Algérie - Parutions de livres de littérature

Massinissa, le seigneur des coquelicots. En quête d’une identité de Messaoud Nedjahi, Roman - Éditions Publibook, Paris, 2005


Massinissa, le seigneur des coquelicots. En quête d’une identité de Messaoud Nedjahi, Roman - Éditions Publibook, Paris, 2005
Présentation

Massinissa porte un coquelicot au cœur. Cette plante lui a été offerte par une petite fille qui la préférait aux rubis. Ils ont grandi tous deux et s’aiment encore. Mais la jeune fille et devenu guerrière et Massinissa, roi. Pour se rejoindre, ils affrontent les épreuves dévolues à leur rang et rejoignent l’Histoire. L'Histoire ou la légende ? La frontière est quelquefois mince et ne dépend que du point de vue. Entre les deux, Nedjahi Messaoud a choisi son camp, car les légendes permettent de fixer les enjeux symboliques de toute histoire. Il retrace le parcours politique et guerrier de Massinissa comme autant d’épreuves à traverser pour arriver à se connaître. Quête d’identité par l’intermédiaire de personnages mythifiés, qui sait si ce parcours initiatique ne vous en apprendra pas plus sur vous même que vous ne vous y attendiez ?

« Massinissa, le seigneur » retrace le parcours romancé du grand roi berbère qui sut unir la Numidie au IIIème siècle avant J-C et régna sur l’Afrique pendant 54 ans. Confronté au manipulations des uns et des autres, entourés de grands chefs d’armées comme Hannibal ou Scipion l’Africain, le jeune roi essaie de rendre au peuple sa fierté et sa liberté.

Extrait

Massinissa ou Msnsn
(246 avant J.C./148 avant J.C.)
Grand roi berbère qui sut unir la Numidie sous le signe du bélier. Il en fit un royaume prospère et puissant et don- na aux berbères le sens de la liberté, l.écriture et surtout les fit entrer dans l.histoire. D.abord allié à Hannibal et à Carthage puis à Scipion et à Rome, il régna sur l.Afrique pendant plus de 54 ans.

Je tiens particulièrement à remercier Zaia Ramtani, grande spécialiste de l.histoire berbère de la période carthaginoise, pour son aide plus que précieuse.

Merci Zaia.

Et commence la quête

L'éditeur
Quelle est cette rumeur ?

L'auteur
Quelle rumeur ? Celle du quotidien ?

L'éditeur
Il paraît que vous écrivez un nouveau livre ?

L'auteur
Ah, ça ! On le dit en effet.

L'éditeur
Vous ne m'en aviez pas informé ?

L'auteur
Maintenant vous le savez.

L'éditeur
Et c'est quoi cette histoire de coquelicots ?

L'auteur
Celle de Massinissa.

L'éditeur
Un coquelicot ?

L'auteur
Oui, il en fut un, paraît-il.

L'éditeur
Mais vous êtes fou !

L'auteur
Je l'espère bien.

II


L'éditeur
Votre roman a enthousiasmé notre comité de lecture. Vous m'en voyez réjoui.

L'auteur
J'en suis heureux.

L'éditeur
Cependant vous aviez omis de mentionner le nom de l'auteur.

L'auteur
J'en suis l'auteur.

L'éditeur
Je le sais. Mais il faudra le mentionner.

L'auteur
Je ne peux pas. Je n'ai pas de nom propre. J'en ai un de sale.

L'éditeur
Quel est-il ce nom si sal ?

L'auteur
C'est....... !

L'éditeur
Pardon ?

L'auteur
C'est....... !

L'éditeur
Je ne comprends pas ce que vous dites. Je devrai dire « je ne vous entends pas. » Pourquoi le chuchotez-vous ?

L'auteur
Il me fait honte.

L'éditeur
Tiens ! Et pourquoi donc ?

L'auteur
Il me donne une culture, une identité, une origine, une appartenance qui ne sont pas miennes.

L'éditeur
Un pseudonyme fera aussi bien l'affaire.

