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Introduction Dans leurs rapports avec le peuple algérien, l'armée française et ses dirigeants avaient adopté la stratégie de la guerre totale. L'objectif visé à travers cette stratégie était la liquidation de la résistance acharnée opposée par les différentes catégories du peuple algérien et à tous les niveaux à la domination étrangère.
Face à cette résistance, l'acharnement des dirigeants français à pratiquer toutes les formes d'oppression, d'extermination et de destruction s'est renforcé encore davantage sans qu’ils ne s’imposent aucune barrière humaine, religieuse ou même civilisationnelle. Cet acharnement s'est accru et enraciné dans l'esprit des Français, qu'ils soient civils ou militaires à un point tel que leurs chroniques et rapports ne manquaient jamais d'énumérer les crimes et massacres horribles commis allant jusqu'à s'en glorifier.
Les manifestations de la guerre totale menée par l'administration coloniale française étaient présentes sous toutes leurs formes, allant de l'extermination de l'élément humain, l’anéantissement de tous les repères arabomusulmans de la société algérienne, à travers la destruction des institutions religieuses et culturelles, les expéditions militaires sans merci contre les tribus qui rejetaient la colonisation et toutes les actions répressives qui en découlent telles que le bannissement, la déportation, le déplacement des populations et l'emprisonnement.
Les dirigeants et gouverneurs français, aussi bien militaires que civils, qui avaient pris en charge l'administration des affaires de l'Algérie furent l'instrument efficace pour l'exécution de cette politique barbare, mettant en œuvre toutes leurs énergies pour asseoir l'occupation et renforcer ses bases
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Extermination de l'élément humain Dans l'un de ses rapports, un des chefs militaires français reconnaît : " …Nous avons détruit totalement tous les villages, les arbres, les champs et les pertes occasionnées par nos troupes à ces populations sont inestimables. Si certains se demandent, si nous avons bien ou mal agi, je leur répondrais que c'est là l'unique méthode pour soumettre les habitants et les pousser à partir …"
Le Général Bugeaud a justifié le non respect par l'armée française des règles humanitaires dans ses rapports avec les Algériens par le fait que le respect de celles-ci aurait retardé l'opération d'occupation de l'Algérie. Ceci constitue une reconnaissance explicite de la pratique par l'armée française de l'extermination, de la rapine, de la destruction et le déplacement des populations à l'égard des Algériens.
Il ne fait aucun doute que cet esprit militaire régnant au sein de l’armée française a été dominé par des tendances agressives sauvages à tel point qu’il ne faut guère s’étonner de cette appellation officieuse donnée par le commandant Montignac à ses soldats, à savoir les fantassins de la mort, de même qu’il ne faut pas s’étonner de constater que les officiers supérieurs et les historiens attribuent le nom de colonnes infernales aux colonnes de la destruction que Bugeaud avait fait sévir en Algérie.
Il n’est pas surprenant que Saint Arnaud se soit glorifié dans ses correspondances d’avoir rayé de la carte de nombreux villages et érigé sur son chemin des montagnes de cadavres. Lorsque le Général Bugeaud fut interpellé par le Parlement français à propos des crimes commis par ses officiers et soldats en Algérie, il répondit à son ministre de la guerre en disant : «Et moi, je considère que le respect des règles humanitaires fera que la guerre en Afrique risque de se prolonger indéfiniment ».
Cela avait débuté par le massacre de Blida à l’époque du Général Clauzel puis le massacre d’El Ouffia à l’époque du Duc de Rovigo qui dévoila la nature du génocide collectif adopté comme méthode politique par la France en Algérie.
Cela fut suivi par d’autres massacres dont le plus célèbre fut celui de la grotte des Frachich , commis par le colonel Pélissier , sans parler de ce qui a été commis par le criminel Cavaignac contre les tribus du Chélif où il
appliqua une méthode comparable à l’exécution par asphyxie. Ce fut le massacre des tribus de Sébiâa.
L’opération d’extermination de l’élément humain ne s’est pas limitée à une région précise en Algérie mais devint la distraction favorite de tout dirigeant militaire français chargé d’étendre l’influence de la France ou de propager son message civilisationnel
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Destruction des institutions algériennes et des biens publics et privés Le traité de reddition conclu le 5 juillet 1830 entre le Comte De Bourmont , commandant de l’armée française d’occupation et le régent d’Alger le Dey Hussein n’était en fait que la soumission du faible au plus fort et du vaincu au vainqueur.
