Orlando, Floride (USA)
De notre correspondance
C’est le centre des congrès «Orange County Convention Center», à Orlando, qui a accueilli cette année les 18 000 chercheurs venant de 90 pays et travaillant dans les différentes disciplines de la cancérologie.Le programme de cette manifestation s’est fixé les objectifs suivants : la saisie des dernières découvertes dans les divers domaines liés à la recherche, les mécanismes moléculaires du cancer, la biologie du cancer à travers divers systèmes d’approche, les diagnostics et les nouvelles thérapeutiques, les applications des nouvelles découvertes dans le traitement et enfin l’utilisation des nouvelles découvertes pour la prévention précoce du cancer.Le congrès a été présidé cette année par le Dr Joan.S.Brugge, professeur à l’université de Harvard.
La cérémonie d’ouverture a été présidée conjointement par la présidente de l’AACR pour l’année 2009/2010, le Dr Elisabeth H. Blackburn, lauréate du prix Nobel de médecine et physiologie en 2009 et le Dr Margaret Foti qui est l’administratrice en chef de l’AACR.Il faut rappeler qu’Elisabeth H. Blackburn, qui est professeur à l’université de San Francisco (Californie), a reçu le prix Nobel avec deux autres chercheurs, Carol Greider et Jack Szostak, pour leurs travaux de pionniers sur les télomères, c’est à dire les extrémités des chromosomes indispensables à leur intégrité, et sur l’enzyme télomérase, qui veille à la longévité de ces télomères. Fait intéressant, la télomérase est détectée dans de nombreux cancers humains et pourrait être une nouvelle cible pour les traitements anticancéreux.
De plus, un travail récent, publié en avril 2011, a montré l’existence de polymorphismes ou SNPs (variations génétiques qui se retrouvent avec une grande fréquence dans la population générale) qui seraient associés à la longueur des télomères. Certains de ces SNPs pourraient prédire le risque du cancer de la vessie.
Le congrès annuel de l’AACR a été marqué cette année par l’actualité politique concernant le financement de la recherche sur le cancer en Amérique. En effet, le Congrès, à majorité républicaine, propose une loi nommée H.R.1 qui vise une diminution drastique du budget du NIH (Instituts nationaux de la santé, fer de lance de la recherche américaine sur la santé, et, bien sûr, sur le cancer) de 1.6 milliard de dollars. L’AACR a battu le rappel des chercheurs américains du NIH et du NCI (Institut national du cancer) pour les inviter à écrire à leur élus au Congrès pour leur demander de voter contre ce projet de loi de diminution du budget du NIH, qui met en danger la santé publique en Amérique, l’économie et la compétitivité américaine.
«La mobilisation de l’AACR, des chercheurs du NIH et du NCI a empêché la majorité républicaine du congrès de faire une coupe de 1,69 milliard de dollars sur le budget du NIH. Un compromis a été trouvé, finalement la réduction du budget du NIH sera juste de 260 millions de dollars (sur le budget annuel du NIH qui est 30,7 milliards de dollars). Le budget du NCI sera diminué de 45 millions de dollars (sur le budget annuel du NCI qui est de 5,1 milliards de dollars).»
Le directeur actuel du NCI, le Pr Harold Varmus, qui est aussi un conseiller du président Barack Obama pour les questions touchant à la science et la technologie, est revenu sur ce projet de loi dans son excellente intervention lors de la cérémonie d’ouverture du congrès.
Le Pr Harold Varmus (qui était aussi un lauréat du prix Nobel de médecine et physiologie en 1989) a indiqué dans son intervention les nouvelles directions de la recherche dans le domaine du cancer. Comme chaque année, le congrès a honoré et décerné des distinctions à un certain nombre de chercheurs qui ont contribué par leurs travaux de recherche fondamentale et clinique à la connaissance et à la prise en en charge des différents cancers chez la femme et l’homme.Nous citerons le Dr Alfred G. Knudson Jr. qui a été honoré pour sa contribution majeure à la découverte et à l’étude des gènes suppresseurs des tumeurs qui sont responsables de la majorité des cancers héréditaires chez les familles du monde entier.
Un grand moment d’émotion dans ce congrès fut la cérémonie de remise du 16e prix annuel de l’AACR, appelé prix Joseph H. Burchenal, (qui fut président de l’AACR et une figure majeure de la recherche clinique sur le cancer) au Dr Ching-Hon Pui, chef du Département d’oncologie à l’hôpital pour enfants St-Jude de Memphis (Tennessee). Dr Ching-Hon Pui a été, avec son équipe durant ces trois décennies, aux premières lignes dans la recherche clinique et fondamentale sur la leucémie chez les enfants et les adultes. Grâce à l’application rapide des dernières découvertes en cytogénétique, en génétique moléculaire, en pharmacodynamique et en pharmacogénétique dans les essais cliniques, le Dr Ching-Hon Pui et son équipe ont été capables d’améliorer les traitements et ont obtenu 90% de taux de guérison chez les enfants atteints de la leucémie lymphoblastique aiguë et 70% chez les patients atteints de leucémie myéloïde aiguë.
