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Mathématiques Ces démonstrations qui peuvent rapporter des fortunes



Mathématiques Ces démonstrations qui peuvent rapporter des fortunes
De l’hypothèse de Riemann au problème P = NP, bon nombre de conjectures mathématiques sont toujours irrésolues et mises à prix.
Certaines conjectures sont si difficiles à résoudre qu’elles résistent depuis plus de cent ans.

Les zéros non triviaux de la fonction zêta ont tous pour partie réelle ½. À peine simplifiée, cette assertion, sans doute incompréhensible pour qui n’a pas un bagage solide en mathématiques, est plus connue sous le nom d’hypothèse de Riemann. Formulée en 1859 par le célèbre mathématicien allemand Bernhard Riemann, elle est à ce jour non résolue et fait figure de quête du Graal dans l’univers des grandes conjectures. Elle est surtout mise à prix. Et figure même en tête de liste du Prix du millénaire, liste établie en 2000 par l’institut Clay qui offre un million de dollars à celui qui la résoudra. Voire beaucoup plus: la conjecture fait en effet partie d’autres listes et, surtout, celui qui en trouvera la clé deviendra une célébrité du monde scientifique, au point que de nombreuses entreprises et multinationales lui offriront un pont d’or. Mais pourquoi, dans le fond, cette hypothèse est-elle à ce point capitale? Simplement parce qu’elle a entre autres pour conséquence de contrôler la répartition des nombres premiers sur une droite menant à l’infini. La position de ses zéros complexes est directement liée à cette répartition.

En d’autres termes, l’hypothèse prouve que lesdits nombres n’apparaissent pas au hasard et que du chaos surgit l’ordre. Sans entrer dans le détail d’équations compliquées faisant intervenir nombres complexes, convergence, séries d’inverses, produits infinis, autant de notions dépassant le cadre de cet article, précisons que l’hypothèse de Riemann a connu il y a deux ans une légère avancée. Un groupe de mathématiciens a exhumé des travaux remontant à 1927 qui établissent une équivalence entre Riemann et un autre problème (l’hyperbolicité des polynômes de Jensen) qu’il s’agirait lui aussi de prouver pour une infinité de valeurs. À ce jour, l’hypothèse de Riemann a été démontrée pour 10 13 zéros non triviaux ayant tous pour partie réelle ½. C’est hélas insuffisant. Un seul contre-exemple suffirait à l’infirmer définitivement.

Cinq conjectures ouvertes
Le Prix du millénaire contient six autres problèmes. Un seul a pour l’instant été résolu. Il s’agit de la conjecture de Poincaré qui a valu la médaille Fields au Russe Grigori Perelman en 2006, récompense qu’il a finalement déclinée. La conjecture porte sur la topologie algébrique et notamment sur les sphères de dimension trois. Elle revêt aujourd’hui le nom de théorème de Perelman. Cela étant, cinq autres conjectures sont toujours ouvertes. Parmi elles, le célèbre problème P = NP, qui a une importance fondamentale en informatique théorique.

De manière caricaturale, on pourrait réduire les définitions de P et NP en affirmant qu’on a d’un côté les problèmes (mathématiques) faciles à résoudre (P) et de l’autre ceux qui ne le sont pas (ou moins) (NP). Les problèmes dits de classe P peuvent en effet être décidés (et résolus) en temps polynomial par une machine de Turing ou apparentée. Donc se décomposer en un algorithme ou une suite de calculs relativement basiques que les ordinateurs peuvent exécuter assez rapidement. Ceux de classe NP (pour «nondeterministic polynomial time») ne peuvent pas être résolus si rapidement. Pire, le nombre de solutions qu’ils comportent pose problème, et ne présuppose pas forcément l’existence d’un algorithme. Prenons un exemple concret, celui de la décomposition d’un nombre entier en facteurs premiers. Facile? Non, pas si le nombre est trop grand. Car il faut alors tenter de le diviser par tous les facteurs premiers inférieurs, et cela peut prendre un temps infiniment long. Sans algorithme, même les plus puissants des ordinateurs n’en viendraient pas à bout assez vite. Et prendraient parfois jusqu’à plusieurs milliers d’années pour casser le nombre. C’est d’ailleurs sur ce type de clés que repose la sécurité bancaire, vous me suivez?

Partie d’échecs parfaite
Intuitivement, la communauté mathématique pense que P ≠ NP. Mais si tel n’est pas le cas, la face du monde pourrait en être changée. Certains types de cancer guéris et le chiffrement des données bancaires mis à mal. On pourrait déterminer une partie d’échecs parfaite ou résoudre rapidement les jeux addictifs de type Candy Crush. Le problème P = NP est aussi l’un des seuls de la liste qui pourrait être résolu par un chercheur isolé. Pure hypothèse, là aussi.

Parmi les quatre problèmes restants, tous eux aussi mis à prix à hauteur d’un million de dollars, nous avons évoqué il y a quinze jours le cas des équations de Navier-Stokes. Sont encore en lice la conjecture de Hodge, celle de Birch et Swinnerton-Dyer, ainsi que les équations de Yang-Mills. Elles sont toutes trop compliquées pour être exposées, même succinctement, ici. Bien avant le Prix du millénaire, l’Allemand David Hilbert, en 1900, avait de son côté établi une liste de problèmes non résolus. Il y en avait à la base 23. Douze d’entre eux ont été solutionnés, cinq prouvés indécidables, dont la fameuse hypothèse du continu – qui affirme qu’il n’existe aucun ensemble de nombres dont le cardinal est compris entre celui des entiers naturels et celui des réels –, un jugé trop vague et cinq toujours ouverts.

Curieusement, l’hypothèse de Riemann y porte le numéro 8 avec deux autres conjectures ultraconnues. Soit celle de Goldbach, qui stipule que tout nombre entier plus grand que 3 peut s’écrire comme la somme de deux nombres premiers. Et celle des nombres premiers jumeaux, qui affirme qu’il existe une infinité de premiers dont la différence est égale à 2. Leurs énoncés ont l’air simples comme bonjour, et pourtant, elles résistent à toute démonstration ou infirmation depuis des centaines et des centaines d’années. Appâtés par le gain, certains essaient de les démontrer tout seuls dans leur coin. Puis soumettent leurs résultats à différentes universités. Qui ne leur répondent pas. Il m’est d’ailleurs arrivé de recevoir des démonstrations d’inconnus outrés que les facultés les snobent et leur refusent donc la récompense qui va avec. Il faut dire aussi que la rigueur mathématique n’était pas exactement au rendez-vous de leurs thèses. Lequel de ces problèmes sera résolu d’ici à cent ans? Peut-être aucun!


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