L'auteur
Mais ce ne sera pas le mien.

L'éditeur
Dans ce cas nous dirons « auteur anonyme. »

L'auteur
Ce serait faux. J'en suis l'auteur et je le sais. Vous-même le savez. Et beaucoup d'autres personnes le savent.

L'éditeur
Le public ne le sait pas lui.

L'auteur
Vous voulez le duper ? Il faut qu'il le sache.

L'éditeur
Pourtant votre premier écrit n'avait pas posé de problème.

L'auteur
Car moins important. Un pseudonyme aurait suffit et j'étais moins tatillon.

L'éditeur
Que faire alors ?

L'auteur
Ne vous inquiétez pas. Je vais vous l'écrire aussi je ne l'entendrai pas. Peut-être en aurais-je moins honte.

Prélude : La reine errante


— « Ah ! Tu arrives enfin. Toujours en retard ma petite fille préférée. »
— « Je ne suis pas dépendante du temps. Tu le sais bien grand-père. »
— « Comment fais-tu pour te balader presque nue par ce froid ? Vois comme nous sommes tous emmitouflés dans nos vêtements d'hiver. »
— « Question d'habitude grand-père. Question d'habitude. »
— « Dire que toute la jeunesse numide ne parle que de toi et de tes exploits. Les femmes rêvent de te ressembler, quant aux hommes tu es leur fierté et ne rêvent que de t'approcher. Tu es une redoutable guerrière, c'est un fait, mais des guerrières notre pays en foisonne. Qu'as-tu de bien particulier ? »
— « Le fait d'être ta petite-fille, certainement. »
— « La jeunesse numide t'admire malgré ton jeune âge. »
— « Les Numides aiment ce qui est naturel grand-père et je suis le naturel même. »
— « Et cette manière de te tenir sur ton cheval ! Com- ment tiens-tu en équilibre, assise ainsi presque en tailleur ? »
— « Les Numides sont de formidables cavaliers. Et n'oublie pas grand-père que tu fus mon seul et unique maî- tre. »
— « Oui ! Oui ! Descends de ta monture et viens dans mes bras que je t'embrasse petite rebelle. »

La jeune femme quitta son cheval et vint se blottir dans les bras de son grand-père.

Ce vieillard fut un des rois numides les plus puissants. Il régnait sur une grande partie de l'Afrique. Il n'avait plus d'enfant. La guerre lui prit ses valeureux enfants, mais il lui restait de nombreux petits enfants dont cette farouche qui passait son temps en errance dans les vastes étendues de son pays. Cette guerrière très jeune certes avait plus d'exploits derrière elle que tous ses cousins réunis. Mais elle préférait avant tout errer dans sa Numidie pour en découvrir les différents visages qu'elle savait apprécier. Pour elle cette errance résumait la vie. Elle était la vie.

Elle était la liberté. Elle n'était soumise ni à l'espace, ni au temps, ni même à la tradition. Sa solitude était sa culture, sa tradition. Elle aimait sentir les agressions du vent et du froid sur sa peau tannée. Son vêtement était tout simple. Une bande de tissu croisé au niveau de sa poitrine tout en muscles, lui cachant un sein et laissant le deuxième nu et provocateur. « C'est pour mieux utiliser mon arc ! » disait- elle aux curieux. Une peau était enroulée autour de son bassin pour cacher son intimité. Aux pieds elle portait des mocassins en sparte qu'elle se confectionnait toute seule au besoin.

