ? — J'ai enterré de l'argent et je ne puis plus retrouver la place. — N'avais-tu pas pris un point de repère? — Je l'ai fait. — Quelle était cette marque? — Un nuage qui me donnait de l'ombre pendant que j'enterraaque fois que le khalife venait et regardait dans le bassin, le poisson montait et riait, puis replongeait. Il le fit toujours, mais lorsque la fille du khalife venait pour se distraire par sa vue, elle se voilait devant le poisson parce qu'elle avait honte devant lui. Le khalife dit : « Le poisson rit pour une cause déterminée. » Il rassembla les principaux de la ville et leur dit: «Venez et faites-moi connaître la raison qui fait rire le poisson. » Ils répondirent qu'ils n'en savaient rien. Lorsque le palefrenier apprit cette histoire, il dit au khalife : « Il y a un jeune garçon qui est très sage », puis il lui raconta l'histoire de la jument. Le khalife s'enquit du nom de son père, fit chercher le jeune homme et lui ordonna de s'asseoir à côté de lui. Mais lorsqu'il fut arrivé, le poisson ne monta pas et ne rit pas. « Mon fils, dit le khalife, raconte-moi pourquoi ce poisson rit. — Pardonne-moi et donne-moi l'assurance de ne rien me faire ; en outre, je veux que personne ne reste près de nous. » Le khalife ordonna à tout le monde de sortir, et lorsque ce fut fait, il ne resta que lui, sa fille et le jeune garçon. Alors il lui dit : « Parle maintenant, mon fils. » Il lui répondit : « Il rit à cause de toi et dit : Pourquoi ta fille a-t-elle honte devant moi et se cache-t-elle ? Elle aurait mieux fait d'avoir honte devant quarante esclaves. — Les connais-tu ? » demanda le khalife. « Je les connais. — Montre- les moi. — Donne-moi une épée et je te les montrerai. » Il lui fit donner une épée. Le jeune homme alla avec le khalife à une pierre qu'il écarta ; au-dessous se trouvait la porte d'une cave. Il y entra tandis que le khalife attendait hors de la porte ; il égorgea ensemble vingt esclaves et dit au prince : « J'ai été envoyé pour ces vingt hommes ; prends cette épée et égorge ta fille ». Le khalife prit l'épée, tua la princesse et la jeta avec les autres corps sur lesquels il fit verser du pétrole et les brûla (1). (1) Bruno Meissner, Neue arabische Geschichten aus dem Iraq, p. 84-89. Ce conte paraît d'origine égyptienne. Cf. le commencement d'une version beaucoup plus développée dans Œstrup, Contes de Damas, p. 26-30. Un début semblable (les enfants nés de la poussière d'un crâne) existe dans un conte égyptien, mais la suite du récit est entièrement différente : Green, Modem Arabie stories, p. 76. 45 L'AMANDE Un jour, Djoh'a cassait une amande ; le fruit s'échappa : « Chose étonnante ! dit Djoh'a ; il n'y a de Dieu que Dieu ; toute chose fuit la mort, même les àªtres sans raison (1). » (1) Naouâdir Khodja Na$r eddin, p. 3 ; Qi$$ahD;oh'a, p. 3 ; Budge, The laugha- ble stories of Bar-Hebrseus, no 615, p. 127 du texte, 154 de la traduction ; Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 6,183 ; Ibn 'Â$im, Hadâïq el Azhâr, f. 30 va. 46 LA MAISON DÉSERTE On demandait à Ibn Raouâh', le parasite : « Comment est ton fils que voici ? — Il n'a pas son pareil au monde : il entendait, derrière un convoi funèbre, une pleureuse qui disait : « Hélas 1 on l'emmène dans une demeure où il n'y a ni eau, ni nourriture, ni lit, ni tapis, ni couverture, ni lampe, ni lumière. — Mon père, dit-il, on l'emmène dans notre maison (1). » (1) El Baïhâqi. Kitdb el Mah'risin, p. 642. Dans Ah'med el Ibchthi,.Kitâb el Mostatref, T. II, p. 306: c'est le fils de 'Othmân b. Darrâdj qui fait cette réponse ; Rat, Al Mostatral, T. II, p. 170. 47 LES TOLBA MAROCAINS ET LEUR COMPAGNON DE L'EST Il y avait trois tolba qui voyageaient, deux Marocains et un Oriental. En route, ils passèrent près d'un douar, entourèrent une tente et crièrent : « Un hôte de Dieu pour le propriétaire ! » Celui-ci sortit et leur demanda : « Qui àªtes-vous ? — Nous sommes des tolba instruits en magie. » Il releva le rideau et les fit entrer. Puis il leur dit : « Quel est votre art ? — Celui d'entre nous qui pondra un œuf est le magicien. » Les Marocains n'aimaient pas l'Oriental. L'un d'eux avait deux oeufs ; il en donna un à son compagnon et en garda un. Quand le couscous fut préparé, le maître de la tente mit le plat devant eux et dit : « Allons, que celui qui pondra un œuf vienne souper. » Un des tolba se leva, commença à chanter et laissa couler doucement par-dessous lui un œuf qui se brisa en tombant ; il alla manger. Le second se leva et en fit autant. Le troisième, celui de l'Est, se leva à son tour, agita les pans de son burnous et s'assit pour manger avec eux. Le maître de la tente lui dit : « Et toi, pourquoi ne ponds-tu pas d'œuf ? — Nous sommes tous des poules, mais il faut qu'un de nous soit le coq ; les poules ne pondent pas sans coq (1). » (1) Delphin, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 58. C'est un des traits attribués à Si Djoh'a. Cf. la version arabe Naouddir Si Djoh'a, p. 14, éd. du Qaire, p. 12, éd. de Beyrout ; la version turke dans Decourdemanche, Sottisier de Nasr eddin Hodja, no CLXXI, p. 169, Les poules et le coq (dans cette dernière figure Tamerlan) ; la version berbère dans Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, n° XIII, Si Djoh'a et ses amis au bain, T. I, p. 8 ; T. II, p. 87-88. D'après Ah'med ech Chirouâni (Nelh'at el Yemen, p. 52), la scène se passe entre Abou Noouâs et Hâroun er Rachîd. 48 PART A DEUX Il y avait à Baghdad un conteur des rues qui amusait la foule avec toutes sortes de récits et de nouvelles drolatiques : on le nommait Ibn el Maghâzili. Il avait infiniment d'esprit, et l'on ne pouvait le voir ni l'entendre sans rire. Cet Ibn Maghâzili raconte lui-même l'anecdote que voici : Je me trouvais un jour, sous le règne d'El Mo'tadhid, devant Bâb el Khassah, et je débitais mes drôleries. Dans le cercle qui s'était formé autour de moi, se trouvait un eunuque d'El Mo'tadhid ; je racontais justement une histoire d'eunuque. Celui-ci trouva mon histoire à son goût et fut enchanté de mes narrations ; puis il s'éloigna. Peu de temps après il revint, me prit par la main et me dit : « Tantôt, en sortant du cercle de tes auditeurs, je suis entré au palais ; je me tenais debout devant le prince des croyants lorsque ton histoire et tes nouvelles me sont revenues à l'esprit ; je me suis mis à rire. Le prince s'en est aperçu et trouvant ma gaîté déplacée, il a voulu en connaître le motif. Sire, lui dis-je, il y a devant la porte un certain Ibn el Maghâzili qui débite des contes pour rire : aventures d'Arabe, de Nedjdi, de Nabatéen, de Zatti (1), de Zendj, de Sindi, de Turk, de Mekkois et d'eunuque ; il raconte tout cela en y mêlant force plaisanteries qui feraient rire une mère en deuil et amuseraient un homme grave à l'égal d'un enfant. Le khalife m'a ordonné de t'amener. Je réclame la moitié de ta récompense.» Flairant une belle rétribution, je dis à l'eunuque: « Seigneur, je suis un pauvre homme chargé de famille : Dieu m'a fait la grâce de vous rencontrer ; est-ce que vous ne pourriez pas vous contenter d'une partie de la somme, d'un sixième, par exemple, ou d 'un quart ?» — Mon homme tint bon pour la moitié ; la moitié flattait encore mes désirs et je m'en contentai. Il me prit par la main et me fit entrer. Après avoir salué et complimenté le khalife, je me tins debout à la place qui m'avait été désignée ; le khalife me rendit mon salut. Il lisait un livre ; après en avoir parcouru la plus grande partie, il le ferma et, levant les yeux vers moi : « C'est toi qui es Ibn el Maghâzili ? me demanda-t-il. — Oui, sire. — On me dit, reprit-il, que tu es un conteur amusant, que tu débites des nouvelles curieuses, des facéties divertissantes. — Oui, sire, répondis-je ; le besoin rend facétieux. J'attire la foule avec mes récits, je capte sa faveur avec mes historiettes, puis je sollicite sa bienfaisance et je vis de ma recette. — Voyons tes histoires, me dit le prince,is mon argent. » L'homme se mit à rire et s'en alla en le laissant (1). (1) Ah'med el Qalyoubi, Naouddir, p. 39 ; Rescher, Die Geschichten und Anekdoten aus Qaljûbi's Nawadir, p. 77 El Balaoui cite cette anecdote comme un trait caractéristique de Djoh'a (Kitâb Alil Bâ, T. I, p. 536). Celui qui rencontre Djoh'a et l'interroge est appelé 'Isa ben Mousa el H'âchemi. Il en est de même dans El Meïdâni, Proverbes, T. I, p. 197. Toutefois, El Balâoui cite comme source El Içbahâni. Le même conte existe en Algérie, cf. Mornand, La vie arabe, p. 115, Si Djoh'a et le nuage. Il a passé chez les Kabyles du Jurjura, cf. Belkassem ben Sedira, Cours de langue kabyle, p. 78, Bou Signa. Dans la plupart des versions, c'est sur la mer qu'est placé un point de repère du même genre. Cf. L'homme qui a perdu une écuelle d'argent, tiré du Livre des comparaisons, part. I, dans les Contes et apologues indiens, trad. Stan. Julien, T. I, p. 231-235 ; Chavannes, Cinquante contes et apologues extraits du Tripitâka chinois, T. II, p. 169. Une version se trouve dans le Kathasaritsagara de Somadeva ; il s'agit d'un gobelet tombé dans la mer, que le niais espère retrouver en passant par là. Dans d'autres contes anglais et hollandais), la marque de repère est faite sur le bateau. Une anecdote de la Suisse allemande fait mention de cloches cachées dans un lac et qui doivent àªtre retrouvées grâce aux mêmes indices (Mélusine Bsestiana, T. II, col. 550; T. III, col. 65-67). 24 LE DÉBITEUR INSOLVABLE Il y avait à Baghdâd un individu accablé de dettes, mais il était insolvable. Le qâdhi défendit qu'on lui prêtât quoi que ce fût, déclarant que celui qui lui prêterait deviendrait responsable pour lui et ne pourrait lui réclamer sa dette. Puis il ordonna qu'on le fît monter sur un mulet et qu'on le promenât dans toutes les réunions pour que les gens le connussent et prissent garde de ne plus faire d'affaires avec lui. On lui fit faire le tour de la ville, puis on le ramena à la porte de sa maison. Quand il descendit, le maître de l'animal lui dit : « Paie-moi la location de mon mulet. — Et qu'avons-nous fait depuis le matin jusqu'à présent, sot que tu es ? » répliqua le débiteur (1). (1) Behâ eddin El Amoli, Kechkoul, p. 73. 