Algérie


Résumé : Les vacances prennent fin pour Amar qui, après avoir traité ses affaires, demande à sa fille de préparer leurs bagages. Mais cette dernière lui annonce qu'elle va prolonger son séjour au bled. Elle argumente sa décision par son besoin de se reposer, après une dure année scolaire.Amar fronce les sourcils.
- Tu veux vraiment rester au bled '
- Bien sûr. Il n'y a pas un autre endroit sur terre plus beau et plus accueillant que notre village. Et puis ici au moins j'ai tout le monde avec moi.
Aïssa sort de sa chambre et vient se mettre sur les genoux de son père en lui chatouillant le visage. Amar lui pince la joue.
- Tu vois, petit, ta s?ur refuse de rentrer avec ton père. Elle veut rester ici avec toi.
Aïssa tape des mains.
- Je vais jouer avec elle. Je vais jouer avec elle.
Amar sourit.
- Toi, tu ne penses qu'à jouer. Ah ! Comme j'aurais souhaité avoir encore ton âge !
Aïssa s'agite et tend son petit doigt vers Meriem.
- Nous allons dans ta chambre pour le jeu des carrés. Toi les rouges et moi les blancs cette fois-ci.
Meriem hoche la tête.
- J'ai encore des choses à faire, Aïssa. Après le dîner, nous pourrons faire une partie.
- Et avec moi, quelle partie vas-tu jouer Meriem ' demande Amar d'un air sérieux.
- Heu... Voyons papa, voyons. Je t'assure que cela me fait mal, très mal même de te savoir seul à Paris. Si... si tu veux que je rentre avec toi...
Amar lève une main.
- Non... Non... Tu veux rester au bled ' Restes-y. Mais, je te préviens., dès que j'aurai le dos tourné, Houria s'en prendra à toi.
Meriem déglutit.
- Je... je la connais assez maintenant. Elle n'est pas aussi mauvaise que tu le penses. Et puis, il y a Taos. Et je pourrai aussi me rendre chez Daouia et les autres voisines.
Amar dépose Aïssa et se lève.
- Bien. C'est ton choix. Je vais rentrer à Paris, et lorsque tu auras envie de me suivre, fais-le-moi savoir. J'espère que tu sais ce que tu fais. Si tu rates la première année à l'université, tu vas devoir rallonger ton cycle supérieur.
- Je sais papa. Mais je préfère entamer l'année en forme, que de devoir la refaire.
Elle sent un pincement au c?ur et des larmes imbibent son visage. Amar lui caresse la joue.
- Ne pleure pas. Si tu te sens désemparée, tu n'auras qu'à prendre un billet d'avion pour rentrer. Encore une fois, je te demande si tu veux réellement prolonger ton séjour ici au bled.
- Oui papa. Je veux passer quelques mois à la ferme. Je... je me sens si bien ici.
- À ta guise, ma fille. J'espère que tu ne vas pas le regretter.
- Heu... non. Je... je saurai organiser mon temps. Taos a promis de m'apprendre à cuisiner des plats traditionnels. Et... et puis il y a Aïssa qui me suit partout maintenant. Je... je vais m'occuper de lui aussi.
Pas trop convaincu par les arguments avancés par sa fille quant à vouloir prolonger son séjour au bled, Amar se rend tout de même à l'évidence : Meriem a déjà tranché dans cette affaire. Il boucle ses bagages et quitte la ferme deux jours plus tard, à l'aube.
La jeune fille verse de longues larmes lorsque la portail se referme. Son père vient de partir, et elle se sent plus que jamais seule. Avait-elle le choix ' Elle passe une main sur son ventre, qui devient de plus en plus proéminent au fur et à mesure que les semaines passent. Elle vient de dépasser le sixième mois, et ses rondeurs ne trompent plus sur son état. Heureux encore qu'Amar n'ait rien deviné ! Taos, qui vient de rentrer dans sa chambre, essuit une larme et se penche sur elle pour l'embrasser.
- N'aie pas peur, ma fille. Dans quelques mois, tu rejoindras ton père, et nous tirerons un trait sur le passé.
Meriem se rendort et ne se réveille que vers la mi-journée. Elle a l'impression que le temps s'est arrêté. Va-t-elle pouvoir supporter l'absence de son père jusqu'à son accouchement ' Jamais encore elle ne l'avait quitté pour une période aussi longue. Elle tourne en rond un moment dans la maison, puis retourne dans sa chambre pour se reposer. Hakim lui a offert quelques nouveaux titres de lecture, et elle y trouve refuge. Aïssa est parti avec sa mère. Houria a quitté la maison juste après le départ de son mari, pour passer la journée chez une vieille tante. Taos a préparé un succulent déjeuner, mais Meriem ne peut rien avaler. Son c?ur est gros, et son estomac noué renvoie son contenu dans son gosier. Elle déglutit et met une main devant sa bouche.
- Merci Taos, mais je n'ai pas du tout faim.

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