Mostaganem - Mersali Otmane

Mersali Otmane: Les beaux-arts font avec lui



« Peintre du chevalet»: est-ce bien ainsi que l’on pourrait définir ce peintre, né à Mostaganem et qui a vécu enfance et adolescence à Oran? cela rappelle quelqu’un d’autre: Guermaz.

Comme lui, natif de cette petite ville de l’Ouest. Une cité qui a donné tant et tant à l’Algérie. Le «chaâbi d’abord, avec, entre autres, deux figures: Maâzouz bouadjadj, le maître et Mustapha Bendaamache, homme de culture et de raison. Le théâtre ensuite, avec le festival national de théâtre qui, vaille que vaille, existe depuis les années soixante! comme Guermaz, Otmane Mersali s’est exilé en France. L’analogie s’arrête là, et elle est de taille. Nous pourrions ajouter Mohammed Khadda, natif de Mostaganem. Il faudra bien un jour que les historiens, anthropologues et autres chercheurs s’intéressent à ce terreau si fertile en artistes en tous genres. Après un Cafas, Mersali décroche son diplôme national et s’en va suivre (en élève libre) des études aux Arts déco à Paris. Retour au pays où il enseigne les arts «beaux».

En 1985, il suit un DEA d’arts plastiques à Paris 8, et le voilà qui revient encore dans son cocon oranais. Il enseigne, il peint, il intervient. Au début de la décennie 90, la guerre civile le pousse à fuir «cette Algérie saignée à blanc».

Il s’installe à Paris où il vit toujours. Sa dernière exposition personnelle au Musée Ahmed Zabana (ex-Demaëght) remonte à 1991. Quatorze ans après, en 2006, il revient dans ce beau musée, riche d’un vécu et d’un art maîtrisé, il revient dans sa ville, Oran. L’artiste revient. Sa production pourrait, bien arbitrairement, se découper en deux dimensions: le «peintre du chevalet» et celui de l’urgence. Dans l’urgence, il a privilégié le collage. Cette dernière technique s’est imposée de fait, lorsqu’il est arrivé en France. Sommé, devant la folie meurtrière qui s’est emparée de son pays de «dire, dénoncer», sans le sou, il utilise de vieilles revues, de vieux magazines, les déchire, les colorie, les colle et ajoute de la gouache comme liant. L’effet est remarquable: de véritables oeuvres d’art évoquent les femmes et les hommes qui ont été sacrifiés sur l’autel de l’intégrisme barbare. Des artistes, poètes et intellectuels: Alloula, Djaout, Sebti, Mekbel, mais aussi des femmes: Karima, Zoulikha, Saïda et leur mère égorgées en 1994. Et bien d’autres. C’était l’urgence : il y était, «de rage violente». Puis, le «peintre du chevalet» a repris sa place. Une place qui a bougé, pris des sentiers divers, du symbolisme au figuratif, en passant par l’intérêt à la calligraphie arabe. Aujourd’hui, la recherche est esthétique: «il n’y a ni explication philosophique, ni raison symbolique, ni non plus de message à faire passer. Je peins (...) simplement pour moi...». Et de donner libre cours aux couleurs sur la toile.

« A partir d’une image ou d’un croquis..», les couleurs sont posées, juxtaposées, mêlées, puis gommées, estompées pour «aller vers une abstraction partielle». Et là, surgit une perspective laissant deviner une rue, des terrasses, des silhouettes. Ah! Les silhouettes! Chez Otmane Mersali, elles sont souvent féminines, imprécises, à peine esquisées, anonymes. Elles portent le «haïk», ce voile blanc si carctéristique d’une époque, aujourd’hui relégué au musée des vieilleries, au profit du «hidjab» omniprésent. Ces silhouettes de femmes, c’est le fil d’Ariane de l’artiste: il ne veut pas le perdre; c’est le cordon qui relie à la mère, la mère nourricière, non la mer (Méditerranée) absente, suggérée, peut-être, au-delà des terrasses, devinée quelquefois au détour d’une rue.

Dans une impasse ou un Souk, ou encore dans le Derb, la lumière vient par ces silhouettes ou les suit. L’image est forte, transparente et n’a pas besoin de discours: cette femme algérienne, si marginalisée par les lois et les hommes, Otmane Mersali la met au centre: elle est source de vie! Ainsi, la peinture de Otmane Mersali est vie, une vie en mouvement, en couleurs. Une peinture «débarrassée des détails et du superflu», suggérant M’dina J’dida (Ville nouvelle) à Oran, ou la Casbah, à Alger. «Peintre du chevalet»? Oui. Peintre, toujours même sans chevalet. Hier, maniant les «signes, les lettres et les silhouettes», aujourd’hui, les silhouettes, les couleurs, la lumière...



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