Algérie

Mascara : les candidats de plus en plus nombreux



Sur 100 jeunes interrogés, plus de 80 souhaitent rejoindre l'Hexagone.Une quinzaine de victimes, certaines dont les corps sont rejetés par la mer sur les plages du littoral ouest ou retrouvées dans les filets des pêcheurs, le visage défiguré, et autant de portés disparus, tel est le lourd tribut que verse annuellement la région de Mascara à l'émigration clandestine. À cette macabre liste, il y a lieu d'ajouter des dizaines d'autres jeunes dont les parents n'ont aucune nouvelle depuis leur départ pour cette opération suicidaire. En effet, ni le cas du jeune Kada, mort dans une ferme en Italie où il travaillait et qui a été assassiné par son patron pour avoir demandé son salaire, ni celui des autres revenus à leurs parents dans un cercueil ne sont à même de décourager les candidats à ce jeu du quitte ou double. Dans ce contexte et à l'instar des grandes agglomérations, la wilaya de Mascara n'est pas épargnée par le phénomène de l'émigration clandestine, que les pouvoirs publics ne sont parvenus ni à le cerner, encore moins à l'endiguer, devenu de nos jours le sujet d'actualité des jeunes, particulièrement ceux forcés au chômage, un statut qui les incite à aller chercher ailleurs du travail qu'ils n'ont pu dénicher ici et qui constitue à leurs yeux un motif suffisant pour orienter leur pensée vers cette aventure qu'ils tentent au péril de leur vie. En effet, depuis quelques années, "el-harga" est le qualificatif autour duquel gravitent toutes les discussions dans le milieu juvénile, y compris celui du sexe féminin, puisque jeunes femmes et jeunes filles sont gangrenées par ce virus, car l'émigration clandestine est devenue par la force des choses une maladie qui hante les esprits de tous les jeunes qui n'occupent pas une place de choix au sein de la société locale. Certes, cette tentation a un prix que ces candidats sont prêts à payer, même s'ils sont convaincus qu'au bout peut se profiler l'échec de l'opération sachant que le succès n'est pas toujours au rendez-vous.
France, Espagne, Italie,principales destinations
À ce titre, des réseaux de passeurs se sont constitués dans les principales villes de la wilaya, chargés d'endoctriner les potentiels candidats en leur miroitant le succès garanti de la traversée par une bonne prise en charge, un bon accueil en terre d'asile et un emploi dans le secteur de l'agriculture. Pour appâter leurs clients, les passeurs leur citent en exemple les cas des jeunes qui leur ont fait confiance et qui ont réussi à émigrer en France, en Espagne ou en Italie, les principales destinations convoitées par les harraga. Les prix proposés oscillent entre 100 000 et 200 000 DA, des sommes devenues une obsession pour de futurs candidats contraints au dur labeur pour économiser, en s'adonnant au trafic en tous genres, y compris le vol. Âgé de 32 ans, Abdelkader, qui a pris goût à la vie outre-mer pour avoir séjourné en France, n'a qu'une seule idée en tête, celle de renouveler l'aventure : "Depuis une année, je travaille en qualité de serveur dans un restaurant d'un parent. J'ai la chance de manger et de dormir gratuitement, ce qui me permet de faire des économies et concrétiser mon objectif, celui de regagner l'Espagne. Si ma première expérience s'est soldée par un échec, la deuxième sera la bonne, car j'ai retenu la leçon de cette tentative. J'ai programmé mon départ pour le début de l'été prochain car, d'ici là, j'aurais amassé la somme exigée par mon passeur et ce n'est pas par gaieté de c?ur que je quitterai mon pays mais c'est pour assurer mon avenir."
La même idée a germé dans la tête de Malika, une jeune femme divorcée sans enfant et qui travaille comme femme de ménage dans une administration, un emploi utilisé comme écran, car elle s'adonne à d'autres activités illicites : "Je suis reniée par mes parents, raison pour laquelle j'ai opté pour cette voie. À vrai dire, je n'ai pas choisi mon statut mais ce sont les conséquences de plusieurs facteurs. Relater ma vie nécessite l'écriture de tout un livre. Je suis âgée de 28 ans et me retrouve seule après que mon premier mariage s'est terminé par un divorce.
Dans cette situation, seule l'émigration clandestine peut me servir de bouée de sauvetage car je suis convaincue que le mauvais chemin que j'ai emprunté ne me mènerait pas loin. Pour parvenir à concrétiser ce rêve, je m'adonne à toutes les activités rentables.
J'ai déjà entrepris les démarches nécessaires et je ne suis pas loin de disposer des 200 000 DA, une somme sur laquelle je me suis entendue avec une de mes connaissances pour les formalités et le voyage en Espagne, un pays où se trouve une autre amie qui consent à m'accueillir provisoirement, le temps de trouver un travail et de dénicher un toit, des conditions qui me permettront de voler de mes propres ailes. D'ici là, mon compte serait suffisamment alimenté et je serai en mesure de m'acquitter du montant exigé par les passeurs, lesquels se montrent inflexibles."
Ces deux cas reflètent à eux seuls l'état d'esprit qui anime des milliers de jeunes, décidés plus que jamais à franchir la ligne de départ vers une aventure dominée par des imprévues. En effet, sur 100 jeunes interrogés, plus de 80 souhaitent rejoindre l'Hexagone pour une vie meilleure. Ils sont décidés à faire des sacrifices et des privations pour parvenir à leurs fins. À ce titre, force est de reconnaître que les circonstances actuelles caractérisées par l'absence d'embauche constituent des motifs presque convaincants pour les pousser à l'exil.

A. B.


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