Au lendemain de la chute de la troisième et grande ville du nord malien,
Tombouctou, la situation est devenue pratiquement ingérable dans un pays
menacé, dans les prochains jours, d'une catastrophe humanitaire. L'embargo
total décrété, lundi, par les chefs d'Etat de la Cedeao contre la junte au
pouvoir a provoqué, hier mardi, une ruée vers les stations d'essence et les
magasins d'alimentation à Bamako, alors que l'avancée inexorable vers le sud de
la rébellion, puissamment armée, menace directement la stabilité du pays et
augure de lendemains incertains.
La situation a en fait échappé dès le début aux putschistes du 22 mars
qui ont, mardi, au lendemain de la décision de la Cedeao de décréter un embargo
total, «pris acte» de ces sanctions, et ont rappelé cependant que «l'urgence
est le recouvrement de l'intégrité territoriale «après l'avancée de rebelles
touareg et de groupes armés dans le nord.
Dans un communiqué publié lundi soir, le chef de la junte militaire, le
capitaine Amadou Sanogo, «informe qu'il prend acte des résolutions du sommet
extraordinaire» des chefs d'Etat ouest-africains, qui s'est tenu le jour même à
Dakar. Mardi, une délégation dépêchée au Nigeria par la junte malienne avait
rencontré les autorités nigérianes pour expliquer quelle est la situation au
Mali, a déclaré devant des journalistes l'un des trois membres de cette
délégation, le colonel Blonkoro Samake. «Nous sommes venus en mission pour
informer les autorités nigérianes de la situation au Mali», a-t-il déclaré
avant une réunion avec le chef de la diplomatie nigériane, Olugbenga Ashiru. La
situation sur le terrain empire par ailleurs et évolue très vite, avec des
informations qui font état de vastes mouvements armés se dirigeant vers la
ville de Mopti, au sud de Tombouctou.
Selon le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt, des
groupes armés avaient été signalés «autour de Mopti». «Il y avait en tout cas
des mouvements autour de Mopti. Aujourd'hui, compte tenu de ce que l'on sait de
la situation militaire sur le terrain, je ne vois aucun secteur géographique
sur lequel l'armée malienne serait susceptible de stopper l'avancée des
rebelles», a souligné M. de Raincourt. Des centaines d'habitants de Mopti
(centre) et de ses environs, incluant des militaires et leurs familles, ont
quitté leurs domiciles dès lundi, craignant l'avancée des rebelles, ont indiqué
des témoins.
A Tombouctou, la situation reste confuse, selon des témoignages. Le MNLA,
qui a pris la ville, en a été vite chassé par Ansar Eddine, mouvement également
touareg mais allié aux groupes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Iyad Ag
Ghaly, chef d'Ansar Eddine, «est venu ce matin avec cinquante véhicules. Ils
ont pris la ville, chassé les gens du Mouvement national de libération de
l'Azawad (MNLA)), qui étaient là, ont brûlé le drapeau du MNLA et ont mis leur
drapeau au camp militaire de la ville», a affirmé Moussa Haïdara, caméraman,
qui a filmé l'entrée dans la ville de Iyad Ag Ghaly.
Selon l'agence d'information en ligne mauritanienne, Al-Akhbar, «des
forces d'Aqmi ont investi dimanche soir la ville de Tombouctou, avec 50
véhicules surarmés». L'un des chefs d'Aqmi, «Yahya Abou Al-Hammam, est entré
dans la ville et fait de l'ancien état-major» de l'armée malienne «dans la
ville son Quartier Général». «Désormais, les drapeaux d'Aqmi flottent sur
l'état-major et partout dans le reste de la ville», ajoute Al-Akhbar. Des
sources concordantes citées par l'AFP ont indiqué qu'un autre chef d'Aqmi,
Mokhtar Belmokhtar alias Abou Zeid, se trouvait lui aussi à Tombouctou.
Des scènes de vandalisme ont aussi été constatées dans les régions
tombées aux mains de la rébellion et une banque a été dynamitée lundi à Gao où
les vivres commencent à manquer, selon des témoins. Les hommes d'Ansar Eddine
ont clairement annoncé leur intention d'appliquer la charia dans tout le Mali,
le MNLA, mouvement laïque, souhaitant, lui, créer un Etat touareg dans le nord
du pays. Face à ces dangereux développements de la situation au Mali, le
Conseil de sécurité de l'ONU se réunira mardi pour tenter de trouver une solution
à une crise qui risque d'embraser tout le Sahel. Cette réunion a été décidée
sur demande de la France, dont plusieurs ressortissants sont détenus par Aqmi
au Mali.
S'agissant des Algériens établis au Mali, au nombre de 200 personnes, le
ministère des Affaires étrangères a indiqué hier qu'ils ne sont pas directement
menacés par cette situation. Selon la même source, l'ambassade à Bamako et le
consulat d'Algérie à Gao n'ont enregistré, jusqu'à l'heure actuelle, aucune
plainte ou doléance de la part des membres de la communauté nationale établis
au Mali. En outre, le consul d'Algérie à Tombouctou a été légèrement blessé
dimanche matin lors d'incidents armés.
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Posté Le : 04/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com