Algérie

Matériaux bitumineux : Les fibres de palmier pour la construction routière



A 35 ans, Youcef Bellatrache, un jeune chercheur ouargli, vient tout juste de soutenir une thèse de doctorat en Sciences-Génie civil portant étude du comportement thermomécanique des matériaux bitumineux contenant des fibres de palmier.Menés en collaboration entre l'Ecole nationale supérieure des travaux publics (ENSTP) en Algérie et l'Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie (ESTP) de Paris, ce travail encadré par les Pr Haddaddi de l'USTHB d'Alger et Ziyani de l'ESTP de Paris vise, triplement, l'amélioration de la qualité des routes et de l'environnement en permettant une durée de vie plus longue aux routes et, donc, un entretien plus facile du réseau routier national, en valorisant les déchets de palmiers tout en permettant un nouveau débouché économique aux ph?niciculteurs.
L'idée d'instaurer un système efficace de nettoyage des palmeraies trouve tout son intérêt dans une Algérie où le réseau routier est exposé à des conditions d'exploitation agressives, à de hautes températures en été, ainsi qu'à un trafic de poids lourds élevé, provoquant des déformations permanentes au niveau de la couche de roulement des chaussées.
L'introduction de fibres du palmier dattier dans la construction routière est une option économique et environnementale, estime le Dr Bellatrache, notamment dans des enrobés SMA (Stone Matrix Asphalt), d'usage fréquent en Europe et en Amérique du Nord, mais qui n'a jamais été appliqué en Algérie ou l'utilisation d'additifs industriels dans ces formulations d'enrobés est l'une des techniques privilégiées, d'où l'intérêt d'un additif végétal en abondance dans la palmeraie nationale.
Une publication scientifique du même chercheur vient d'ailleurs de paraître dans le journal Construction and Building Materials présentant un impact facteur de 4,046 et classé au rang A+ (1re classe). Bellatrache a également reçu une distinction pour ce travail de recherche, en 2018, au concours des meilleurs posters de doctorants dans le cadre des Journées techniques Route en France, où le jury chargé d'évaluer les posters, portant une attention particulière sur la qualité de la démarche scientifique proposée, le positionnement des travaux par rapport aux besoins sociétaux et à la qualité de la présentation, a remis le 1er prix au poster pour sa «contribution à l'étude du comportement rhéologique du bitume modifié par les fibres de palmier».
Le chercheur met en évidence la nécessité de valoriser les gisements conséquents en déchets végétaux provenant de l'immense palmeraie algérienne et qui soulève des problématiques environnementales.
Valorisation d'un végétal en abondance
L'objectif est d'incorporer les fibres de palmier à des enrobés de type SMA et de répondre à la question du traitement des déchets de palmiers et l'influence de leur introduction dans la formulation des enrobés sur leurs performances physiques et thermomécaniques. Il a d'abord fallu caractériser les fibres de palmier afin de déterminer leur composition chimique, leur structure, leur perte en masse par chauffage et leurs propriétés mécaniques. Ensuite, une procédure de fabrication a été développée afin de produire un liant à base de fibres.
Les propriétés physiques des mélanges pour différents dosages en fibres ont été évaluées avant et après vieillissement au moyen d'essais conventionnels, rhéologiques et thermiques.
Un traitement chimique des fibres a été effectué afin d'analyser l'effet de la modification de leur surface sur la dureté du mélange bitume-fibres. Les caractéristiques physiques et thermomécaniques des enrobés avec fibres telles que la compactabilité, la stabilité Marshall, l'égouttage de liant, la sensibilité à l'eau et la résistance à l'orniérage ont été évaluées et comparées à celles d'un enrobé de référence.
Amélioration de l'enrobé à sec
Ainsi, les essais conventionnels et rhéologiques sur les différents mélanges bitume-fibres ont montré que l'ajout jusqu'à 6 % en masse de fibres au bitume conférait une plus grande consistance, une augmentation de la viscosité et de la norme du module de cisaillement aux températures de service, avant et après vieillissement. L'analyse thermique sur les différents mélanges a prouvé que l'ajout de fibres permettait d'accroître le taux de cristallinité du bitume après modification.
A l'échelle de l'enrobé, les tests volumétriques et physiques ont démontré que l'addition de fibres conduisait à une légère diminution de la teneur en vides, une augmentation de la stabilité et du fluage et une réduction significative jusqu'à 50% de l'égouttage de liant. Enfin, les analyses de macrostructure ont révélé que les fibres de palmier pouvaient créer un réseau tridimensionnel au sein de la matrice SMA, les essais thermiques ont montré que les fibres de palmier ne se dégradent pas aux températures de fabrication.
Les résultats enregistrés durant cette campagne expérimentale ont conclu au rôle de renfort des fibres de palmier dans les SMA de par les caractéristiques mécaniques des fibres, notamment en traction, leur capacité à rigidifier le liant à partir d'un dosage suffisant, leur aptitude à combler les vides d'un enrobé et à absorber les efforts mécaniques.
L'introduction en voie sèche est plus avantageuse économiquement car elle ne demande pas d'équipements ni d'énergie supplémentaires durant l'incorporation des fibres. L'ajout des fibres permet au bitume d'être moins thermosusceptible et réduit le phénomène d'orniérage. Bien au contraire, la voie humide est plus consommatrice en équipements spécifiques et énergie nécessaire pour réaliser l'opération de malaxage du bitume, conclut le Dr Bellatrache.


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