Algérie

Mandat d'arrêt contre le président soudanais: La décision de la CPI suscite la polémique



Occidentaux contre reste du monde. C'est, avec quelques nuances près, le résumé des réactions internationales après le lancement, mercredi dernier, d'un mandat d'arrêt par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar Al Bachir pour crimes de guerre au Darfour. Pour de nombreux pays africains, la décision de la CPI constitue une menace réelle de faire avorter le laborieux processus de paix au Darfour en braquant les protagonistes sur place. L'Union Africaine et la Ligue arabe ont annoncé leur intention de saisir le Conseil de sécurité en vue de suspendre la procédure contre Omar Al Bachir. Le Soudan qui a énergiquement rejeté la décision de la CPI, qu'il a qualifiée de « politiquement motivée » et qui donne un «mauvais signal» à la rébellion, a réagi immédiatement en ordonnant à 13 organisations humanitaires, principalement anglo-saxonnes, de quitter le pays.

Devant des manifestants rassemblés à Khartoum, le président soudanais a affirmé que les « les véritables criminels sont les leaders des États-Unis et de l'Europe» et a dénoncé un «complot» visant à déstabiliser le Soudan. «Cela fait vingt ans que nous sommes sous la pression du néocolonialisme et de ses instruments comme la CPI, le Conseil de sécurité des Nations unies et le Fonds monétaire international », a-t-il déclaré. Les occidentaux ont focalisé sur les expulsions des ONG. Le secrétaire général de l'Onu s'en est fait le porte-parole en appelant Khartoum à réexaminer sa décision en estimant que le départ des ONG causerait «des dégâts irrévocables aux opérations humanitaires dans la région». Khartoum affirme que les fonctions que les ONG assumaient seraient prises en charge par d'autres ONG et par le gouvernement lui-même. En appelant de manière faussement naïve le Soudan à « collaborer » avec la CPI, les Etats occidentaux ont conforté à Khartoum le sentiment que le mandat d'arrêt était une incitation au parti au pouvoir de se défaire d'Omar Al Bachir. L'expulsion des ONG que le gouvernement suspecte, à tort ou à raison, de travailler avec les gouvernements de leur pays, apparaît comme une réplique aux occidentaux. Certaines de ces ONG, comme Médecins Sans Frontières ou Oxfam, se défendent de travailler avec la CPI et les gouvernements occidentaux et s'alarment des conséquences de la mesure sur la population. Pour le Soudan, ces ONG « ont violé les lois et n'ont pas respecté leur mandat ». Le Conseil de sécurité devait se réunir, hier vendredi, pour débattre de l'expulsion des ONG. Certains pays occidentaux entendent faire de l'expulsion des ONG une nouvelle charge pour « crimes contre l'humanité » contre le président soudanais.

Un diplomate libyen a indiqué que sa délégation à l'Onu allait saisir le conseil de sécurité des requêtes de la Ligue arabe et de l'Union africaine, qui veulent débattre avec l'Onu d'une suspension de la procédure lancée par la CPI contre Omar Hassan Al Bachir. Mais à l'évidence la cassure nette, occident contre le reste du monde, entraînera une paralysie du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine ayant exprimé leur rejet du mandat d'arrêt contre le président Al Bachir. Outre l'Union Africaine, de nombreux pays africains, dont l'Afrique du sud, l'Algérie, se sont insurgés contre la décision de la CPI en mettant en exergue les risques réels que cela comporte pour le processus de paix. Outre cette appréhension des conséquences du mandat d'arrêt sur le processus de paix au Soudan, beaucoup ont relevé que la justice internationale focalise singulièrement sur les pays africains. Le président sénégalais Abdoulaye Wade l'a relevé en constatant que les procédures en cours ne concernent que des Africains alors que des criminels non Africains en réchappent. La rébellion au Darfour considère en effet que la décision de la CPI légitime son action. Le conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a officialisé son intention de «poursuivre les démarches entamées auprès de la communauté internationale et surtout du Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il interrompe le processus engagé». Le Conseil a également demandé à Khartoum de « continuer dans la voie dans laquelle il s'est engagé et surtout de garder une certaine retenue face aux événements. » Il est clair que l'affaire constitue un risque réel de faire déraper le processus en cours au Soudan. Le mandat d'arrêt de la CPI, qualifié « d'aussi spectaculaire qu'inutile » par l'ancien président du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, Antonio Cassese, porte de sérieux problèmes d'applicabilité. De nombreux Etats africains voisins du Soudan ont annoncé qu'ils n'en tiendraient pas compte. A moins d'organiser une opération, par les services de renseignements occidentaux pour éventuellement détourner un avion d'Omar Al-Bachir, la décision n'aura aucun effet. Les occidentaux tablent sur un retournement au sein du pouvoir contre le Président soudanais. En expulsant les ONG, qu'il suspecte de travailler pour les Etats occidentaux, le chef de l'État soudanais signifie qu'il prend la menace au sérieux. L'affaire n'en est qu'à ses débuts. Les occidentaux qui aiment se présenter comme étant l'incarnation de la communauté internationale peuvent constater qu'une grande partie des Etats du monde ne partage pas sa vision d'une justice internationale à géométrie variable.




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