Algérie

Maryse Ewanje Epee. Ancienne sportive de haut niveau, auteur de Négriers du foot : Les gouvernements sont un peu complices



Maryse Ewanje Epee. Ancienne sportive de haut niveau, auteur de Négriers du foot : Les gouvernements sont un peu complices
  La première Coupe du monde en Afrique relance le dossier des enfants-foot auxquels vous consacrez votre livre. Un sujet dont on parle peut-être plus en Europe qu'en Afrique' Non, je ne crois pas, mais il y a une grande hypocrisie des deux côtés. En Europe, de nombreuses personnes considèrent le phénomène comme ponctuel. En Afrique, le sujet n'est pas discuté de façon très ouverte. Quand on parle de foot, on reste encore dans la célébration sportive.  Ces enfants « qui embarquent pour le voyage sans retour vers d'illusoires carrières » sont pour vous de plus en plus visibles' Bien sûr ! On les voit, dans les rues, dans les clubs. De plus en plus de clubs de la région parisienne et du sud de la France utilisent des sans-papiers. Quand on demande à ces jeunes comment ils sont venus, ils répondent : « Je suis arrivé par un cousin. » Ou à la question : « Qui est ton agent ' », on n'obtient que des réponses troubles. Une fois qu'ils se retrouvent à la rue, c'est la même chose, ils ne parlent pas. D'abord, parce qu'ils ont peur, mais aussi parce qu'ils continuent d'espérer. Quand ils ne sont plus en règle, des pseudo-agents leur promettent de leur trouver un autre club, que ça va s'arranger. Pour tous les sacrifices que ça leur a demandés, ils ne veulent pas rentrer au pays. Malgré tout, l'Europe reste un Eldorado.  Oui, le foot, comme vous l'écrivez, est un ticket pour l'ascenseur social' En Afrique noire, tous les gamins qui ont un peu de talent veulent partir en Europe. Or, c'est totalement illusoire. Ils entrent en Europe avec un visa de tourisme, puis parviennent à avoir des visas de travail avec quelques clubs jusqu'à ce qu'ils se blessent. Mais au bout de cinq ans, ils se retrouvent sans rien. Et deviennent de simples clandestins, des SDF du foot. Ils tentent de vivre de petits boulots mais à 18 ans, ils ne sont plus protégés et finissent dans des centres de rétention.  On a l'impression que la FIFA, même si elle s'alarme du phénomène, ne le combat pas de manière très concrète' On ne peut pas dire ça. La FIFA a adopté une réglementation très stricte. Mais elle n'aime pas travailler avec les gouvernements. Or, il devrait y avoir un travail commun. On devrait pouvoir connaître l'origine de ces jeunes qui passent la frontière, pour savoir s'il s'agit de migration clandestine sous le couvert du football ou d'un transfert licite. Les associations lui font remonter des cas, mais elle n'instruit que les dossiers en provenance des clubs ou des fédérations.  Alors d'où peuvent venir les solutions ' Ni de l'Europe ni de la FIFA. Les seuls à pouvoir faire quelque chose sont les pays africains. Le niveau du football africain est mauvais. A eux d'organiser des championnats de valeur, en créant de vrais centres de formation, avec des entraîneurs de qualité' Ils peuvent faire en sorte que les jeunes ne partent pas trop tôt et que ceux qui partent soient réellement les meilleurs. L'émigration africaine existe depuis des siècles, mais aujourd'hui, tout le monde part, c'est la différence. Les fédérations aussi doivent être plus vigilantes.  Justement, en Algérie, la Fédération a limité la présence de joueurs étrangers dans les équipes de division une, pour limiter la présence des joueurs africains de niveau discutable, dont plus de 8 sur 10 entrent avec des documents falsifiés' Mais ces jeunes, ils ne sont pas arrivés tout seuls ! Ils ont dépensé l'équivalent de 3000 à 4000 dollars pour prendre l'avion et venir faire de soi-disant essais. Mais la plupart du temps, ils arrivent dans des clubs qui ne savent même pas qui ils sont ! Certains se retrouvent coincés dès l'aéroport avec un numéro de téléphone qui ne correspond à rien. Comment peuvent-ils faire pour rentrer ' Non seulement ils n'ont pas d'argent, mais en plus, ils doivent payer une amende pour chaque jour passé dans le pays après expiration du visa ! Voilà pourquoi je dis que les gouvernements sont un peu complices : avant d'accorder un visa provisoire pour intégrer un club, il faudrait prendre le temps de faire des vérifications. On s'en prend aux jeunes, mais on ne trouve jamais les têtes'


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