Entre la sphère
politique et la presse, il y a un rapport organique des plus évident. La sphère
politique est pour l'essentiel constituée des organes décisionnels et des
partis au pouvoir ou dans l'opposition. Dans cette sphère, sont combinées des
variables interactives pour mettre en oeuvre ou proposer des modes de gestion
et de coordination de tous les actes de la société.
L'espace
politique fait partie d'un environnement dont il reçoit des signaux qu'il
traite et qu'il lui renvoie sous forme de projets ou de programmes. Un échange
d'informations auquel la presse prend évidemment une large part. Pour la presse,
fournir l'information politique est une mission essentielle. Elle est au coeur
du système informationnel sur lequel s'appuie toute société qui a des
prétentions démocratiques. Les médias de masse ont grandement contribué au
développement de la culture politique et sont devenus, par leur nombre et leur
diversité, un indicateur déterminent de la démocratie.
L'organisation et le fonctionnement de la
société d'aujourd'hui ne répondent plus aux contraintes du conflit et de
l'antagonisme, mais aux exigences de la persuasion et du consensus. La société
démocratique s'articule désormais autour de la transparence sociale et du débat
politique.
Mais encore faut-il que deux conditions
fondamentales soient remplies, l'une par la sphère politique et particulièrement
par les partis, et l'autre par le vecteur médiatique.
Le parti politique doit élaborer un message
clair, à l'adresse d'un public déterminé, et choisir le moment adéquat pour le
délivrer. En résumé, la communication politique doit avoir une politique de
communication. La presse, de son côté, ne doit pas sortir de sa mission et se
substituer à la représentation politique par une inflation incontrôlée de son
rôle. La conscience de son influence réelle ou supposée sur le champ politique
ne doit pas l'autoriser à imposer les thématiques abordées et à décider de la
représentation des acteurs politiques.
Mais ces conditions ne dépendent-elles
réellement que des insuffisances de l'un ou de la suffisance de l'autre ? Ne
dépendent-elles pas surtout du divorce presque partout consommé entre le
développement global de la société et la stagnation qui caractérise son
organisation politique ?
• Sur le plan scientifique et technologique,
les progrès réalisés dans le monde ont accru les capacités d'anticipation et
réduit la frontière entre le réel et la fiction. Les attentes d'une société de
mieux en mieux informée dépassent les possibilités de projection et même
d'imagination des organes traditionnels de gouvernance.
• Sur le plan sociologique, l'effritement des
structures traditionnelles n'a pas été compensé par des structures d'accueil,
faute de projet socio-économique cohérent. Une identification sociale flottante
rend la représentation politique inadaptée.
• Sur le plan économique, le concept de développement
ne se confond plus avec la croissance matérielle (niveau de production, volume
des échanges, état des stocks, réserve de change). Il dépasse la dimension
sociale même (revenu national, pouvoir d'achat, volume d'épargne) pour
prétendre à une définition plus humaine (niveau de santé, niveau d'instruction,
niveau de participation politique) et plus intégrée, rétablissant l'homme dans
son milieu naturel. Cette évolution ne peut être saisie par des instruments
comptables développés par la gouvernance traditionnelle. La rigidité des
mécanismes est telle qu'elle conduit nécessairement à la sous-utilisation d'un
potentiel humain, bien que connu et reconnu. Ce qui peut expliquer le paradoxe
de l'immobilité d'un système riche en ressources naturelles et surtout en
ressources humaines. Au-delà de la disponibilité des ressources, le plus
déterminant est leur combinaison créative.
• Sur le plan de la citoyenneté, il y a une
rupture historique avec la conception classique de l'homme défini par son
intériorité (principes, mémoire, croyances, déterminisme de l'inconscient).
L'homme du IIIème millénaire est plutôt défini par l'activité d'échange social.
Il réagit à une somme de messages qu'il reçoit de son milieu qu'il déchiffre,
analyse et classe pour agir à son tour sur son milieu. Ce qui suppose
l'existence d'une transparence sociale et d'un débat public.