25 LES CAQUETS DÉTOURNÉS La femme d'un prêtre qui était mort voulait se remarier, mais elle craignait les dires des gens. Elle prit une clochette et l'attacha au cou d'un coq, en sorte qu'elle savait quand il remuait. Aussitôt, les gens se mirent à parler du coq et de la clochette de la veuve du prêtre en disant : « Voyez, voyez la clochette de la femme du prêtre au cou du coq. » Au bout de trois jours, ils se turent. Alors elle se dit : « Les gens ont parlé pendant trois jours du coq et de la clochette ; tout a son temps » ; et elle se remaria (1). (1) Tallqvist, Arabische Sprichwôrter und Spiele, p. 92. 26 LA MISSION DIFFICILE A ACCOMPLIR Un individu prétendit àªtre prophète, au temps d'El Mahdi. On l arrêta et on lui demanda : « Vers qui as-tu été envoyé ? » Il répondit : « Vous ne m'avez laissé aller vers personne : le matin j'ai été envoyé ; le soir, j'ai été emprisonné. » El Mahdi se mit à rire, ordonna de le relâcher et lui fit un cadeau (1). (1) Nozhat el Odabâ, f. 22. 27 LE PRÉTENDU IDIOT Un jour Djoh'a entra dans un moulin et se mit à prendre du blé des gens et à le mettre dans son panier. On lui dit : « Pourquoi fais-tu cela ?» — Il répondit : « Parce que je suis un sot. » — On lui demanda : « Et pourquoi ne mets-tu pas de ton blé dans les paniers des gens ? — Alors je serais un double sot (1). » (1) El Balâoui, Kitâb Alil Bâ, T. I, p. 536 ; Naouâdir el Khûdjah Naer eddin, p. 2 ; Qiççah Djoh'a, p. 2 ; Allaoua ben Yah'ya, Recueil, p. 26. Il en existe une version kabyle (zouaoua) dans Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, trad. franc., p. 81. Cf. Wesselski, der Hodscha Nasreddin, T. II, n° 342, p. 181. 28 SINGULIER EFFET DU VENT Un jour, Djoh'a prit une sacoche et entra dans un jardin. Comme il n'y vit personne, il vola des carottes, des navets, des aubergines et d'autres légumes tant qu'il put en porter. Mais le propriétaire du jardin entra à son insu et lui dit : « Qui es-tu ? Qu'y a-t-il dans ce panier ? » Djoh'a eut peur et ne trouva rien à répondre. Il réfléchit un instant et dit : « Seigneur, tandis que je passais devant ton jardin, un vent violent a soufflé et m'a jeté en cet endroit. — Soit, dit le maître du jardin, c'est le vent qui t'y a jeté ; mais qui a arraché les navets, les carottes et les aubergines et les a rassemblés ? — C'est que le vent était violent ; il me poussait d'ici et de là et je me suis accroché à ce que je trouvais sous ma main. — Bien, je te l'accorde, mais dis-moi à présent qui en a rempli le panier ? — Par Dieu, mon frère, moi aussi je réfléchissais à cela quand tu es arrivé (1). » (1) Machuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 239 ; Naouâdir el Khodja Naçr eddin, p. 3 ; Qiff ah Djoh'a, p. 3. Une version kabyle où Djoh'a n'est pas nommé se trouve dans Hanoteau et Letourneux, La Kabylie et les coutumes kabyles, T. III, p. 233 ; Belkassem ben Sedira, Cours de langue kabyle, nu XVII, Le voleur et le mattre du potager, p. 12 ; il en existe une autre en dialecte du Mzab : Djoh'a et le maître du potager, R. Basset, La zenalia du Mzab, de Ouargla et de l'Oued Rir', p. 109. La version turke se trouve dans Decourdemanche, Le Sottisier de Nasr eddin Hodja, no XXXVIII, p. 30-31 ; Barker, A reading book of the turkish language, p. 34-35 du texte turk, The Khodja is taken aback and loses his presence of mind. Clouston, The book of Noodles cite une version indienne tirée du Kalhamanjari (p. 11-12). Cf. Wesselski, The Hodscha Nasreddin, T. I, no 7, p. 7-8, 207. 29 LES VISITEURS IMPORTUNS Tandis qu'El Akhfach était malade, des gens vinrent le voir et prolongèrent leur visite. Alors il prit son coussin, se leva et dit : « Dieu a guéri votre malade, allez-vous-en (1). « (1) Ed Damtri, H'alat el H'a'ioudn, T. II, p. 46. Cette réponse est aussi attribuée à Si Djoh'a. Cf. Naouddir el Khodja Naçr eddin, p. 4; Qi?'ah Djoh'a, p. 4. Une recension kabyle (zouaoua) se trouve dans Mouliéras, Les fourberies de Si Djoh'a, texte kabyle, n° VII, p. 5 ; trad. franç., p. 85. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 57, 202. 30 MOYEN DE SE FAIRE INVITER Un parasite passait près d'une troupe de gens qui déjeunaient. « Salut, leur dit-il, bande de coquins ! — Nous ne sommes pas des coquins, mais des gens honorables. » Alors il replia ses jambes, s'assit près d'eux et leur dit : « Que Dieu vous place parmi les gens sincères et moi parmi les menteurs (1) ! » (1) Ibn 'Abd Rabbih, Kitdb el 'Iqd el larld, T. III, p. 341. Dans une autre version arabe, le parasite, qui est Djoh'a, les appelle avares et non coquins (Naouâ- dir el Khodja Naçreddin, p. 12 ; Qissah Djoh'a, p. 11). Il en est de même dans la version kabyle, Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, texte zouaoua, p. 6 ; trad. française, p. 7, Si Djoh'a et les gens qui mangent. Cf. Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 57, 202, no 397. 31 LES PLAISANTS ATTRAPÉS On raconte que Bahloul passa près d'une troupe de gens assis à l'ombre d'un arbre. Quand ils le virent, ils se dirent les uns aux autres : « Appelons-le, nous lui jouerons un tour. » Ils vinrent à lui et lui dirent : « Nous voulons que tu montes pour nous en haut de cet arbre ; nous te donnerons dix dirhems. — Soit, donnez l'argent. » Il le prit, le serra dans sa poche et dit : « Apportez une échelle. — Cela n'est pas dans nos conditions », lui dirent-ils. — « C'est dans les miennes à l'exclusion des vôtres montre-nous ton talent ; si tu me fais rire, tu auras cinq cents dirhems de récompense ; si tu ne me dérides pas, que puis-je exiger de toi ? — Foin de la poltronnerie et de la couardise ! m'écriai- je. Prince des croyants, je ne puis offrir que ma nuque ; vous la souffletterez à votre aise tant que vous voudrez et avec ce que vous voudrez. — Voilà qui est raisonnable, reprit le khalife ; ainsi, si je ris, tu auras la récompense promise ; si je ne ris pas, je te souffletterai dix fois avec le sac que voici. » Je me dis en moi-même : un roi qui emploie pour ce châtiment un instrument si léger ! la chose est acceptable. En me retournant, je vis dans un coin de la salle un sac de cuir souple et j'ajoutai par devers moi : Je ne m'étais pas trompé et mon appréciation n'était pas erronée. Quel mal peut faire un sac gonflé de vent ? Si je fais rire le prince, c'est tout profit pour moi ; dans le cas contraire, dix coups d'un sac rempli d'air, le châtiment est doux. Je commençai donc le récit de mes nouvelles et historiettes; je m'évertuai à àªtre divertissant et beau parleur ; tout ce que je savais d'aventures d'Arabe, de grammairien, de débauché, de juge, de Zatti, de Nabatéen, de Zindj, de Sindi, d'eunuque, de Turk, tous les bons tours, toutes les friponneries et anecdotes piquantes, je les évoquai dans ma mémoire et les racontai. Enfin, j'arrivai au bout de mon répertoire ; ma tête languissait et refroidissait. « Allons, fit le khalife, sers-nous ce que tu sais. » Il était irrité et je n'avais pu le faire rire ni même sourire. Au contraire, tout ce qu'il y avait d'eunuques derrière moi, tout ce qu'il y avait de pages s'était sauvé, pris d'un fou rire et incapable de le surmonter. « Prince des croyants, m'écriai-je, j'ai vidé mon sac, j'en ai la tête lourde, mes provisions sont épuisées ; je n'ai jamais vu un sérieux comparable au vôtre. Il ne me reste plus qu'une seule plaisanterie. — Voyons, dit El Mo'tadhid. — Je repris : Sire, vous m'avez promis dix taloches en guise de récompense, je vous prie de doubler ladite récompense et d'y ajouter dix taloches de plus. » El Mo'tadhid eut fort envie de rire, mais il se contint ; il ordonna à un page de me tenir les mains ; celui-ci obéit, je tendis le cou. Au premier coup du sac, il me sembla qu'une forteresse me tombait sur la nuque : en effet, le sac était bourré de cailloux ronds, pesants comme des poids de balance, je reçus mes dix coups ; j'avais le cou disloqué, le dos brisé ; mes oreilles tintaient, des éclairs jaillissaient de mes yeux. Les dix coups bien comptés, je dis :« Seigneur, un bon conseil!» — Le prince fit suspendre le supplice, quoiqu'il fût décidé à doubler mon compte, conformément à ma demande. « Voyons ton conseil, me dit-il. — Seigneur, continuai-je, pour un musulman, rien n'est plus beau que la loyauté, rien n'est plus odieux que la tromperie. Or, j'ai promis à l'eunuque qui m'a introduit ici la moitié du salaire, petit ou grand, que je recevrais. Le khalife (que Dieu lui donne de longs jours)! a bien voulu dans sa générosité en doubler le chiffre. J'ai ma moitié : c'est à l'eunuque à recevoir la sienne. » A ces mots, le khalife se renversa en riant aux éclats ; mes premiers récits avaient provoqué sa gaîté, mais il s'était contenu et les avait écoutés de sang-froid. Cette fois, il trépignait des pieds et des mains et se tenait le ventre. Enfin l'accès passé, et lorsqu'il eut repris haleine, il fit appeler un tel : c'était l'eunuque en question. Cet homme long et mince fut conduit devant le khalife qui ordonna de lui appliquer les coups de sac. « Prince des croyants, s'écria l'eunuque, qu'ai-je donc fait ? Quelle faute est la mienne ? — Je lui répondis : Voilà ma récompense et tu es mon associé : j'ai reçu ma moitié ; à ton tour de recevoir la tienne ; » et pendant que les coups tombaient comme grêle sur sa nuque, j'ajoutai que j'étais pauvre et chargé de famille : cc Je m'étais plaint à toi de mes besoins, de mon dénûment. Seigneur, te disais- je, ne me réclamez pas la moitié, contentez-vous du sixième ou du quart, mais tu as insisté pour avoir la moitié. Ah ! si j'avais su que la récompense du Prince des croyants (Dieu prolonge sa vie 1) consistait en taloches, je te l'aurais cédée tout entière. » Ces paroles, mes reproches à l'eunuque redoublèrent la gaîté du khalife ; la punition infligée et son hilarité s'étant calmée, il tira de dessous le coussin où il s'accoudait, une bourse préparée d'avance qui contenait cinq cents dirhems.