Algérie

Mange et tais-toi !


Mange et tais-toi !
Mange et tais-toi !
Par Hakim Laâlam

Ouverture des frontières. Rabat obtient enfin gain de
cause ! Elles ont été ouvertes. Dans le sens retour. Du…

… Gabon vers le Maroc !

A Bouira, Abdelaziz Belkhadem, l’actuel gérant du FLN, a prononcé une phrase sur laquelle nous aurions tort de ne pas nous arrêter. S’exprimant sur le retrait du MSP de l’Alliance présidentielle, l’Empastillé a dit ceci, au mot près, traduction assurée par un bureau de traducteurs assermentés et non membres du Front : «Si la viande est haram, alors la sauce qui l’accompagne aussi !» Bien évidemment qu’il est fait ici allusion à l’opportunisme de Soltani qui claque la porte de l’Alliance, mais garde bien au chaud ses ministres dans le gouvernement. Cela, nous l’avons bien compris, et nous n’avions franchement pas besoin de l’éclairage du «barbu des chalets d’El Mouradia» pour nous l’expliquer. Non ! Ce qui m’a le plus éberlué dans cette déclaration, c’est l’imagerie choisie. Celle de la bouffe ! De la boustifaille ! De la herg’ma ! La viande et la sauce, voilà l’argumentaire politique d’Abdelaziz 2 ! Et c’est édifiant si cet homme, icône du système dans ce qu’il a de plus repoussant, symbole de l’échec de la modernité dans ce pays, estampille quasi officielle du monothélisme étatique et structurel, a recours à des métaphores de banquets gargantuesques pour exprimer ses opinions partisanes. Eh oui ! Car il ne s’agit que de cela dans la logique de gens comme lui ! De Makla ! De bouffe. De plats à se servir, à partager et à avaler. Un banquet où les convives doivent bien se tenir. Doivent se tenir, pour être plus précis. Donc, pas question que l’un des présents à la table se lève de manière intempestive, la quitte et crache dans la grasse soupe si généreusement servie. L’Algérie des «fouilleurs de poubelles» appréciera le niveau d’une telle imagerie, d’un tel argumentaire ! L’Algérie des émeutes, de la colère sociale paremente, des hôpitaux mouroirs et des fins de mois devenues impossibles pour les smicards, mesurera à sa juste proportion cette manière de voir la pratique de la politique, ainsi que celle de la gestion d’un pays. La viande et la sauce ! Le partage coquin de la rente ici symbolisé par la victuaille mafieusement dispatchée et autour de laquelle la seule règle valable et autorisée est celle de la mastication silencieuse. Si tu bouffes en silence, si tu rotes aux décibels permis, et si tu dis «Alhamdoulillah» comme décrété licite de le dire, ça va ! T’es des nôtres ! Sinon, su tu enfreins une de ces règles de l’orgiaque repas, tu n’es plus des nôtres et tu es excommunié. C’est tout simplement dégoûtant. Dans le sens politique, bien sûr. Car de gastronomie, je me garderais bien d’en parler avec un empastillé. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
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