La déclaration de
la chancelière allemande devant le Congrès américain ou la sémantique au
secours d'Israël
La déclaration
lue par la chancelière allemande, le 3 novembre dernier, devant le Congrès
américain explique très exactement pourquoi la problématique du Proche-Orient -
avec à son centre la question palestinienne - est dans l'impasse la plus
totale.
A la lecture de cette déclaration, on ne peut
qu'être frappé en effet par l'absence de toute comparaison, fût-elle implicite,
entre deux situations, pourtant fortement analogues engendrées, l'une, par le
rideau de fer soviétique qui a divisé l'Allemagne pendant près d'un
demi-siècle, et l'autre, par le mur israélien qui a transformé ce qui reste du
territoire palestinien d'avant 1967 (un peu moins de 60%) en parcelles isolées
les unes des autres, ce qui condamne les Palestiniens qui y vivent à une
assignation à résidence permanente ou, au prix d'humiliantes tracasseries
administratives, à l'accomplissement d'épuisants détours alors que, bien
souvent, les proches à qui ils veulent rendre visite habitent de l'autre côté
du mur de séparation, à quelques centaines de mètres seulement de ce dernier.
Les Allemands ont durement souffert d'une situation pareille.
Il est tout aussi remarquable de constater
que le paragraphe consacré aux droits de l'homme - et dans lequel il est
affirmé avec force qu'aucune violation délibérée n'en sera tolérée - ne
contient pas de référence au rapport Goldstone rendu public récemment. Ce
rapport est pourtant accablant : le blocus de la bande de Gaza, imposé par
Israël dès le printemps 2006, a eu des conséquences dévastatrices sur la santé
morale et physique des Gazaouis, de leurs femmes et de leurs enfants surtout,
dont le martyre se poursuit encore, étant donné que le blocus n'a pas été levé
à la fin des offensives aéronavales et terrestres qui ont duré, elles, du 27
décembre 2008 au 18 janvier 2009. L'armée israélienne a utilisé des bombes au
phosphore blanc qui s'incruste dans la peau des victimes en y occasionnant
d'horribles brûlures, ainsi que des balles à uranium enrichi ou non qui ne
laissent aucune chance de survie. Des hôpitaux, des écoles, des mosquées et des
lieux de rassemblement de civils affolés ont été pris pour cibles, entraînant
la mort de près de 1500 d'entre eux.
Il ne s'agit en aucune manière de morts
collatérales, mais de meurtres programmés par l'état-major israélien avec
l'aval de son gouvernement et exécutés de sang-froid par son armée. Après une
enquête approfondie (les modalités en sont expliquées dans le détail), le juge
Goldstone et ses deux collègues en sont arrivés à la seule conclusion qui
s'impose : il y a bien eu à Gaza une violation massive et délibérée des droits
de l'homme ainsi que des crimes en série dont la somme constitue un crime
contre l'humanité.
Le parti pris de
l'Occident pour Israël : l'holocauste, la Bible et le rejet d'une altérité
menaçante
Faut-il s'étonner
de ces omissions ? En réalité, la déclaration de madame Merkel devant le
Congrès américain est emblématique du discours des pays occidentaux qui excelle
dans les non-dits et la litote toutes les fois qu'il se réfère à la politique
annexionniste et aux crimes de l'Etat hébreu. Le supplice de tout un peuple et
son enfermement lorsque c'est Israël qui les impose et les Arabes qui les
subissent, ne suscitent ni la même émotion ni la même indignation. C'est que,
l'Allemagne au premier degré, mais aussi tous les pays occidentaux sans
exception qui, par collusion, passivité ou impuissance, n'ont pas fait barrage
au nazisme, cultivent un très fort complexe de culpabilité à l'égard de l'Etat
juif. Il en résulte ceci qu'ils ont fondé leur politique au Proche Orient sur
le mythe que les souffrances passées du peuple juif rendent ontologiquement
impossible que la victime d'hier se transforme en bourreau aujourd' hui et
recourt aux méthodes dont elle a elle-même souffert. A cela s'ajoute,
s'agissant des Etats-Unis d'Amérique, l'existence d'un puissant courant
fondamentaliste protestant fortement imprégné d'une lecture littérale de
l'Ancien Testament, notamment en ce qui concerne le retour à la terre promise
d'un peuple qui se dit l'élu de Dieu. Ce courant est appelé parfois sionisme
chrétien.
