Algérie

Me Selini, président de l’Union nationale des barreaux d’Algérie, à la VO



«Nous sommes le seul pays à ne pas compter d’école de formation continue d’avocats»En marge du séminaire national sur «les droits de la défense et le procès équitable» dont les travaux se sont ouverts hier à l’université Djillali Liabes de Sidi Bel-Abbès, Me Selini Abdelmadjid, président de l’Union nationale des barreaux d’Algérie (UNBA), a bien voulu répondre aux questions de notre collaborateur. La voix de l’Oranie : Le choix du thème du séminaire «droits de la défense et procès équitable» est loin d’être fortuit. Me Selini Abdelmadjid : C’est une nouvelle opportunité qui se présente pour établir un diagnostic précis des droits de la défense en Algérie, et ce, au regard de l’état et du stade actuel du processus de réforme de la justice. Il s’agira également pour les participants -conférenciers et auditeurs- de situer la place des droits de la défense, c’est-à-dire les droits qu’exerce l’avocat dans la pratique quotidienne de sa profession, ses contours, ses obstacles, sa liberté, son importance quant aux procédures engagées, et au rôle effectif qu’il est appelé à jouer afin d’obtenir une justice pour tout citoyen ayant recours à l’institution judiciaire. Il est vrai que nos textes sont actuellement d’un niveau appréciable, mais un certain nombre de restrictions et de mesures tendent malheureusement à entraver le rôle et la mission de l’avocat dans l’accomplissement de cette noble tâche, celle de recouvrer des droits, de les défendre au mieux, au profit du citoyen et de la justice algérienne. En somme, cette rencontre doit faire le point de la situation des droits de la défense qui ne sont malheureusement pas au niveau requis en ce qui concerne notamment le statut de l’avocat, les moyens de formation à mettre en œuvre, la nécessaire liberté dans l’exercice de la profession... - Vous conviendrez que les premiers éléments du diagnostic ne semblent guère prêter à l’optimisme... - Les exemples ne manquent pas. Je citerais entre autres les menaces multiples qui pèsent sur les avocats. Que doit-on penser quand un confrère est poursuivi pénalement alors qu’il n’a fait qu’exercer son devoir et sa mission de défense. On use et abuse de tous les moyens d’intimidation existants pour amener l’avocat à ne pas s’aventurer à déposer de plaintes contre des personnalités. Et quand il s’avise à faire correctement son travail, on le poursuit, en touchant directement à sa carrière professionnelle... Et, en le sanctionnant pénalement, on n’en fait pas moins de lui un délinquant. La suite logique de cet impair est la radiation automatique de l’ordre des avocats et un certain nombre de poursuites irrégulières comme celles qu’a connues la corporation à Alger. Et dire qu’on a poursuivi un avocat parce qu’il a donné une simple carte de visite à l’un de ses clients. Nous estimons que ce sont là des moyens destinés à affaiblir et intimider la profession. Si l’on veut réellement que la profession soit en mesure de défendre le citoyen et l’agent économique, il faut qu’elle soit libre et jouisse dans le même temps d’une protection absolue dans le cadre professionnel. Il faut lui accorder une immunité afin qu’elle puisse, en toute liberté, en toute indépendance, défendre avec tous les moyens légaux en sa possession la cause de son client. Il ne faut pas que l’avocat fasse l’objet de menaces, de pressions ou d’obstacles divers. Plus on a de liberté et de perspective, plus on aura de chances d’arriver à une véritable justice. Les droits de la défense constituent en l’espèce l’un des principes fondamentaux du droit de toute société démocratique. - Concrètement, qu’y a-t-il lieu de faire pour permettre justement aux hommes du barreau de concrétiser un tel principe? - Il faut d’abord commencer par concrétiser dans les faits le discours du président de la République qui a demandé la promulgation d’un nouveau statut de l’avocat allant dans le sens du renforcement des droits de la défense et de la protection de ces mêmes droits. Il faut aussi donner les outils pour que cette profession soit à même d’assurer une prestation de qualité et de compétence souhaitée. Chaque année, nous recevons des milliers de jeunes avocats qui sont sous-formés. A la différence de nos confrères des pays maghrébins et européens, nous n’avons pas d’instituts spécialisés pour assurer une préparation adéquate au futur avocat. En l’état actuel du système de formation, vous comprendrez aussi qu’il est difficile d’assurer une formation correcte avec des promotions record de candidats au CAPA se chiffrant chaque année par milliers. Il faut instaurer une sélection à ce niveau, comme c’est d’ailleurs le cas chez nous pour les magistrats et d’autres auxiliaires de justice. En Algérie, la profession a toujours compté en son sein des avocats de renom mais le phénomène semble se raréfier par le fait que nous ne disposons plus des mécanismes et des outils nécessaires. Actuellement, nous sommes peut-être le seul pays à ne pas compter d’école de formation continue préparant et accompagnant dans la carrière la profession d’avocat. Les progrès accomplis de par le monde sont d’une accélération telle qu’ils nous interpellent dans notre pratique quotidienne. Aujourd’hui, la tendance est partout à la spécialisation du métier d’avocat. En faisant l’impasse sur cette nécessité majeure, nous nous condamnerons à évoluer en net déphasage avec le reste du monde. - Les recommandations du séminaire insisteront certainement sur l’ensemble de ces aspects. - Il s’agit en somme de recommandations allant dans le sens d’une meilleure prise en charge des questions liées aux droits de la défense et des droits de l’homme d’une manière générale. Pour ce faire, il faut d’abord que le statut de l’avocat cesse d’être bloqué et que l’on lui restitue réellement les droits qui lui sont reconnus légalement dans l’exercice effectif des droits de la défense. Il faut permettre aussi à la profession d’accéder à l’outil de formation à travers la création d’une école de formation continue pour qu’elle puisse accompagner le citoyen et lui assurer un service de qualité.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)