«Je loue mon ventre entre 800 000 et 1 million de dinars par grossesse à des couples qui n'ont pas d'enfant ou à des marchands de bébés, ici en Algérie ou même en Tunisie.» Manal*, la vingtaine, vit à Annaba et parle de son quotidien de mère porteuse.Un phénomène méconnu en Algérie, que le milieu associatif qualifie de «nouveau». C'est sur la place d'Armes, en plein centre de la ville, que la jeune femme rencontre son réseau. «Les couples et les trafiquants qui désirent que l'on porte des enfants pour eux nous contactent via des intermédiaires que nous connaissons très bien. Ils nous garantissent notre sécurité et le paiement avec le client, et en contrepartie, on leur donne 10% de la somme», confie-t-elle. Et pour la réussite de tout le processus, une vraie organisation est mise en place. «Les intermédiaires louent des appartements dans lesquels les femmes porteuses et les mères célibataires restent pendant le temps de leur grossesse.L'hébergement est inclus dans l'accord passé lors des négociations de vente», révèle-t-elle. Mohamed* a, quant à lui, déjà assisté à cet étrange et curieux contrat. «Un de mes amis a acheté un bébé de cette manière. Son intermédiaire avec les mères porteuses était une femme de ménage qui travaillait au CHU de Annaba. Il lui a commandé son bébé, elle a pris son pourcentage et s'est occupée de tout le processus avec la future mère jusqu'à l'administration. On parle là de grands réseaux, car quand le client récupère le bébé, le certificat médical est délivré au nom de la maman qui achète le bébé», assure Mohamed.DignitéKahina A., membre de l'Association des femmes du Sud, n'aurait jamais «imaginé que l'on puisse en arriver là en Algérie. Du moment que l'adoption est un droit, ce genre de pratique encourage plutôt le commerce de bébés, c'est contraire à nos coutumes, traditions et à notre religion». De son côté, Atika Belhacene, militante féministe s'insurge contre cette atteinte à «la dignité du corps humain». «Le ventre des femmes ne doit en aucun cas être vendu, car c'est toujours la même histoire : ce sont les riches qui abusent des femmes pauvres. Je ne serais pas contre dans le cas où la femme accepte de rendre service gratuitement à un couple qui n'a pas d'enfant. Mais le corps et le bébé ne doivent en aucun cas devenir une marchandise.»D'après Manal, même les Tunisiens achètent ces bébés en Algérie. «Une fois, j'ai eu une commande de la part d'un Tunisien. Il est venu pour acheter deux bébés, un auprès de moi et un autre auprès d'une amie. Il nous a expliqué qu'il les commercialisait en Tunisie», ajoute la jeune femme. D'après Mohamed, ces bébés pourraient très bien passer dans des filières clandestines en Europe. Selon maître Belkacem Naït Salah, «la question n'a pas été réglementée ni dans le code de la famille, ni dans le code de la santé, le problème de la filiation reste contesté, car l'Algérie ne reconnaît pas la filiation artificielle».
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Posté Le : 21/11/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Bouzid Ichalalene
Source : www.elwatan.com