Voilà pourquoi le lobby juif à travers le
monde et les amis d'Israël, pays occidentaux en tête, se mobilisent toutes les
fois que ce mythe est contredit par les faits.
La déferlante des réactions au rapport
Goldstone est significative à cet égard. Elle s'est développée ainsi : nouvelle
campagne de dénigrement, encore plus virulente que les précédentes, mettant en
cause la crédibilité du Conseil des droits de l'homme du fait de la présence en
son sein d'Etats qualifiés d'antidémocratiques ; manoeuvres visant à
discréditer Richard Goldstone lui-même. Pourtant, ce juge, de nationalité
sud-africaine et de confession juive, n'a jamais dérogé à ses principes et a
affirmé haut et fort, parfois au péril de sa vie face au régime de l'apartheid,
la primauté du droit et de la justice sur la force et l'oppression ; vives
pressions de la diplomatie américaine sur le président de l'Autorité palestinienne
qui a fini par céder et accepter le report pour 6 mois de la session du Conseil
consacrée à l'examen du rapport.
La saisine du Conseil de sécurité des Nations
unies à l'initiative des pays arabes a des chances minimes d'aboutir à cause du
veto américain qui, dans ce cas précis, s'imposera pour les considérations
stratégiques habituelles, mais aussi pour la similitude des positions
concernant la Cour pénale internationale, dont Washington et Tel Aviv n'ont pas
ratifié les statuts en raison de la forte présence de leurs troupes
d'occupation à l'étranger. Tout laisse à penser par conséquent que les
assassins de Gaza, commanditaires et exécutants, seront assurés de l'impunité,
ce qui les encouragera à récidiver indéfiniment.
Le parti pris pour Israël se nourrit pour une
large part aussi de l'islamophobie qui est revenue en force en Occident. Aux
USA, l'islam est perçu à travers le prisme réducteur des thèses de
l'orientaliste d'origine anglaise, Bernard Lewis, qui se résument à ceci que
l'Orient est possédé par une fureur (rage en anglais) d'avoir été supplanté par
l'Occident et qu'il n'aura pas de cesse qu'il n'ait pris sa revanche. Les
attentats du 11 septembre 2001 ont été exploités comme une sanglante
confirmation de ses thèses. Ils ont donné lieu à des amalgames entre l'islam,
qui est une religion, et l'islamisme, qualifié parfois de radical alors qu'il
ne peut être que cela puisqu'il s'agit d'une doctrine politique de conquête du
pouvoir par la force à la suite du démantèlement de l'Empire ottoman après la
Première Guerre mondiale et qui n'a fait que se durcir au fil des échecs du
nationalisme arabe au double plan intérieur et extérieur.
L'islam est ainsi perçu comme la cause
principale du terrorisme et le djihad comme une appel au meurtre puisqu'il est
détourné de son sens purement défensif : je défends ma foi contre toute
agression et je me défends contre les tentations du mal. Ce dernier Djihad,
appelé majeur, est l'effort sur soi visant à préserver son intégrité morale.
Les néo-conservateurs, sous l'administration Bush, ont fait de ces schémas
réducteurs les fondements de leur politique extérieure au Moyen-Orient, dont
les axes principaux sont la guerre préventive (tuer dans l'oeuf toute menace
potentielle) et ses deux pendants : imposer la démocratie et encourager, au
besoin par la force, l'adaptation de l'islam aux exigences de la modernité et
de la laïcité. On sait ce que cette politique a provoqué comme désastres en
Irak et en Afghanistan.
