Algérie

Marc Lavergne et Rony Brauman. Respectivement ancien expert de l?ONU au Darfour, ancien président de Médecins sans frontières


« Les lobbies droit-de-l?hommistes ont construit un Darfour imaginaire »  L?affaire de l?Arche de Zoé inaugure-t-elle un nouvel humanitaire « militant » ?  Rony Brauman : Pas du tout, ce n?est pas nouveau. A la fin des années 1970, le conflit à la frontière thaïlandaise suscitait des vocations humanitaires intempestives similaires et on voyait des gens débarquer avec des buts plus ou moins honorables. En Roumanie, j?ai même vu pire : des parents venir acheter des enfants comme sur un marché puis les ramener parce qu?ils ne répondaient pas à leurs attentes. Marc Lavergne : Il ne faut pas mélanger les lobbies droit-de-l?hommiste et les humanitaires. Les premiers ne font pas de l?humanitaire ; ils ne récoltent pas de l?argent pour les gens au Darfour mais pour dénoncer. Ils possèdent des moyens puissants grâce à leurs réseaux mais ne connaissent pas le terrain et se sont construits un Darfour imaginaire.  Mais le secteur humanitaire aussi brasse beaucoup d?argent?  Marc Lavergne : Oui, c?est un secteur en plein essor qui occupe beaucoup de monde et on y trouve du meilleur comme du pire. Avant, une ONG travaillait parce qu?il y avait des besoins humanitaires. Aujourd?hui, elles sont obligées d?occuper leurs membres et d?aller sur des conflits médiatiques pour obtenir des fonds. Elles se sont transformées pour beaucoup en sous-traitants des guichets financiers des agences de l?ONU, de l?Union européenne ou des gouvernements.  Est-ce que ce type d?initiatives n?est pas le résultat de la surmédiatisation du Darfour ?  Rony Brauman : Le discours tenu renvoie en effet, à une problématique récente apparue avec le Darfour : la représentation d?une population en train de tomber sous une politique génocidaire. Dans ce climat qui tend à faire croire que ce genre de mesure est nécessaire, il est évident que des gens plus ou moins crédules passent à l?acte. Marc Lavergne : Oui. Mais le Darfour est loin d?être oublié, même si l?aide humanitaire sert parfois de paravent à l?absence de politique. Sur le terrain, on compte 80 ONG et 12 agences de l?ONU qui ouvrent grand leurs coffres. Tous les ans, 450 000 tonnes de nourriture sont reçues. Il doit y avoir au moins 60 rotations d?avions par jour, sans compter les convois de camions. L?aide internationale profite à 2,5 millions de personnes !  Pourrait-on voir la même chose arriver dans la bande de Ghaza ?  Marc Lavergne : Non, cela n?aurait pas la même résonnance. L?Afrique évoque l?enfant abandonné. L?image du petit Biafrais est en encore bien présente. Aider l?Afrique implique un geste humain à l?état pur, celui qui glorifie le plus. On aide les gens victimes du malheur, de conflits politiques qui leur échappent, ce qui n?est pas le cas dans le conflit israélo-palestinien. Et puis, il ne faut pas sous-estimer le fantasme occidental : un bébé noir, c?est tellement beau.  Un tel scandale peut-il porter préjudice au secteur humanitaire ?  Rony Brauman : Non, je crois que les gens font la différence. Et puis l?humanitaire a suffisamment de force pour résister à ce soudain coup de vent.
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