Encore une perte : mardi 17 février, Malek Alloula, «poète complet», pour reprendre Amin Zaoui, décède à Berlin.«Quelques jours après le décès d'Assia Djebar, ce monument littéraire qui était jadis son épouse, Malek Alloula, la suit et nous laisse bouleversés.» L'écrivain Amin Zaoui, qui a connu le poète, décédé mardi dernier à l'âge de 77 ans, est encore sous le coup de l'émotion. L'homme de lettres, que ses amis décrivent «humble, timide et surtout généreux», se trouvait en résidence d'écriture à Berlin où il bénéficiait d'une bourse à l'Office allemand d'échange universitaire (DAAD).Son ami, l'écrivain Nourredine Saâdi, resté à son chevet jusqu'à son dernier souffle, nous apprend que le poète sera transféré à Oran aussitôt les démarches administratives réglées. Comme il l'a toujours souhaité, il sera inhumé à côté de son frère Abdelkader Alloula, l'homme de théâtre assassiné en 1994. «C'étaient des enfants qui se complétaient, ils avaient la même physionomie», raconte encore Amin Zaoui, qui dit les avoir fréquentés.Malek Alloula était un admirateur de Denis Diderot sur lequel il a fait son sujet de thèse à la Sorbonne : «C'était un amoureux de ce philosophe des lumières, c'est même lui qui me l'a fait découvrir, et depuis je partage sa passion, explique son ami du temps de la fac d'Alger, Mohamed Lakhdar Maougal. A Paris, on se rencontrait boulevard Saint-Germain où il y a la statue de Diderot et on prenait des pots ensemble juste en face, c'était notre folie et notre époque.»Symboles«Ils sont tous en train de mourir ! Une certaine Algérie est en train de disparaître ! Le pays s'appauvrit ! Il se vide à tout jamais, s'alarme l'écrivain Boualem Sansal. Je ressens de la douleur, voilà que les Algériens, tous poussés à quitter le pays par un régime dictatorial, sont en train de quitter la vie.» Maïssa Bey ajoute : «On ne l'a pas laissé être acteur dans sa société, comme d'autres de sa génération.C'est pour ça qu'il a été obligé de quitter le pays. Si les jeunes ne le connaissent pas aujourd'hui, comme Assia Djebar ou d'autres écrivains, c'est parce qu'ils n'ont pas été intégrés dans les manuels scolaires.» Elle souligne aussi son «nationalisme». «Nous avons travaillé ensemble sur un livre, Algérie 1951, un pays dans l'attente. Je me souviens de ses réactions et de sa sensibilité aux photos d'Etienne Sved.» L'historien Mohamed Harbi, un de ses proches amis, témoigne : «C'était un ami, un grand monsieur et un écrivain qui aurait pu aller plus loin, n'étaient les vicissitudes de la vie, dont l'exil et l'assassinat de son frère qui l'ont fait souffrir et même freiné.»Il faisait donc partie de cette «génération sacrifiée par l'Algérie indépendante», selon Mohamed Lakhdar Maougal, cette génération qui «portait beaucoup d'espoir pour le pays post-révolution, mais aussitôt l'indépendance chèrement acquise, ces brillants de leur époque ont été déçus?L'Algérie indépendante n'avait rien de ce qu'ils rêvaient, et même si on ne les a pas laissés émerger, ils ont continué à donner le meilleur d'eux-mêmes à leur patrie.» Où en est donc la relève ' «On nous a mis tellement de bâtons dans les roues qu'on n'a même pas pu libérer les chemins pour les novices, regrette Maougal. La nouvelle génération a tout le temps pour s'exprimer et s'affirmer, et ensuite porter le flambeau.»
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Posté Le : 20/02/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hanane Semane
Source : www.elwatan.com