L'initiative du
président Obama de tendre la main au monde musulman est une évolution
intéressante, mais faut-il encore qu'elle soit sous-tendue par une politique
volontariste visant à créer au sein de l'opinion publique américaine un courant
d'opinion porteur d'une autre manière de voir l'islam et ses fidèles. Pour
l'instant, rien ne permet de penser que les choses évoluent en ce sens : les
néo-conservateurs sont toujours aussi influents et l'enseignement de la langue
arabe et de la civilisation musulmane reste le parent pauvre du système
éducatif américain. Il est fort à craindre par conséquent que le concept de
choc des civilisations (lancé au demeurant par Bernard Lewis et non par Samuel
Huntington, comme on le croit souvent) prévaudra, pour longtemps encore, sur
celui de dialogue des civilisations préconisé par le président américain et,
avant lui, par quelques gouvernements et intellectuels arabes et européens.
L'islamophobie en Europe a ses doctrinaires
et ses exaltés. Elle a des racines anciennes et s'est perpétuée à travers les
siècles en prenant diverses formes. De nos jours, elle a tendance à
s'intensifier en raison de la présence de fortes minorités musulmanes sur le
sol européen. Les élucubrations haineuses d'Oriana Fallaci ou de Michel
Houellebeq et les dessins d'un caricaturiste danois assoiffé de
sensationnalisme ne peuvent pas laisser indifférent. Car, au-delà de leur
outrance provocatrice, ils renvoient à la thèse exprimée à Ratisbonne en 2006
par le Pape (« chef d'Etat-conscience », comme l'a appelé un correspondant du
journal libanais L'Orient-Le Jour), à l'occasion d'une conférence restée
célèbre par la polémique qu'elle a suscitée. Benoît XVI a déclaré en substance
ceci : que la violence serait consubstantielle à l'Islam, ce qu'elle ne serait
plus au christianisme qui s'est imprégné de rationalité grecque. Ils renvoient
aussi à l'opposition, affirmée haut et fort au nom de la spécificité
judéo-chrétienne, à une adhésion de la Turquie à l'Union européenne. La froide
réflexion apporte ainsi sa sanction à l'invective, avec pour résultats la
ghettoïsation des banlieues, la discrimination ouverte ou larvée pour l'accès à
l'emploi et au logement, l'exclusion en un mot qui ne laisse d'autre choix que
le communautarisme qui fait déjà et fera de plus en plus l'objet d'une
instrumentalisation politicienne qui vise à étouffer un courant d'opinion,
minoritaire il est vrai, qui milite en faveur d'un multiculturalisme fécond.
Le parti pris occidental pour Israël,
expression à la fois de problèmes de conscience nés d'un passé qu'on refuse de
laisser passer et d'une « théologisation » du politique propre aux USA, se
trouve ainsi consolidé, voire justifié par la perception que le monde musulman
dans son ensemble constitue une source d'instabilité interne et une menace pour
les relations internationales. Dans ce contexte, Israël apparaît comme un allié
porteur de valeurs communes et sujet à des menaces provenant d'un ennemi
commun. Jamais l'adage populaire selon lequel l'ennemi de mon ennemi est mon
ami n'a été aussi lourd de sens pour la paix au Proche-Orient et dans le monde
qu'en ce début du 21ème siècle.
