Notre histoire –
tout particulièrement celle du mouvement national, de la guerre de libération
nationale et de l'après-indépendance à nos jours -
est devenue, peu à peu, un espace infini plein de «trous noirs», c'est vrai.
Des trous noirs qui, au fur et à mesure du temps qui file et défile, emportant
avec lui des témoins de première importance, font l'«affaire» de tous ceux qui
ont intérêt à ce que cette histoire ne révèle rien de révolutionnairement
«incorrect». Tout, ou presque tout, reste à écrire. Ici, en Algérie….mais,
c'est toute une autre histoire… algéro-algérienne qui
n'est pas encore prête de se terminer… dans le calme et le dialogue. Pour
paraphraser Mohamed Harbi, nos départements
d'histoire ne sont pas encore assez libres de «construire leurs objets», les
recherches restent encore "enfermées dans des cadres nationaux» souvent
peu pertinents, et on n'accorde pas la priorité à l'analyse et à la réflexion
sur les questions méthodologiques…
De l'autre côté
de la Méditerranée, les «carottes sont cuites». Tout a
été presque dit, et beaucoup de choses ont été écrites. A leur manière,cela va de soi ! On a même vu des tortionnaires ayant
largement pratiqué la torture et organisé "légalement» le meurtre
«avouer», toute honte bue, leurs crimes sans pour autant éprouver le moindre
tout petit regret et encore moins demander un quelconque pardon. La politique
politicienne aidant, surtout à l'approche d'échéances électorales, on en est
même arrivé à encenser les dérives, tout en proposant d'aller encore plus loin
dans le «tripatouillage» de l'histoire. Coloniale, tout particulièrement.
GRAND BIEN LEUR
FASSE !
Quoi que l'on
puisse en penser, c'est certainement dû à une pratique expérimentée de la
«transparence» et à la liberté totale d'écrire, de dire et d'éditer en pays
démocratique. De ce fait, le criminel le plus médaillé trouve souvent un
défenseur, par historien ou journaliste ou pratique et discours politiciens
interposés, et s'en sort presque toujours avec des «honneurs». Le Pen n'a-t-il pas failli devenir Chef d'état… et les
assassins de l'OAS ne sont-ils pas en passe d'être plus que "réhabilités
"… Sanctifiés même ! Les exemples ne manquent pas.
Etant donné nos
faiblesses et leur capacité réactive afin de promouvoir et de défendre leur
image et leur «honneur», il s'agit beaucoup plus, pour nous, de sortir de la
spirale plaintive, de celle qui nous montre passant notre temps à demander un
pardon, une reconnaissance de faits pourtant avérés et… des compensations
financières… Une position de quémandeur rendue encore plus faible par la
multiplicité et la dispersion des demandeurs, chacun tirant de son côté, certains pour se faire valoir, d'autres pour se faire
«inviter»…
La méthode ne
paraît guère payante, et notre gouvernement semble, il faut le reconnaître, en
avoir pris conscience à travers la prudence avec laquelle il a abordé la
fameuse proposition de loi criminalisant la colonisation. Il s'est aperçu que
foncer «tête baissée» dans des textes, certes généreux mais inopérants par la
suite ou pouvant créer une confusion dans les relations internationales, était
tout simplement dangereusement démagogique (Cf : la
polémique actuelle entre la
France et la
Turquie… et, déjà, une mini- polémique médiatico
– politico- historique entre l' Algérie et la Turquie sur la «présence»,
coloniale ou amicale ou fraternelle, c'est selon, de cette dernière dans notre
pays avant l'arrivée des Français). Pourtant, la problématique de la reconnaissance,
par le colonisateur, du fait colonial et de ses crimes et autres dérives, reste
posée dans toutes ses dimensions. L'ignorer, d'un côté comme de l'autre, c'est
laisser se perpétuer une incommunicabilité et une rancune dangereuses pour
l'avenir, pouvant se transformer rapidement en, obstacle à toute bonne relation
durable et fructueuse.
La France et bien des Français, près de 50
ans après leur départ d'Algérie, n'ont pas encore «avalé» leur défaite. Mise à
part une frange infime de gens éclairés, parmi les quinquagénaires et plus, qui
tentent de sortir le débat de la confrontation, l'Algérie reste, à leurs yeux,
un pays «rebelle» (le concept a évolué en pire, les résultats du Festival de
Cannes, récompensant un film sur les moines de Tibhérine,
«Des dieux et des hommes», et «zappant» le film «Les Hors la loi» en sont la
preuve). L'Algérien reste, pour eux, l'«Arabe» borné, violent, nuisible. Un
terroriste en puissance. Une image qui date (du temps de la colonisation,
l'"arabe " était surtout un fainéant et un assisté qu'il fallait
faire marcher à la trique) mais une image qui dure. Il est vrai que nous ne
facilitons pas une autre compréhension, parfois par nos comportements
épidermiques trop visibles, ce qui est pire. Les Marocains, les Tunisiens et
les Egyptiens ont réussi à «passer le cap", chacun à sa manière et les
Libyens sont en train de suivre la «bonne voie» (déjà avec Kaddafi,
devenu «réaliste»). Il est vrai qu'ils n'ont pas les mêmes contentieux et
encore moins, mis à part la langue et la religion, les mêmes caractères.
C'est pour tout
cela que je crois bien vaines toutes les demandes de «reconnaissance» d'un
passé chargé de crimes, d'exploitation et de brimades. En face, le Mur.
La position est
claire : face au Mur, il faut accepter son existence (le Mur !), arrêter les
lamentations, ne plus rien lui demander, mais il faut, à chaque instant de sa
vie, ici, commémorer avec encore plus de faste ou de recueillement, nos
victoires et/ou nos martyrs et nos drames et mettre en exergue - grâce aux travaux
de recherche scientifiquement menés sur la base d'écrits mémoriels librement
produits - les crimes commis par le colonialisme. Dans le strict respect des
peuples. Sans invectives et sans éructer d'injures, toutes incompréhensibles
pour les nouvelles générations, d'ici et d'ailleurs, générations qui ont
d'autres préoccupations.
Un lourd mais
précieux fardeau qu'il faudrait classer «patrimoine national» impardonnable.
Et, pourquoi pas, avec le soutien des peuples anciennement colonisés par la France, en faire une partie
du patrimoine «universel». Les juifs ont bien réussi d'abord à transformer les
crimes nazis en holocauste en dette «morale» universelle de l'humanité à leur
endroit.
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Posté Le : 19/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Belkacem AHCENE DJABALLAH
Source : www.lequotidien-oran.com