Le Dr James R Downing, du Département de pathologie à l’hôpital pour enfants St-Jude de Memphis (Tennessee), a donné aussi une conférence en séance plénière sur la pathologie moléculaire de la leucémie aiguë.Bien sûr, les autres cancers (et leurs nouveaux traitements) qui ont une grande incidence dans la population mondiale comme le cancer du sein chez la femme, le cancer du poumon chez l’homme, les cancers du côlon, de la prostate, du pancréas ont fait l’objet de nombreuses sessions spéciales réservées à la rencontre avec des chercheurs experts, de conférences, de séminaires, de symposiums et de forums.
Pour le cancer du sein, le Dr Dennis J. Slamon de la faculté de médecine de UCLA (Los Angeles) fera une remarquable synthèse de nos connaissances actuelles sur la grande diversité moléculaire du cancer du sein chez la femme, les implications thérapeutiques et les défis à relever dans un proche futur pour vaincre le cancer du sein. Il rappellera que malgré l’extraordinaire progrès dans nos connaissances sur la classification moléculaire des types de cancer du sein chez la femme (grâce à l’utilisation des nouvelles techniques d’analyse des gènes comme les micropuces à ADN…) et l’application de ces connaissances à la découverte de nouveaux traitements spécifiques et ciblés, 550 000 femmes meurent chaque année dans le monde à cause de cette maladie. L’objectif reste l’amélioration des résultats des traitements spécifiques et ciblés, qui sont disponibles aujourd’hui pour les divers types de cancer du sein dont sont atteintes les femmes.
Les autres grands moments du congrès annuel de l’AACR sont, bien sûr, les deux sessions quotidiennes de présentation sous forme de posters, des derniers travaux et résultats de la recherche sur le cancer, en accord avec les objectifs qui ont été définis par le congrès annuel de 2011.Un fait ressort de ces sessions de présentation des posters, c’est la montée en puissance des chercheurs du Brésil, de la Chine et de l’Inde, d’excellents travaux ont été présentés par les chercheurs de ces trois pays. Dans la session des posters, consacrée à l’épidémiologie moléculaire des cancers du sein et gynécologiques, les chercheurs algériens ont présenté un travail sur les nouveaux variants génétiques de signification biologique (ou clinique) inconnus (qui seraient spécifiques de la population algérienne) et les polymorphismes communs identifiés sur les gènes BRCA1 et BRCA2 chez des familles algériennes atteintes du cancer héréditaire du sein et de l’ovaire, suivies au niveau des services d’oncologie de la santé publique de notre pays.
Ces variants génétiques trouvés sur les gènes BRCA1 et BRCA2 font l’objet actuellement d’intenses recherches chez les familles à travers le monde en vue de connaître leur rôle dans le cancer héréditaire du sein et l’ovaire et pour pouvoir les utiliser pour les tests génétiques et la prévention. Les polymorphismes communs identifiés sur les gènes BRCA1 et BRCA2 avec une grande fréquence chez des familles algériennes testées négatives pour ces deux gènes, seraient peut être liés au risque du cancer du sein chez ces familles. Cependant, seules des études recrutant un grand nombre de familles algériennes à risque (il faudra étudier des milliers de patientes atteintes du cancer du sein héréditaire et leurs proches) pourront établir un éventuel rôle de ces polymorphismes communs dans le risque du cancer du sein chez ces familles.
Enfin, Il faut signaler et rappeler, l’excellence des travaux de recherche sur le cancer présentés par les jeunes chercheurs venant de certains pays d’Europe, à l’exemple de deux jeunes brillantes biologistes moléculaires, Ana-Luisa Silva et Shani Mulholland, venues de l’université de Cambridge (Angleterre) et qui ont présenté un travail original sur les signatures moléculaires, c’est-à-dire la méthylation des gènes, impliqués respectivement dans les cancers héréditaires du côlon et dans certains tumeurs du cerveau. Ces travaux balisent la voie pour l’utilisation dans un futur proche de ces signatures moléculaires sur l’ADN des cellules, comme des biomarqueurs pour l’interception précoce du cancer. Malgré la crise économique, on peut constater au cours de ce 102e congrès annuel de l’AACR que la recherche dans le domaine du cancer en Amérique et en Angleterre, est toujours innovante et demeure une source de création de richesses et de bien-être au service des peuples américain et anglais.
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Posté Le : 17/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farid Cherbal, Enseignant chercheur à l’USTHB
Source : www.elwatan.com