— «Attends, dit-il, je te destinais cette somme, mais ta sottise t'a poussé à te donner un associé auquel je n'aurais sans doute rien accordé. — Sire, lui dis-je, et la loyauté et l'odieux de la tromperie ! Certes, j'aurais préféré que vous eussiez tout donné à cet homme et qu'il eût reçu dix taloches de plus avec cinq cents dirhems. » Le prince partagea la somme entre nous et nous partîmes (2). (1) Sur les Zatti ou Djott, cf. de Goeje, Mémoires d'histoire et de géographie orientales, III, p. 26 et suivantes. (2) Mas'oudi, Prairies d'or, tr. Barbier de Meynard, T. VIII, p. Ibl-IbS ; Ech Cherichi, Commentaire des Séances de H'artri, T. II, p. 303; Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire, p. 5 du texte arabe, où le nom du personnage est altéré en Ibn Maghâzi. Il semble qu'il y est fait allusion dans H'arîri, Séances, XLIII, p. 560-563. Cf. Ech Cherichi, op. laud. Malgré les noms historiques cités ici (El Mo'tadhid régna de 279 à 289 hég., octobre 892 il mars 902 de J. C.), on s'aperçoit aisément que nous avons affaire à une version, et non des moins anciennes en raison des développements, d'un conte très répandu. On le retrouve encore en arabe avec d'autres héros : El Mo'tadhid est remplacé par Hâroun er Rachîd, Ibn el Maghâzili par Abou Noouâs ou Ibn el Qâribi, l'eunuque par Mesrour (cf. Kitâb Nozhat el Djallâ" p. 23 ; El Ibchîhi, Kitâb el Mostalrel, T. II, p. 306-307, reproduit par Belkassem ben Sedira, Cours de littérature arabe, p. 27-29; Rat, Al Mostalral, T. II, p. 670-671 ; Guirgas 'et Rosen, Arabskaïa Khrestomatia, p. 33-35, d'après El Itlidi ; Mille et Une Nuits, éd. du Qaire, T. II, p. 206 ; éd. de Beyrout, T. III, p. 72; éd. de Bombay, T. II, p. 286 ; éd. Habicht, T. VIII, p. 231). De même en souah'ili, c'est Abou Noouâs qui est le héros : voulant acheter un âne et se trouvant sans argent, il va chez Hâroun er Rachîd, mais le chef des portiers refuse de le laisser entrer s'il ne lui abandonne pas la moitié de ce qu'il recevra : il accepte et demande cent coups de bâton. Hâroun er Rachîd surpris refuse d'abord, puis, sur son insistance, les lui fait donner. Au 50e coup, Abou Noouâs raconte le marché et le chef des portiers reçoit le reste (Biittner, Anthologie der Suaheli- Litteratur, texte, p. 87-88, tr. p. 86-87). Une autre version arabe où El 'Aska- lâni figure à la place d'Ibn el Maghâzili, a passé chez les Berbères de l'Oued Righ ; cf. la traduction dans mes Nouveaux contes berbères, p 166-167. Il figure encore comme épisode dans un conte chelh'a du Maroc, Histoire d'un enfant qui perdit son père quand il était petit. L'enfant demande au roi 400 coups de bâton à partager avec ceux qui l'ont introduit près de lui. Quant aux siens, il les vend à un fabricant de balais (Justinard, Manuel de berbère marocain, p. 44-49). La même anecdote est rapportée de Tennâlirâma, dans les contes du Sud de l'Inde, à la cour du roi Râyar (Krichnadeva), avec une sentinelle à laquelle il a promis de partager ce qu'on lui donnerait à l'occasion d'une danse à laquelle il arrive en retard (Natesa Sastri, Tales of Tennalirama, n° V, Getting the Sentries whipped, p. 9-10). En Europe, où on le rencontre fréquemment, le trait est presque toujours attribué à un personnage historique : ainsi en Allemagne, à Weigand von Theben et au duc d'Autriche Othon le Joyeux (cf. Ph. Chasles, Etudes sur l'Espagne ancienne et moderne, p. 95-96 ) ; dans le Mecklembourg, l'a (1). » (1) NQzhat el Odabd, f. 24. 32 LES TROIS SOTS 'Aziz eddin ben el Kemili rapporte, d'après le cheikh sincère Bedr eddin Abou 'Ali el 'Irâqi, le prédicateur, qu'il lui raconta ceci en 882 (1477-1478), dans l'illustre médersah. Trois maîtres d'école étaient assis sur le pont de Baghdâd, lorsque passa une barque où était un marchand qui les salua. Chacun prétendit que le salut s'adressait à lui. Ils en vinrent à se disputer, puis résolurent d'un commun accord de partir derrière le marchand pour lui demander qui il avait salué. Ils louèrent une barque et le cherchèrent jusqu'à la nuit. Lorsque le vent tomba, il entra dans une des à®les pour y passer la nuit. Ils le rejoignirent et lui demandèrent qui il avait salué. Ce marchand était un homme d'un esprit agréable et de manières généreuses. « Vous passerez la nuit chez moi, leur dit-il, et demain je vous en informerai. » Puis il fit venir de la nourriture, et ils mangèrent. Quand ils eurent fini, ils se mirent à causer. Le marchand leur dit : « Que chacun raconte la chose la plus étonnante qui lui soit arrivée. » Le premier commença : « Je suis maître d'école ; j'apprends la littérature aux enfants. Un jour, je les congédiai. L'un d'eux s'en alla à la porte de l'école, la boucha et la couvrit d'un enduit qui la rendait semblable au mur. Le samedi, je ne trouvai plus l'école ; les enfants étaient debout. Je les interrogeai là-dessus ; le plus âgé me dit : Maître, elle est irritée contre toi parce que tu nous frappes ; elle est partie à ses affaires. — Je sortis pour la chercher ; je vis un homme et lui demandai : As-tu vu une école ? — Elle est devant toi, me dit-il. Je partis et j'en interrogeai un autre, qui me répondit comme le premier, jusqu'à ce que je fusse sorti de la ville. Tous ceux que j'interrogeais me disaient : Elle est devant toi. La nuit venue, j'arrivai à un village et je demandai à un vieillard qui me dit : Viens avec moi. — J'entrai dans sa maison et je l'entendis dire à sa femme : Trais-moi, car il y a peu de lait. Il sortit un vase où il y avait du lait ; j'en bus et je fus pris de regret, car ma vie s'était passée sans que j'en eusse bu de semblable. — Le lendemain, je le questionnai sur l'école ; il me répondit : Elle a dit qu'elle a honte de toi, mais que, lorsque tu reviendras, tu la trouveras à sa place. — Je retournai à la ville, j'achetai un vase pour y traire du lait ; j'allai à l'école, je la découvris et je dis à ma femme : Trais-moi. Elle essaya sans réussir et je songeai à revenir vers cet homme pour qu'il me l'enseignât. » Le second reprit : « Moi aussi, je suis maître d'école. J'avais appris aux enfants, lorsque l'un d'eux éternuait, à étendre les mains et à dire ensemble : Que Dieu te fasse miséricorde. Un jour, l'un d'entre eux vint me trouver et me dit : Maître, il y a dans le puits de l'école des enfants qui lisent comme nous. J'allai à ce puits, j'y regardai et je vis des enfants avec leur maître. Furieux de ce qu'il s'était introduit dans mon école, je l'injuriai ; il m'injuria ; je lui fis signe que je le frapperais, il voulut en faire autant ; tout ce que je faisais, il le reproduisait. Alors je me suspendis à la corde du puits et je descendis en disant aux enfants : Tenez l'extrémité et faites- moi descendre doucement. Tandis que j'étais ainsi, j'éternuai et je louai Dieu. Ils lâchèrent la corde, étendirent leurs mains et dirent ensemble : Que Dieu te fasse miséricorde ! Je tombai au fond du puits, je n'y trouvai ni maître ni enfants et je ne sus où ils étaient allés (1). » « Moi aussi, dit le troisième, je suis maître d'école et j'ai une femme libre dans ses propos et que je crains. Elle a des poules dont elle recueille les œufs, qu'elle garde par devers elle et elle ne laisse personne en prendre. Un jour qu'elle sortit pour quelque affaire, je pris deux œufs pour les manger. Elle entra tandis que j'étais près de la porte ; j'eus peur d'elle et je mis un œuf dans chaque joue. Elle vit qu'elles étaient gonflées et me dit : « Qu'est-ce que tu as ? » — Je m'agitai et je tombai par terre. Ma femme demanda à un médecin d'examiner mon état. Il déclara qu'une incision était nécessaire. cc Fais-la», dit ma femme. Il prit un rasoir, me fendit les joues et fit sortir les deux œufs (2). — « Tu ne disais rien ? demanda le marchand, tu ne parlais pas ? — Assurément. — Alors le salut est pour toi (3). » (1) Ce trait se trouve dans l'Histoire de 'Ali ez Zeïbeq, p. 32-33 ; Gauthier, Les Mille et une Nuits, T. VI, Histoire du maître d'école éreinté, p. 217-219. Il a passé en berbère : Biarnay, Étude sur le dialecte des Bottioua du Vieil Arzeu, no VII, p. 131-133, Celui qui a une longue barbe n'a pas de raison ; Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. IV, p. 137-138. (2) Ce trait existe aussi dans l'Histoire de 'Ali Ez Zeïbeq, p. 32 ; Gauthier, Mille et une Nuits, T. VI, Histoire du deuxième estropié, p. 220-222. La plus ancienne version est donnée par le Po-yu-King, traduit en chinois, en 492 de notre à¨re, du Sanghaséna par Kirou na p'iti. Cf. Chavannes, Cinq cents contes et apologues extraits du Tripictlka chinois, T. II, n° 308, p. 213, Celui dont on lendit la joue parce qu'il avait fourré du riz dans sa bouche. (3) Abou Midian el Fâsi, Madjmou' ezh Zharf, f. 124-125. 33 LE LANGAGE FIGURÉ Un individu des Benou '1 'Anbar était prisonnier chez les Bekr ben Ouâil. Il leur demanda un messager pour l'envoyer à sa tribu. Ils lui dirent : « Tu ne l'enverras qu'en notre présence », car ils avaient projeté une expédition contre les Benou '1 'Anbar et ils craignaient qu'il ne les en prévînt. On lui amena un esclave noir. « Es-tu intelligent ? » lui demanda-t-il. — « Oui, je le suis. — Je ne pense pas que tu le sois », dit le prisonnier. Puis il ajouta : « Qu'est-ce que ceci ? » en lui montrant la nuit avec la main. — « C'est la nuit. — Je vois que tu es intelligent. » — Puis il remplit ses deux mains avec du sable et lui demanda : « Combien y en a-t-il ? — « Je n'en sais rien ; il y en a beaucoup. — Qu'est-ce qui est le plus nombreux, les étoiles ou les feux ?