Algérie

Merci, semeur de rêves



Le roman de Hamid Skif, Monsieur le Président, acheté à  Jijel dans une librairie, dont le propriétaire guettait le client. Cette œuvre écrite sous forme de lettres adressées à  «notre zaïm» – le guide suprême – (des lettres qui ne recevront jamais de réponses tant l'autisme des dirigeants n'a d'équivalent que leur mépris du peuple), m'a fait pénétrer dans les noires arcanes des palais officiels. Là où se trament les politiques qui ont plongé le peuple dans une à¨re de glaciation alors que le pays regorge de soleil. A la dernière ligne, une idée m'a traversé l'esprit. Cet écrivain-poète, vivant aujourd'hui en Allemagne, comment a-t-il pu garder, me suis-je demandé, et l'optimisme et l'humour dans un pays livré à  la hogra (cette maladie de l'impunité, nourrie par le courage de la lâcheté).
J'ai eu la réponse quand je l'ai rencontré à  Alger, lors du 2e Festival panafricain de juillet 2009. Nous étions écrivains, cinéastes, journalistes, attablés autour de bonnes bouteilles qui avaient allégé nos esprits. Et là, j'ai vu Hamid entraîner l'assistance sur le chemin d'une autre ivresse, celle qui est née avec la nuit «du Temps», je veux parler de l'amour. Il déclamait un poème, louant la beauté d'une femme, décrivant son inlassable quête de cette femme rêvée, désirée, attendue. Au fil des mots qui me berçaient, il me semblait entendre le poète avouer sa peur de la relativité des choses de la vie, la vie avec ses ombres et ses lumières, rude adversaire de l'amour absolu. En l'écoutant, je me suis senti transporter vers un ailleurs où, à  mon tour, j'aurais aimé chuchoter des mots délicieux à  une amoureuse. Et pour laisser des traces de ces moments magiques, j'ai pris ma caméra et filmé le poète, le verbe se fit alors action. Le visage de Hamid était doux et sérieux, ses yeux brillaient d'intelligence… Les applaudissements de ses confrères lui firent chaud au cœur. Cette séquence de mon film, L'Afrique chante et Alger rit, à  chaque fois que je la revois, me fait frissonner. Car le poème me fait remonter le temps à  mes premiers émois quand, jeune adolescent, je me suis éveillé à  l'amour dans les venelles typiques de nos quartiers.
Aujourd'hui, je dis merci à  ce semeur de rêves. Eh oui ! Le rêve, ce bien précieux, a été déclaré hors-la-loi par des culs-terreux qui préfèrent cultiver l'ignorance. En tournant le dos à  ces petits esprits, le délice n'en est que plus dense quand on lit le poète Skif qui nous gratifie tout à  la fois de la connaissance et du plaisir. Oui, sa poésie donne de la force, de la force pour tenir debout, de la force pour hurler, le temps qu'il faudra, pour déboulonner nos despotes et assécher les marécages qui polluent notre beau pays. Qu'il est beau de chanter la liberté ! Que c'est doux de la conjuguer avec les sensations inspirées par une bien-aimée ! Pour tout cela, Hamid, encore merci.
 


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