Menace sur les archives de la wilaya

De renommée mondiale, les archives de la wilaya de Constantine semblent faire figure de «cadet des soucis» dans une conjoncture caractérisée par une course contre la montre pour être au rendez-vous de 2015, avec tous les risques de dommages collatéraux induits par cette précipitation tous azimuts. Les archives de la wilaya de Constantine, où se trouvent conservées les archives de la période ottomane (1515-1830) qui se composent pour l'essentiel d'actes domaniaux de ‘'Beit el Beylik'', documents financiers et fiscaux de ‘'Beit el Mel'', actes d'état civil (mariages, divorces), actes de successions ‘'Mahakam Charaïa'' et autres correspondances, ainsi que les archives coloniales (1830-1962), du moins ce qui a été épargné de la spoliation, et autres titres de presse écrite, une véritable mémoire régulièrement sollicitée par des chercheurs locaux et d'autres qui viennent du Japon, des Etats-Unis et d'autres contrées lointaines, sont sérieusement menacées par les coups de pioche des travaux engagés au niveau de l'ex-siège de la wilaya où se trouvent justement conservés dans les sous-sols de cette vieille bâtisse, dont la construction remonte à la fin du XVIIIe siècle, près de 9 kilomètres d'archives ! On a bien pensé à transférer cette richesse historique ailleurs, mais les arguments avancés par des spécialistes, qui ont mis en garde les autorités contre une détérioration fatale des vieilles archives si l'on se mettait à déplacer ou à déménager dans une atmosphère anarchique des centaines de cartons vers un autre lieu, ont fini par convaincre les responsables de ne pas y toucher pour le moment. Une solution facile. Car, laisser les archives au même endroit alors même que de vastes travaux de restauration sont engagés pour la reconversion de l'édifice en question en musée des arts est une autre attitude qui ne protègerait pas pour autant ce patrimoine culturel et historique. Interrogés à ce propos, des responsables de la conservation des archives de la wilaya nous ont confié qu'ils ont dû se battre âprement pour dissuader les autorités de procéder au transfert des archives vers un autre lieu. «Les archives sont mieux gardées et mieux conservées là où elles se trouvent, dans les sous-sols de l'ex-siège de la wilaya», affirme-t-on. Ajoutant dans ce sillage que «ce n'est pas du tout chose aisée de déplacer de vieux registres sans risque de les abîmer». Par contre, faut-il le relever, les objets d'art et les tableaux précieux qu'abrite le bâtiment ont fait l'objet d'un soin particulier, ayant été transférés ailleurs où ils seront «précieusement» préservés, assurent les autorités locales. Et ce qui se trouve au niveau du sous-sol du même bâtiment, les archives de la wilaya en l'occurrence, pourquoi l'avoir laissé sur place, n'y a-t-il pas menace de perte des documents historiques ayant déjà subi l'usure du temps ' Tous les spécialistes préconisent une attention particulière, voire des conditions draconiennes, pour la conservation des archives, dont des conditions climatiques spéciales, en fonction de leur support, si l'on veut les préserver dans le long terme. Des cadres de la conservation des archives de la wilaya de Constantine insistent à dire dans ce sens que les archives sur support papier doivent être conservées à une température de 18 degrés Celsius et une humidité relative ne dépassant pas les 50%, alors que pour les autres supports, photos, films, microfilms, archives électroniques, il y a exigence des conditions climatiques plus strictes, à l'enseigne d'une température de 12 à 15 degrés et une humidité de 35 à 40%, auxquelles conditions, il faut ajouter des mesures de protection des archives contre les incendies, les inondations, les rats, les bactéries et contre le vol. Comment peut-on éviter de se faire des soucis sur le sort des archives lorsqu'on sait pertinemment que les conditions précédemment citées ne sont pas observées d'une manière sûre ' Pour ne parler que des rats, ces rongeurs qui pullulent dans la vieille casbah peuvent à eux seuls «grignoter» une bonne partie de cette mémoire, sans évoquer d'autres risques de glissements de terrain qui peuvent sérieusement altérer les taux d'humidité et de température. Pour le moment, les archives sont gardées derrière des portes closes dans les sous-sols poussiéreux de l'ex-siège de la wilaya, en attendant la réalisation d'un centre des archives dont le projet est inscrit à la nouvelle ville Ali Mendjeli. Aussi, doit-on attendre avec inquiétude le lancement d'une action de numérisation des archives dont le projet est encore à l'état embryonnaire.