La perception des
pays arabes et musulmans : halte à l'agression et non pas aux Lumières
Telle est en tout
cas la perception de l'opinion publique dans les pays arabes et musulmans,
celle de la rue, comme la désignent certains commentateurs occidentaux pour
envoyer le message subliminal de foules grouillantes et versatiles, tout comme
celle des gouvernements, y compris ceux qui se sont soumis aux exigences de la
realpolitik. Tous voient cette alliance inconditionnelle comme la cause
principale, sinon unique de leurs malheurs qu'ils replacent tout naturellement
dans le contexte historique d'une longue suite d'agressions à leur encontre par
un Occident arrogant et sans scrupule: massacres perpétrés au cours de la
première Croisade par des bandits sans foi ni loi et une noblesse dépravée ;
«reconquista» impitoyable d'Isabelle la Catholique et de Gimenez, son sinistre
séide ; guerres de conquête et d'occupation coloniales sans repentance à ce
jour ; bombardements massifs de l'Afghanistan sans souci de leurs multiples
effets collatéraux ; répression sanglante de l'irrédentisme tchétchène ;
carnage au Liban avec l'aval et sous la supervision d'un boucher devenu par la
suite chef de gouvernement ; duplicité de l'ancienne puissance coloniale et de
son subrogé au Sahara Occidental ; crime contre l'humanité enfin en Palestine
occupée pendant plus de six décennies au nom du « grand Israël », objectif
déclaré ou à peine dissimulé de tous les gouvernements israéliens de droite ou
de gauche qui se sont succédé depuis la création de l'Etat hébreu. Le tout
enrobé cyniquement d'un arsenal sémantique par lequel on présente les faits de
résistance comme des actions terroristes et le terrorisme d'Etat comme
l'exercice du droit de légitime défense. Alors oui, la fureur est bien là, sans
cesse renouvelée, mais non pas à cause d'une prétendue frustration née d'une
perte d'influence dans le monde au profit de l'Occident et qui serait marquée
au fer rouge dans la mémoire collective des musulmans. Cette façon de présenter
les choses donne le beau rôle à l'Occident, occulte ses turpitudes et l'amène à
prétendre qu'il est rejeté pour ses valeurs et non pour sa conduite. Cet énorme
mensonge sert de fondement à la doctrine du choc des civilisations dont les
champions veulent, à force de matraquage médiatique, qu'elle devienne une
prophétie auto-réalisatrice (self-fulfilling prophecy), pour reprendre le
sociologue américain William I.Thomas.
Ce ne sont pas les Lumières qui posent
problème au monde musulman, mais bien tout à la fois la volonté de puissance de
l'Occident ; l'arrogance avec laquelle il refuse de se repentir pour les crimes
qu'il a commis pendant la période coloniale au nom de son idéologie
conquérante, ou de nos jours, en celui de l'émancipation universelle ; son
attitude d'éternel donneur de leçons ; sa volonté déclarée d'imposer la
démocratie et la réforme de leur religion aux peuples musulmans et enfin et
surtout son attitude vis-à-vis d'Israël.
Un code de bonne
conduite, pourquoi faire ? L'immuable bonne conscience de l'Occident
L'Occident doit
rompre avec cette conduite s'il veut gagner la confiance des pays musulmans,
arabes en particulier, qui sont pour lui, comme il est pour eux, d'une
importance stratégique vitale. Loin d'amoindrir, la repentance grandit et, sans
apporter l'oubli, peut contribuer à l'apaisement des mémoires concurrentes et
permettre de nouveaux départs. La démocratie n'est pas un kit dont il suffit
d'appliquer le mode d'emploi pour qu'elle se mette à fonctionner. Les
nécessaires évolutions doivent suivre leur cours normal, sans doute long et
plein d'embûches, mais dans lequel toute ingérence aurait un effet inverse
dangereusement imprévisible. Quant à l'islam, il est vécu de façon tranquille
par l'immense majorité de ses fidèles, qui rejettent catégoriquement et les
dévoiements de ses manipulateurs de tout bord et les interprétations
contextuelles de ses nouveaux penseurs. C'est cette majorité-là et elle seule
qui entreprendra des réformes si elle en ressent la nécessité en s'inspirant au
besoin des réflexions des derniers nommés. Aucun musulman enfin, où qu'il soit
dans le monde, ne peut comprendre que l'Occident, si sensible à la persécution
du peuple juif, soit d'une telle indifférence devant celle du peuple
palestinien et n'impose pas une paix durable parce que juste au Proche-Orient.
L'Occident saura-t-il se plier à ce code de
bonne conduite ? Rien ne permet malheureusement de l'espérer. L'effondrement du
communisme en 1989 n'a fait que renforcer la propension au nombrilisme et à
l'ingérence. Celle-ci est présentée désormais comme un devoir que dicte la
nécessaire promotion des valeurs occidentales dans le monde et qui dispense ses
auteurs de l'obligation de repentance ou de réparation. L'Occident triomphant
persiste et signe. Il vient de revendiquer haut et fort la légitimité de son
invasion en Irak. Il envoie d'importants renforts en Afghanistan. Il accentue
ses pressions pour que l'Iran ne produise pas la bombe atomique, dont Israël
détient une centaine d'exemplaires. Ne tirant pas les enseignements de
l'histoire, il a réactivé en d'autres termes la politique de la canonnière.
