Maître Mahieddine Khelifa, avocat à la Cour suprême, bien connu au barreau d’Alger, a publié un ouvrage de référence relatant la vie quotidienne d’une famille juive en terre d’islam depuis le Maghreb médiéval jusqu’à l’époque contemporaine, et partant, celle de toute cette communauté. Il y relève de nombreuses similitudes au niveau de nombreuses expressions courantes, des pratiques culturelles et certains rites religieux qui ont survécu depuis les temps immémoriaux. Il évoque dans cet entretien, qu’il a bien voulu nous accorder, l’origine linguistique et géographique de formulations religieuses imputées à la civilisation égyptienne, ainsi qu’à la religion hébraïque, mais qui, en réalité, portent les traces indélébiles de la langue berbère. L’auteur le démontre avec brio à travers des exemples d’expressions et de pratiques religieuses qui étonneront les lecteurs.
Dans l’introduction du livre Le manuscrit, histoire d’une famille juive en terre d’islam, que vous avez fait publier aux éditions Gaïa, vous évoquez les liens existant entre la langue berbère et la civilisation égyptienne, d’une part, et la religion hébraïque, d’autre part. Comment êtes-vous parvenu à cette conclusion ?
La langue berbère est l’une des plus anciennes langues parlées du bassin méditerranéen. Le grec ancien, de Platon et Aristote, ainsi que le latin de Cicéron, ne sont plus parlés, pas plus que l’égyptien, tel qu’il l’était du temps des pharaons. En revanche, la langue berbère a pu perdurer jusqu’à nos jours pour des raisons liées, sans doute, à la forte personnalité de cette population.
Les grands égyptologues (entre autres Guy Rachet ou Desroches Noblecourt), admettent qu’il existait une dominante de parler berbère et libyque dans l’Egypte des Pharaons. Il n’est donc pas étonnant de voir que jusqu’à nos jours, les appellations des lieux-dits «Assouan», qui se prononce «Assouane», et veut dire en berbère «ils ont bu» et «Siwa» (iswa), c’est-à-dire «il a bu», ont perduré.
Bien plus encore, les Egyptiens appellent leur pays «Misra». Cela vient de ce que les anciens Egyptiens se définissaient comme étant les fils du Dieu Ra : (Miss Ra). En berbère, miss veut dire fils. Ce rapprochement avec le berbère n’a pu être fait par Champollion, qui, en déchiffrant le cartouche de «Ramses» fit pourtant le lien entre le mot «mice» et la filiation à Ra, dans la mesure où il maîtrisait l’arabe et le perse, mais non le berbère.
Pour ce qui est du lien avec la religion hébraïque, il y a lieu de relever que le mot berbère «Anekhi» (je suis) a la même signification dans la Thora. «Anekhi» est considéré dans le Talmud comme étant le «mot des mots», car c’est le premier mot prononcé par Dieu lorsqu’il s’adressa à Moïse. Dans la Thora, Dieu s’adressant pour la première fois à Moïse dit : «Anekhi Yahvé, Alléhoka» (Je suis Yahvé, ton Dieu). Les hiéroglyphes, l’arabe et l’hébreu s’écrivent de droite à gauche et sans voyelles.
Ce qui implique que «Amon» peut se lire Amen, Amin ou Amoun. Dans la mythologie égyptienne, «Amen Ra» est l’émanation du «Noun», océan primordial, étendue infinie d’eau, duquel est né Ra, d’où l’importance du mot «Amen» pour les prêtres égyptiens. La lecture de l’Ancien Testament nous apprend que Moïse demandait à ses fidèles de ponctuer ses prières par le mot «Amen». Le mot «Amen» veut dire en berbère «les eaux» et jusqu’à nos jours les femmes d’Afrique du Nord donnent à l’eau un caractère sacré lorsqu’elles en jettent derrière leur proche pour lui assurer une protection divine.
Sur quels éléments historiques vous basez- vous pour affirmer que le berbère est antérieur à l’hébreu ?
