L'objectif de cet article est de mettre en évidence le lien qui existe entre la météorologie, la prévention et la réduction des risques de catastrophes technologiques dans les sites industriels et pétrochimiques, leur impact sur l'environnement et le degré de vulnérabilité des populations et des biens. Le processus d'industrialisation de l'Algérie a connu un développement remarquable quoique réalisé dans des conditions qui n'ont pas respecté les impératifs environnementaux. Il a eu pour conséquences : m l'accélération de l'exode rural et la perte de productivité des ressources naturelles; m la dégradation de la santé publique et l'aggravation de la vulnérabilité des populations m la perte de compétitivité de l'appareil de production. Les multiples incidents survenus en ce début du XXIème siècle dans les principaux complexes pétrochimiques et industriels à Skikda, Annaba, Arzew, pour ne prendre que ces trois parmi les 09 sites à haut risque énumérés dans le rapport du CNES remis au gouvernement au mois de mai 2003, les multiples pertes en vies humaines et matérielles, les dégâts occasionnés aux unités industrielles et à l'environnement, les préjudices et nuisances causés aux populations avoisinantes incitent à accorder une attention particulière aux phénomènes météorologiques et climatologiques. Pourquoi la météorologie ? La météorologie, ce n'est pas seulement un bulletin à la radio ou la TV, loin des divinations hasardeuses, des incantations et des grenouilles mythiques, c'est une science moderne, un secteur de pointe parmi les Sciences de la Terre. Elle est un véritable enjeu dans la vie économique, politique et industrielle du pays. La connaissance du temps qu'il fait, la prévision météorologique du temps qu'il fera, de plus en plus précisément et de plus en plus longtemps à l'avance permet et permettra aux nombreux utilisateurs et décideurs de déterminer la démarche à suivre et les décisions à prendre. En effet, de par leur situation géographique et leur implantation en bord de mer à proximité des sites urbains ou à l'intérieur même des villes comme l'usine d'engrais phosphatés située en plein port d'Annaba, à cause des variations et perturbations météorologiques et du phénomène de la brise de mer, leur impact sur l'environnement, la santé et la sécurité des populations s'avère hautement dommageable sur le court comme sur le long terme, notamment lors de catastrophe majeure. Cela conduit à mettre en place un système d'alerte précoce pour une prise de décision et une mobilisation rapide des moyens matériels et humains conformément aux plans de contingences préalablement établis. Ce qui favorisera une intervention diligente et facilitera la communication ainsi que l'information des populations concernées et les conseils appropriés à prodiguer pour se protéger et se prémunir contre les effets néfastes du phénomène de dispersion des polluants comme les NOX, SO2 , CO2, NH3 , les poussières et les composés organiques volatils, et en cas de nécessité absolue, leur évacuation de manière ordonnée en des lieux préalablement déterminés, sans panique. Ainsi, lors des évènements survenus dans les sites mentionnés, les directions prévalentes et la vitesse du vent ainsi que la température ambiante, la pression et l'humidité étaient mesurées par la météorologie nationale. Cette dernière pouvait déterminer, compte tenu du réseau météorologique en place, le mouvement de la masse d'air et fournir par conséquent l'information aux services responsables de la sécurité des installations ainsi qu'à la protection civile et autres autorités concernées. Le vent. L'un des paramètres météorologiques déterminant dans le transport et la dispersion des polluants est le vent dont la vitesse et la direction varient avec l'altitude et la topographie des lieux ainsi que de la position et la hauteur de la source d'émission. Les vents forts facilitent la dispersion des polluants et diminuent leur concentration. Par contre, en cas d'incendie et de fuite de gaz, ils attisent la propagation des flammes qui peuvent devenir source d'incendies de produits hautement inflammables stockés à proximité. Quant aux vents faibles, à l'inverse, ils favorisent la concentration et l'accumulation des polluants. 