Israël et la
politique du fait accompli
Cet
interventionnisme est par contre inexistant dès qu'il s'agit d'Israël, ce qui
témoigne à la fois d'un manque de volonté politique de s'impliquer sérieusement
dans la recherche d'une solution globale au Proche-Orient et d'une impuissance
à exercer des pressions sur Israël pour l'obliger à se conformer à la légalité
internationale. Manque de volonté politique car, nous l'avons vu, dans ce
conflit qui oppose juifs et Arabes, l'Occident se sent en phase avec les
premiers à cause de l'holocauste et de la Bible au détriment des seconds qui
représentent pour lui-même, depuis des temps immémoriaux, une altérité
menaçante. Impuissance, car il a joué à l'apprenti sorcier en créant un Etat
qui a fini par devenir autiste à force d'impunité et reste sourd à ses moindre
objurgations. En réalité, Israël fait très exactement ce qu'il veut. Un
militant israélien du mouvement «Paix maintenant» a remarqué, il y a quelques
années déjà, que si l'on se concentre sur les actions d'Israël plutôt que sur
ses déclarations, on ne peut qu'en retirer la conviction qu'Israël ne veut pas
d'un Etat palestinien. La longue succession de faits accomplis qui marque
l'histoire d'Israël jusqu'à nos jours lui donne entièrement raison. L'annexion
de la partie orientale de Jérusalem et sa judaïsation maintenant quasiment
achevée ; la poursuite de la colonisation sur la rive occidentale du Jourdain ;
le moratoire « concédé » par le chef du gouvernement israélien et qui n'est
rien d'autre qu'une manoeuvre destinée à fixer l'attention sur le gel des
colonies et à faire oublier que c'est la colonisation elle-même qui contrevient
à la légalité internationale : tout cela indique clairement en effet que l'Etat
hébreu n'a rien abdiqué de son ambition démesurée de réaliser le « grand »
Israël, c'est-à-dire d'occuper toute la Palestine telle qu'elle existait avant
la guerre de 1967 et de forcer à l'exil, comme il l'a fait en 1948, les
autochtones, y compris ceux qui se sont naturalisés Israéliens.
Avec le recul, on se rend compte maintenant
que les prémices de ce regain d'annexionnisme étaient contenues dans la
résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, dont les ambiguïtés
volontaires du texte original anglais ont permis d'introduire la notion de «
rectifications mineures » des frontières de 1967 et de donner ainsi un semblant
de couverture légale à la poursuite de l'annexion aussi longtemps qu'un accord
n'aura pas été conclu. D'où ce statu quo prolongé indéfiniment par Israël avec
la compréhension, voire le soutien actif de ses alliés.
La
représentativité incontestable de l'Autorité palestinienne
Les Palestiniens sont
de la sorte pris en étau entre l'Etat hébreu et ses parrains. L'un multiplie
les faits accomplis, les autres les mises en garde contre toute tentative
d'entreprendre quoi que ce soit qui puisse dissuader les Israéliens de
s'asseoir à la table des négociations. C'est pourtant très exactement ce à quoi
s'astreint l'Autorité palestinienne depuis l'élection du président Mahmoud
Abbas, dont la ligne d'action, fondée principalement sur la paix avec Israël,
vient de recevoir un appui populaire sans précédent. Le 6ème congrès du Fatah
(août 2009) a choisi en toute démocratie ses nouveaux dirigeants, qui sont plus
jeunes, intègres, compétents et, de surcroît, pour la plupart d'entre eux,
natifs ou résidents depuis des années de Gaza ou de la rive occidentale, et qui
ont par conséquent une représentativité incontestable. Sous la direction d'un
nouveau Premier ministre, diplômé d'une université du Texas et ancien
représentant permanent du FMI à Gaza et sur la rive occidentale où il est né,
l'Exécutif palestinien a mis fin aux divisions internes, s'est attaqué
sérieusement au problème de la corruption, relancé l'économie qui attire de
plus en plus d'investissement et enfin rétabli l'ordre, en étroite
collaboration, par la force des choses, avec l'armée israélienne en menant la
vie dure aux militants du Hamas, tout en épargnant ses dirigeants dans l'espoir
de compromis ultérieurs.