Bien que l’article 5 du traité stipule la non atteinte à la religion musulmane, ni aux biens du peuple algérien, ni à leurs commerces ou industries, les biens privés n’échappèrent pas au pillage et à la rapine.
Les troupes d’occupation, aussi bien les officiers que les soldats, entreprirent de chasser les habitants de la Casbah où se situait le siège du Dey et commencèrent à creuser le sol dans l’espoir de découvrir les trésors enfouis de l’Algérie. Les murs d’enceinte furent également détruits dans le même objectif, de même que les particuliers furent contraints d’abandonner leurs biens et leurs demeures, craignant pour leurs vies, ainsi qu’en témoigne Hamdan Khodja lui-même.
En outre, des terres et des maisons relevant des biens privés furent accaparés par l’autorité d’occupation. C'est ainsi que plus de 168 mille hectares furent confisqués pour la seule région d’Alger, auxquels il faut ajouter l’opération de regroupement des tribus expropriées de leurs terres dans le cadre d’une loi promulguée par le Gouverneur Général Randon dont l’application débuta en 1863.
Selon le témoignage de Hamdan Khodja, les notables d’Alger furent contraints de quitter la ville laissant leurs biens en proie au pillage, ce qui a eu une influence négative sur les couches démunies qui se sont révoltées contre cette politique.
Les soldats de l’ennemi ont également pris possession des meubles, notamment les armes incrustées d’or, d’argent ou de pierres précieuses. Parmi les demeures qui furent l'objet de pillage, il y eut celle de Hamdan Khodja lui-même .Toutes les demeures situées à Alger destinées à la villégiature furent également accaparées.
Les propriétaires des biens privés réquisitionnés par la force ne reçurent aucune indemnisation. Bien plus, les biens étaient soumis à la destruction au vu et au su des propriétaires. Ainsi, les portes étaient cassées pour être brûlées et les clôtures métalliques arrachées pour être vendues. Les sols quant à eux étaient creusés à la recherche de trésors mythiques.
Si les biens privés à l’intérieur de la Capitale furent en butte à la destruction, les environs d’Alger connurent le même sort. Ainsi les officiers supérieurs rivalisaient pour s’accaparer les plus belles demeures et jardins qu’ils entreprenaient de détruire après y avoir séjourné.
D’autre part, les locaux commerciaux furent enlevés aux Algériens pour être remis aux juifs prioritairement.
Genty de Bussy a exprimé cette politique par ces propos : « Nous avons pris l’Algérie ; nous en sommes les propriétaires sans partage et nous y ferons tout ce qui nous plaira à travers sa destruction ou autre »
Un rapport français publié en 1833 a confirmé cette politique basée sur la destruction et le pillage. On peut notamment y lire : « Nous avons détruit…et été injustes envers des populations auxquelles nous avions promis le respect…nous avons accaparé leurs biens privés sans indemnisation…. ». Cette voie a été suivie par Bugeaud pour l’exécution de son plan incluant plusieurs méthodes infernales parmi lesquelles la dévastation totale des villages habités par les autochtones, la destruction des institutions religieuses et leur vente aux colons européens qui les ont démolies pour ériger d’autres constructions à leur place.
La confiscation des biens privés avait causé des préjudices considérables à leurs propriétaires et selon le témoignage de l’un des français, M. DELSPES : « Les indigènes dépouillés de leurs biens sans aucune indemnisation se sont retrouvés dans un tel état de misère qu'ils étaient contraints de mendier »
Même l’artisanat qui était pourtant conscrit à un nombre limité d’Algérois fut anéanti et n’eut plus aucune existence. Les biens publics constitués par le legs laissé derrière lui par le Dey Hussein et en premier lieu les fonds algériens déposés au Trésor public estimés à 50 millions de dollars, furent accaparés par les autorités d’occupation qui se les sont appropriés.
Il en fut de même pour les biens religieux waqf qui furent confisqués en vertu de la décision du 8 septembre 1830 laquelle fut suivie par une deuxième décision le 7 décembre 1830 autorisant le gouverneur général à disposer même des biens religieux en les louant ou les donnant en location.
