On se souvient
que M. Ahmed Ben Bella avait été invité par l'ancien président Bourguiba à
Tunis avec d'autres personnalités arabes et maghrébines, dont le président
égyptien Gamal Abdel Nasser, au lendemain de l'héroïque bataille de Bizerte qui
a opposé la jeune armée tunisienne et les habitants de Bizerte aux forces
armées et la marine françaises.
On se souvient
aussi que M.Ben Bella avait fait un discours à l'aéroport de Tunis-El Aouina
des trois phrases suivantes: «Nous sommes des Arabes, nous sommes des Arabes,
nous sommes des Arabes». Cette déclaration est «une vérité de la Palice», que tout le monde
connaît. Plus récemment, M. Ben Bella a déclaré, au lendemain de la Révolution
tunisienne du 14 janvier 2011, «ne pas croire à la réussite de la Révolution des
Tunisiens, les considérant comme n'ayant pas un tempérament révolutionnaire»,
se laissant aller à des commentaires désobligeants... M. Ben Bella est
naturellement libre de penser ce qu'il veut. Il est néanmoins évident que ses
propos erronés et discourtois ne sont pas «une vérité de la Palice» et encore moins la
vérité tout court.
Nombreux sont les
Tunisiens qui ont été offusqués par ces propos inamicaux et disgracieux envers
le peuple tunisien et sa jeunesse, allant a contrario des relations historiques
ancestrales proches, voisines, amicales, fraternelles, solidaires et complices,
fruits d'une longue lutte commune contre l'occupant, le dernier étant la
colonisation française. «Il est bon de parler et meilleur encore de se taire»,
dit un vieux dicton, de telles déclarations malveillantes et désobligeantes
envers les Tunisiens et le peuple tunisien «frère» n'engageant que M. Ben
Bella, que Dieu lui pardonne ! A contrario, ce n'est
un secret pour personne : tous les Tunisiens sans exception sont admiratifs de
l'héroïque Révolution algérienne, ayant été solidaires du peuple algérien. Le
bombardement du village de Sakiet Sidi Youssef par l'Armée française étant un
exemple parmi tant d'autres... Les Algériens ont manifesté eux aussi leur
sympathie et leur profonde admiration vis-à-vis de la Révolution
tunisienne. Faut-il rappeler aussi que les pays et les peuples du Maghreb sont
liés par une longue préhistoire comptant six civilisations et une longue
histoire commune plusieurs fois millénaire, une communauté géologique et géographique,
ayant une communauté de langues, la même religion, ayant de surcroît les mêmes
origines ethniques, les mêmes mÅ“urs, les mêmes coutumes, les mêmes traditions,
ayant connu les mêmes influences, ayant une culture et une civilisation
semblable ou proche...La
Berbérie, l'Empire carthaginois, l'Africa/romana, l'Ifriqiya,
le Maghreb arabe aghlabide, fatimide, hafside et autres… ont constitué des
ensembles cohérents. Il n'est point besoin non plus de rappeler que les
Révolutions algérienne et tunisienne qui ont libéré leur peuple sont
incontestables, le reste n'est que chimère. Outre un passé commun remontant «à
la nuit des temps», nos Etats et nos peuples aspirent de surcroît à réaliser le
Grand Maghreb arabe, groupant les cinq pays : Libye, Tunisie, Algérie, Maroc et
Mauritanie. Il faut bien se rappeler que les frontières entre les cinq pays de
l'Afrique du Nord datent seulement de la conquête de l'Algérie en 1830, qui est
une date de l'histoire récente et contemporaine, avec la création des trois
départements français d'Oran, d'Alger et de Constantine, avant d'aboutir à
l'Indépendance de l'Algérie en 1962, au prix d'une lutte héroïque du peuple
algérien et d'une guerre qui a fait environ un million de martyrs. Plutôt que
de s'adonner et de cultiver des polémiques primaires improductives et stériles,
qui est une forme médiocre de communication, contraire aux intérêts vitaux de
nos Etats respectifs, Å“uvrons plutôt à la réalisation du Grand Maghreb arabe.