La solution des
deux Etats : oui mais pour quel Etat palestinien ?
L'Autorité
palestinienne donne ainsi des gages de bonne gouvernance et l'argument de sa
non-représentativité avancé pour justifier le gel du processus des négociations
tombe de lui-même : c'est désormais un interlocuteur valable dépositaire d'un
mandat populaire qui est celui de faire la paix avec Israël.
Mais qui peut encore croire que son appel
sera entendu ? Israël n'est pas prêt à renoncer à la colonisation rampante dont
les petites doses répétées ont en quelque sorte mithridatisé l'opinion publique
internationale, qui ne réagit plus que très mollement à chacune de ses avancées.
Par ailleurs, en rejetant catégoriquement et quasi simultanément la récente
proposition palestinienne de replacer les négociations dans le cadre de l'ONU,
les Etats-Unis d'Amérique et l'Union européenne ont encouragé Israël à
persister dans son refus de se sentir lié par la résolution 242, qui reste pour
les Palestiniens et tous les pays arabes le texte de référence puisqu'il a été
voté par les cinq membres du Conseil de sécurité. Le pouvoir de négociations
des Palestiniens est très faible. Divisés, sans appui qui compte dans la
communauté internationale, leur nouvelle représentativité ne pèse pas lourd
dans la balance. Leur sort sera donc ce que voudront les puissants de ce monde,
et comme ceux-ci ne veulent ni ne peuvent imposer quoi que ce soit à Israël,
alors ils dépendent du bon vouloir de ce dernier.
La raison voudrait que le peuple d'Israël
tende la main au peuple de Palestine et lui propose de bâtir un avenir commun
qui ne peut être que radieux, car les deux peuples, qui ont souffert et connaissent
la valeur de la paix, sont intelligents et travailleurs et leur fédération
aurait un effet d'entraînement pour toute la région qui deviendrait un exemple
de stabilité et de bonne gouvernance économique.
Mais le vertige de la puissance, cette
dialectique du pouvoir qui ne connaît plus ses limites, poussera Israël au
pire, c'est-à-dire soit à l'annexion totale, soit, dans la meilleure des
hypothèses, à la création d'un mini-Etat, qui n'aurait pas la partie orientale
de Jérusalem pour capitale ; dont l'unité géographique serait assurée par
l'inclusion de colonies en échange de superficies équivalentes de terres non
colonisées ; qui aurait tous les attributs de la souveraineté sauf en ce qui
concerne la sécurité qui resterait sous contrôle israélien ; qui serait enfin
séparé d'Israël par un mur.
Personne ne pourrait décider à la place des
Palestiniens si la deuxième option était mise sur le tapis. Et surtout pas une
fratrie donneuse de leçons mais peu soucieuse de mettre ses énormes moyens au
service de la cause palestinienne. En ce qui concerne Gaza, l'option des
Israéliens est claire : anéantir Hamas. Et comme Hamas a une légitimité
populaire, il faut anéantir les Gazaouis. Un autre crime contre l'humanité est
en cours de préparation. Il se matérialise par un mur, encore un autre,
construit avec un financement occidental à l'initiative et sous la supervision
des deux voisins de l'est et de l'ouest pour boucher de façon hermétique les
galeries souterraines et empêcher la circulation de produits alimentaires et de
médicaments. L'arme de destruction massive est cette fois-ci la famine qui
décimera des innocents, dont le seul crime est d'être nés là où il ne fallait
pas.
Victoire totale d'Israël et de ses alliés ?
Non, le début de leurs malheurs. Car, dans la mémoire collective des
Palestiniens, de génération en génération, jusqu'à la fin des temps, il y aura
un seul mot, marqué au fer rouge : vengeance.
*Ambassadeur
d'Algérie en Afrique du Sud
Les opinions
exprimées par l'auteur ne reflètent pas nécessairement celles de son
gouvernement.
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Posté Le : 24/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mourad Bencheikh *
Source : www.lequotidien-oran.com