Aux termes de ces deux décisions eut lieu la nationalisation des biens publics qui furent, par la suite, mis à la disposition des colons vu que l’administration française leur avait vendu, en matière de biens waqf, pour l’équivalent de 4495839 Francs. La destruction s’est par la suite étendue à toutes les grandes villes où les troupes d’occupation ne se sont pas contentées de couper les arbres mais ont troué les conduites d’eau et détruit les canaux d’irrigation. Parallèlement les noms des rues furent changés et les marchés existant à l’époque détruits et transformés en places publiques. De même, de nombreuses maisons furent démolies à Alger pour réaliser la place du Gouvernement. Ces biens furent transformés en cabarets, lieux de culte ou cafés à la française.
Dans ce domaine, et selon des sources françaises concernant les biens de manière générale, le Docteur Sâadallah a relevé ce qui suit :
- Les biens de l’état (beylik) estimés à 5000 propriétés et qui comprenaient diverses installations parmi lesquelles des casernes, des bâtiments officiels, des biens des gouvernants, ministres et hauts fonctionnaires dans le gouvernement algérien ont été affectés à l’administration coloniale.
- Les biens de beyt el mel (Trésor public) à savoir les biens saisis et versés au Trésor parmi les et pour lesquels il n’y avait pas d’héritiers ;
- Les biens privés constitués par de nombreux biens immobiliers;
- Les biens religieux (waqf) en dépit de leur statut de biens publics étaient de diverses sortes :
- les biens waqf à la Mecque et Médine, nombreux et très riches
- les biens appartenant aux mosquées
- les biens des zaouias (confréries) et des mausolées
- les biens waqf en Andalousie, les biens des nobles, les biens waqf des janissaires et les biens waqf en voie publique et enfin les biens waqf en sources d’eau.
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Les institutions culturelles et religieuses Les institutions culturelles et religieuses firent également l’objet de destruction et ce dans le cadre d’une politique coloniale s’inscrivant elle-même dans une guerre totale. L’administration coloniale avait mis l’accent sur la démolition des établissements religieux, et en premier lieu les mosquées, les écoles et les zaouias, en raison du rôle qu’elles pouvaient jouer dans la préservation des valeurs du peuple algérien et son appartenance à la civilisation arabomusulmane. Cette politique eut pour résultat la détérioration de la culture et du niveau de l’enseignement dans la société algérienne, contribuant au renforcement de la position de l’administration coloniale et des colons.
Parmi ces institutions, nous citerons les mosquées comme exemple de la barbarie française. Avant l’occupation française, la ville d’Alger, regroupait à elle seule 176 mosquées. En 1899, il n'en restait plus que cinq(05). Parmi les mosquées les plus importantes profanées par le colonialisme, nous citerons :
- La mosquée de la Casbah transformée en Eglise de la Sainte Croix
- La mosquée Ali Betchine transformée en Eglise de la Sainte Victoire
- La mosquée Ketchaoua transformée en église après que l’armée française ait décimé les 4000 fidèles qui s’y étaient réfugiés. Et la liste est longue.
Il en fut de même dans le reste des villes algériennes : les zaouias connurent le même sort que les mosquées et furent l’objet de démolition, de cession ou de transformation.
Selon les statistiques françaises, 349 zaouias furent détruites ou accaparées. Parmi celles qui ont disparu du fait de cette politique, celles d’el kachach, al sabaghin, al mekyasin et Chaberlya.
Réalisant le danger que constituait l’enseignement en langue arabe, les politiciens français s’en prirent aux établissements qui le dispensaient et le financement constitué par les recettes des biens waqf fut interrompu.
Les écoles ou médrasas subirent également le même sort, telles la médersa de Djamaâ Kébir (la Grande Mosquée) et la médersa de la mosquée al sayyeda.
Dans la ville de Annaba, il y avait, avant l’occupation, 39 écoles en plus de celles qui relevaient des mosquées. Il n’en resta plus que 3.
Dans un rapport adressé à Napoléon III, l’un des généraux français a résuméla détermination de l’administration française à combattre les institutions culturelles algériennes en disant : « Nous sommes tenus de créer des entraves aux écoles musulmanes…chaque fois que nous le pouvons…En d’autres termes, notre objectif doit être de détruire le peuple algérien matériellement et moralement ».
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Posté Le : 05/01/2008
Posté par : nassima-v
Source : www.1novembre54.com