UN PASSE COMMUN
GLORIEUX ET UN BEL AVENIR COMMUN
La Révolution tunisienne
salvatrice, citoyenne, responsable et «civilisationnelle», comme l'a souligné
le professeur et non moins ami Mustapha Filali, a été saluée dans le monde
entier par l'ensemble de la communauté mondiale, organismes internationaux et
personnalités de tous les pays à l'Est, à l'Ouest, au Nord, au Sud du globe, à
travers les cinq continents, qu'il est difficile de citer tant ils sont
nombreux. La plupart des dirigeants de tous les pays ont en effet unanimement
manifesté leur admiration pour la Révolution tunisienne et sa jeunesse, ajoutant
qu'elle constitue un bel exemple de transition démocratique, à l'origine des
révolutions arabes, d'Egypte, de Libye, du Yémen, de Syrie et d'ailleurs... Les
Tunisiens et les Algériens sont très attachés et trop respectueux de leur
Révolution, pour accepter une polémique aussi singulière. «Tout vient à point à
celui qui sait attendre», dit un vieux proverbe.
La réponse aux
propos de M. Ben Bella n'a pas tardé à venir, se trouvant dans la déclaration
officielle du président de la République algérienne, M. Abdelaziz Bouteflika, à
l'occasion de la cérémonie solennelle de commémoration du 1er anniversaire du
14 janvier 2011 qui a eu lieu à Tunis, samedi dernier, à la coupole de la Cité olympique, et ce,
en présence des plus hauts responsables tunisiens, libyens, algériens,
marocains, mauritaniens, arabes, africains, européens et d'autres pays amis… On ne
peut que dire à cette occasion un grand merci à M. le président Bouteflika, qui
n'a pas manqué «de mettre la pendule à l'heure» de la vérité et de la réalité
du Maghreb, qui nous est tous très chère, en rendant un vibrant hommage à la Révolution
tunisienne. Le président Bouteflika a ainsi «rendu à
César, ce qui appartient à César» et plus précisément au peuple tunisien et à
sa jeunesse. Il est évident qu'il n'y a pas de place aux
querelles «byzantines» ou de «clocher» dans les pays du Maghreb. Pour le plus
grand bien de nos pays et de nos peuples, dans l'intérêt du Maghreb, trêves de
diatribes stériles.
Messieurs les
grands responsa-bles maghrébins, la rupture avec l'héritage colonial de
séparation de nos cinq pays et le retour à l'intégration du Maghreb : c'est
pour quand?
A contrario, les
propos du professeur d'université M. Abderrahmane Mebtoul, expert international
et ancien ministre algérien, que nous avons eu l'occasion d'interviewer l'an
dernier, sont tout aussi édifiants.
Cette plaidoirie
en faveur de la construction maghrébine trouve de larges échos dans les milieux
intellectuels, universitaires, économiques, financiers, associatifs et
populaires, étant à noter qu'une étude de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) datant
de 2009 démontre que l'intégration économique de l'Afrique du Nord lui ferait
gagner 5 milliards de dollars en investissements, dont 3 milliards en IDE/an et
un nombre important d'emplois. Outre les échanges et transactions annuelles qui
seraient conclues entre 2.000 et 3.000 PME maghrébines dans le cadre de
l'intégration économique de cette région, les exportations des produits
agricoles pourraient augmenter de 45%, correspondant à
170 millions de dollars...
Et le professeur
Mebtoul de préciser que «l'impact négatif de la non-intégration du Maghreb est
plus important encore, si on tient compte des effets cumulatifs des économies
d'échelle et surtout l'attrait des investisseurs potentiels intéressés plutôt
par de grands marchés. Le Maghreb peut ainsi devenir une région économique
pivot méditerranéenne et atlantique, intégrant l'immigration, ciment de
l'interculturalité et des échanges, pouvant constituer un autre segment de
dynamisation du continent africain, enjeu du XXIe siècle, qui comptera plus
d'un milliard et demi d'habitants d'ici 2025… Le Maghreb rêve d'intégration, de
modernité, de développement, passant par l'émergence de secteurs dynamiques et
surtout si les pays maghrébins ont une vision commune de leur devenir.
