Mardi libre

Quelque part dans la banlieue ouest d'Alger, on joue aux boules. Bien sûr, ici, on ne dit pas, on ne dit plus la pétanque. C'est la même chose, c'est dit dans la même langue mais c'est ainsi, allez savoir pourquoi. Il ne faut pas se perdre en conjectures, on joue aux boules. Ou à la pétanque, si vous préférez. Personne ne prononce plus le mot ici, le dernier à en avoir usé est mort l'an passé à 91 ans et surenchérir sur les mots ayant détrôné depuis un temps la polémique sur le sexe des anges et du diable réunis. Quelque part dans cette ville qu'on disait déjà morose à se suicider en temps normal, on joue aux boules alors qu'il pleut encore des cendres et on n'en a pas fini avec l'oxygène. C'est énorme, non ' Autour des joueurs de boules, les yeux et les bouches ne sont pas forcément en harmonie. L'?il, ça regarde «frapper le fer» et la bouche, ça parle et plutôt d'autre chose, beaucoup d'autres choses qui, bien évidemment, n'ont rien à voir avec le jeu. Il y a les sujets qui collent à l'actualité, ceux qui remontent et puis ceux qui refont le monde. Il y en a parfois de tout à fait déroutants. Allez savoir par exemple pourquoi ce quinqua sans bavette s'est cru obligé de nous dire que les joueurs des deux équipes sont tous... kabyles mais parlent en arabe parce qu'ils sont nés ici ! Est-ce que c'est sympa, maladroit, ou anecdotique ' On se calme, ce texte restera dans l'humeur jusqu'à la fin. Ceci n'est pas un virage vers le politique. Même pas la pétanque. Pas de polémique, c'est fatigant quand il pleut des cendres pendant qu'un quinqua vous colle sans bavette pour tout vous dire, ce qui signifie n'importe quoi. Il y a quand même plus proche des boules : le ballon. Ce n'est plus de la proximité, c'est du «calage», comme on disait avant pour le câlin interdit et surtout pervers dans le trolley.Le CRB a gagné le Championnat, disait un jeune qui a en effet une tête à squatter du côté de Nessira-Nounou. Quelqu'un a voulu répliquer mais on les a arrêtés sec, leur rappelant que l'issue de la «discussion» était prévisible : le crêpage de chignon. Un championnat de «sport et travail», selon la formule très inspirée de l'ami Kamel Amarni. Et encore les équipes n'ont pas toutes une... entreprise. C'est d'ailleurs plus simple de parler de celles qui en ont ! Quelqu'un a évidemment parlé de l'eau. Et pour cause, «ils l'ont lâchée» aujourd'hui dans le quartier. Et les plages, alors ' On s'en fout. Ici, on est au bord de la mer et on joue aux boules. Tard le soir ou très tôt le matin, ça dépend du palier biologique de chacun, on ira se baigner entre les rochers.
S. L.