Au-delà de la flambée effrénée des prix des produits de première nécessité, plus spécialement les denrées alimentaires, que rien, ni personne ne semble apte, aujourd'hui, à freiner, un autre phénomène est de retour et prend une ampleur inquiétante: l'utilisation du petit carnet de crédit qui lie l'épicier du quartier à ses clients. Un moyen de paiement, que l'on croyait révolu à jamais, qui est la conséquence directe de la dégradation continue du pouvoir d'achat dont ne cesse de souffrir principalement la grande majorité de cette frange de la société qui a beaucoup donné à l'Etat et qui continue à le faire: les fonctionnaires. Aussi bien ceux qui sont partis à la retraite que ceux qui sont encore en exercice, qu'ils soient de l'administration, de l'enseignement ou des hôpitaux. Une situation malheureuse qui explique toutes ces grèves à répétition qui enveniment la vie quotidienne des citoyens: perturbations dans l'administration, dans les établissements d'enseignement, dans les hôpitaux et autres structures sanitaires... «Il y a une dizaine d'années, je m'en sortais, plus ou moins, au regard des possibilités financières avec lesquelles je pouvais faire face aux dépenses familiales, aidé en cela par les prix très modérés qui caractérisaient alors les divers produits sur le marché», nous dira ce père de trois enfants encore enseignant dans un lycée à Médéa. Et d'ajouter: «aujourd'hui, mes trois enfants ont grandi et les dépenses ont beaucoup augmenté dans la mesure où l'un est dans le moyen et les deux autres, une fille et un garçon, sont élèves dans le secondaire. Un grand fossé sépare, aujourd'hui, mon salaire et les exigences financières actuelles de la famille. Ce qui m'a conduit dans cette situation où je suis obligé de m'approvisionner à crédit, auprès de mon épicier surtout, plus de dix jours avant de percevoir la prochaine paie. C'est cela la triste vérité et la peu enviable vie que nous menons, en dépit de tous les efforts que nous dicte notre travail». En effet, combien sont-ils les fonctionnaires, tous secteurs confondus, dans cette situation et pire encore au fur et à mesure que l'on descend dans l'échelle des valeurs de la fonction publique! Ce que nous confirmeront beaucoup d'entre eux, au cours de notre enquête qui nous a menés, bien évidemment, auprès d'une dizaine d'épiciers établis dans différents quartiers à forte concentration de fonctionnaires, les groupements d'habitations OPGI, plus précisément. Et eux aussi (Ndlr: les épiciers) nous confirmeront ce retour en force de ce petit carnet de crédit: effectivement après que son usage eut presque totalement disparu entre 1979 et 1995, beaucoup de mes clients habituels ont recours, aujourd'hui, à ce moyen de paiement que je ne peux leur refuser en y étant moi-même contraint, liés que nous sommes depuis au moins une dizaine d'années et plus», nous dira l'un d'eux. Un recours à ce carnet de crédit qui s'explique par tous ces prix qui ne cessent de grimper à l'exemple de l'huile dont le bidon de 5 litres coûte actuellement entre 820 et 840 dinars (Fleurial) et entre 600 et 640 dinars (Elio), des haricots entre 80 et 130 dinars le kg, des pois chiches entre 100 et 145 dinars, des lentilles entre 80 et 90 dinars et du riz entre 50 et 100 dinars, selon la qualité. La semoule, la farine et le café sont cédés respectivement entre 40 et 50 dinars, entre 35 et 45 dinars et entre 400 et 440 dinars le kg. Seul le prix du sucre ayant baissé passant de 65 à 45 dinars. Quant au lait en boîte, son prix varie entre 220 et 270 dinars selon les marques. Alors que le lait pour bébés est cédé entre 220 et 300 dinars la boîte selon les âges. Les différentes pâtes, enfin, coûtent entre 60 et 70 dinars le kg. Même le savon de Marseille utilisé pour la lessive a augmenté de 10 dinars, passant de 30 à 40 dinars. Ceci pour ne parler que des produits de base auxquels ne peut s'arrêter une alimentation équilibrée, à commencer par les fruits et légumes, le minimum en viande et en poissons. «Ajoutons à cela l'habillement, le nécessaire pour la maison, les différentes charges domestiques... Et ce salaire de misère se rétrécira comme... une peau de chagrin! n'ont pas cessé de répéter toutes les personnes concernées que nous avons rencontrées durant notre enquête.
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Posté Le : 25/02/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Rabah Benaouda
Source : www.lequotidien-oran.com