Les égyptologues font remonter l’exode à environ 1350 avant J.C. Les Hébreux étaient des prêtres monothéistes adeptes du pharaon «Anekhi Adon» (prononcé en grec ancien «Akhenaton»). Anekhi Adon (je suis Adon) avait ordonné d’effacer le nom de Dieu lorsqu’il était inscrit au pluriel dans tous les édifices religieux.
Ce commandement n’a pas plu au clergé polythéiste, qui, à la faveur d’une année de grande sécheresse a interprété cette catastrophe comme une malédiction des dieux. C’est ce qui a donné un prétexte au clergé polythéiste pour renverser le pharaon et chasser les prêtres monothéistes vers la terre de Canaan, alors sous domination égyptienne. Cet épisode de l’exode est relaté dans la Genèse (Thora) écrite entre le 7e et le 2e siècle avant J.C. Les prêtres constituaient une caste privilégiée et non une race, comme leurs idéologues ont tenté de le faire accroire pour se faire passer pour un «peuple élu de Dieu». Il ne faut donc pas être grand clerc pour savoir que les populations qui vivaient au nord de l’Afrique géographique, (de l’Atlantique à la mer Rouge) étaient bien antérieures à la civilisation égyptienne et à la religion hébraïque.
Sur quoi vous basez-vous pour affirmer qu’il n’y a pas eu d’esclavage des Hébreux dans l’Egypte des pharaons ?
Il n’y a aucune trace d’un quelconque esclavage des Hébreux en Egypte dans les innombrables vestiges archéologiques que recèle ce pays. Les prêtres monothéistes chassés d’Egypte ont vécu cet exode comme un très grand malheur, car cette caste privilégiée partageait une partie du pouvoir avec le pharaon et était très jalouse de ses privilèges. Seuls leurs enfants (mâles) étaient circoncis à l’âge de 13 ans et recevaient une instruction poussée pour être toujours proches du pouvoir.
Ce rite (circoncision) a été conservé par les Hébreux (du verbe arabe «abaru», «ils ont traversé» le désert du Sinaï) et la preuve en est que dans la Bible, Ismaël, premier fils de Moïse, a été circoncis à 13 ans. L’exode a été très mal vécu par cette caste privilégiée, qui, en souvenir du merveilleux pays qu’ils avaient été contraints de quitter, ont pris pour emblème le symbole de deux pyramides qu’ils ont superposées : l’une à l’endroit et l’autre à l’envers. Autrement dit la base pour le sommet et le sommet pour la base (étoile de David), ou tout simplement, Un pour tous, Tous pour un.
Contrairement aux orientalistes qui affirment que la majeure partie des prénoms bibliques sont d’origine hébraïque, vous soutenez qu’ils sont plutôt d’origine araméenne ou arabe. Sur quels faits historiques vous basez- vous pour soutenir cette thèse ?
Historiquement, le monothéisme trouve ses origines en Egypte, comme nous l’avons vu avec la révolution religieuse initiée par Anekhi Adon. Personne ne nie que l’exode s’est fait à partir de l’Egypte. Le substrat culturel de la religion hébraïque est donc à chercher dans la culture égyptienne du temps des pharaons. L’Egypte a été le berceau d’une très grande civilisation autour du Nil, qui entretenait des relations commerciales et culturelles avec les civilisations assyro-babyloniennes et de la vallée de l’Indus.
S’étant installés en terre de Canaan (Palestine), les prêtres monothéistes se sont intégrés à l’environnement culturel de la région sous forte influence assyro-babylonienne. Si en Egypte il était fait référence au Dieu Soleil «Ra» (d’où l’appellation de Ra bbin ou Ra bbi), en terre de Canaan c’est toujours au Dieu Soleil qu’il était fait référence, mais sous le nom de «El», qui a donné en grec ancien «Hel» et en moderne «Hélios» (soleil).
