Algérie

Marche ou grève



Marche ou grève
«Il vient une heure où protester ne suffit plus: après la philosophie, il faut l'action.» Victor Hugo
La société des hommes a beaucoup d'imagination pour préserver les équilibres précaires ou en tentant de corriger les injustices que les divers régimes produisent et installent. Il a fallu beaucoup de temps et d'expérience pour affiner les solutions et améliorer les remèdes aux problèmes de ces sociétés. Contre les régimes absolus, les gens ont eu recours aux associations secrètes, aux ligues, aux compagnies, aux corporations et autres associations pour défendre leurs intérêts. Les jacqueries, les émeutes, les révoltes et les révolutions sont les autres faces de cette sourde lutte des classes, car comme chacun le sait, les assemblées élues ou désignées ne défendent pas tous les intérêts. Les syndicats sont arrivés un peu sur le tard quand les grèves des ouvriers débouchaient souvent sur de sanglantes confrontations avec les services d'ordre qui étaient toujours du côté du patronat. Tous les grands mouvements de contestation d'un ordre, qu'il soit juste ou injuste, qui ont opté pour des moyens pacifiques pour exprimer leur mécontentement, leur ras-le-bol, procèdent de plusieurs façons. Il y va du simple rassemblement avec prise de parole sur une tribune improvisée jusqu'à la marche, bruyante ou colorée, avec des slogans et des pancartes, ou tout simplement silencieuse. C'est selon le thème adopté et le rapport des forces du moment. En cas de non-satisfaction des revendications, ces manifestations bon enfant peuvent se répéter jusqu'à la lassitude des marcheurs ou des autorités qui finissent par interdire ces démonstrations gênantes. Quand un pouvoir, pour se faire respecter, réprime des manifestations préalablement interdites ou non autorisées, les contestataires se réfugient alors dans d'autres formes d'expression qui vont de la confrontation directe à la désobéissance civile (comme le non-paiement des impôts ou de la taxe TV) jusqu'à la grève générale avec occupation des lieux de travail ou le blocage des outils et équipements. La grève de la faim ne survient qu'en cas d'absolue surdité du pouvoir. Cette dernière issue, hormis la fin tragique des dix Irlandais (dont Bobby Sands) qui se sont heurtés à l'inhumaine inflexibilité de Margaret Thatcher, connaît en général, un dénouement heureux. Elle se traduit par un assouplissement des positions d'une partie ou par un compromis de dernière heure survenu à l'occasion d'un arbitrage opportun. La grève générale est la plus dure à réussir, dans un pays qui connaît des activités économiques qualifiées d'informelles, où le moindre chômeur peut se transformer en vendeur «à la sauvette». Mais il arrive un moment où cette solution provisoire, ce palliatif n'est plus efficace: le marché informel est saturé et les chômeurs n'ont plus qu'une solution. Il leur faut mieux s'organiser et durcir leur mouvement avec un seul mot d'ordre: demander un emploi à ceux qui ont pris la lourde responsabilité de gérer un pays. Il ne s'agit plus là de demander des augmentations de salaires ou de meilleures conditions de travail, mais juste un emploi pour rester au pays, pour ne pas avoir à émigrer clandestinement vers des pays devenus incertains à cause d'une crise économique mondiale. Une grève bien sûr peut réussir ou échouer: tout dépend de l'opiniâtreté de ceux qui la mènent, de la justesse de leurs revendications. Et ce ne sont pas les accusations de manipulation et de «main étrangère» qui feront renoncer ceux qui mènent un combat pour la dignité. Cependant, les grèves ont une durée de vie limitée: l'une des parties doit, à un moment ou à un autre, céder, entamer une négociation basée sur le rapport des forces prévalant à ce moment-là. La grève illimitée est une gageure. Rappelons-nous simplement la grève politique illimitée décidée par le FIS, en juin 1991: elle lui fut fatale et lui enleva tout crédit. «Il faut savoir terminer une grève!», disait Maurice Thorez.


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