1.Cas type: Annaba. C'est les cas de l'usine de fabrication d'engrais - Asmidal, construite dans l'enceinte du port dans la partie est de la ville. Les faibles vitesses moyennes pluriannuelles du vent - tableau1, sont manifestes à partir de 21.00h jusqu'à 06.00h, durant donc les heures de sommeil. Elles durent d'avril jusqu'à octobre. Les études effectuées par la Banque Mondiale [1] de 1995 à 2005 dévoilent les dégâts et les préjudices occasionnés à l'environnement et à la santé des populations. L'incendie du 16 septembre 2002 qui s'est déclaré vers 14h45 dans un bac de résine de 3000l, suite à des travaux de soudure, a recouvert d'une épaisse fumée noire toute la partie sud de la ville. Or, c'est le moment où, comme le montre le tableau1, la vitesse du vent est supérieure à 6m/s. Imaginons si le vent avait changé brusquement de direction et enflammé les 14 autres bacs dont dispose cette unité. Annaba aurait certainement connu les pires moments de son existence, semblables à ceux vécus à Bhopal le 02 décembre 1984 2. Cas de Skikda: le complexe GNL Il faut d'abord souligner que le gaz GNL est transporté et stocké à l'état liquide à une température aussi basse que possible -162°C. Dans cet état, il est plus lourd que l'air. Sa densité est 1,7. En cas de fuite dans les conduites, par vent fort et en fonction du temps qu'il fait, le nuage de vapeur inflammable dégagé peut se déplacer sur une distance de plusieurs centaines de mètres avant de se diluer dans l'air et se disperser. Avec une concentration inférieure à 5%, le nuage est trop dilué pour s'enflammer. On peut imaginer le danger qu'il représente pour les sites environnants au contact d'une source de chaleur s'il n'a pas encore atteint son plus bas niveau de concentration d'inflammabilité. A 15% de concentration du gaz dans l'air, les vapeurs de GNL sont à leur limite supérieure d'inflammabilité. Si la vitesse du vent est nulle ou faible, la masse gazeuse demeure concentrée au niveau de la source d'émission. Ce fut le cas le 19 janvier 2004 à 18.40h caractérisé par une pluie fine. Les gigantesques explosions qui se succédèrent détruiront les trains 40,30 et 20 ainsi que tous les bâtiments y attenant, causant des dommages même à l'extérieur du périmètre du complexe sous l'effet de la puissance du souffle provoqué par la déflagration. Ces dommages personne ne les a d'ailleurs estimés! Si le vent s'était levé, la boule de feu aurait peut être atteint les bacs de stockage du GNL et les trois autres trains, heureusement à l'arrêt. C'aurait été un véritable désastre analogue à celui survenu à Cleveland en 1944. C'est une succession d'incidents et d'explosions qui va marquer ce complexe chimique et pétrochimique. Une nouvelle explosion s'en suivra le 16 octobre 2004 au niveau du C1PK - au complexe de fabrication de matières plastiques, un incendie surviendra au niveau de 2 bacs de stockage de pétrole un an plus tard, le 05 octobre 2005 puis un autre en juin 2006. Tous ces évènements laissent croire que le volet sécuritaire est défaillant. Le facteur humain y est certainement pour beaucoup dans l'aggravation du degré de vulnérabilité du complexe et des populations environnantes, laissant libre cours à toutes les rumeurs parmi une population complètement désemparée faute de communication et d'information crédible tant à la radio qu'à la TV. 3. Cas d'Arzew Premier complexe au monde pour la liquéfaction du gaz naturel depuis 1964, il constitue après extension avec Bethioua 1 et Bethioua 2 l'un des plus grand complexe chimique, pétrochimique et industriel du pays. Avec un port en eau profonde, il peut accueillir des méthaniers de gros tonnage. Sa rénovation nécessita plusieurs années avant qu'il ne commença à fonctionner à plein régime Sans avoir connu les mêmes problèmes de l'ampleur de ceux du complexe de Skikda, il eut cependant à faire face à de nombreux incidents dus principalement à des défaillances tant techniques qu'humaines. Le problème de la pollution des sols par les hydrocarbures ainsi que la pollution marine demeure d'actualité. Quant au complexe de production d'engrais, comprenant à l'origine 4 unités de production, il fut construit par Technip. Sa production démarra en juin 1970: 1000t/j d'ammoniac, 