Algérie

MARCHES FINANCIERS : Comment les banques centrales volent au secours de leur monnaie



Gardiennes de leur monnaie, les banques centrales croisent parfois le fer avec les marchés. Leurs interventions pour la faire monter ou baisser, peuvent être efficaces à court terme mais elles sont rarement en mesure d'inverser durablement le rapport des forces quand il est trop déséquilibré.
Pour les banques centrales, la notion de " guerre des changes ", à savoir la course aux dévaluations compétitives au détriment des partenaires commerciaux, reste un tabou . Celles-ci disent intervenir principalement pour limiter la spéculation sur leur monnaie et assurer la stabilité des prix, selon un sondage (*) de la Banque des règlements internationaux (BRI) réalisé en 2018. Près des deux tiers le font aussi pour atténuer la volatilité de leur monnaie. Seule 1 sur 10 admet intervenir pour orienter le cours de leur devise, qu'elle juge trop haut ou trop bas. Et seule une sur dix reconnaît que c'est pour favoriser la compétitivité en faisant baisser son niveau.

Timing
Comment font-elles concrètement ' Le timing de l'intervention est crucial et c'est à la salle de marché de la banque centrale de faire remonter à sa direction toutes les informations sur l'état du marché (positions spéculatives?). " Si la pression contre la monnaie est forte, persistante et généralisée, il vaut mieux attendre avant d'intervenir pour ne pas épuiser ses ressources (réserves) inutilement. De même, si cette pression est liée simplement à des opérations de couverture, mieux vaut rester en retrait car elle aura plus de chances de se corriger d'elle-même ", souligne la BRI dans son rapport.

Effet de surprise
Les deux tiers des banques centrales agissent en réaction à un mouvement sur le cours de leur monnaie et seulement trois déclarent qu'elles agissent parfois de manière préventive. Les institutions d'Amérique latine (Mexique, Argentine, Chili) sont les plus nombreuses à annoncer à l'avance le montant de leurs opérations. Dans 8 à 9 cas sur 10, les autres institutions ménagent l'effet de surprise. Etre trop transparente avec les spéculateurs peut se retourner contre elles. Leur poids demeure limité sur le marché des changes, le plus important au monde, où se traitent chaque jour 6.590 milliards de dollars.

Forces du marché
La majorité des banques centrales disent ne parvenir à leurs fins (baisse de la volatilité, augmentation de la liquidité?) que sur un horizon court, de moins d'un mois. Les forces du marché reprennent le dessus si ces derniers sont convaincus que les autorités monétaires ne sont pas crédibles ou vont manquer de moyens (réserves de change insuffisantes) pour agir efficacement.
Près de 8 institutions sur 10 interviennent régulièrement sur le marché au comptant et 1 sur 5 sur les produits dérivés de change, comme la banque centrale du Brésil (contrats d'échange de devises ou " swaps "). Agir sur ces produits complexes leur permet d'économiser leurs réserves de change mais induit de nombreux risques financiers.

Communication
Après leurs interventions, les banques centrales des pays latino-américains et d'Europe centrale sont celles qui communiquent le plus en livrant des informations comme le montant de l'opération, les instruments, généralement le jour-même ou avec une semaine de retard. Les institutions d'Asie sont bien plus discrètes, les trois quarts refusant de divulguer des données.

Les devises rattrapées par la colère de la rue
Les monnaies ont été rattrapées par les troubles sociaux et manifestations qui se multiplient dans de nombreux pays. Les marchés redoutent un arrêt des réformes et dérapage budgétaire pour calmer les tensions. Les banques centrales interviennent pour tenter de stabiliser leur devise. Baromètre de la confiance et cohésion nationale, la monnaie est rattrapée par la rue. De Hong Kong à Santiago et São Paulo, les troubles sociaux et manifestations ont pénalisé les devises de nombreux pays, au point que leurs banques centrales ont dû intervenir pour ramener le calme. Les marchés des changes s'étaient " dépolitisés " après l'élection de Donald Trump, le vote du Brexit et les élections européennes, pour se focaliser sur la guerre commerciale, d'abord entre les Etats-Unis et la Chine, mais qui prend progressivement une dimension mondiale. Ils s'inquiètent maintenant des dérapages budgétaires et de la remise en cause des réformes liés aux manifestations, qui entraîneraient des sorties de capitaux pénalisant les monnaies.

Contestation sociale
Le président Trump met en outre de l'huile sur le feu. Il vient d'annoncer le rétablissement immédiat des taxes douanières sur l'acier et l'aluminium en provenance du Brésil et d'Argentine, prétextant que ceux-ci dévaluent leurs monnaies. Ces deux pays " ne manipulent pas leurs monnaies pour l' 'affaiblir et favoriser la compétitivité, comme peuvent le faire des pays asiatiques comme Taïwan, Singapour et la Thaïlande, décrypte Brad Setser, économiste au Council of Foreign Relations. L'Argentine soutient même sa monnaie mais elle a pratiquement épuisé toutes ses munitions [se réserves, NDLR] pour freiner le plongeon de sa devise ". La banque centrale du Brésil est quant à elle récemment intervenue plusieurs fois pour arrêter la chute de sa devise compte tenu de la contestation sociale grandissante dans le pays, qui menace les réformes et inquiète les investisseurs étrangers. " Nous n'augmentons pas artificiellement le cours du dollar (par rapport au real) ", a déclaré le président brésilien Bolsonaro en réponse aux accusations duprésident américain.


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