Les
intellectuels, les entrepreneurs, les dirigeants d'entreprises, les hommes
d'affaires et les autres acteurs de la vie politique, économique, associative
et autres de nos 5 pays peuvent apporter un précieux concours et une nouvelle
dynamique. Se pose la problématique de l'urgence d'une nouvelle politique
économique au Maghreb au sein d'une économie mondialisée, si l'on veut attirer
des investisseurs potentiels, grandement intéressés par un marché potentiel de
plus de cent millions d'habitants. Il est tout aussi évident que pour éviter
leur marginalisation, les pays du Maghreb doivent, dans le cadre de leur
intégration, tripler leur produit intérieur brut entre 2015 et 2020 pour un PIB
global d'au moins 1.000 milliards de dollars à prix constants de 2010...». Les
exemples des avantages d'un Maghreb intégré, peuvent être multipliés et trop
nombreux pour être mentionnés dans cet article.
POINT DE SALUT EN
DEHORS DU MAGHREB : L'IMPERATIF DE L'INTEGRATION ECONOMIQUE EST UNE QUESTION DE
SURVIE DE NOS PAYS SUR LA SCENE INTERNATIONALE
Point de salut et
tout au moins pas de sursaut socioéconomique, scientifique, technologique et
autres pour chacun de nos cinq pays isolément et en rangs dispersés.
L'intégration économique maghrébine est inexorablement un impératif économique
pour tous nos pays sans exception. Nos frontières qui existent et qu'il n'est
sans doute pas question de remettre en question, héritage incontestable de la
colonisation, doivent-elles cependant entraver la marche d'un Grand Maghreb
intégré au plan économique? Il appartient à tous les citoyens maghrébins d'«El
Aksa», «El Ousta» et d'«El Adna» d'y répondre, une forte volonté politique et
l'implication des plus hauts dirigeants de nos pays respectifs étant
indispensables, nos peuples ne se contentant plus de belles paroles et de
déclarations d'intention et revendiquant de réelles réalisations, comme à titre
de simples exemples la réalisation effective d'infrastructures intermaghrébines
modernes de transport routier (autoroutes), ferroviaires (transmaghrébin
express), maritimes et aériens, devant permettre la circulation des biens et
des personnes entre les cinq pays maghrébins. Face à la mondialisation, le
Maghreb est irréfutablement une région à fortes potentialités économiques,
affirment les économistes de nos pays. L'avenir des Libyens, des Tunisiens, des
Algériens, des Marocains et des Mauritaniens dépend d'eux-mêmes, de leur
détermination à rejoindre le concert des Etats avancés, modernes,
industrialisés et à technologie avancée. «Seule la vérité est révolutionnaire»:
ne gâchons donc pas cette formidable opportunité du Grand Maghreb arabe, au
profit des cinq pays et de leurs peuples.
N'insultons pas
l'avenir, l'intelligence et le génie séculaires de l'Ifriqiya, du Maghreb, dont
dépend l'avenir, notre avenir commun, de notre jeunesse et des générations
maghrébines à venir. Construisons donc tous ensemble le merveilleux projet du
Grand Maghreb Arabe un et indivisible, afin de répondre aux aspirations
profondes de nos peuples et d'affronter les multiples défis et enjeux
d'aujourd'hui et de demain, face aux géants américain et chinois, aux autres
grandes puissances, aux pays émergents comme l'Inde, la Corée du Sud, le
Brésil... et aux autres ensembles comme l'UE. Il y va de notre survie. Une
question cruciale, notamment aux membres de l'Assemblée nationale constituante
et à nos dirigeants maghrébins à tous les niveaux, se pose : «Messieurs les
hauts responsables maghrébins, la rupture avec l'héritage de séparation de nos
pays et le retour à l'intégration du Grand Maghreb arabe, c'est pour quand ?».
*Universitaire
tunisien
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Posté Le : 16/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Khaled Mongi Tebourbi*
Source : www.lequotidien-oran.com