—Tous deux sont nombreux. » Le prisonnier reprit : « Fais parvenir mes salutations à ma tribu ; dis-lui de bien traiter un tel — c'est-à-dire un des Bekr ben Ouâil qui était prisonnier entre leurs mains — car sa tribu a des égards pour moi ; dis-lui que le 'ar/adj (arbuste épineux) a produit des bourgeons et que les femmes se sont plaintes ; je leur recommande de laisser ma chamelle rouge, car ils l'ont montée longtemps, mais de monter mon chameau roux en reconnaissance de ce que j'ai mangé avec vous du h'aïs (dattes pétries avec du beurre, du lait caillé et un peu de farine) ; demandez des renseignements sur moi à mon frère El H'arith. » Quand l'esclave apporta le message aux Benou '1 'Anbar, ils dirent : « Le borgne est devenu fou ! Par Dieu, nous ne lui connaissons ni chamelle rouge ni chameau roux. » Puis ils renvoyèrent l'esclave, interrogèrent El H'arith et lui racontèrent la chose. Il leur dit : « Il vous avertit par ces mots : le 'arfadj a produit des bourgeons, il veut dire que les guerriers se sont armés ; les femmes se sont plaintes, c'est-à-dire elles ont poussé des gémissements à cause du départ. Par chamelle rouge, il recommande de quitter la plaine et de monter sur des hauteurs pierreuses qu'il désigne par le chameau roux. En reconnaissance de ce que j'ai mangé avec vous du h'aïs signifie que des bandes de toute espèce de gens feront une incursion contre vous, car dans le h'aïs, on mélange des dattes, du beurre et du lait caillé. » Ils firent ce qu'il avait dit et reconnurent le sens de ses paroles (1). (1) Abou 'Ali el Qâli, Kitâb el Amoli, T. I, p. 8. Le même récit se trouve aussi avec quelques variantes dans Ah'med el Ibventure du jeune palefrenier qui vient offrir un brochet à Wallenstein (Bartsch, Sagen, Marchen und Gebrâuche aus Meklemburg, T. I, p. 330). Dans un conte de Grimm, Der gute Handel, le paysan qui doit recevoir cinq cents coups demande au roi que le soldat et le Juif qui ont exigé le partage de sa récompense, reçoivent les cinq cents coups (Kinder und Hausmtirchen, no 7, p. 30-34). En France, on l'attribue à Jodelet (Julien Geoffroi) et au chancelier Séguier (Tallemant des Réaux, Historiettes, T. IV, p. 224-225), à Mezzatin et au duc de Saint-Aignan (Moland, Molière et la Comédie italienne, p. 375-376). Il a passé en Italie comme un conte populaire (Nerucci, Sessanta novelle popo- lari montalesi, nov. XXVI, I.a novella di Sonno, p. 233-237; Marc Monnier, Les contes populaires en Italie, p. 236-237). Voltaire le cite comme d'origine espagnole (Œuvres complètes, T. X, Préface de Catherine Vadé, p. 78). Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, p. 189. Cf. Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. V, p. 282 ; Hunt, Grimm's Household Tales, T. I, p. 351, The Good Bar gain. Il en existe une autre version rapportée également par Mas'oudi : « Ah'med, fils d'El Modabbir, qui d'ailleurs donnait peu de temps à ses plaisirs, avait réuni sept commensaux, les seuls qu'il admît dans son intimité et qu'il associât à ses divertissements ; il les avait choisis avec soin pour lui tenir compagnie et s'asseoir à sa table ; chacun d'eux excellait dans un art et n'y avait pas de rivaux. Or un certain parasite nommé Ibn Darrâdj, homme d'une éducation parfaite, d'un esprit délié, et le plus habile mystificateur qu'il y eût, manœuvra tant et si bien qu'il finit par savoir quand Ah'med se réunissait avec ses amis ; il s'habilla comme eux et entra à leur suite chez leur hôte. « L'huissier, convaincu que cet homme était connu de son maître et de ses convives ordinaires, l'admit sans aucune difficulté. Lorsqu'Ah'med sortit de ses appartements particuliers et aperçut l'étranger, il ordonna à l'huissier d'aller s'enquérir auprès de lui de l'affaire qui l'avait amené. L'huissier fut terrifié : il comprit que le stratagème tournait contre lui-même et que son propre sang seul pourrait satisfaire le ressentiment d'Ibn Modabbir. Il se dirigea piteusement du côté de l'étranger et lui dit : « Le maître veut savoir quelle est l'affaire qui t'a conduit ici. — Il ne s'agit pas d'affaire », répondit le parasite. Sur une injonction de son maître, l'huissier demanda à l'intrus depuis quand il était arrivé. «Nous arrivons à l'instant, fâcheux que tu es, répondit le parasite. — Va lui demander qui il est, ajouta Ibn el Modabbir. — Réponds que je suis parasite, répliqua l'autre ; Dieu te pardonne 1 — Tu es parasite ? lui dit alors le maître de la maison. — Oui, vraiment, répondit-il ; que Dieu te glorifie ! Ibn el Modabbir reprit : On tolère qu'un parasite fasse irruption chez les gens, qu'il trouble le charme de leur intimité et qu'il surprenne leur secret, mais c'est à condition qu'il possède certains talents, par exemple qu'il connaisse les échecs ou le nerd, qu'il joue du luth ou du lonbour (espèce de guitare). — Que Dieu te protège ! répliqua le parasite, j'excelle en tout cela. — De quelle force es-tu ? — De première force. » — Le maître pria un de ses commensaux de faire une partie d'échecs avec l'étranger. — «Que Dieu favorise monseigneur ! ' dit le parasite, et si je perds ?... — Nous te chasserons de céans. — Si au contraire je gagne ? — Mille dirhems seront ta récompense. — Que Dieu te protège 1 continua l'intrus ; voudrais-tu faire apporter les mille dirhems ? Ce voisinage- là sera pour moi un stimulant et un gage assuré de la victoire. » — On apporta la somme en question ; la partie s'engagea et le parasite gagna. Déjà il étendait la main pour s'emparer de l'enjeu, lorsque l'huissier qui cherchait à se disculper autant que possible, dit à Ibn el Modabbir : « Seigneur, que Dieu te glorifie ! Cet homme se vante d'être de première force aux échecs, mais votre page un tel, fils d'un tel, le battrait. » Le page fut amené, il battit le parasite. Celui-ci, comme on allait le chasser, demanda un jeu de nerd (trictrac); on l'apporta, il joua et gagna. Mais l'huissier intervint : « Seigneur, dit-il au maître du logis, cet homme n'est pas de première force au nerd et un tel, notre portier, le gagnerait certainement. » On fit venir le portier et il battit en effet le parasite. Menacé d'être expulsé, ce dernier dit au maître :« Seigneur, et le luth!» On lui donna un luth, il en joua à merveille et charma l'auditoire par son chant. Nouvelle objection de l'huissier. « Seigneur, dit-il à Ibn el Modabbir, nous avons dans notre voisinage un vieil Hachemite qui instruit les esclaves musiciennes; il en sait plus que cet homme. » Le cheïkh fut introduit et obtint l'avantage sur le parasite. Comme on allait le chasser, le parasite réclama un /onchîhi, Kitâb el Mostatref, T. I, p. 53, reproduit par Belkassem ben Sedira, Cours de littérature arabe, n) 113, p. 119-120; Rat, Al Mostatraf, T. I, p. 132-134. La source la plus ancienne est Ibn Doraid, Kitâb el Malâh'in, p. 2-3. Comme el-Qalt, il mentionne l'homme des Benou 'l'Anbar, mais il cite aussi des vers qu'aurait prononcés un des Benou Tamim, également prisonnier, et où il donne aussi des conseils déguisés. Le même récit est rapporté d'après El Asma'i, mais d'une façon plus abrégée, par El Djahizh, Kitâb el H'ai'aouân, T. III, p. 37-38 ; ce sont les Benou Chaïbân qui ont fait prisonnier un homme des Benou '1 'Anbar. 34 LE DÉBITEUR INGÉNIEUX Un homme amena un jour son débiteur devant le qâdhi et dit : « Il me doit mille dirhems. — C'est vrai, dit le débiteur, mais demande-lui d'attendre quelques jours ; j'ai un immeuble, mais pas d'argent : quand j'aurai vendu l'immeuble et quand l'argent sera rentré, je le rembourserai. » Le créancier répliqua : « Il ment ; il n'a que peu de chose ; il ne cherche qu'une échappatoire. — Je te prends à témoin, qâdhi, reprit le débiteur ; lui-même avoue ma détresse. — Tu as raison », répondit le qâdhi, et il le renvoya (1). (1) Le pseudo-Eth Tha'âlibi, Der vertraute Gelélhrte, p. 16. 35 ADRESSE D'UN DÉBITEUR Des gens conduisirent leur débiteur devant le gouverneur en réclamant mille dirhems. Le gouverneur demanda : « Qu'as-tu à me dire ? Ils ont raison dans leurs réclamations, mais je leur demande un délai pour vendre ma terre, mes chameaux et mes moutons. 0 gouverneur, il ment, dirent les créanciers ; il n'a pas de richesse, ni peu ni prou. » Le débiteur reprit : « Tu as entendu leur témoignage sur mon insolvabilité ; à quoi bon leurs réclamations ? » Le gouverneur ordonna de le relâcher (1). (1) Behâ eddin El moli, Kechkoul, p. 73. 36 LE LANGAGE DES SIGNES * On raconte qu'un prince apprit qu'un roi de Grèce, son voisin, voulait pénétrer dans son pays et en conquérir une partie. Il se décida à lui envoyer un ambassadeur pour lui demander la paix et consulta ses ministres sur celui qu'il lui enverrait. Chacun lui indiqua un des plus grands de ses serviteurs, un des plus illustres parmi ses cavaliers. L'un d'eux gardait le silence. Le roi lui demanda : «Pourquoi te tais-tu ? — Je ne suis pas d'avis que tu envoies un de ceux qu'on t'a mentionnés. — Qui donc es-tu d'avis d'envover?» — Un tel », et il lui indiqua un individu sans considération et que l'on ne connaissait ni pour son mérite, ni pour son éloquence. — « Te moques-tu de moi ? lui dit le roi, de m'indiquer un pareil homme ? » et il manifesta de la colère. — « Dieu m'en garde ! mais veux-tu envoyer quelqu'un dont tu attendes le retour après qu'il aura accompli sa mission ? — C'est mon intention. —C'est aussi ce que je pense et, tout bien examiné, je n'ai trouvé que cet homme ; tu l'enverras pour telle chose, et il se montrera ; pour telle autre, et il fera ton affaire ; il n'y a pas besoin pour cela de charme, ni d 'éloquence, ni de mérite, ni de bravoure. — Tu as raison », dit le roi, et il ordonna qu'on l'envoyât de sa part. L'homme partit après que le prince lui eut fait donner ce qui était nécessaire pour son voyage. Le roi des Grecs apprit qu'un ambassadeur venait le trouver. Il dit à ses serviteurs : « Cet ambassadeur que l'on m'envoie est un des plus grands parmi les musulmans. Quand il arrivera, faites-le entrer avant qu'il ne soit installé et il remplira sa mission, sinon je ne le recevrai pas et on le renverra sans qu'il ait rien fait. Quand l'envoyé arriva, on le fit entrer chez le roi. Après qu'il l'eut salué, le prince lui montra le ciel avec un seul doigt. L'homme désigna d'un seul doigt le ciel et la terre. Le chrétien fit un signe avec un seul doigt devant lui; l'ambassadeur désigna avec