400t/j d'urée, 400t/j d'acide nitrique et 500t.j de nitrate d'ammoniac. Ses capacités furent renforcées à partir de 1976 par Pullman-Kellogg et Voest Alpine et réhabilitées au début de 1990 par la compagnie Yougoslave (Hemijska Industrija Pancevo). Il connut aussi plusieurs alertes sérieuses suite à des incendies et des déflagrations dues à des mélanges air ammoniac. A la différence d'Annaba et Skikda, les vitesses du vent sont nettement plus élevées à longueur d'année. Les risques de propagation de flammes sont donc plus élevés et les incendies seraient plus fréquents sans vigilance accrue. La catastrophe de Skikda et les incidents récurrents survenus à Annaba, Bethioua et Arzew sont des signes d'alerte qui devraient pousser les pouvoirs publics à revoir sérieusement la politique d'implantation des sites industriels, à accorder une plus grande importance au renforcement des capacités en matière de prévention et de réduction des risques de catastrophes à tous les niveaux de responsabilité, particulièrement en matière de sécurité et de contrôle. La gestion et la prévention des risques de catastrophes incombent non seulement aux ministères de tutelle à travers leurs unités d'intervention et la protection civile, mais aussi pour être efficace, nécessite une collaboration et une coopération étroite des compétences ainsi que l'échange d'information entre les différents ministères et institutions: MATE, Habitat, Transport, Hydraulique, Agriculture, Santé, Télécommunications, Agence spatiale, Défense Nationale etc. Cette gestion fondamentalement proactive, pour être effective, doit être aussi capable de mobiliser la société civile, les associations, le secteur privé et le secteur universitaire. La catastrophe de Skikda et les incidents récurrents survenus aussi à Annaba, Bethioua et Arzew sont des signes d'alerte qui devraient pousser les pouvoirs publics à revoir sérieusement la politique d'implantation des sites industriels en tenant compte non seulement aux problèmes environnementaux mais aussi aux conditions météorologiques et climatologiques, à accorder une plus grande importance au renforcement des capacités sur sites, en matière de prévention et de réduction des risques de catastrophes à tous les niveaux de responsabilité, particulièrement en matière de sécurité des personnes et du contrôle régulier suivi d'inspections ( même inopinées) des équipements et des instruments de mesure et de contrôle ainsi que le strict respect des consignes et règles de sécurité qui doivent être régulièrement améliorées. Il serait intéressant pour les responsables algériens de lire et de se référer aux recommandations du rapport de «l'US Chemical Safety Board (CSB)» publié le 20 mars 2007 à Houston au Texas, sur la catastrophe survenue à la raffinerie de BP à Texas City le 23 mars 2005, faisant 15 morts et 180 blessés [5]. La gestion et la prévention des risques de catastrophes naturelles et technologiques (anthropiques) incombent non seulement aux ministères de tutelle à travers leurs unités d'intervention et à la protection civile, mais aussi pour être efficace, nécessite une collaboration et une coopération étroite des compétences ainsi que l'échange et le partage de l'information entre les différents ministères et institutions: MATE, Habitat, Transport, Hydraulique, Agriculture, Santé, Télécommunications, Agence spatiale, Défense Nationale etc. Cette gestion fondamentalement proactive, pour être effective, doit être aussi capable de mobiliser la société civile, les associations, le secteur privé et le secteur universitaire et de l'éducation. Références:1. Hocine Bensaad. The Algerian Wind Energy Program, 5th BWEA Conference, Oxford 1985 2.Nachida Kasbadji Merzouk. Thèse de doctorat : Evaluation du gisement énergétique éolien, Universite de Tlemcen, Mai 2006 3. R. Hammouche. Atlas vent de l'Algerie. ONM/OPU, 1990 4. World Bank Report ¹14495-AL, Industrial pollution control project, May 1996 and report ¹ 34512 , December 30, 2005
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Posté Le : 04/04/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hocine Bensaad: Dr Expert/Consultant Wind Energy Disaster Management & Disaster Risk Reduction
Source : www.lequotidien-oran.com