Algérie

Médéa : Les moudjahidine parlent de l'attaque de «La Crémaillère»



La célébration de la journée du Moudjahid, en ce mercredi, nous donne l'occasion d'évoquer pour nos lecteurs cette spectaculaire attaque-surprise, par un commando de choc de l'ALN, du bar «La Crémaillère» situé en plein centre-ville et qui était le lieu de rendez-vous des plus féroces tortionnaires qui sévissaient alors, à Médéa, capitale de la wilaya IV historique. Un haut fait d'armes qui déstabilisa aussi bien l'armée coloniale que les simples civils colons, portant ainsi un décisif coup psychologique qui allait sonner le glas pour tous ceux qui tenaient encore à cette utopique «Algérie française éternelle». Et, 47 années après, le souvenir de cette historique attaque est toujours vivace chez les Médéens de plus de 60 ans. «Il nous fallait absolument une opération commando de ce genre, que nous voulions spectaculaire et psychologique, pour démontrer à la population médéenne autant qu'aux forces coloniales que l'Armée de Libération nationale (ALN) était toujours présente sur le terrain, contrairement à ce que faisait croire l'ennemi en utilisant la propagande basée sur le mensonge». C'est ainsi que commence le récit, dont fut l'objet, le 14 août 1961 aux environs de 20h15, juste après la prière du Maghreb, le bar «la Crémaillère» situé dans une rue (l'ex-rue Jean Richepin) du centre-ville de Médéa. Un bar devenu, au lendemain de l'indépendance, un café dans cette rue qui porte aujourd'hui, justement le nom d'un des dix commandos fedayins auteurs de cette célèbre opération de guérilla urbaine : le chahid Ahmed Ferrach dit «Ahmed Ellouhi».

Et celui qui nous parle n'est autre que Mahmoud Toubal-Seghir dit «Tchéknoun», à qui Dieu a prêté longue vie, le responsable politico-militaire de l'époque, chargé de la région locale englobant Draâ Smar (ex-Lodi), Tamezguida (ex-Mouzaïa les mines), Aïn D'heb (ex-Damiette), Oued Lahrèche et Ghezaghza. Une région appartenant à la Zone II, celle de Médéa et de tous les environs relevant de la Wilaya IV historique. En effet, avec ses batailles, accochages, embuscades, attaques contre des postes ou casernes en plus des opérations de fedayins, dont justement celle que nous évoquons aujourd'hui, cette zone II de la wilaya IV historique aura écrit en lettres d'or sa participation à la guerre de Libération nationale.

Pour en revenir à cette attaque du bar «La Crémaillère», M. Mahmoud Toubal-Seghir dit «Tchéknoun» nous dira : «De grosses difficultés commençaient à se faire sentir dans les maquis avec, entre autres, le nombre toujours en diminution des djounoud, le manque ou l'insuffisance de l'armement et de l'habillement, la lassitude qui gagnait quelque peu certains moudjahidine... D'où la décision prise par les responsables politico-militaires de la wilaya IV historique de porter la guerre des maquis vers les villes, c'est-à-dire renforcer la guérilla. Et de laisser la liberté d'action à chaque responsable politico-militaire local. Partant de là, j'avais pris la décision d'attaquer ce fameux bar «la Crémaillère» pour deux raisons essentielles : d'abord, il se situait à une trentaine de mètres seulement du commissariat de police de l'époque (aujourd'hui transformé en centre médico-social CMS de la Sûreté), donc dans une rue très régentée par les Français. Ensuite, ce bar était le lieu de rencontre privilégié des gendarmes tortionnaires, des agents de renseignements du deuxième bureau, de beaucoup de soldats et surtout d'officiers de l'armée coloniale».

Avec une émotion de plus en plus poignante, il poursuivra: «Deux mois de préparation avaient été nécessaires, comportant particulièrement l'étude du terrain, les possibilités de se retirer après l'attaque, le choix des hommes du groupe et celui de l'agent de liaison, le choix d'une maison proche du bar, car nous nous devions d'y passer la nuit du 13 août et toute la journée du 14 pour espérer pouvoir réussir l'opération... Le groupe se composait de Abdelkader «Chaâbouna», Ahmed «Ellouhi», Moha, Sghir de Hannacha, un certain Fodhil, Ahmed «Hammam Ellouène» et moi-même. La maison qui avait été retenue étant celle de Mohamed El-Mohri, située en contrebas du bar en question, du côté d'Aïn El-Mordj. Avec un plan d'attaque mûrement réfléchi, nous fîmes irruption dans le bar, laissant «Chaâbouna» et Moha S'ghir au guet dehors. Le bilan rapporté une journée après cette attaque, par le journal colonial «L'Echo d'Alger» avait fait état de huit morts et quatorze blessés parmi les consommateurs de ce bar-restaurant.

Nous avions su, par la suite, que le nombre des morts et des blessés était beaucoup plus élevé que celui reconnu par les forces d'occupation. Ceci conséquemment au grand nombre de chargeurs de nos mitraillettes mat 49 que nous avions et que nous avions presque vidés sur toutes les personnes présentes à l'intérieur du bar.

Et M. Mahmoud Toubal-Seghir dit «Tchéknoun» d'ajouter : «A la fin de l'attaque, et au moment de quitter les lieux, nous avions lancé une grenade à l'intérieur du bar, qui avait effectivement explosé, après avoir laissé au préalable une lettre sur les cadavres et où l'on pouvait lire notamment : à l'intention de la soldatesque française, la Révolution est toujours là, debout grâce à tous ses enfants. Nous sommes capables de vous frapper n'importe où, quand nous voulons et avec encore plus d'aisance, qu'aujourd'hui. Nous reviendrons». une opération qui avait surtout porté un sérieux coup au moral de l'occupant aussi bien les autorités militaires et administratives que les simples colons.






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