deux doigts le visage du roi. Celui-ci tira une olive de dessous son tapis et la montra à l'envoyé, qui prit un œuf de dessous ses vêtements et le fit voir au prince. Le chrétien fit le signe de la croix, ordonna d'installer l'ambassadeur et de lui témoigner des égards. Puis il l'interrogea sur le motif de son arrivée, régla ses affaires et le congédia. On demanda au roi : « Que lui as-tu dit pour qu'il t'ait compris et qu'il ait accompli sa mission ? » — Il répondit : « Je n'ai jamais vu un homme plus intelligent et plus perspicace que lui. J'ai fait signe avec mon doigt vers le ciel, voulant dire : Dieu est dans les cieux. Avec son doigt, il a montré le ciel et la terre pour dire que Dieu s'y trouve également. Ensuite, j'ai fait signe avec un doigt en face de lui pour signifier : Ne penses-tu pas que tous les : hommes ont une origine unique qui est Adam ? Il m'a fait un geste avec deux doigts pour me dire : Leur origine est Adam et àˆve (H'asnâ). Puis j'ai tiré une olive pour lui dire : Combien ceci est étonnant 1 Il m'a présenté un œuf indiquant par là : ceci est plus extraordinaire, puisqu'il en sort un àªtre vivant. C'est pourquoi il a terminé son affaire parce qu'il avait compris. » — Plus tard, on demanda à l'ambassadeur : « Qu'est-ce que le chrétien t'a dit quand il t'a fait signe et quand tu l'as compris ? — Par Dieu, répondit-il, je n'ai jamais vu personne de plus lourd d'esprit ni de plus grossier que lui. Au moment de mon arrivée, il m'a dit : Mon doigt te prendra et t'enlèvera ainsi. Je lui ai répondu : Je t'enlèverai avec mon doigt et je te ferai descendre ainsi à terre. Il a repris : Je t'arracherai l'œil avec mon doigt que voici. Je lui ai répliqué : Et moi je t'arracherai les yeux avec mes deux doigts. Il m'a dit ensuite : Je n'ai rien à te donner que cette olive qui reste de mon repas. Je lui ai répondu : Misérable, je vaux mieux que toi ; il me reste cet œuf de mon déjeuner et je te le remets. Alors il a eu peur de moi et a réglé mon affaire (1). » (1) Ibn 'Asim, H'adaïq el Azhâr, f. 47 v°. Un conte analogue se trouve dans le Baïtal Pachisi, version hindoustanie du Vetalapantchavinsati (Baïtal-Pachisi, trad. Œsterley, p. 30-31), et un abrégé dans la version tamoule (cf. Babington, The Vedala Cadai, p. 24); cf. aussi des épisodes semblables dans deux contes tamouls : E. J. Robinson, Tales and poems of South India, p. 155, The revered Mother et dans le cycle de Tennali Rama, ch. xi, n° 351-352, Baffling an Ath- lete ; Natesa Sastri, Tales of Tennalirama, ch. xi, A great doctor of sciences overthrown, p. 26-28. Mais le conte arabe paraît provenir plutôt d'une source occidentale. Celles que nous possédons sont toutefois postérieures à Ibn 'Asim, sauf une, appartenant à la génération précédente : Juan Ruiz, l'archiprêtre de Hita, Poesias, strophe 34 et suiv., ap. Sanchez, Poesias caslellanas anteriores al siglo XV, p. 431. Il s'agit des Romains qui envoient des ambassadeurs aux Grecs pour leur demander des lois ; la première et la troisième questions de l'Arabe s'y trouvent. Cf. aussi de Puymaigre, Les vieux auteurs castillans, T. II, p. 70-71. Au xvie siècle, ce sujet fut traité par Rabelais, Pantagruel, L. II, . ch. xix, Comment Panurge fit quinault l'Anglois qui arguait par signes, T. I, p. 418-422, et par Beroalde de Verville, dans le Moyen de parvenir, éd. Jacob, ch. C, Attestation, p. 361-362. La version de Juan Ruiz se trouve, d'après les éditeurs de Rabelais, dans Amien, Glose sur la loi romaine, De Origine juris. Cf. aussi Berriat Saint-Prix, Histoire du droit romain, p. 291. On peut en rapprocher aussi l'interprétation que deux « philosophes » Praxitelès et Fidia, donnent d'un groupe de statues de marbre : Parthey, Mirabilia Romœ, p. 34-36. Cf. aussi Ampère, La Grèce, Rome et Dante. On raconte également que «Darius (Dcirâ) envoya à Alexandre (El Iskender) une raquette, une balle et une charge de sésame, pour indiquer qu'il le considérait comme un enfant, incapable de gouverner un royaume ; qu'il était fait pour jouer à la balle et à la raquette comme les enfants, et que lui, Darius, mettrait en campagne contre lui des troupes aussi nombreuses que des graines de sésame. Alexandre tira bon augure de cet envoi de Darius et dit : « Il vient de me jeter son empire, ainsi que la raquette jette la balle, celle-ci ayant la forme de la terre que je posséderai tout entière. Le sésame-est une graine huileuse, son goût n'est ni amer ni âcre ; j'en augure que je lui enlèverai les plus agréables et les plus profitables de ses biens. » Il écrivit à Darius en réponse à sa lettre, en langage provoquant, et lui envoya un sachet de moutarde, pour indiquer que ses troupes, bien que peu nombreuses, avaient une grande force et une action énergique, ainsi que la moutarde qui est à la fois forte et âcre et fait pleurer celui qui en mange (Eth Tha'alibi. Histoire des rois des Perses, éd. et trad. Zotenberg, p. 403-404).» On peut en rapprocher les objets symboliques envoyés par les Scythes à Darius, fils d 'Hystaspes : un oiseau, une souris, une grenouille et cinq flèches, envoi que Darius interprète à tort comme un emblème de soumission : la souris vit en terre et se nourrit des mêmes fruits que l'homme; la grenouille réside dans l eau ; l oiseau est l'image du cheval ; enfin ils livrent les flèches qui sont leur propre force. Au contraire le mage Gobryas donne son vrai sens à cet envoi : « Si vous ne. devenez pas oiseaux pour voler au ciel; si vous ne devenez pas souris pour vous cacher sous terre ; si vous ne devenez pas grenouilles pour sauter dans les lacs, vous ne nous échapperez pas ; vous périrez par ces flèches (Hérodote, LIV, ch. CXXXI-CXXXII). » On peut en rapprocher les emblèmes échangés entre Alexandre et le philosophe Chanku, mais il n'y a pas d'erreur dans leur interprétation (Eth Tha' alibi, Histoire des rois des Perses, p. 427-429 ; Firdaousi, Le livre des Rois, trad. Mohl, T. V, p. 105-107) 37 OBSERVATION CLIMATÉRIQUE Un jour Si Djoh'a monta en chaire pour prêcher et dit : « 0 gens, sachez que l'atmosphère de votre pays est la même que celle du nôtre. — D'où as-tu appris cela ? » lui demanda-t-on. « C'est que les étoiles que je vois dans mon pays, je les vois dans le vôtre ; et c'est par là que j'ai reconnu que l'atmosphère de votre pays est la même que celle du nôtre (1). » (1) Naouddir el Khodja Naer eddin, p. 2-3 ; Qitfah Djoh'a, p. 3. Cf. la version turke dans Decourdemanche, Le Sottisier de Nasr eddin Hodja, nO 180, p. 192-193. Il s'agit des deux villes de Sivri H'issar et de Qara H'issar. Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, no 3, p. 6, 206. 38 TÉMOIGNAGE DIFFICILE A SOUTENIR Les Ghoryân sont deux constructions pareilles à deux minarets. Ils avaient été bâtis en Egypte par un Pharaon qui ordonna que quiconque passerait auprès les bénirait. Celui qui ne le ferait pas serait tué, mais on satisferait auparavant deux de ses désirs, sauf s'il demandait la vie ou la royauté ; on lui donnerait sur-le-champ ce qu'il désirerait, ensuite on le tuerait. Cela dura un long espace de temps. Un foulon arriva de l'Ifriqyah ayant avec lui un âne et un maillet. Il passa auprès des Ghoryân et ne les salua pas. Les gardes le saisirent et le traînèrent devant le roi qui lui dit : « Qui t'a empêché de saluer ? — Roi, dit-il, je suis un étranger venu de l'Ifriqyah désirant vivre à ton ombre et obtenir du bien sous ta protection. Si j'avais su, j'aurais salué ces minarets de mille génuflexions.— Demande tout ce que tu voudras, à l'exception de la vie et de la royauté. » Le foulon s'avança, recula, supplia, s'humilia, mais cela ne lui servit de rien. Quand il désespéra de son salut, il dit : « Je demande dix mille dinârs et un courrier sûr. » — On le lui amena et il lui dit : « Je veux que tu portes cette somme dans l'Ifriqyah : tu demanderas la maison de tel foulon et tu remettras ceci à sa famille. » — Le roi lui dit : « Demande une seconde chose. — Je désire frapper chacun de vous de trois coups de ce maillet, l'un fort, le second moyen et le. troisième faible. » — Le roi resta longtemps à réfléchir, puis il dit à ses courtisans ; « Que pensez- vous ? — Nous sommes d'avis de ne pas interrompre la coutume de tes pères. » On demanda au foulon : « Par qui commenceras-tu ? — Par le roi. » Celui-ci descendit de son trône ; l'autre leva son maillet, le frappa sur la nuque et le renversa sur le visage ; le roi tomba évanoui. Quand il revint à lui, il dit : « Si seulement je savais lequel des coups est celui-ci ; par Dieu si c'est le faible et si le moyen arrive, je mourrai avant de recevoir le violent. » Il regarda ses gardes et continua : « Enfants d'adultère, comment prétendez-vous qu'il n'a pas salué ? Je l'ai vu saluer ; laissez-le aller » ; et l'on détruisit les deux Ghoryân (1). (1) Qazouîni, Athâr el bildd, p. 150; Mas'oudi, Prairies d'or, T. IV, p. 252-256 ; Yaqout, Mo'djem, III, 790. C'est une parodie de la légende de la mort du vieux poète 'Abid ben el Abras exécuté par ordre de Mondzir ben Mâ es Samâ dans des conditions semblables. Cf. Ibn Qotaïbah, Kitâb el Ma'âril, p. 319; Maidâni, Proverbes, T. 1, 18, 94, 169; Hamzah d'Isfahan, Annales, T. I, p. 111 ; Qazouîni, Athâr el bildd, p. 285-286 ; IbnBadroun, Commentaire du poème d'Ibn Abdoun, p. 33; Yaqout, Mo'djem, T. III, p. 792-974; El Qali, Amali, T. III, p. 195-200; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, T. II, p. 104-107 ; Abou '1 Faradj El Isbahâni, Kitâb el Aghâni, T. XIX, p. 86-88; El Motahher, Le livre de la création, T. III, p. 204 ; Ibn Talh'ah, Kitâb el 'Iqd el larid, p. 87; Ah'med el Ibchthi, Kitâb el Mostatrel, T. I, p. 235; Rat, Al Mos taIraI, T. I, p. 612; Moh'ammed et Tounsi, Voyage au Ouadaï, p. 653-63; Diwan de 'Abid ben El Abras, p. 2-4 ; Lyall, Translations of ancient Arabian poetry, p. XXVII-XXVIII; Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. III, p. 124; T. V, p. 215. C'est la même légende qu e celle de Djabir b. Râlânet de ses deux compagnons. Cf. El Mofadhdhal, El Fdkhir, p. 73 ; Maidâni, Kitâb el Amthâl, T. II, p. 219 ; El 'Askari, Djamharat el amthâl, p. 195 ; El Mofadhdhal edh Dhabi, Amthâl el 'Arab, p. 53. 