Algérie

Mansouria Mokhefi : la visite du président Hollande signe une reprise du dialogue algéro-français (ENTRETIEN)



La visite de travail qu'entame mercredi le président François Hollande en Algérie, signe déjà une reprise du dialogue "après des années de froid, de malentendus et de suspicions", estime l'experte en relations internationales, Mansouria Mokhefi.
"La tonalité de ce dialogue dépendra de la manière dont les questions qui fâchent seront abordées lors de ce voyage, car malgré un climat plus favorable à la reprise du dialogue depuis l'élection de Hollande en mai 2012, il reste des questions importantes à régler", a-t-elle souligné dans un entretien à l'APS à la veille de la visite du président Hollande.
De son point de vue, "si un terrain d'entente sur ces questions est trouvé, alors pourra-t-on, peut-être, parler de "relance rapide des relations". "Il faut cependant être réaliste : les sujets contentieux sont nombreux, le passif est très lourd, le contexte régional a changé (...) autant d'éléments qu'il faut prendre en considération avant de se mettre à imaginer une relance rapide des relations franco algériennes", a ajouté Mme Mokhefi, responsables du programme Moyen-Orient/Maghreb à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Sur la détérioration des relations franco-algériennes, qui selon certains serait d'une certaine façon révélatrice de la crise profonde des relations euro-méditerranéennes, l'experte en relations internationales considère que la crise qui a prévalu entre la France et l'Algérie, "n'a pas d'équivalent dans les autres relations euro-méditerranéennes".
"La détérioration continue de ces relations, lors des dernières années, s'inscrit dans le contexte propre et unique des relations franco-algériennes et est liée aux mesures prises (du côté français : loi de 2005, sur le rôle positif de la colonisation et la restriction des visas, et du côté algérien (la loi des 49/51 -relative à l'investissement étranger-NDLR)", a-t-elle expliqué.
Elle est également liée, a-t-elle poursuivi, au traitement de la question de la mémoire, qu'aux personnes (forte antipathie suscitée par les propos et actions de Sarkozy).
Cette détérioration a aussi pour source, selon elle, "des positionnements critiques (soutien de la France au Maroc dans le conflit du Sahara Occidental, intervention occidentale en Libye) ainsi qu'a un climat général en France lié à "la montée de l'islamophobie" dont la presse algérienne rend régulièrement compte".
"C'est ce contexte particulier qui a contribué à la détérioration des relations et qui nourrit ce climat de défiance et de suspicions qui nuit aux relations politiques et économiques" entre les deux pays, a-t-elle jugé.
Au sujet de la question de la mémoire, Mme Mokhefi, a souligné qu'elle "sera abordée" et qu'elle sera "inévitable du côté algérien".
"Le gouvernement algérien l'a annoncé très clairement, il attend une clarification, pour repartir sur de nouvelles bases. Alors que du côté français, on se déclare prêt à regarder en avant et non en arrière et à dépasser l'histoire, 'l'histoire qui empêche l'avenir'", a-t-elle relevé.
Pour Mme Mokhefi, "on ignore ce qui ressortira de cette divergence de points de vue".
Selon elle, "il faut noter que malgré toutes les marques de sympathie de Hollande pour l'Algérie, rien ne permet de penser qu'il ira dans le sens algérien". "Il tient compte de l'opinion publique française majoritairement opposée à ces excuses et de l'électorat pied noir encore important", a-t-elle jugé.
"Cette affaire est toujours sur la table et les deux parties campent sur leurs positions. Hollande ne semble pas être en mesure d'aller plus loin que la reconnaissance" de la répression de la manifestation d'Algériens du 17 octobre 1961 "qui n'a pas eu l'impact recherché, et le gouvernement algérien qui en a fait un sujet public ne peut pas ne pas aborder cette question ou se rétracter", a-t-elle commenté.
Pour Mme Mokhefi, "le malentendu" sur cette question mémorielle "est toujours aussi grave, il a empoisonné les relations jusqu'à présent, et malgré toutes les bonnes volontés, s'il n'est pas résolu, il continuera de peser sur le climat de ces relations".
Sur l'enjeu d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie, elle considère qu'"un traité d'amitié est le projet ambitieux et avorté dont il faut se démarquer".
"De plus, a-t-elle dit, malgré les liens qui unissent les deux pays, il pourrait être souhaitable de sortir d'un cadre +amical+ qui, s'il existe entre les peuples, n'a jamais réussi à se mettre en place entre les gouvernements".
Il serait plus judicieux, selon elle, de "placer la relation là où elle pourrait être la plus utile et la plus fructueuse", à savoir, dans les domaines du commerce, des investissements, du transfert de technologie, de l'éducation et de la science ... "au grand bénéfice de l'Algérie et des Algériens, au lieu de rester à attendre et espérer un climat ou un traité d'amitié".
Elle a estimé que "ce serait peut-être le début de relations plus lucides sur les uns et les autres avec un président français qui s'est dit normal et qui veut sans doute des relations juste normales avec l'Algérie et non plus exceptionnelles ou spéciales".
Le président français, François Hollande, effectuera le 19 et le 20 décembre, une visite de travail de deux jours en Algérie.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)