Algérie

Me Ksentini : «Le gouvernement doit réagir»



Me Ksentini : «Le gouvernement doit réagir»
Dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction, maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative sur les droits de l'Homme, a de nouveau insisté sur la nécessité de respecter la volonté de la loi en matière de détention provisoire qui doit être une pratique exceptionnelle, dit-il.
Il estime que l'application de la loi est, dans ce domaine, incorrecte. C'est, dit-il, comme une punition préalable infligée par le juge d'instruction à la personne concernée en dépit de la présomption d'innocence. Il s'en prend, souligne-t-il, à une pratique. Il souligne que les avocats sont pour le principe de la liberté provisoire, s'agissant, tient-il à préciser, de délits et pas de crimes. Il en est ainsi, constate-t-il, des délits de gestion. Les personnes mises en cause, fait-il observer, sont inculpées, placées en détention, puis un expert est désigné pour vérifier les faits qui leur sont reprochés ; en attendant les résultats de l'expertise et le jugement, les personnes sont détenues. Il estime qu'elles doivent bénéficier de la liberté provisoire durant toute cette démarche. A propos justement de la dépénalisation du délit de gestion, il trouve qu'il s'agit d'un progrès et qu'il faut attendre la promulgation du texte pour l'apprécier ; l'arbre, dit-il dans une formule imagée, étant jugé à ses fruits. Par ailleurs, Me Ksentini pense que les réformes engagées dans le secteur de la justice sont insuffisantes, bien qu'elles aient apporté des choses appréciables. «Mon ambition, dit-il, en tant que juriste, est d'arriver à une justice de qualité.» Cela implique, selon lui, une bonne formation des magistrats. Tout est lié, insiste-t-il, à la formation professionnelle des magistrats, c'est le rôle de l'école de la magistrature. Pour Me Ksentini, ne doivent être retenus comme magistrats que les premiers de la classe. Il rappelle que la Commission Issad, dont il a fait partie, a fait un très bon travail, mais il ne comprend pas, qu'à l'expérience, rien n'ait été retenu des recommandations de son rapport. Il appelle à revenir aux recommandations de cette commission. Abordant le volet «réconciliation nationale», il fait remarquer que les personnes qui ont subi des dégâts matériels imputés au terrorisme doivent être dédommagées. Il rappelle que le ministre de l'Intérieur avait estimé à 20 milliards de dollars le montant des dégâts matériels causés par le terrorisme. La politique de réconciliation nationale doit prendre en charge aussi, insiste-t-il, les personnes déplacées vers les camps du Sud. Elles étaient membres d'un parti qui était légal, qui a été ensuite dissous. Leur nombre varie entre 15 000 et 30 000, elles doivent être réhabilitées, estime Me Ksentini. Sur le chapitre des droits sociaux, il rejoint l'avis de la rapporteuse des Nations unies sur l'opacité qui entoure la distribution de logements sociaux et l'exigence de la transparence et de l'équité dans cette opération. Il constate que des gens inscrits sur la liste des bénéficiaires sont enlevés et remplacés par d'autres. C'est scandaleux, «je ne sais pas qui manipule», s'interroge-t-il. Chaque fois qu'il y a distribution de logements, il y a émeute, fait-il observer. Il fait remarquer que deux catégories de personnes sont lésées : les femmes et les personnes âgées. Autre fait social, la situation des jeunes. Ils doivent être pris en charge au lieu d'être abandonnés à l'informel ou à la drogue. Il estime que la solution est dans la création d'emplois par les petites et moyennes entreprises qui doivent être encouragées dans ce sens. A propos de l'ouverture de l'audiovisuel, Me Ksentini y est favorable mais sur la base d'un cahier des charges sévère pour éviter les abus et ne pas reproduire ce qui s'est passé dans la presse écrite. Le texte sur la dépénalisation du délit de presse doit être revu dans la mesure où il ne donne pas satisfaction aux journalistes, dit-il, mais il souligne que l'amende est préférable à la prison. Concernant l'accusation, de nature injurieuse, dit-il, lancée contre l'Algérie à propos du trafic d'être humains, Me Ksentini demande au gouvernement de réagir, car cette accusation infondée a pour but de ternir l'image du pays. A la fin de son entretien, Me Ksentini a abordé le statut des avocats dont il trouve certaines dispositions inadmissibles. «Qui a pu inspirer de telles dispositions '» lance-t-il, en appelant à dépouiller le texte de ce qu'il qualifie d'insanités. On veut terroriser la défense, dit-il, et la défense ne l'acceptera jamais, ajoute-t-il. Il rappelle que le ministre de la Justice, qui fait preuve de beaucoup de compréhension sur cette question, est pour le dialogue.


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