La croissance en Algérie continue d?être, faute d?investissements productifs, le produit de la seule manne pétrolière. La question, somme toute évidente, que tout le monde se pose est : « Pourquoi une telle situation paradoxale ? » Répondre à cette question, c?est surtout trouver une explication à la réticence des banques publiques quant à la transformation de leurs ressources dormantes en investissements productifs. Le risque crédit est l?élément qui revient le plus souvent dans les réponses et les explications données à la fois par les investisseurs, les banquiers et les économistes. Ces derniers s?accordent à dire que ce risque est actuellement « mal appréhendé » par nos banques publiques, faisant ainsi de lui « un facteur de blocage. » Un blocage qui apparaît clairement dans la stagnation des crédits accordés par les banques à l?économie depuis deux ans. Les pouvoirs publics qui, visiblement très gênés par la persistance de ce blocage pour le moins injustifiable, ont procédé à la mise en place d?un certain nombre de mécanismes de garantie dans le but de « rassurer » davantage les banques et de les amener à prendre plus de risques en matière d?octroi de crédits à l?investissement. Parmi ces mécanismes, la création de deux fonds de garantie des crédits bancaires destinés particulièrement à la PME-PMI. Il s?agit notamment du Fonds de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises (FGAR), opérationnel depuis avril dernier, et de la Caisse de garantie des crédits à la PME-PMI dont on attend toujours l?entrée en exercice. Outre ces deux principaux fonds, d?autres de moindre envergure ont été créés notamment pour le dispositif d?emploi de jeunes (la microentreprise). Pour Boualem Djebbar, directeur général du FGAR, la réticence des banques en matière d?octroi de crédits est quelque peu « justifiée eu égard à l?importance des risques encourus. » Des risques qui sont, dit-il, de différentes natures à commencer par les risques dits classiques, à savoir le risque clients (d?insolvabilité) et le risque d?immobilisation (d?illiquidité). Ces deux derniers constituent le gros des risques bancaires actuellement encourus par nos banques. Pour bien illustrer cette notion de risque, notre interlocuteur prend comme référence sa courte expérience à la tête du FGAR. « Sur la cinquantaine des projets déposés au niveau de notre établissement, seules deux garanties ont été données. Une grande partie de projets était illégible dés le départ. » La raison, fait-il remarquer, en est que « les dossiers présentés par les promoteurs sont rarement ficelés et leurs études de marché ne sont pas bien étayées. Elles manquent souvent de réalisme. » Accorder donc des garanties à ce genre de projets, laissent-il entendre, c?est courir un risque certain. Par ailleurs, relève le patron du FGAR, les banques font face également à un autre risque très fréquent qui vient s?ajouter aux deux principaux risques précités, à savoir le « risque marché. » Ce dernier est aggravé par le déficit accusé par le pays en matière de banques de données et de statistiques fiables sur les différents secteurs d?activité. Par conséquent, souligne M. Djebbar, « même si la rentabilité et la fiabilité du projet présenté sont avérés, le taux de casse restera très élevé. » Particulièrement pour ce type de risque, la responsabilité des banques, affirme-t-il, « est entière » en ce sens où elles pouvaient faire l?économie de ce risque en créant à leur niveau des banques de données relatives aux différents créneaux d?investissement et des structures de conseils qui leur permettraient d?orienter efficacement les promoteurs. Une carence que d?ailleurs même le ministre des Finances a relevée lors de l?une de ses déclarations à la presse. La mise en place de ces fonds de garantie démontrera après quelques années d?exercice, conclut le premier responsable du FGAR, si vraiment les risques précités sont l?unique raison à l?origine de la réticence des banques en matière d?octroi de crédits ou bien c?est le fait d?autres raisons qu?il faudra alors déterminer. Du côté des investisseurs, on a eu droit à un tout autre son de cloche. Ainsi, de l?avis de M. M?rakch, président de la Confédération du patronat algérien (CAP), il s?agit, ni plus ni moins que d?un « blocage caractérisé des banques publiques. » Un blocage qui malheureusement, dit-il, « nuit gravement à l?économie nationale au moment où ces mêmes banques regorgent de liquidités. » Pour lui, la prudence excessive des banques est « injustifiable » dans la mesure où des garanties sont exigées aux investisseurs. « Elles vous donnent un rond et vous en réclament 10. Quel type de garanties veulent-elles ? », s?interroge-t-il. Le problème, résume le patron de la Cap, « est dans le système bancaire tout entier » qu?il faut revoir « de fond en comble. » Nos banques continuent d?être gérées, dit-il, comme « des tiroirs caisses » et « tant qu?il y aura pas de réforme, rien ne se fera. » Le président de la Confédération générale des opérateurs économiques algériens (CGOEA), Habib Yousfi, estime pour sa part qu?en matière d?accès au crédit « les risques sont pris à la fois par le banquier et par l?investisseur et non seulement par la banque. » Le responsable de cette association patronale impute la situation paradoxale précitée à l?absence « de mécanisme de capital risques. » La création de sociétés de capital risques favorisera davantage, souligne-t-il, l?apport des banques à l?économie nationale. Le président de la CGOEA s?interroge, à cet effet, sur la non-entrée en vigueur de la Caisse de garantie des crédits à la PME annoncée depuis une année par le président de la République.
Posté Le : 20/07/2004
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salah Slimani
Source : www.elwatan.com