Le Président français et la chancelière allemande ont décidé de se tourner vers l'Algérie pour tenter de régler la question de la migration clandestine et de l'instabilité dans la bande sahélo-sahélienne. Ils veulent aussi empêcher Donald Trump de décider seul du sort de la région.Emmanuel Macron a reconnu enfin, que la France coloniale a recouru à la torture, en Algérie. Première victime à la famille de laquelle il demande pardon, Maurice Audin, ce communiste qui a pris partie avec l'Algérie, soutenu sa guerre de libération nationale et a été assassiné en 1957 par les militaires français. « Le président français a reconnu, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par les 2 militaires qui l'avaient arrêté à son domicile,» est-il noté dans la déclaration qu'il a rendue publique, jeudi dernier. Macron a décidé ainsi « qu'il était temps que la Nation accomplisse un travail de vérité sur ce sujet. » Mais il ne fait pas les choses à moitié. «Il importe que cette histoire soit connue, qu'elle soit regardée avec courage et lucidité. Il en va de l'apaisement et de la sérénité de ceux qu'elle a meurtris, dont elle a bouleversé les destins, tant en Algérie qu'en France, » dit-il à propos de la guerre entre l'Algérie et la France. Il estime alors qu' «une reconnaissance ne guérira pas leurs maux. Il restera sans doute de l'irréparable, en chacun, mais une reconnaissance doit pouvoir, symboliquement, délester ceux qui ploient encore sous le poids de ce passé. C'est dans cet esprit, en tout cas, qu'elle est pensée et aujourd'hui formulée. » Le président français a déjà demandé aux autorités algériennes de reconnaître les harkis et de leur accorder le droit « au retour. » Il ajoute dans sa récente déclaration que «l'approfondissement de ce travail de vérité doit ouvrir la voie à une meilleure compréhension de notre passé, à une plus grande lucidité sur les blessures de notre histoire, et à une volonté nouvelle de réconciliation des mémoires et des peuples français et algérien. Il continue sa plaidoirie, dans ce sens, en soutenant que «la République ne saurait, par conséquent, minimiser ni excuser les crimes et atrocités commis de part et d'autre, durant ce conflit. La France en porte encore les cicatrices, parfois mal refermées. Aussi le travail de mémoire ne s'achève-t-il pas avec cette déclaration. »
Le chantage de Macron
Cette reconnaissance vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d'Algérie, français et algériens, civils et militaires. » La France ne fait jamais rien sans rien pour l'Algérie. Macron veut la mettre au pied du mur et imposer sa vision du « donnant-donnant. » Si les Algériens veulent que la France coloniale reconnaisse ses crimes durant la guerre de Libération nationale, ils doivent aussi accepter de pardonner à ceux qui les ont trahis, vendus et très souvent liquidés physiquement au nom des militaires français. Son allusion veut que le FLN de la Révolution avoue qu'il a tué des Français pour leur arracher sa terre natale. Macron met ainsi dos à dos le bourreau et sa victime. Il vient de libeller sa feuille de route pour que la réconciliation entre Algériens et Français puisse s'affirmer et apaiser des relations agitées.
Au-delà de ce chantage qui ne dit pas son nom, la « sortie » de Macron sur la torture des militaires français, en Algérie, son pardon pour la famille Audin, sont un excellent début pour rassurer et apaiser les esprits. Elle vient, aussi, dégeler une relation qui, depuis de longs mois, s'est figée sur les désagréments que les Algériens rencontrent pour prétendre à un visa auprès du Consulat français. Les Français ont compliqué la procédure d'octroi du visa. Galère pour avoir un rendez-vous, lourd dossier à fournir pour en général un refus ou tout au moins un visa de quelques jours, ceci, y compris pour les fonctionnaires civils et militaires, intellectuels, journalistes, artistes. La guerre des visas a été déclenchée contre tous les Algériens, à quelques exceptions près.
Pour expliquer cet acharnement des diplomates français contre les demandeurs algériens de visas, des analystes ont de suite mis en avant la longue liste des produits étrangers - dont une grande partie sont français - que les autorités algériennes ont interdits à l'importation, en raison de la saignée des devises que les caisses de l'Etat enregistrent.
Au moment même où Macron rendait publique sa déclaration du jeudi, des hommes d'affaires algériens présentaient à Paris, des offres d'investissements à leurs homologues français.
Le timing entre les faits n'a rien de fortuit. La relation de cause à effet n'est pas à démontrer.
