Algérie

Mathématiques : la filière mal aimée



Le Conseil des ministres a approuvé dimanche la création d'une Ecole nationale supérieure des mathématiques. Une annonce qui intervient au moment où l'engouement pour la filière mathématique a périclité. Le désamour pour cette matière n'a fait qu'augmenter au fil des années. Ils ne sont que 3,46% des élèves à choisir cette filière au lycée. Rien d'étonnant selon Ahmed Tessa, pédagogue pour qui des erreurs ont été commises depuis le préscolaire, donnant lieu à ce qu'il qualifie de « catastrophe ».Nawal Imès - Alger (Le Soir) - De moins en moins d'élèves choisissent la filière mathématiques lors de leur passage du moyen au secondaire. Seule une petite minorité opte pour une filière devenue la mal-aimée du système éducatif.
Une problématique qui est connue depuis de nombreuses années et à laquelle aucune solution n'a pu être trouvée. Au cours d'un Conseil des ministres tenu au mois de février, le ministre de l'Education nationale avait fait un état des lieux, décrivant la difficulté qu'avait le secteur à intéresser les apprenants à une matière qu'ils ont fini par ni aimer ni maîtriser.
Un constat qui n'étonne pas du tout Ahmed Tessa. Pédagogue et ancien conseiller auprès du ministère de l'Education, il explique que « le problème se pose à l'origine, dans la manière d'enseigner les mathématiques au tout début de la scolarité. Tout se joue à ce niveau du préscolaire, c'est les activités ludiques qui préparent l'enfant à l'apprentissage des mathématiques en première, deuxième et troisième année. Il se trouve que cette phase est complètement occultée tout simplement parce que la pédagogie du préscolaire est pratiquement inconnue en Algérie parce qu'il n'y a aucune formation spécifique au niveau des écoles de formation pour le préscolaire. Ce déficit en formation pédagogique fait que quiconque est mis dans une classe de préscolaire l'erreur est là et elle est monumentale au niveau des concepts. On n'enseigne pas au préscolaire, on éduque. C'est toute une pédagogie et une approche psychopédagogique adaptée à l'enfant ».
Il assure également qu'« en Algérie, le malheur c'est que cela dure depuis la réforme et personne ne s'y est intéressé hormis la petite parenthèse de Benghabrit, personne n'a pensé à mettre une formation spécifique au préscolaire et au primaire. Nous voyons même des enseignants et des inspecteurs qui n'ont jamais enseigné dans le primaire élaborer des manuels pour ce cycle, c'est de la folie. J'ai déjà eu à écrire dessus pour dire que c'est un massacre ».
Les erreurs, dit-il, sont une seconde fois faites au niveau du primaire où « le problème continue. L'enfant a besoin de manipuler, de toucher et de voir et non pas seulement regarder l'enseignant travailler au tableau.
C'est une grave erreur tant que l'enfant ne touche pas et ne manipule pas, il n'arrivera pas à comprendre le sens de telle ou telle opération. Avant 8 ou 9 ans, les enfants ne comprennent que ce qui est concret. L'abstraction n'arrive qu'a 10-11 ans, voire 12 ans ».
Pour Ahmed Tessa, « la faiblesse en mathématiques est liée à l'absence d'une formation préparatoire mais également la méthodologie utilisée au primaire qui est une catastrophe.
L'enfant ne comprendra jamais le sens des opérations même s'il finit par comprendre certains mécanismes mais pas le sens des opérations, or c'est ce dernier qui permet de résoudre des problèmes de mathématiques, de physique ou de chimie ». Résultat, dit-il, « on a des élèves de terminale qui ne savent pas quelle opération utiliser pour régler un problème, ne parlons pas des algorithmes.
Ce n'est pas étonnant que les élèves fuient cette filière, puisqu'ils n'y ont pas été préparés. L'école algérienne étouffe l'intelligence des enfants et n'éveille pas leur intelligence aux mathématiques ».
Le pédagogue déplore que les seules solutions imaginées jusque-là aient été « d'organiser une fois par an un concours de mathématiques ou encore mieux, ouvrir un lycée de mathématiques, or cela n'existe nulle part au monde ».
Une situation connue de tous puisqu'en Conseil des ministres, le premier responsable du secteur de l'éducation avait déjà noté un recul des filières mathématiques et maths techniques et de l'enseignement technologique sans compter la prédominance de la mémorisation et restitution sur la réflexion scientifique et logique et l'esprit d'initiative.
Il avait alors été instruit par le président de la République de trouver des mécanismes pour « la promotion des filières mathématiques et maths techniques pour augmenter le taux d'accès à ces filières, avec la prise de mesures incitatives pour encourager les élèves à s'orienter vers ces filières, comme la possibilité d'accès aux spécialités très demandées comme la médecine et la pharmacie».
Il était également question de veiller à « l'augmentation du taux d'accès à l'enseignement technologique, estimé actuellement à 15.8% alors que la moyenne mondiale est de 30% ».
Tous les dossiers étant visiblement au stade du statu quo, rien n'a encore été fait pour l'instant. En annonçant hier l'intention de créer une école supérieure des mathématiques, le chef de l'état a souligné la « nécessité de réunir toutes les conditions pédagogiques et de service pour encourager les inscrits des deux écoles et leur accorder toutes les incitations nécessaires pour développer le niveau d'apprentissage scientifique et faciliter leur intégration professionnelle plus tard » mais également celle de « conduire l'Algérie vers une formation poussée dans le domaine des sciences, toutes spécialités confondues, tout en encourageant l'échange d'expériences dans le domaine de la formation ».
Un projet qui ne pourra aboutir tant que les apprenants ne se seront pas réconciliés avec les matières scientifiques qu'ils ont fini par ne plus aimer ni maîtriser.
N. I.


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