39 CE QUI PEUT ENFANTER PEUT MOURIR Une jeune fille vint un jour me trouver avec un dinâr, dit Ach'ab, et elle me dit : « Je le mets en dépôt chez toi. » Je le mis dans le pli d'une couverture. Au bout de quelques jours, elle revint pour voir son dinâr ; je lui dis : « Lève la couverture et prends le fils de ta pièce. » J'avais mis un dirhem à côté. Elle le prit et laissa le dinâr. Quelques jours après, elle revint et trouva un autre dirhem près de lui. Elle l'emporta ; et de même une troisième fois. Quand elle revint pour la quatrième fois, je fis semblant de pleurer et elle me demanda : « Pourquoi pleures-tu - Le dinâr est mort d'hémorragie. » Elle reprit : « Comment un dinâr peut-il avoir une hémorragie ? — Fille stupide, lui dis-je, tu admets comme vrai l'enfantement et tu ne crois pas à l'hémorragie (1) ?» (1) El Kotobi, Faouât el Ouafâyât, I, 22. Dans le cycle de Nasreddin Khodja (Si Djoh'a), le dinâr est remplacé par une marmite qui accouche d'un pot. Cf. en arabe Naouddir el Khodja Nasr eddin, p. 18, Chaudière féconde; Qissah Djoh'a, p. 16; FI. Pharaon, Spahis et turcos, p. 179 ; IVlachuel, Méthode pour l'étude de l'arabe parlé, p. 220 ; — en berbère : Mouliéras, Fourberies de Si Djoh'a, texte zouaoua, no XVIII, p. 9-10, Si Djoh'a et le maître de la marmite ; trad. fr. p. 89; — version turke : Mallouf, Plaisanteries de Nasr eddin, n" II, p. 72; Decourde- manche, Sottisier de Nasr eddin Hodja, p. 111 ; Clouston, Oriental wit and humour dans les Flowers from a persian garden, p. 67. Une version plus détaillée est donnée par Dieterici, Chrestomathie ottomane, p. 34, d'après un manuscrit de Berlin, et par Ethé, Ein tilrkischer Eulenspiegel dans ses Essays und Studien, p. 246-247 ; cf. aussi Barker, A reading book oj the turkish language, n° 34. 40 L'ACHETEUR ADROIT Quelqu'un des gens de Baghdad avait son beau-père malade. On lui prescrivit une pastèque ; elles étaient rares dans cette saison et il n'en trouva pas. Il apprit qu'il y en avait chez un jardinier à El Karkh. Quand il y alla, il ne commença pas par demander le prix d'une pastèque, craignant que cela ne gênât son dessein. Il lui dit : « Combien vends-tu ces grenades ? — Un demi-dinâr. — Vends-les ce que tu voudras à qui les désirera. Je voudrais acheter un plat de fruits. Combien vends-tu ces pommes ? — Un dinâr. » — Il ne cessa de marchander, espèce par espèce, et ne cessait d'insister auprès du jardinier jusqu'à ce que celui-ci fût obligé de lui dire le prix exact. Alors il acheta des pastèques à des conditions satisfaisantes pour tous deux (1). (1) Ee Safadi, Commentaire de la Lamyat et 'Ad je m, T. II, p. 398. 0 41 LE PARASITE Un parasite passa un jour auprès de gens en train de manger. Il s'assit et mangea avec eux. On lui dit : « Est-ce que tu connais quelqu'un d'entre nous ? — Oui », répondit-il, en indiquant de la main la nourriture. Alors on se mit à rire (1). (1) Journal Asiatique, IIe série, novembre 1832, p. 477. 42 SOTTISE DE DOGHAH C'est Doghah, fille de Min'âdj. On raconte de sa sottise qu'étant enceinte et le moment de sa délivrance étant arrivé, elle se sentit des mouvements dans le ventre. Elle alla chercher un mur et quand elle se fut mise en position, elle accoucha. Lorsqu'elle eut mis au monde son enfant, il cria. Elle se leva effrayée, alla trouver sa mère et lui demanda : « Est-ce qu'un excrément ouvre la bouche ? — Oui, lui dit la mère qui avait compris, il appelle son père. » Elle lui demanda où était cet endroit ; il lui fut indiqué ; elle y alla et trouva l'enfant (1). (1) El Mofadhdhal, Kitâb el Fâkhir, p. 34. Le proverbe dont cette histoire donne l'explication est aussi cité par El Ouatouat, Ghorat el Khaçais, p. 22 ; Ed Damîri, H'a'iat el h'aïoudn, T. II, p. 450 ; Ibn 'Abd Rabbih, el 'Iqd el farîd, T. I, p. 330; El Isbahâni, Kitâb el Aghâni, XVIII, 199 ; Maidâni, Proverbes, T. I, p. 193-194. Une tradition prétend que Doghah était des fabuleux Djor- hom, mais on en fait généralement une femme mariée presque enfant chez les Benou '1 'Anbar ben Tamim. A l'occasion de cette histoire, les Benou '1 'Anbar furent surnommés par dérision Benou '1 Djârâ, « les fils de l'anus ». Maidâni qui nomme aussi cette femme Mâryah, cite un autre traitde sa sottise. Comme son fils Yafoukh pleurait et ne voulait pas dormir, elle prit un couteau, lui fendit la tête, enleva la cervelle et la jeta. L'autre femme de son mari lui demandant ce qu'elle faisait, elle répondit : « J'ai enlevé cette matière de sa tête pour que le sommeil le prît ; à présent, il est endormi. » 43 LA RESSEMBLANCE Un berger passa près d:un prédicateur qui haranguait les gens. Il se mit à le regarder et à pleurer. Le prédicateur lui demanda : « Qu'est-ce qui te fait pleurer ? — J'avais dans mon troupeau un bouc qui courait devant lui à l'eau ; il est mort ; je l'ai égorgé ; sa barbe était comme celle de cet homme ; en le voyant, je me suis rappelé mon bouc et j'ai pleuré (1). » (1) Nozhat el Odabd, f. 25 ; il en existe une version chez les Arabes d'Algérie. Cf. Hugonnet, Souvenirs d'un chel de bureau arabe, p. 52. C'est sans doute des Arabes que le trait a passé aux Fouis ; ils ont placé la scène dans le Sokoto et pris pour héros le fondateur de leur dynastie, 'Othman dan Fodio. Cf. Hourst, La mission Hourst, p. 372-373 ; il existe dans un conte du Haut-Indus, Le Prédicateur confondu: Swynnerton, Indian Night's Entertainment, p. 4-8. Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, n° 539, p. 243. Une plaisanterie semblable se rencontre dans une épigramme de Melin de S. Gelays : D'un curé Nostre vicaire, un jour de teste, Chantoit un Agnus gringotté, Tant qu'il pouvoit, à plaine teste, Pensant d'Annette àªtre escouté. Annette, de l'autre costé, Ploroit attentive à son chant; Dont le vicaire en s'approchant Luy dit : Pourquoy pleurez-vous, belle *1 — Ha ! messire Jean, ce dit-elle, Je pleure un asne qui m'est mort, Qui avoit la voix toute telle Que vous quand vous criez si fort. Œuvres complètes, T. I, p. 274-275. La source de Melin est probablement Pogge, cf. Les Facéties, n° CCXXX, Prsedicator multum clamans quomodo con- londebatur, T. II, p. 162. La pièce de Melin (ou peut-être celle du Pogge) fut mise en vers latins par La Monnoye. Cf. ses poésies à la suite de celles de Huet, Carmina, p. 344, Cantor lacrymas eliciens. Une plus ancienne version, plus délayée (elle compte soixante vers allemands) est celle que Boner a donnée dans Der Edelstein, composé en 1330. Cf. Heinrich, Histoire de la littérature allemande, T. I, p. 360-361. On la trouve encore de nos jours en Allemagne et en Bretagne : Jegerlehner, Sagen und Mârchen aus dem Oberwallis, p. 140-141, Das Bôckchen des Kapuziners ; P. Sébillot, Les joyeuses histoires de Bretagne, no LXXXVIII, p. 291-293, La bonne femme qui pleure au sermon (il s'agit d'un veau). 44 LE JEUNE HOMME AVISÉ Un médecin alla un jour se promener dans un endroit et trouva un crâne humain sur lequel était écrit : Après ma mort, je tuerai vingt hommes. A cette vue, le médecin fut étonné et se dit : « Je vais prendre ce crâne, je le briserai et le cacherai dans un endroit que je serai seul à connaître et je verrai s'il tuera quarante hommes. » Il le prit, le broya et quand il fut entièrement réduit en poussière, il le cacha derrière un rideau. Un jour, à l'époque du pèlerinage, il dit à sa fille : « Je vais à la Mekke ; sers-toi de toutes ces bouteilles, mais ne joue pas avec celle-ci. » Elle le lui promit ; il fit ses préparatifs et partit. Ensuite sa fille tomba malade, but de toutes les médecines de son père, mais ne guérit pas. A la fin, elle but de la bouteille où était le crâne broyé et fut bien portante. Un jour, elle remarqua qu'elle était enceinte et lorsque son père revint du pèlerinage, il la trouva près d'accoucher. Elle mit au monde un fils et son père lui demanda comment elle était devenue enceinte. Elle lui dit : « Mon père, je suis devenue malade, et j'ai bu de toutes les médecines sans guérir. A la fin, je me suis dit : Il n'y a que cette médecine défendue par mon père qui soit bonne,^c'est pour cela qu'il me l'a interdite. J'en ai mis dans de l'eau, je l'ai bue et voici qu'elle m'a rendue enceinte. » Après .. qu'elle lui eut raconté l'histoire, le père reconnut que l'inscription du crâne avait raison. Ils élevèrent l'enfant. Quand il fut âgé de quinze ans, il était assis un jour près du fleuve pour s'amuser. Vint un palefrenier du khalife, conduisant une jument pour la faire boire. Il la frappa sur le ventre avec une branche. Alors le jeune garçon lui cria : « Pourquoi as-tu frappé cette jument qui est pleine dans son dixième mois ? Ton coup a atteint l'œil du poulain qui est dans son ventre, en sorte qu'il est devenu aveugle. Il est rapide avec quatre anneaux blancs aux pieds ; c'est un beau poulain ; c'est dommage qu'il soit devenu aveugle. » — Le palefrenier retint ces paroles et lorsque la jument mit bas, il vit que c'était comme le jeune homme avait dit. Un jour, un pêcheur prit un poisson d'or qui ne mourut pas lorsqu'il le tira de l'eau. Il pensa : « Je vais porter ce poisson au khalife ; peut-être me donnera-t-il quelque chose. » Il le porta au khalife, qui lui fit donner cinquante pièces d'or. On fit un bassin pour le poisson et on l'y plaça. Chaque fois que le khalife venait et regardait dans le bassin, le poisson montait et riait, puis replongeait. Il le fit toujours, mais lorsque la fille du khalife venait pour se distraire par sa vue, elle se voilait devant le poisson parce qu'elle avait honte devant lui. Le khalife dit : « Le poisson rit pour une cause déterminée. » Il rassembla les principaux de la ville et leur dit: «Venez et faites-moi connaître la raison qui fait rire le poisson. » Ils répondirent qu'ils n'en savaient rien. Lorsque le palefrenier apprit cette histoire, il dit au khalife : « Il y a un jeune