Algérie

Mères célibataires, et alors '



Mères célibataires, et alors '
Elles sont chassées par leur famille, leurs enfants sont stigmatisés à l'école, elles ont du mal à joindre les deux bouts. Mais à Alger, élever un enfant seule n'est plus un si grand tabou. El Watan Week-end a rencontré ces mères courage qui assument envers et contre tous.«J'ai été abandonnée par ma famille, mais je n'abandonnerai pas mon enfant. Pour rien au monde.» Kahina, 34 ans, habite à Alger et travaille comme femme de ménage la matinée et garde-malade l'après-midi.Son seul souci : élever et éduquer sa fille de 5 ans, née hors mariage, dans les conditions les plus «normales». «Je travaille 11 heures par jour juste pour offrir une bonne situation à ma fille sans avoir recours à personne.» Son histoire ressemble à celle de nombreuses mères, puisque le réseau Wassila et le ministère de la Santé estiment que 5000 nouveau-nés chaque année sont de mères célibataires en Algérie.Alors que le ministère de la Solidarité parle de 3000, un rapport publié par Santé Sud, évoque 7000 naissances hors mariage par an en Algérie, un chiffre en hausse, soit 6 fois plus qu'en Tunisie. «Ma fille est venue au monde après un amour de 4 ans, j'avais 29 ans. On était amoureux, avec son père.Enfin, c'est ce que je pensais, raconte-elle. J'étais très contente. Je pensais qu'on allait se marier.» Abandonnée par le géniteur de sa fille, puis par sa famille et ses amis, cette maman solo affronte un quotidien difficile dans un studio au rez-de-chaussée. «Quand les jeunes du quartier ont remarqué que je vivais seule avec mon fils, ils venaient taper à ma porte tous les soirs. Je n'arrivais pas à dormir. J'en ai parlé à l'imam du quartier, qui m'a aidée. Il a demandé à d'autres jeunes de nous protéger.» La société toute entière voit en elle une «pestiférée».CARTONS«Insultes, jugements et obstacles. C'est le quotidien de toute mère célibataire dans ce pays, déplore-t-elle. Mais aujourd'hui, le regard des autres ne me gêne plus. Ma fille, son éducation et son avenir sont tout ce qui compte pour moi. Quant à ma famille, personne n'a cherché à me contacter. Même moi, je ne veux plus en entendre parler.Quand je pense que même ma mère m'a rejetée, alors que je m'attendais à ce qu'elle soit de mon côté.» Conséquence de cette stigmatisation : rejet et jugement de la société ; plusieurs femmes risquent leur vie en ayant recours à des avortements clandestins, pratique interdite par la loi algérienne.Cependant, si la situation des mères célibataires rimait autrefois à humiliation, isolement et abandon d'enfants, ces dernières sont aujourd'hui ? en tout cas à Alger ? déterminées à se prendre en charge et heureuses d'être maman. Lamia avait 18 ans quand son fils est venu au monde. Violentée à la maison, elle va chercher un peu d'affection dehors. Séduite par son voisin, elle tombe rapidement enceinte. Une fois que ses parents et son frère l'apprennent, Lamia reçoit encore des coups. Elle parvient à fuir la maison et à trouver refuge chez sa tante.«Elle a bien pris soin de moi durant la grossesse, mais ça n'a pas été le cas après l'accouchement. Ma tante me battait pour n'importe quel pretexte. Elle qui n'avait pas d'enfant, voulait prendre mon fils et s'énervait quand je m'approchais de lui», raconte-t-elle. Face à cette situation et malgré son jeune âge, Lamia prend des décisions et assume ses responsabilités envers son fils. Elle quitte la maison de sa tante et commence à chercher un travail. «Avec un niveau scolaire moyen et un bébé sur les bras, ça n'a pas été facile», affirme-t-elle.DE MON MIEUXA 20 ans, la jeune maman a travaillé comme femme de ménage et concierge. «Je n'avais pas le choix, j'étais prête à tout pour nourrir mon fils. On a passé des nuits dehors, sur des cartons, mais il était hors de question que je l'abandonne», lance-t-elle. Aujourd'hui, la jeune maman a 25 ans et vit dans un studio avec son fils de 7 ans. C'est sa deuxième année à l'école. «La seule chose qui m'inquiète c'est qu'en milieu scolaire, mon fils affronte, à son tour, le regard de la société contre lequel je ne peux pas le protéger.La première semaine d'école, le directeur m'a convoquée pour me dire que trois mères d'élèves, des femmes du quartier, sont venues demander le changement de classe de mon fils, car elles n'acceptent pas qu'il côtoie leurs enfants ! J'entendais ce genre d'histoires mais je n'y croyais pas jusqu'à ce que ça m'arrive.» Finalement, Lamia réussit à le maintenir en classe. Aujourd'hui, elle est vendeuse : elle passe neuf heures par jour dans un magasin de vêtements et prépare, chaque soir, des gâteaux pour le café du quartier afin de subvenir aux besoins de son fils.«Nourrice, loyer d'une chambre sur une terrasse, charges, vêtements, affaires scolaires? il faut de l'argent pour assurer tout ça ! Et dans cette situation, il ne faut pas compter sur l'Etat pour t'aider !» Neila, 32 ans, est maman célibataire d'une fillette de 2 ans. Cette enseignante est tombée enceinte après une relation amoureuse qui a duré 5 ans. Une fois la grossesse annoncée, son compagnon la quitte et fuit toute responsabilité. «Malgré les circonstances, j'étais contente à l'idée d'être maman.Ma mère a respecté mon choix, mais m'a demandé de m'éloigner pour éviter les jugements des proches et des voisins», révèle-t-elle. Quatre mois après, ne pouvant plus cacher sa grossesse, Neila quitte Oran et s'installe à Alger où elle enseigne dans une école privée. «Je me bats pour ma fille... C'est vrai que j'aurais préféré qu'elle vive dans une véritable famille, mais je fais de mon mieux pour qu'elle ne sente aucune différence», conclut-elle.*Les prénoms ont été changés




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