Mésaventure
par El-Guellil
A chaque fin de mois, son moi reçoit un bon coup. D'abord quand arrive le virement de sa retraite, ensuite lorsqu'il se présente au guichet de poste, où les retraités et les rejetés comme lui sont à la merci de l'humeur du préposé au paiement. Exposé pendant des heures aux regards, quand arrive son tour, il retire et se tire. Avant de sortir de «l'édifice-poste», il s'assure qu'il n'est pas suivi et s'arrange souvent pour faire équipe avec quelqu'un. «Ouled el-haram katrou, et la misère gonfle les rangs de la délinquance».
Ce n'est qu'arrivé chez lui qu'il compte son pécule. Le temps de commencer, il a déjà fini. Il appelle son épouse. C'est le repas spécial aujourd'hui. «Tiens ça, c'est hors masrouf, tu nous fais une bonne marmita. Ça, c'est pour toi, lui dit-il l'œil complice, c'est pour el-hammam». Elle met el-kemmoussa fel khabaya, prend le couffin et se dirige sans mot dire vers le marché. Daouia n'a même pas assez de sang dans son corps pour rougir.
Lui, il ira au marché de gros acheter son sandoug de batata mensuel, el-bsal et bidou zit. Au retour, comme chaque mois, c'est son ancien ex-chef de service qui l'accompagne. Ce dernier est «taxi clandestin» depuis la fermeture de son entreprise.
Ce soir, avant El-Maghreb. Il reste penaud. Au moment où il devait payer ses pommes de terre, un adolescent a tenté de lui arracher le billet de mille dinars qu'il tendait au marchand, avant de s'enfuir. Mais c'était compter sans l'expérience du vieux retraité et la force de ses «doigts-étau». Otchimine a essayé de le poursuivre, mais en vain. Hors de lui, adieu zit, bsal et batata
Il a préféré reporter à plus tard.
Son aventure ne semblait pas étonner sa Daouia, qui n'a pas arrêté son hochement de tête accompagné de «Ya latif !» et «Allah yastor !», «El-miziria, ya ouled ennass» ! «Il m'a demandé de m'aider à porter le couffin
fettetli galbi ! J'ai accepté. Il a pris el-gouffa qu'il a mise sur ses frêles épaules au moment où je payais moul el-baydh. Je me retourne: ni gosse ni couffin ! Ghabbar !»
Dehors, une sirène de police déchire l'air. Le muezzin appelle à la prière. Un enfant s'égosille à vouloir vendre son ma hlou. Le rap a remplacé le raï chez le marchand de cassettes. Un passant engueule un citoyen haut perché qui lui a balancé un sac poubelle sur ce qui lui sert de porte-cheveux et le club internet chassa sa clientèle, vu l'impossibilité de se connecter.
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Posté Le : 09/02/2012
Posté par : Fadhel222
Ecrit par : El-Guellil /- Photo ajoutée par fadhel222
Source : Le Quotidien d'Oran (09/02/2012)