garçon qui est très sage », puis il lui raconta l'histoire de la jument. Le khalife s'enquit du nom de son père, fit chercher le jeune homme et lui ordonna de s'asseoir à côté de lui. Mais lorsqu'il fut arrivé, le poisson ne monta pas et ne rit pas. « Mon fils, dit le khalife, raconte-moi pourquoi ce poisson rit. — Pardonne-moi et donne-moi l'assurance de ne rien me faire ; en outre, je veux que personne ne reste près de nous. » Le khalife ordonna à tout le monde de sortir, et lorsque ce fut fait, il ne resta que lui, sa fille et le jeune garçon. Alors il lui dit : « Parle maintenant, mon fils. » Il lui répondit : « Il rit à cause de toi et dit : Pourquoi ta fille a-t-elle honte devant moi et se cache-t-elle ? Elle aurait mieux fait d'avoir honte devant quarante esclaves. — Les connais-tu ? » demanda le khalife. « Je les connais. — Montre- les moi. — Donne-moi une épée et je te les montrerai. » Il lui fit donner une épée. Le jeune homme alla avec le khalife à une pierre qu'il écarta ; au-dessous se trouvait la porte d'une cave. Il y entra tandis que le khalife attendait hors de la porte ; il égorgea ensemble vingt esclaves et dit au prince : « J'ai été envoyé pour ces vingt hommes ; prends cette épée et égorge ta fille ». Le khalife prit l'épée, tua la princesse et la jeta avec les autres corps sur lesquels il fit verser du pétrole et les brûla (1). (1) Bruno Meissner, Neue arabische Geschichten aus dem Iraq, p. 84-89. Ce conte paraît d'origine égyptienne. Cf. le commencement d'une version beaucoup plus développée dans Œstrup, Contes de Damas, p. 26-30. Un début semblable (les enfants nés de la poussière d'un crâne) existe dans un conte égyptien, mais la suite du récit est entièrement différente : Green, Modem Arabie stories, p. 76. 45 L'AMANDE Un jour, Djoh'a cassait une amande ; le fruit s'échappa : « Chose étonnante ! dit Djoh'a ; il n'y a de Dieu que Dieu ; toute chose fuit la mort, même les àªtres sans raison (1). » (1) Naouâdir Khodja Na$r eddin, p. 3 ; Qi$$ahD;oh'a, p. 3 ; Budge, The laugha- ble stories of Bar-Hebrseus, no 615, p. 127 du texte, 154 de la traduction ; Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. II, p. 6,183 ; Ibn 'Â$im, Hadâïq el Azhâr, f. 30 va. 46 LA MAISON DÉSERTE On demandait à Ibn Raouâh', le parasite : « Comment est ton fils que voici ? — Il n'a pas son pareil au monde : il entendait, derrière un convoi funèbre, une pleureuse qui disait : « Hélas 1 on l'emmène dans une demeure où il n'y a ni eau, ni nourriture, ni lit, ni tapis, ni couverture, ni lampe, ni lumière. — Mon père, dit-il, on l'emmène dans notre maison (1). » (1) El Baïhâqi. Kitdb el Mah'risin, p. 642. Dans Ah'med el Ibchthi,.Kitâb el Mostatref, T. II, p. 306: c'est le fils de 'Othmân b. Darrâdj qui fait cette réponse ; Rat, Al Mostatral, T. II, p. 170. 47 LES TOLBA MAROCAINS ET LEUR COMPAGNON DE L'EST Il y avait trois tolba qui voyageaient, deux Marocains et un Oriental. En route, ils passèrent près d'un douar, entourèrent une tente et crièrent : « Un hôte de Dieu pour le propriétaire ! » Celui-ci sortit et leur demanda : « Qui àªtes-vous ? — Nous sommes des tolba instruits en magie. » Il releva le rideau et les fit entrer. Puis il leur dit : « Quel est votre art ? — Celui d'entre nous qui pondra un œuf est le magicien. » Les Marocains n'aimaient pas l'Oriental. L'un d'eux avait deux oeufs ; il en donna un à son compagnon et en garda un. Quand le couscous fut préparé, le maître de la tente mit le plat devant eux et dit : « Allons, que celui qui pondra un œuf vienne souper. » Un des tolba se leva, commença à chanter et laissa couler doucement par-dessous lui un œuf qui se brisa en tombant ; il alla manger. Le second se leva et en fit autant. Le troisième, celui de l'Est, se leva à son tour, agita les pans de son burnous et s'assit pour manger avec eux. Le maître de la tente lui dit : « Et toi, pourquoi ne ponds-tu pas d'œuf ? — Nous sommes tous des poules, mais il faut qu'un de nous soit le coq ; les poules ne pondent pas sans coq (1). » (1) Delphin, Recueil de textes pour l'étude de l'arabe parlé, p. 58. C'est un des traits attribués à Si Djoh'a. Cf. la version arabe Naouddir Si Djoh'a, p. 14, éd. du Qaire, p. 12, éd. de Beyrout ; la version turke dans Decourdemanche, Sottisier de Nasr eddin Hodja, no CLXXI, p. 169, Les poules et le coq (dans cette dernière figure Tamerlan) ; la version berbère dans Mouliéras, Les Fourberies de Si Djoh'a, n° XIII, Si Djoh'a et ses amis au bain, T. I, p. 8 ; T. II, p. 87-88. D'après Ah'med ech Chirouâni (Nelh'at el Yemen, p. 52), la scène se passe entre Abou Noouâs et Hâroun er Rachîd. 48 PART A DEUX Il y avait à Baghdad un conteur des rues qui amusait la foule avec toutes sortes de récits et de nouvelles drolatiques : on le nommait Ibn el Maghâzili. Il avait infiniment d'esprit, et l'on ne pouvait le voir ni l'entendre sans rire. Cet Ibn Maghâzili raconte lui-même l'anecdote que voici : Je me trouvais un jour, sous le règne d'El Mo'tadhid, devant Bâb el Khassah, et je débitais mes drôleries. Dans le cercle qui s'était formé autour de moi, se trouvait un eunuque d'El Mo'tadhid ; je racontais justement une histoire d'eunuque. Celui-ci trouva mon histoire à son goût et fut enchanté de mes narrations ; puis il s'éloigna. Peu de temps après il revint, me prit par la main et me dit : « Tantôt, en sortant du cercle de tes auditeurs, je suis entré au palais ; je me tenais debout devant le prince des croyants lorsque ton histoire et tes nouvelles me sont revenues à l'esprit ; je me suis mis à rire. Le prince s'en est aperçu et trouvant ma gaîté déplacée, il a voulu en connaître le motif. Sire, lui dis-je, il y a devant la porte un certain Ibn el Maghâzili qui débite des contes pour rire : aventures d'Arabe, de Nedjdi, de Nabatéen, de Zatti (1), de Zendj, de Sindi, de Turk, de Mekkois et d'eunuque ; il raconte tout cela en y mêlant force plaisanteries qui feraient rire une mère en deuil et amuseraient un homme grave à l'égal d'un enfant. Le khalife m'a ordonné de t'amener. Je réclame la moitié de ta récompense.» Flairant une belle rétribution, je dis à l'eunuque: « Seigneur, je suis un pauvre homme chargé de famille : Dieu m'a fait la grâce de vous rencontrer ; est-ce que vous ne pourriez pas vous contenter d'une partie de la somme, d'un sixième, par exemple, ou d 'un quart ?» — Mon homme tint bon pour la moitié ; la moitié flattait encore mes désirs et je m'en contentai. Il me prit par la main et me fit entrer. Après avoir salué et complimenté le khalife, je me tins debout à la place qui m'avait été désignée ; le khalife me rendit mon salut. Il lisait un livre ; après en avoir parcouru la plus grande partie, il le ferma et, levant les yeux vers moi : « C'est toi qui es Ibn el Maghâzili ? me demanda-t-il. — Oui, sire. — On me dit, reprit-il, que tu es un conteur amusant, que tu débites des nouvelles curieuses, des facéties divertissantes. — Oui, sire, répondis-je ; le besoin rend facétieux. J'attire la foule avec mes récits, je capte sa faveur avec mes historiettes, puis je sollicite sa bienfaisance et je vis de ma recette. — Voyons tes histoires, me dit le prince, montre-nous ton talent ; si tu me fais rire, tu auras cinq cents dirhems de récompense ; si tu ne me dérides pas, que puis-je exiger de toi ? — Foin de la poltronnerie et de la couardise ! m'écriai- je. Prince des croyants, je ne puis offrir que ma nuque ; vous la souffletterez à votre aise tant que vous voudrez et avec ce que vous voudrez. — Voilà qui est raisonnable, reprit le khalife ; ainsi, si je ris, tu auras la récompense promise ; si je ne ris pas, je te souffletterai dix fois avec le sac que voici. » Je me dis en moi-même : un roi qui emploie pour ce châtiment un instrument si léger ! la chose est acceptable. En me retournant, je vis dans un coin de la salle un sac de cuir souple et j'ajoutai par devers moi : Je ne m'étais pas trompé et mon appréciation n'était pas erronée. Quel mal peut faire un sac gonflé de vent ? Si je fais rire le prince, c'est tout profit pour moi ; dans le cas contraire, dix coups d'un sac rempli d'air, le châtiment est doux. Je commençai donc le récit de mes nouvelles et historiettes; je m'évertuai à àªtre divertissant et beau parleur ; tout ce que je savais d'aventures d'Arabe, de grammairien, de débauché, de juge, de Zatti, de Nabatéen, de Zindj, de Sindi, d'eunuque, de Turk, tous les bons tours, toutes les friponneries et anecdotes piquantes, je les évoquai dans ma mémoire et les racontai. Enfin, j'arrivai au bout de mon répertoire ; ma tête languissait et refroidissait. « Allons, fit le khalife, sers-nous ce que tu sais. » Il était irrité et je n'avais pu le faire rire ni même sourire. Au contraire, tout ce qu'il y avait d'eunuques derrière moi, tout ce qu'il y avait de pages s'était sauvé, pris d'un fou rire et incapable de le surmonter. « Prince des croyants, m'écriai-je, j'ai vidé mon sac, j'en ai la tête lourde, mes provisions sont épuisées ; je n'ai jamais vu un sérieux comparable au vôtre. Il ne me reste plus qu'une seule plaisanterie. — Voyons, dit El Mo'tadhid. — Je repris : Sire, vous m'avez promis dix taloches en guise de récompense, je vous prie de doubler ladite récompense et d'y ajouter dix taloches de plus. » El Mo'tadhid eut fort envie de rire, mais il se contint ; il ordonna à un page de me tenir les mains ; celui-ci obéit, je tendis le cou. Au premier coup du sac, il me sembla qu'une forteresse me tombait sur la nuque : en effet, le sac était bourré de cailloux ronds, pesants comme des poids de balance, je reçus mes dix coups ; j'avais le cou disloqué, le dos brisé ; mes oreilles tintaient, des éclairs jaillissaient de mes yeux. Les dix coups bien comptés, je dis :« Seigneur, un bon conseil!» — Le prince fit suspendre le supplice, quoiqu'il fût décidé à doubler mon compte, conformément à ma demande. « Voyons ton conseil, me dit-il. — Seigneur, continuai-je, pour un musulman, rien n'est plus beau que la loyauté, rien n'est plus