Deux paramètres d'un espace public qui peut
réunir les partis et la presse dans une même fonction de médiation. La campagne
électorale notamment peut alors devenir un moment utile pour intégrer la
dynamique sociale et faire une place aux forces qui la génèrent.
Le parti met en oeuvre sa stratégie de
conviction et d'influence en communiquant son évaluation du présent, en
dévoilant ses objectifs et en précisant la démarche et les échéances qui
garantissent leur réalisation.
Mais formuler des intérêts et définir des
démarches n'est pas suffisant, la démocratie est avant tout un dialogue. La
presse, en amplifiant la voix des citoyens, renforce le droit de regard des
représentés sur la prestation de leurs représentants.
Car le parti demeure le vecteur le plus
visible de la prise en compte des masses dans la vie politique. Son rôle est de
recenser les besoins, de recueillir les doléances, de les traiter, de les
traduire en objectifs politiques et d'oeuvrer à leur réalisation par
l'intermédiaire de ses élus et des soutiens politiques qu'il négocie. Cette
fonction de médiation peut être phagocytée par la fonction élective qui
transforme le parti en instrument de sélection périodique, en appareil de
promotion de tous ceux qui investissent ses rangs dans le seul but de réaliser
leurs ambitions.
La construction démocratique est alors
amputée de sa finalité, car si le système électoral garantit l'origine du
pouvoir, il ne garantit pas son contrôle. Or, c'est de la qualité du contrôle
que dépend la réalité de la démocratie. Mais le détour médiatique lui non plus
n'est pas exempt de toute défaillance.
Le message politique est d'abord une idée
déclinée en argument et enveloppée dans un habillage médiatique qui n'est pas
toujours neutre, souvent accompagné d'un commentaire nécessairement subjectif
et enfin interprété par le récepteur final qui se trouve dans des
prédispositions personnelle et sociale données.
Autrement dit, de l'émetteur au récepteur en
passant par le diffuseur et le commentateur, le message final peut-il encore
ressembler à l'idée originelle ?
C'est pourquoi Winner, en affirmant que le
communication est le ciment de notre société, s'est empressé d'ajouter : «et
ceux dont le travail consiste à maintenir libres les voies de la communication
sont ceux-là mêmes dont dépend la pérennité ou la chute de notre civilisation».
Une civilisation s'édifie autour de trois
composantes:
• L'homme en tant qu'être social réagissant
aux signaux émis par son milieu et lui renvoyant lui-même d'autres signaux.
• La société de communication centrée sur
l'information, sa cueillette, son traitement, sa mise en réseau et son
exploitation.
• L'idéologie de la communication en tant qu'alternative
à l'échec des idéologies précédentes, où la vie est une continuité
communicationnelle, le citoyen un lecteur, un auditeur et un téléspectateur, et
où les médias sont devenus un véritable système de guidage de l'action sociale
(G.P.R.S.).
La démocratie élective est devenue une
démocratie médiatique.
Une idéologie de la persuasion et du
consensus qui engage les médias dans une compétition effrénée, leur fait courir
le risque de diffuser leur vérité et non la vérité ; l'information peut chasser
la connaissance (comme dans la loi de l'économiste Gresham, la mauvaise monnaie
chasse la bonne), et alors l'ignorance ne peut trouver meilleur allié que
l'illusion du savoir.
Le lieu social lui-même est menacé par
l'illusion de la sociabilité, la sociabilité médiatique supplante la
sociabilité immédiate et la continuité communicationnelle gèle les fonctions
analytiques et critiques.
Une communication politique plus élaborée,
relayée par une presse professionnelle à l'abri aussi bien de l'influence
étatique que de la convoitise mercantile, pourra-t-elle briser l'illusion ?
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Posté Le : 24/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Abbou
Source : www.lequotidien-oran.com