Algérie - Hommage

Marguerite Taos Amrouche



Marguerite Taos Amrouche
Le 04 mars 1913, ce jour-là, naissait une légende berbère !
Marguerite-Taos AMROUCHE (1913-1976), première romancière kabyle de langue française, dernière aède de Kabylie
Née à Tunis le 04 mars 1913, dans une famille de confessions chrétienne originaire de la vallée de la Soummam (Ighil-Ali -Vgayte-Kabylie). Marguerite Taos Amrouche était aussi la sœur d'une autre légende kabyle, l'écrivain Jean Amrouche, célèbre auteur de L'éternel Jugurtha. Comme lui, Taos a été bercée par une double culture, l'une berbère et profondément enracinée en elle, l'autre française, imprégnée des lumières, acquise et aimée pour sublimer davantage la berbérité qui coule dans ses veines depuis les plus lointains aïeux.
La mère, Fadhma N'At Mansour (1882-1967), élevée dans une des premières écoles de filles en Kabylie est une enfant "illégitime", elle a laissé ses mémoires mémorables dans le livre autobiographie, Histoire de ma vie (1968, Maspero).
Le père, Belkacem Amrouche est originaire d'Ighik-Ali, un village de Vgayet, deuxième grande ville de Kabylie. Il est confié aux Pères blancs de Kabylie. Il refuse d'épouser une jeune fille du village qui lui était promise et épouse Fadhma Nat Mansur, puis émigre avec elle à Tunis où Belkacem trouve un emploi aux Chemins de Fer tunisiens. C'est là que naît Marguerite-Taos Amouche, à Tunis.
Taos était une femme d'exception. D'une très grande culture avec un cachet profondément berbère qui fascinait, elle était l'amie d'André Gide et de Jean Giono. Dans ses romans fortement autobiographiques, elle analyse son déracinement, l'exil, la solitude et exprime le besoin d'émancipation des femmes étouffées par les archaïsmes de la tradition. Elle écrit quatre romans : Jacinthe noire (1947), Rue des tambourins (1969), L’amant imaginaire (1975) roman autobiographique, Solitude ma mère (1995) roman posthume, et un recueil de contes et de poèmes Le Grain magique (1966)
Taos Amrouche entreprend dès 1936, la collecte des vieux chants berbères de Kabylie. Douée d'une voix exceptionnelle, c'est surtout avec son âme profondément berbère qu'elle interprète ces vieux chants de Kabylie venus du plus lointain des âges. Ces chants, elles les tennaient de sa mère, qui elle-même les tenaient de sa mère.
Taos se produit dans de nombreuses scènes. En 1967, elle obtient le Disque d’or; elle a surtout excellé dans l’opéra en langue kabyle, ce qui explique qu'elle ait été largement ostracisée par les autorités algériennes, notamment lors du festival panafricain à Alger, où elle fut interdite de chant et "retenue" dans sa chambre d'hôtel.
Taos Amrouche a aussi été chroniqueuse à la radio, d'abord à Tunis, dès 1942, puis à Alger en 1944. Elle épouse le peintre français Bourdil, dont elle a une fille, Laurence, puis réside définitivement à Paris à partir de 1945. Elle a également assuré à la radiodiffusion française une chronique hebdomadaire en langue kabyle consacrée à la culture orale et à la littérature nord africaine, ce qui n'était pas pour plaire au tout jeune Etat algérien qui avait entamé son indépendance sur une fausse identité qui avait besoin de combattre et de nier la berbérité.
C'est chez Taos Amrouche que se tiennent les toutes premières réunions de la future Académie Berbère, avec Mohend Arav Bessaoud et les autres acteurs de cette Académie qui sera le précurseur du printemps Berbère de 1980 en Kabylie.
Taos Amrouche décède en 1976, elle repose pour l'éternité à Saint-Michel-l'Observatoire, près de Marseille, loin de sa Kabylie ancestrale mais elle reste assez proche de cette Méditerranée qui par bonheur borde aussi les rivages de Kabylie.
Marguerite Taos Amrouche restera à jamais un grande icône de la culture kabyle, imprégnée de berbérité et d'universalité. Un trésor qui nous vient du fin fond des âges, d'une Kabylie profondément enracinée dans sa berbérité et offerte au monde en présage de sa renaissance ainsi annoncée.
Au lendemain de sa disparition, Léopold Sédar Senghor lui rend un hommage appuyé ainsi qu’à Jean El Mouhoub AMROUCHE, son frère. En 1966, à l’invitation du président Sénégalais, Taos Amrouche participe effectivement au Festival des Arts Nègres de Dakar. Voici un extrait de l'hommage rendu par Léopold Sédar Senghor à Taos et Jean Marouche.
« La mort de Mme Taos Amrouche, comme celle, auparavant, de son frère, le regretté Jean Amrouche, m'a profondément affecté. Je l'ai considérée, en son temps, comme une perte, difficilement réparable, pour l'Afrique tout entière.
En effet, les Amrouche et moi, nous avions la même conception de l’Africanité, dont le fondement est la culture africaine, avec ses deux aspects, berbère et noir, l’arabe n'étant qu'un accomplissement, mais essentiel, de notre culture.
Jean Amrouche fut l'un des premiers poètes maghrébins à apporter, à la poésie africaine de langue française, non pas un vocabulaire, mais, sous les arabesques arabes, une sensibilité berbère. C'est encore Jean Amrouche qui, par sa traduction des chants berbères de la Kabylie, commença de faire entrer la Berbéritude dans la Civilisation de l'Universel.
Mais, c'est Mme Taos Amrouche qui nous ramena aux racines, encore humides, de ce grand peuple qu'est l’ethnie berbère, qui, au moment des conquêtes grecque et romaine, occupait toute l'Afrique du Nord, avec ses expressions égyptienne, libyenne, numide […]
Prenant la plume, elle nous a laissé une œuvre qui, pour exprimer la berbéritude, s'enracine dans le destin le plus individuel : le sien, dans cette vie si riche et si une en même temps, guidée qu'elle était par le message berbère [...] »
Léopold Sédar Senghor, In Hommage à Taos Amrouche. Présence Africaine Editions. 1977/3 - N° 103, pages 180 à 181
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