Algérie

Médéa: Une cité en danger



«Nous avons frappé, six années durant, aux portes de tous les responsables concernés pour attirer leur attention sur le calvaire, inimaginable et insoutenable, que nos familles vivent toujours. Sans aucun résultat. Et les choses ne font qu'empirer de jour en jour !».

 C'est ainsi que commencera le long entretien que nous avons eu, lors de notre visite sur les lieux avec le président de l'association de quartier «Essadaka» (sic) de la cité des 300 logements de Guergara-Aïn D'heb, relevant de la commune de Médéa. Et notre interlocuteur, très calme malgré la responsabilité qu'il a accepté d'assumer et les conditions de vie dont sont aujourd'hui victimes 300 familles, de poursuivre: «Maintes fois, les locataires, accompagnés de toutes leurs familles, avaient menacé de descendre dans la rue, d'organiser des sit-in. Mais les membres de notre association ont toujours réussi à les calmer et à les convaincre que la violence et la protestation anarchique ne feraient qu'aggraver notre situation. Nous avons réussi, Dieu merci. Mais jusqu'à quand ? C'est pourquoi, nous en appelons aujourd'hui de la façon la plus solennelle à M. le wali de Médéa pour qu'il veuille bien mettre en place une commission d'enquête intersectorielle (habitat, hydraulique, assainissement, santé, Protection civile, Sonelgaz, environnement...) qui sera chargée de situer toutes les responsabilités pleines et entières liées à ce monumental gâchis dont a été victime ce projet des 300 logements de Guergara-Aïn D'heb. Nous restons très confiants et nous gardons grand espoir».

 Qu'en est-il au juste de cette «affaire» de la cité des 300 logements de Guergara-Aïn D'heb ? Réalisée dans le cadre du programme de résorption de l'habitat précaire (RHP), elle a été «réceptionnée» au début du mois d'octobre de l'année 2003. «Les responsables concernés de la direction de la Protection civile de la wilaya de Médéa avaient refusé de signer le procès-verbal de réception de ce projet, et ce du fait des grosses anomalies qui avaient été constatées alors : câbles d'électricité pendants et collés aux conduites d'eau et de gaz, absence d'aération dans les sanitaires, regards d'égouts installés juste à quelques centimètres en-dessous du sol de nombreux appartements du rez-de-chaussée, grosses fissures (déjà ?) sur les murs de la grande majorité des bâtiments...», nous précisera-t-il. Il ajoutera: «Etait-il concevable de recevoir les clés de nos appartements des mains du... gardien de nuit de la cité et sans la moindre signature sur un quelconque document officiel ? Alors que nous avions effectué nos premiers versements auprès des services concernés de l'OPGI (Office de promotion et de gestion immobilières) !».

 Selon la quinzaine de documents, accompagnés de photos, qui nous ont été remis, il ressort que cette cité des 300 logements de Guergara Aïn D'heb vit actuellement une situation des plus catastrophiques, caractérisée notamment par un état lamentable de tous les bâtiments (au nombre de 10) et également de la grande majorité des 300 logements : défauts de finition graves constamment pris en charge par les locataires eux-mêmes (carrelage non collé et donc facilement détachable du sol, fuites multiples d'eau au niveau des sanitaires et des salles de bain, prises de courant et fils électriques non protégés, pendants et présentant ainsi quotidiennement des dangers certains pour les enfants surtout, moisissure et humidité étouffantes à l'intérieur des appartements suite à l'infiltration des eaux pluviales et celles des eaux usées provenant des sanitaires et autres salles de bain, manque d'étanchéité, réseau d'assainissement non conforme par rapport à la forte population qu'abrite cette cité, détérioration et obstruction des regards d'égouts aussi bien externes que ceux à l'intérieur des appartements, odeurs nauséabondes durant toute l'année, prolifération des rats qui font irruption dans les appartements à travers les conduites des... sanitaires, détachement de pans entiers de balcons et de façades des murs des bâtiments, absence de canalisations murales des eaux pluviales, insalubrité du paysage environnemental de la cité, absence de VRD, de terrain sportif de proximité et autres aires de jeux pour nos enfants...). «Et si aujourd'hui, en dehors des maladies et différentes allergies contractées, aucune victime n'est à déplorer, la grâce en revient à Dieu.»

 Et comme pour résumer le calvaire vécu depuis le 17 octobre 2003 à ce jour, on nous fera visiter pas moins d'une quarantaine d'appartements dans différents bâtiments de cette cité. Une visite qui nous a effectivement permis de constater de visu les conditions précaires dans lesquelles vivent malheureusement la très grande majorité de ces 300 familles. «Nous pouvons vous faire visiter les 300 appartements, c'est pratiquement la même chose, dira le président de l'association, la même image de désolation à quelques très rares exceptions près ! Est-il concevable que la largeur des toilettes, comme vous pouvez le voir, ne dépasse pas les 60 cm ? Plusieurs habitants de grand gabarit ne peuvent y pénétrer, étant ainsi contraints d'utiliser celles de la mosquée du quartier. Et voyez par vous-mêmes la preuve de la façon bâclée avec laquelle a été réalisé ce projet des 300 logements de Guergara-Aïn D'heb : un bâtiment qui a été construit sur les... restes d'une grue qui avait été oubliée sur le chantier et cette partie du cadre de support est là pour en témoigner». En effet, un bout de ce cadre de support d'une longueur de 80 cm sort du mur du bâtiment ! Une aberration !

 Autre situation insoutenable, selon notre interlocuteur, qu'accompagnaient de nombreux locataires, beaucoup de ces 300 familles sont aujourd'hui menacées, par voie de justice, d'expulsion par l'OPGI de Médéa pour avoir cumulé trop d'arriérés de loyer. «C'est son droit le plus absolu» (l'OPGI, dnrl)». «Mais a-t-on oublié que les locataires de la cité des 300 logements de Guergara-Aïn D'heb étaient restés pendant trois (3) longues années sans gaz ni électricité et plus de six mois sans eau ? Il avait fallu à notre association cotiser auprès des locataires, non compris ceux aux très bas revenus, pour pouvoir installer ces indispensables commodités ! Qui doit nous rembourser tous ces frais, ainsi que ceux de l'entretien quotidien de nos appartements ? Sans oublier les frais médicaux, colossaux, auxquels nos familles font face quotidiennement suite à toutes sortes d'allergies et autres maladies contractées conséquemment à ces conditions de vie épouvantables, catastrophiques et insoutenables que nous menons depuis le 17 octobre 2003 à ce jour ?».




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