Le soir, presque souvent, elle passait son temps assise sur son cheval noir et dans le calme de la nuit, contemplait le lointain et paisible horizon depuis une très haute falaise dominant la mer où venaient se briser les vagues en un ressac incessant. Au-delà de cette falaise, vers les terres intérieures, un paysage de désolation et de marais saumâ- tres semblait toujours l'attirer. Elle ne voulait rien. Elle ne cherchait rien. Elle n'ambitionnait rien. Elle aimait les terres qui l'environnaient. Elle appartenait à cet espace. Elle était cet espace. Elle était cette terre. Elle n'avait pas d'idéal. Elle était un idéal. Pour tous, elle personnifiait la liberté. Tous l'appelaient Didun « la Reine Errante. »



— « A vous tous mes enfants j'ai donné des terres. Vous allez y bâtir des cités et y ériger des royaumes que vous aurez à gérer en toute liberté. Mais à toi ma petite Talfent je n'ai rien donné. Quelle terre désires-tu ? As-tu une préférence ? Tu es mon enfant préféré, j'aimerai te donner selon ton coeur même si tu aimes qu'on t'appelle la reine sans royaume. »



— « Il est vrai que je ne désire rien car toutes les terres m'appartiennent. Cependant je voudrai bâtir un temple qui contiendra tous les Dieux, toutes les croyances, toutes les religions. Un temple aussi grand que... que... que cette peau de vache que ton pied royal piétine chaque jour. » Le roi et ses petits enfants rirent de bon coeur devant tant de naïveté. Ils connaissaient tous les extravagances de leur soeur et cousine.


— « Tu rêverais donc d'un royaume aussi grand que cette peau de vache ? »
— « Cela semble te surprendre grand-père ? »
— « Quelque peu, oui. Quoique je ne le devrai pas, te connaissant comme je te connais. »
— « Alors et ma peau de vache ? »
— « Et comment vas-tu faire pour errer en cette espace étroit, toi qui aimes les étendues sans fin. »
— « Alors tu acceptes ? »
— « Il sera fait selon ton désir ma fille. »
— « Autant en longueur qu'en largeur ? »
— « Autant ! Si tel est ton désir. Je suis vraiment triste pour toi mon enfant. »
— « Ne le sois pas grand-père. »
Il en fut ainsi.

L'errante et solitaire guerrière prit la peau de vache et la découpa en une spirale sans fin pour en tirer une lanière extrêmement fine d'une longueur considérable et presque infinie. Elle servirait pour mesurer le rayon de la terre qui lui reviendrait. Certains cousins crièrent leur indignation devant une telle duperie, mais ils se calmèrent vite quand la belle parla du choix du lieu qu'elle désirait.


— « Je veux cette terre surplombant la mer. Cette terre marécageuse. »
Tous se mirent à rire de cette nouvelle extravagance.
— « Es-tu certaine de bien vouloir ces terres saumâ- tres. »
— « Je vois que cela vous amuse mes petits princes. Cependant je maintiens ma demande. »
La peau de vache fut très vache envers ceux qui rirent en premier. L'errante prit ainsi sa revanche sur eux et le roi en fut si heureux qu'il en doubla les mesures. Il lui accorda deux fois la longueur de la lanière sans que ses vautours de neveux le sachent.

La malicieuse enfant ne voulait pas construire comme tout le monde le lui conseillait, une petite bourgade. Non !

Elle eut cette curieuse idée de creuser un énorme gouffre circulaire dans lequel elle éleva une sorte de labyrinthe fait de multiples chambres s'ouvrant l'une sur l'autre. Au cen- tre, elle érigea une sorte d'énorme cheminée pour que s'y allume la flamme de la vie. Par-dessus les innombrables chambres elle plaça une sorte de grande terrasse carrelée de marbre blanc et noir comme le jour et la nuit, la vie et la mort, Eros et Thanatos.

Pour accéder à cette immensité circulaire que formait la terrasse bien haute, des marches encore des marches tout autour. On pouvait accéder de n'importe où, tant le cercle était parfait et sa périphérie impeccable. Au centre du cercle, univers en mouvement, s'élevait toujours plus haut la formidable cheminée, phare avant l'heure, défiant les nuages de sa flamme éternelle qu'entretiendront des vestales logées dans les sous-sols.

Tout autour de la terrasse, tout à fait aux extrêmes limites, sept mille colonnes encerclaient le lieu comme d'invincibles et silencieuses sentinelles. Elles s'élevaient en hauteur comme pour atteindre les lointaines étoiles.
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