Le temps des négociations
Le tout intervient à quelques mois à peine de la présidentielle de 2019, moment propice pour « tout (re)négocier », du politique, à l'économique, au social, et au sécuritaire. Les Français le savent bien pour avoir, souvent, présenté « leur fiche de v?ux » à chaque élection présidentielle. Celle du 4ème mandat pour Bouteflilka, avait coïncidé avec les négociations de Renault pour un hangar de montage à Oued Tlélat, près d'Oran. Il l'a eu, sans aucune contrepartie en valeur ajoutée pour l'industrie nationale. « Dernaha djazaïria » est de la pure utopie et un grand mensonge.
La dernière raclée que le président américain a donnée aux Européens, lors du sommet de l'OTAN, qui s'est tenu à Bruxelles les 11 et 12 juillet derniers, a par ailleurs, pesé sur la suite des événements qui ont eu lieu cet été. Dès sa première prise de parole à Bruxelles, Trump avait tancé la chancelière Angela Merkel en soutenant que « l'Allemagne enrichit la Russie, elle lui paie des milliards de dollars pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ' Ce n'est pas juste. » Par ces propos, Trump reprochait à Merkel de financer le projet du gazoduc Nord Stream 2 qui doit relier la Russie à l'Allemagne. Il renchérit, « nous sommes supposés vous protéger contre la Russie et vous lui donnez des milliards de dollars, c'est très inapproprié. »
Le président américain a, durant les deux jours du sommet, soufflé le chaud et le froid pour diviser les membres de l'Union européenne dont 22 sont membres de l'OTAN. Le président français avait pris la défense de Merkel, en déclarant que «le président Trump sait que les Etats-Unis ont su trouver l'OTAN, dans les moments clés de son histoire, je pense que l'OTAN est une bonne chose pour les Etats-Unis. »
Trump veut reconfigurer la région
Entre autres déclarations de Macron pour soutenir Merkel, «Paris et Berlin ont un destin lié, l'Allemagne est un partenaire indispensable de la France.» Lundi prochain, la Chancelière allemande sera à Alger. Elle mettra certainement en avant la migration clandestine qui a jeté un froid évident entre Paris et Berlin, en raison des profondes différences d'approches entre les deux, sur le sujet…
C'est ainsi que tout est lié parce que le politique ne laisse ni ne fait rien au hasard. L'entretien téléphonique qu'a eu jeudi dernier, le président Bouteflika avec le président français, intervient au moment où la relation entre Paris et Alger chavire. L'échange entre eux sur la situation en Libye et au Mali laisse entrevoir de grandes inquiétudes quant à l'évolution des conditions sécuritaires dans la région. Premier pays à avoir déstabilisé la Libye et à avoir déclaré la guerre au Mali, la France se trouve, aujourd'hui, face à un président américain qui veut limiter le plus possible son ingérence dans la gestion de ces conflits. Il a bien demandé, en juillet dernier, à l'Italie de s'impliquer, fortement, dans la résolution de la crise libyenne. Trump pense que c'est l'histoire qui donne ce droit à Rome. Il a aussi exigé que l'Egypte ait un rôle important dans la gestion de ce dossier. En demandant aux Italiens d'organiser, en octobre prochain, à Rome, une conférence internationale sur la Libye, il a prévu de rendre caduque toutes les recommandations de celle tenue en mars dernier, à Paris, sous la présidence de Macron. Entre les Etats-Unis et l'Europe, il y a, cependant, une longue histoire de compromis qui vient du Plan Marshall, passe par le partage des ressources du monde et des calendriers des colonisations, jusqu'à la déflagration de l'Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen et autres scénarii de démembrement du monde arabe et musulman. Les 2% du PIB que Trump réclame aux Européens au titre des dépenses de défense, au sein de l'OTAN, n'est qu'un subterfuge pour qu'il les aligne, derrière lui, pour plus de guerres.
Par contre, en mettant l'Egypte en avant, Trump veut faire comprendre à l'Algérie qu'elle ne doit plus jouer aux intermédiaires avec les Libyens. Il partage, parfaitement, le soutien du président égyptien à Haftar et à ses troupes. C'est dire que les derniers propos du maréchal libyen contre l'Algérie n'ont rien d'un coup pour rien. Ils relèvent d'un jeu politico-militaire dangereux qui met Alger et toute la région dans le collimateur du gendarme du monde.
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Posté Le : 15/09/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com