De là viennent tous les prénoms que l’on trouve dans la Bible, écrite, faut-il le rappeler, entre le 7e et le 2e siècles avant J.C. Ainsi de Daniel (Din El), Gabriel (Jabr El), Emmanuel (Maana El), Ariel (Raa El), Ismael (Ismaa El), Rashel (Ras El) (les Hébreux prononçant le s en sh) pour ne citer que ceux-là. Pour ce qui est du nom d’Israël, c’est une astucieuse combinaison entre les dieux Ra et El avec le mot Siraa (lutte en arabe ou araméen). Les Hébreux n’ont pas oublié qu’ils étaient les fils de Ra, (Miss Ra), mais il leur fallait composer avec le nouveau Dieu El pour se faire admettre dans leur nouvel environnement.
N’étant plus sous la protection du pharaon, ils firent peur à leurs voisins assyro-babyloniens, en inventant la légende de la lutte (siraa) du fondateur d’Israël, Jacob (en fait Yacoub) avec Dieu, de laquelle «il est sorti vainqueur après toute une nuit de lutte». (C’est écrit textuellement dans la Thora).
Le M de Miss (Miss Ra El) ayant été supprimé pour qu’il puisse être conjugué avec le mot lutte (Siraa en arabe), d’où Isra el.
Vous affirmez que la profession de foi de la religion hébraïque est l’un des secrets les mieux gardés et vous soutenez qu’il n’apparaît dans aucun de leurs ouvrages. Où avez-vous donc trouvé cette imprécation ?
De tous les ouvrages que j’ai pu lire sur le sujet, aucun ne s’est avisé de dévoiler la profession de foi de la religion hébraïque : «Shemaa ya Israël, Yahvé Elohenou, Yahvé ehod !», qui se lit : «Shemaa ya Israël, Adonaï Elohenou, Adonaï ehod» et se traduit : «Ecoute, ô Israël, Adonaï est notre Dieu, Adonaï est l’Unique !» En effet, dans l’écriture biblique, «Anekhi Yahvé» : je suis Yahvé, se lit dans la liturgie : «Anekhi Adonaï», de peur de l’évoquer sous son véritable nom. L’obligation qui est faite au fidèle de ne pas évoquer le nom de Dieu sous sa véritable appellation est inscrite explicitement dans la Bible araméenne qui prescrit : «Tu n’invoqueras pas le nom de Aî, ton Dieu, en vain.»
Cette interdiction d’évoquer le nom de Dieu sous sa véritable appellation vient également de la mythologie égyptienne. Cette profession de foi, je l’ai découverte en lisant Moïse et le monothéisme, de Sigmund Freud, dont les parents étaient de confession israélite et qui a brisé ce tabou.
Vous faites état dans votre ouvrage du racisme des ashkénazes envers les juifs moyen- orientaux, vous pensez qu’il perdure de nos jours ?
Les juifs sépharades sont les authentiques descendants des Hébreux. Ce sont donc à la base des Egyptiens. Ce n’est pas un hasard si les recherches effectuées sur l’ADN des populations palestiniennes font ressortir qu’elles sont les véritables descendants des hébreux bibliques. Cette étude a été révélée par Shlomo Sand, professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv depuis 1985, dans son livre Comment le peuple juif fut inventé. Les juifs sépharades sont toujours victimes du racisme de la part des ashkénazes, dont Arthur Koestler considère qu’ils constituent la «13e tribu, par opposition aux 12 tribus bibliques» d’Israël.
Ces affirmations font suite à l’étude d’Abraham Poliak, lui même juif ashkénaze, sur la «conversion des Khazars au judaïsme», qui a soulevé de vives controverses au sein des organisations juives mondiales. En réaction à cette étude, le nom d’Abraham Poliak a été supprimé de l’Encyclopédie juive mondiale (édition 71-72), en raison du fait que les idéologues juifs, tenants de la pureté ethnique, considèrent que tous les juifs descendent des douze tribus bibliques. Pour conclure, il suffit de citer Haim Nakhman Bialik, célèbre poète ashkénaze qui disait : «Savez-vous pourquoi je n’aime pas les Arabes ? Parce qu’ils ressemblent trop aux juifs orientaux». Cela en dit long sur ce que pensent les ashkénazes des juifs orientaux.
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Posté Le : 28/09/2017
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Nordine Grim