odieux que la tromperie. Or, j'ai promis à l'eunuque qui m'a introduit ici la moitié du salaire, petit ou grand, que je recevrais. Le khalife (que Dieu lui donne de longs jours)! a bien voulu dans sa générosité en doubler le chiffre. J'ai ma moitié : c'est à l'eunuque à recevoir la sienne. » A ces mots, le khalife se renversa en riant aux éclats ; mes premiers récits avaient provoqué sa gaîté, mais il s'était contenu et les avait écoutés de sang-froid. Cette fois, il trépignait des pieds et des mains et se tenait le ventre. Enfin l'accès passé, et lorsqu'il eut repris haleine, il fit appeler un tel : c'était l'eunuque en question. Cet homme long et mince fut conduit devant le khalife qui ordonna de lui appliquer les coups de sac. « Prince des croyants, s'écria l'eunuque, qu'ai-je donc fait ? Quelle faute est la mienne ? — Je lui répondis : Voilà ma récompense et tu es mon associé : j'ai reçu ma moitié ; à ton tour de recevoir la tienne ; » et pendant que les coups tombaient comme grêle sur sa nuque, j'ajoutai que j'étais pauvre et chargé de famille : cc Je m'étais plaint à toi de mes besoins, de mon dénûment. Seigneur, te disais- je, ne me réclamez pas la moitié, contentez-vous du sixième ou du quart, mais tu as insisté pour avoir la moitié. Ah ! si j'avais su que la récompense du Prince des croyants (Dieu prolonge sa vie 1) consistait en taloches, je te l'aurais cédée tout entière. » Ces paroles, mes reproches à l'eunuque redoublèrent la gaîté du khalife ; la punition infligée et son hilarité s'étant calmée, il tira de dessous le coussin où il s'accoudait, une bourse préparée d'avance qui contenait cinq cents dirhems.— «Attends, dit-il, je te destinais cette somme, mais ta sottise t'a poussé à te donner un associé auquel je n'aurais sans doute rien accordé. — Sire, lui dis-je, et la loyauté et l'odieux de la tromperie ! Certes, j'aurais préféré que vous eussiez tout donné à cet homme et qu'il eût reçu dix taloches de plus avec cinq cents dirhems. » Le prince partagea la somme entre nous et nous partîmes (2). (1) Sur les Zatti ou Djott, cf. de Goeje, Mémoires d'histoire et de géographie orientales, III, p. 26 et suivantes. (2) Mas'oudi, Prairies d'or, tr. Barbier de Meynard, T. VIII, p. Ibl-IbS ; Ech Cherichi, Commentaire des Séances de H'artri, T. II, p. 303; Caussin de Perceval, Grammaire arabe vulgaire, p. 5 du texte arabe, où le nom du personnage est altéré en Ibn Maghâzi. Il semble qu'il y est fait allusion dans H'arîri, Séances, XLIII, p. 560-563. Cf. Ech Cherichi, op. laud. Malgré les noms historiques cités ici (El Mo'tadhid régna de 279 à 289 hég., octobre 892 il mars 902 de J. C.), on s'aperçoit aisément que nous avons affaire à une version, et non des moins anciennes en raison des développements, d'un conte très répandu. On le retrouve encore en arabe avec d'autres héros : El Mo'tadhid est remplacé par Hâroun er Rachîd, Ibn el Maghâzili par Abou Noouâs ou Ibn el Qâribi, l'eunuque par Mesrour (cf. Kitâb Nozhat el Djallâ" p. 23 ; El Ibchîhi, Kitâb el Mostalrel, T. II, p. 306-307, reproduit par Belkassem ben Sedira, Cours de littérature arabe, p. 27-29; Rat, Al Mostalral, T. II, p. 670-671 ; Guirgas 'et Rosen, Arabskaïa Khrestomatia, p. 33-35, d'après El Itlidi ; Mille et Une Nuits, éd. du Qaire, T. II, p. 206 ; éd. de Beyrout, T. III, p. 72; éd. de Bombay, T. II, p. 286 ; éd. Habicht, T. VIII, p. 231). De même en souah'ili, c'est Abou Noouâs qui est le héros : voulant acheter un âne et se trouvant sans argent, il va chez Hâroun er Rachîd, mais le chef des portiers refuse de le laisser entrer s'il ne lui abandonne pas la moitié de ce qu'il recevra : il accepte et demande cent coups de bâton. Hâroun er Rachîd surpris refuse d'abord, puis, sur son insistance, les lui fait donner. Au 50e coup, Abou Noouâs raconte le marché et le chef des portiers reçoit le reste (Biittner, Anthologie der Suaheli- Litteratur, texte, p. 87-88, tr. p. 86-87). Une autre version arabe où El 'Aska- lâni figure à la place d'Ibn el Maghâzili, a passé chez les Berbères de l'Oued Righ ; cf. la traduction dans mes Nouveaux contes berbères, p 166-167. Il figure encore comme épisode dans un conte chelh'a du Maroc, Histoire d'un enfant qui perdit son père quand il était petit. L'enfant demande au roi 400 coups de bâton à partager avec ceux qui l'ont introduit près de lui. Quant aux siens, il les vend à un fabricant de balais (Justinard, Manuel de berbère marocain, p. 44-49). La même anecdote est rapportée de Tennâlirâma, dans les contes du Sud de l'Inde, à la cour du roi Râyar (Krichnadeva), avec une sentinelle à laquelle il a promis de partager ce qu'on lui donnerait à l'occasion d'une danse à laquelle il arrive en retard (Natesa Sastri, Tales of Tennalirama, n° V, Getting the Sentries whipped, p. 9-10). En Europe, où on le rencontre fréquemment, le trait est presque toujours attribué à un personnage historique : ainsi en Allemagne, à Weigand von Theben et au duc d'Autriche Othon le Joyeux (cf. Ph. Chasles, Etudes sur l'Espagne ancienne et moderne, p. 95-96 ) ; dans le Mecklembourg, l'aventure du jeune palefrenier qui vient offrir un brochet à Wallenstein (Bartsch, Sagen, Marchen und Gebrâuche aus Meklemburg, T. I, p. 330). Dans un conte de Grimm, Der gute Handel, le paysan qui doit recevoir cinq cents coups demande au roi que le soldat et le Juif qui ont exigé le partage de sa récompense, reçoivent les cinq cents coups (Kinder und Hausmtirchen, no 7, p. 30-34). En France, on l'attribue à Jodelet (Julien Geoffroi) et au chancelier Séguier (Tallemant des Réaux, Historiettes, T. IV, p. 224-225), à Mezzatin et au duc de Saint-Aignan (Moland, Molière et la Comédie italienne, p. 375-376). Il a passé en Italie comme un conte populaire (Nerucci, Sessanta novelle popo- lari montalesi, nov. XXVI, I.a novella di Sonno, p. 233-237; Marc Monnier, Les contes populaires en Italie, p. 236-237). Voltaire le cite comme d'origine espagnole (Œuvres complètes, T. X, Préface de Catherine Vadé, p. 78). Cf. aussi Wesselski, Der Hodscha Nasreddin, T. I, p. 189. Cf. Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes, T. V, p. 282 ; Hunt, Grimm's Household Tales, T. I, p. 351, The Good Bar gain. Il en existe une autre version rapportée également par Mas'oudi : « Ah'med, fils d'El Modabbir, qui d'ailleurs donnait peu de temps à ses plaisirs, avait réuni sept commensaux, les seuls qu'il admît dans son intimité et qu'il associât à ses divertissements ; il les avait choisis avec soin pour lui tenir compagnie et s'asseoir à sa table ; chacun d'eux excellait dans un art et n'y avait pas de rivaux. Or un certain parasite nommé Ibn Darrâdj, homme d'une éducation parfaite, d'un esprit délié, et le plus habile mystificateur qu'il y eût, manœuvra tant et si bien qu'il finit par savoir quand Ah'med se réunissait avec ses amis ; il s'habilla comme eux et entra à leur suite chez leur hôte. « L'huissier, convaincu que cet homme était connu de son maître et de ses convives ordinaires, l'admit sans aucune difficulté. Lorsqu'Ah'med sortit de ses appartements particuliers et aperçut l'étranger, il ordonna à l'huissier d'aller s'enquérir auprès de lui de l'affaire qui l'avait amené. L'huissier fut terrifié : il comprit que le stratagème tournait contre lui-même et que son propre sang seul pourrait satisfaire le ressentiment d'Ibn Modabbir. Il se dirigea piteusement du côté de l'étranger et lui dit : « Le maître veut savoir quelle est l'affaire qui t'a conduit ici. — Il ne s'agit pas d'affaire », répondit le parasite. Sur une injonction de son maître, l'huissier demanda à l'intrus depuis quand il était arrivé. «Nous arrivons à l'instant, fâcheux que tu es, répondit le parasite. — Va lui demander qui il est, ajouta Ibn el Modabbir. — Réponds que je suis parasite, répliqua l'autre ; Dieu te pardonne 1 — Tu es parasite ? lui dit alors le maître de la maison. — Oui, vraiment, répondit-il ; que Dieu te glorifie ! Ibn el Modabbir reprit : On tolère qu'un parasite fasse irruption chez les gens, qu'il trouble le charme de leur intimité et qu'il surprenne leur secret, mais c'est à condition qu'il possède certains talents, par exemple qu'il connaisse les échecs ou le nerd, qu'il joue du luth ou du lonbour (espèce de guitare). — Que Dieu te protège ! répliqua le parasite, j'excelle en tout cela. — De quelle force es-tu ? — De première force. » — Le maître pria un de ses commensaux de faire une partie d'échecs avec l'étranger. — «Que Dieu favorise monseigneur ! ' dit le parasite, et si je perds ?... — Nous te chasserons de céans. — Si au contraire je gagne ? — Mille dirhems seront ta récompense. — Que Dieu te protège 1 continua l'intrus ; voudrais-tu faire apporter les mille dirhems ? Ce voisinage- là sera pour moi un stimulant et un gage assuré de la victoire. » — On apporta la somme en question ; la partie s'engagea et le parasite gagna. Déjà il étendait la main pour s'emparer de l'enjeu, lorsque l'huissier qui cherchait à se disculper autant que possible, dit à Ibn el Modabbir : « Seigneur, que Dieu te glorifie ! Cet homme se vante d'être de première force aux échecs, mais votre page un tel, fils d'un tel, le battrait. » Le page fut amené, il battit le parasite. Celui-ci, comme on allait le chasser, demanda un jeu de nerd (trictrac); on l'apporta, il joua et gagna. Mais l'huissier intervint : « Seigneur, dit-il au maître du logis, cet homme n'est pas de première force au nerd et un tel, notre portier, le gagnerait certainement. » On fit venir le portier et il battit en effet le parasite. Menacé d'être expulsé, ce dernier dit au maître :« Seigneur, et le luth!» On lui donna un luth, il en joua à merveille et charma l'auditoire par son chant. Nouvelle objection de l'huissier. « Seigneur, dit-il à Ibn el Modabbir, nous avons dans notre voisinage un vieil Hachemite qui instruit les esclaves musiciennes; il en sait plus que cet homme. » Le cheïkh fut introduit et obtint l'avantage sur le parasite. Comme on allait le chasser, le parasite réclama un /on