Algérie

Mesures et démesure



L'opinion publique, qui des dirigeants et même des grands de ce monde n'en tiendraient pas compte ' Plus encore, si celle-ci est relayée par les médias. Ces derniers s'arrogeant de fait le droit d'être son (opinion) reflet, parfois délibérément fabriquée ou involontairement façonnée jusqu'à ce qu'ils soient, eux-mêmes, dépassés par les proportions qu'elle pourra prendre.
Deux évènements importants survenus au cours de ces dix derniers jours corroborent aisément l'influence de l'opinion sur la qualité de la gouvernance, voire la capacité même du gouvernement de réagir autrement que les aiguilles affolées de l'altimètre d'un avion en difficulté : la colère des populations du sud du pays et le rapt à l'est du pays de deux enfants et leur ignoble assassinat. Dans l'un comme dans l'autre des deux cas c'est l'opinion évoquée et formidablement cornaquée par la presse qui a acculé des ministres du gouvernement Sellal de se souvenir d'errements qui durent. La première réaction est venue du ministre de l'Intérieur. «Il n'y a pas de problèmes politiques dans le sud du pays», affirmera le ministre qui impute ainsi le désespoir des jeunes aux conditions sociales difficiles, comme si celles-ci n'étaient pas la traduction même d'un superbe échec politique, ne serait-il que celui de l'emploi. Au même instant, le ministre en charge du secteur, comble de l'ironie, soutient qu'il «n'est pas d'accord avec ce qui se passe dans le sud» parce que «les problèmes de chômage (dans la région. NDLR) dépasseraient les prérogatives dévolues» à son département (sic).
Et si le ministre de l'Intérieur, toujours, dénonce «ceux qui sèment la division entre le Nord et le Sud» ne parvient que juste à
rappeler que près d'une décennie auparavant son prédécesseur soutenait le même raisonnement pour la même wilaya, «la manipulation n'est pas à exclure» préconisant dans la foulée de «réévaluer et de revoir les dispositifs et les conditions de recrutement au sein des sociétés pétrolières». Autrement dit, une décennie plus tard, presque du mot-à-mot avec ce qui est préconisé aujourd'hui et allègrement qualifié de «Plan Marshall».
Evidemment le casting a changé et c'est moins probable pour le scénario sinon rien n'expliquerait les raisons pour lesquelles les mêmes causes n'arrêtent pas de produire les mêmes effets. Quel changement augurerait la batterie de résolutions prises par le Premier ministre sachant qu'une fois le tumulte passé, l'amnésie collective reprendrait naturellement ses droits. Du côté du ministère de l'Energie, des responsables ont laissé entendre la spécificité des recrutements dans le secteur. Autrement dit, d'une manière subliminale, les intérêts sont trop puissants sur place pour qu'un changement s'opère, et toujours en 2004, Chakib Khelil faisait preuve du plus grand aplomb en évacuant du revers de la main l'hypothèse de revoir les procédures de recrutement.
Sa réponse à son homologue du ministère de l'Intérieur ne souffrait alors d'aucun commentaire : «Il n'y a rien à réviser dans les modalités du recrutement.» Le lobby des agences de sous-traitance de l'emploi, lesquels ne dérogent pas grandement aux procédés de négriers, étant nettement identifié puisque d'aucuns affirment le lien direct qu'ont des pontes de la Centrale syndicale avec ces agences.
Une fois la stupeur passée après l'enlèvement des enfants et le sentiment de révolte, et aussi d'impuissance, des habitants à réagir après leur assassinat, il est question pour les associations dont la Forem de revoir la législation en matière de protection de l'enfance et des textes spécifiques aux violences qui leur seraient faites et plus particulièrement s'il y a mort. Mais ce qui a émergé dans l'exception qu'est cette affaire est l'impréparation des institutions chargées es qualité d'y faire face, exception faite de certaines structures spécialisées de la police qui ont effectivement fait preuve d'un professionnalisme hors du commun.
Toutefois, l'ébranlement de la machine ne s'est pas fait sans démesure, rien ne justifiant par voie de conséquence la violation de domicile commise par les policiers dans le cadre de leurs investigations sur plus de 70 appartements au motif qu'ils pouvaient abriter les kidnappeurs. Pis encore, les habitants de la nouvelle ville Ali-Mendjeli en particulier ont été choqués d'apprendre que le service du protocole du wali aurait appelé les familles pour leur annoncer «une bonne nouvelle». Ce qui, compte tenu de la situation, ne pouvait que suggérer la réapparition des enfants. Or, la bonne nouvelle consistait en le déplacement du wali aux domiciles de leurs parents. La démesure c'est tout aussi cette psychose qui s'est invitée dans le quotidien des familles conduisant de nombreux parents à créer des embouteillages au niveau des écoles au moment des entrées et sorties, et la suspicion automatique de tout étranger dans un quartier, une cité'
A. L.


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